chapitre 18 ◌ brûlure
nda : j'ai posté le chapitre 17 juste avant celui-ci, veillez à ne pas l'avoir raté ! bonne lecture <3
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Accoudée au bar de la salle de réception de l'auberge, Ophelia balaya distraitement la foule des yeux avant de porter son verre à ses lèvres. Il y avait beaucoup de monde, ce soir-là. Un quarantenaire s'était installé au piano après le passage de la jeune femme qui semblait avoir inspiré les gens à choisir ce restaurant.
— Si ça continue, la proprio va vouloir te garder ici pour toujours, ironisa Eren.
— Comme si j'allais travailler pour des Mahr toute ma vie.
Surpris qu'elle s'exprime ainsi en public, il lui lança un regard sceptique.
— Celle-là est plutôt sympa, non ?
— Demande-lui donc son avis à propos des Eldiens enfermés dans le camp de Revelio, pour voir, dit Ophelia en haussant les épaules. Profites-en pour lui parler de l'endroit où t'es né, au passage. Je me demande ce qu'elle te dirait.
Pensif, Eren s'adossa au bar à ses côtés, les mains toujours enfouies dans les poches de sa veste. Il observa un instant les visages qui l'entouraient et prit une inspiration pour se préparer à prononcer à voix basse les mots qu'il avait encore du mal à s'avouer.
— C'est pas si différent de Paradis, ici.
— À quoi tu t'attendais ? sourit-elle, peu étonnée de l'entendre faire un tel constat. Ici ou là-bas, c'est toujours habité par des humains. Le problème, c'est pas les Mahr, admit-elle après avoir marqué une pause. Le problème, c'est leur peur. Ils se font dessus rien qu'en pensant à ce qu'a été Eldia, à Paradis, à toi, indirectement. Ça les pousse à être abjects envers les Eldiens. Et au final, les Eldiens deviennent abjects envers les Mahr par vengeance. C'est infini.
— Jusqu'à ce que quelqu'un ait le pouvoir de faire quelque chose pour briser le cycle, acquiesça-t-il.
Ophelia fronça les sourcils face à sa soudaine morosité. Il accepta le verre qu'elle lui tendit sans un mot et le vida d'une traite, visiblement ailleurs. Seule la main de la jeune femme sur son bras le ramena à la réalité et à son masque impassible.
— Tu veux aller prendre l'air ? J'ai envie d'une glace, il y a un marchand juste à côté.
L'air indifférent, Eren haussa les épaules et la suivit sans un mot tandis qu'elle traversait la pièce pour rejoindre la porte de sortie. Il se garda bien de lui dire qu'il n'était pas persuadé que la laisser se balader seule était une bonne idée. Maintenant qu'il la connaissait, il se préparait toujours au pire pour ce qui était de ses agissements imprévisibles.
Dans la rue, Ophelia serra son gilet contre elle et, comme à son habitude, détailla brièvement l'attitude du jeune homme. Pour quelqu'un qui avait souvent paru préfèrer se tenir le plus loin d'elle possible, il marchait bien près d'elle désormais. Non pas plusieurs pas devant ou derrière, juste à ses côtés, si proche que leurs bras se frôlèrent à plusieurs reprises.
Ils ne s'adressèrent pas la parole durant l'ensemble du trajet. Un sourire si poli qu'on en oublierait presque tous les mensonges qu'il cachait accroché au visage, Ophelia alla s'acheter une glace et s'empressa d'en prendre un bout tout en se retournant, trop impatiente pour attendre. Son regard se posa automatiquement sur la silhouette sombre se dessinant contre les vives couleurs du ciel amenées par le déclin du soleil. Debout sur le muret, au bord de l'eau, il observait le paysage sans laisser à quiconque la possibilité de deviner ce qu'il pensait.
— Paradis te manque ? tenta la jeune femme en le rejoignant.
Elle aurait voulu pouvoir dire que l'horizon l'intéressait et qu'elle aurait aimé passer des heures à observer un magnifique coucher de soleil comme celui-ci, mais en réalité, ses yeux ne quittèrent jamais Eren et cela ne lui procura aucun regret. Peut-être était-ce l'impression qu'il était tout aussi éphémère que ce maudit paysage aux couleurs chaudes. Lui aussi disparaîtrait et la laisserait regretter de ne pas l'avoir plus admiré.
— Pas vraiment. Je me vois mal regarder les autres dans les yeux après être parti comme ça.
Son honnêteté la surprit.
— Ils comprendraient, affirma Ophelia sans hésitation. Parfois, j'ai l'impression que tu te rends pas compte de ce que tu représentes, à quel point ils tiennent à toi.
Eren ignora ces mots du mieux qu'il put. Il les détestait, ces mots. Il n'avait pas besoin de l'entendre les prononcer comme s'il ne savait pas déjà le mal qu'il allait causer. Malgré tous ses efforts, son poing se serra de lui-même et les traits de son visage se durcirent davantage avant de revenir à la normale au contact des doigts qui attrapèrent délicatement sa mâchoire pour le contraindre à baisser la tête.
La sensation d'une brûlure, il la connaissait. Pourtant, il en découvrit une autre sorte à ce moment précis. Là où elle touchait, sa peau s'enflammait. Pas jusqu'à faire mal, seulement comme l'un de ces feux doux qu'on allume en hiver pour se sentir mieux chez soi, comme une petite flamme protectrice qui l'empêcherait de mourir de froid.
— Pourquoi tu me regardes toujours comme ça ? parvint-il à questionner sans prendre la peine de se dégager de son toucher léger.
— Comment ?
— Je sais pas. Comme si...
Comme s'il y avait du bon en lui. Comme si elle voyait quelque chose qui valait la peine d'être admiré.
Son bloquage fit sourire Ophelia.
— T'es peut-être pas encore prêt pour cette conversation.
L'instant d'après, elle lâcha son visage et il eut l'impression d'être frappé par un vent anormalement froid. Il lui fallut un moment avant de se rendre compte qu'elle avait déjà fait demi-tour et qu'elle retournait à l'auberge. Déstabilisé malgré lui, Eren passa rapidement une main sur son visage en soupirant avant de la rattraper pour marcher à ses côtés. Ses courts cheveux noirs virevoltant autour de sa tête, Ophelia prit un nouveau bout de sa glace entre ses lèvres avant de se tourner vers son coéquipier pour la lui donner.
— C'est bon pour le moral, affirma-t-elle.
— Pour les enfants, peut-être.
— Ferme-la et mange cette glace avant qu'elle fonde.
Sa fierté le força à rester de marbre lorsqu'il goûta la crème glacée, pour ne pas lui prouver qu'elle avait raison. C'était mieux que ce qu'il s'était imaginé.
— Alors ?
— Ça se mange.
Exaspérée, Ophelia secoua la tête et lui envoya un léger coup de coude ennuyé dans les côtes. Sans un mot, Eren tendit le cône de glace devant son visage, s'attirant un regard perplexe. Déconcentrée, la jeune femme ne put prédire son geste et retint de justesse un hoquet de surprise lorsqu'une couche de crème glacée se retrouva étalée sur le bout de son nez.
— L'imprévisible et dangereuse Ophelia Hawk, ironisa-t-il à la vue de ses joues rougissantes.
Les lèvres entrouvertes d'indignation, elle nettoya rageusement sa bêtise et le fusilla du regard.
— Ça, tu vas me le payer, Jaeger, lâcha-t-elle.
— Je suis terrifié.
— Espèce de petit-
— Oh, vous êtes là, vous deux !
Surpris, les infiltrés tournèrent la tête en direction de l'entrée de la salle de réception de leur auberge. La vieille dame, comme ils l'appelaient, se tenait dans l'encadrement de la porte et leur adressait de grands gestes de la main pour leur faire comprendre d'approcher. Encore vexée, Ophelia se dirigea vers elle sans un regard pour Eren, qui se contenta de la suivre avec ennui tout en continuant à déguster sa glace. La voir afficher ce sourire charmant qu'il savait pourtant faux ne le surprenait plus, elle agissait ainsi dès qu'ils devaient faire la conversation avec des Mahr. Cette fois-ci, la propriétaire voulut seulement présenter Ophelia en tant que peintre du tableau accroché dans la salle, mis en valeur de par son exposition parfaite. La jeune femme accepta humblement les compliments et fit l'éloge de l'établissement tandis qu'Eren réprimait ses baillements avec difficulté.
— Magnifique ! fit la vieille dame lorsqu'une nouvelle personne se plaça au piano pour entamer une douce mélodie et que plusieurs personnes commencèrent à danser. Oh, je vous ai assez retenus comme ça, les jeunes. Vous devriez y aller aussi.
Confus, Eren fronça les sourcils et ouvrit la bouche tout en réfléchissant à une excuse pour s'éclipser quand une main familière attrapa la sienne. Le geste le déstabilisa assez pour l'empêcher d'entendre les mots qu'Ophelia adressa à celle qui pensait faire face à un adorable couple de jeunes voyageurs. Il ne parvint pas non plus à l'empêcher de le traîner jusqu'au centre de la pièce, là où plusieurs duos se laissaient déjà aller à la musique.
— Qu'est-ce que tu fais ? questionna-t-il en faisant de son mieux pour ne pas parler trop fort.
— Elle va se poser des questions si on s'en va maintenant, se justifia la jeune femme. T'as juste à faire semblant quelques minutes, Jaeger, c'est trop compliqué pour toi ?
Peu certain de ce qu'il faisait ou de la raison pour laquelle son cœur se serra aux mots « faire semblant », le brun plaça avec hésitation ses mains sur la taille de sa coéquipière qui esquissa un sourire moqueur, les siennes déjà positionnées dans sa nuque.
— Je vais finir par croire que tu as vraiment peur de moi.
Plus doué pour rester impassible qu'il l'avait été dans son adolescence, Eren parvint tant bien que mal à ne pas laisser paraître ce qu'il pensait vraiment lorsque leurs regards se trouvèrent. Il ne prêta aucune attention à la mélodie qui émanait encore du piano et la laissa le guider pour ce qui était de se balancer légèrement au rythme de la musique, longtemps incapable d'observer autre chose que les prunelles océaniques qui lui faisaient face.
— C'est vraiment obligatoire ? se plaignit-il.
En profitant pour briser le contact visuel, Ophelia jeta un coup d'œil au-dessus de l'épaule de son partenaire et haussa les sourcils.
— Vu le regard que nous lance la proprio, je dirais que oui.
Il acquiesça en silence, peu surpris par cette information. Cette vieille femme s'était vraiment prise d'affection pour eux, persuadée qu'ils n'étaient que deux jeunes aventuriers éperdument amoureux. Ce qu'ils auraient pu être dans une autre vie, peut-être. Une vie plus simple, où ils n'auraient pas à mentir pour exister ou à commettre des crimes qui les détruirait, où il lui resterait un peu plus que quelques minces années.
— Est-ce que ça va ? hésita Ophelia, certaine d'avoir perçu un changement chez lui.
— Oui, répondit-il par automatisme. Et toi ?
Le menton encore posé contre l'épaule du jeune homme, elle esquissa un sourire.
— Ça pourrait être pire.
Eren ne la contredit pas là-dessus. Quand son regard croisa à nouveau le sien, deux mondes se rencontrèrent. D'un bleu envoûtant, celui d'Ophelia était la malice et la curiosité, l'ironie qui ne la quittait jamais et l'océan en personne, mystérieux et libre de noyer quiconque s'y aventurait trop longtemps. Les prunelles émeraude d'Eren, elles, étaient l'intensité et la détermination qu'il savait capable de le mener n'importe où, la colère qui rythmait son existence et le danger lui-même. Il avait beau poser sur le monde un regard on ne peut plus vert, des flammes dansaient dans ses yeux.
— Je dois toujours me venger de ton affront de tout à l'heure, fit-elle remarquer.
La simple vue de son sourire narquois et de ses sourcils haussés suffit à lui faire regretter sa plaisanterie. Ophelia en parut d'autant plus amusée.
— Pitié, pas maintenant, râla-t-il en tournant la tête dans une direction quelconque par peur de ce qu'elle préparait.
Malheureusement pour lui, une main brûlante contre sa joue vint l'obliger à la regarder en face.
— Tu me supplies, maintenant ? le nargua-t-elle. De mieux en mieux.
— Quoi ? Non-
— Qu'est-ce que je m'apprête à faire ?
— Je te déteste.
— Menteur. Allez, essaie au moins de deviner !
Essayer de deviner ?
Comme si ce n'était pas assez évident, elle approcha un peu plus son visage du sien sans se départir de son sourire. Il eut un mouvement de recul et elle suivit, amusée.
— Quoi, t'as peur ?
— De toi ? Non, répondit-il malgré son trouble évident.
— Sûr de ça ? se moqua-t-elle, plus proche de lui que jamais.
Bientôt, Eren sentit son souffle s'échouer contre ses lèvres et ferma les yeux, luttant pour ne pas perdre de vue ses intentions. Elle était si proche. C'en était douloureux. Impitoyable et en attente d'une permission explicite, elle effleura ses lèvres des siennes sans jamais les laisser se rencontrer pour de bon. Ce simple contact leur fit presque oublier comment respirer. Il allait finir par croire qu'elle essayait de le tuer. Nier que quelques chose les reliait était désormais impossible, elle avait au moins cette confirmation.
— Alors ? soupira la jeune femme, si près que sa bouche toucha à nouveau la sienne.
Puisant dans toute sa volonté pour s'écarter, il réussit à secouer la tête avant de poser brièvement son front contre le sien, comme incapable de se défaire de tout contact d'un seul coup.
— Fais pas ça, parvint-il à articuler.
Peu surprise, Ophelia releva les yeux pour voir les siens, reflet des émotions qu'il n'expliquait pas par des mots. Elle n'y trouva aucune colère, seulement une triste frustration. Son cœur se serra dans sa poitrine.
— Dis-moi seulement que c'est pas parce que tu penses que tu ne le mérites pas, supplia-t-elle.
— Tu comprendrais pas.
— Tu me sous-estimes.
— Sûrement.
Cette réponse arracha à la jeune femme un mince sourire. Respectueuse, elle se contenta alors de poser ses lèvres contre sa joue après avoir acquiescé. La douce mélodie toucha à sa fin. À regret, Eren laissa Ophelia s'éloigner en direction du comptoir. Elle était déçue, de toute évidence.
Lui aussi.
Soudainement gelée, l'ancienne espionne chercha du réconfort dans la bouteille qu'elle réussit à dénicher en secret dans les réserves. La vieille dame ne se rendrait compte de rien, il y avait trop de monde pour qu'elle fasse attention à ce genre de choses. Non loin de là, Ophelia vit son colocataire rejoindre l'étage, visiblement moins calme qu'il y a tout juste quelques minutes. Il s'isolait. Encore.
À ce constat, elle soupira d'agacement et prit une longue gorgée d'alcool avant de secouer la tête. Elle avait beau y réfléchir, elle ne comprenait pas son comportement. Était-il si persuadé que ça d'être un monstre ? Elle ne le voyait pas comme ça, et se surprit même à se sentir indignée face à une telle pensée.
Ses jambes prirent la direction de l'escalier sans qu'elle n'ait besoin d'y réfléchir. Non, il ne se renfermerait pas sur lui-même une nouvelle fois.
Que pensait-il, à se priver ainsi de sa propre vie? Lui qui se disait à la recherche de liberté, pourquoi se mettait-il lui-même en cage ?
Quelque chose n'allait pas.
Et cette fois, c'était hors de question qu'elle le laisse s'en sortir sans une explication logique.
。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆
j'ai écrit ce chapitre en pleine nuit, j'avoue que sur le coup il avait l'air super bien écrit et tout,,,
la magie de la nuit ✨
j'attends quand même vos avis!! 🥰
j'ai à la fois très hâte de poster le prochain chapitre, et pas du tout hâte
allez
à bientôt 😄
Zoé
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