chapitre 12 ◌ flashback (1)
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L'allure déterminée, Ophelia sortit de sa dernière réunion avec les hauts-gradés de l'armée Mahr. Son affreux brassard réservé à l'unité des guerriers semblait lui brûler le bras tant elle mourait d'envie de l'arracher et de le déchirer. Il ne lui serait plus jamais utile, de toute manière.
Aujourd'hui, elle quittait pour de bon le continent Mahr.
Elle ne reviendrait pas. Du moins, pas avant un moment.
De longues années s'étaient écoulées depuis son enrôlement dans l'armée. De longues années passées à attendre et à se battre dans l'ombre pour atteindre son objectif.
Le jour était venu.
— Lia.
L'adolescente s'arrêta au milieu du corridor, peu surprise d'entendre des pas approcher derrière elle. Malgré elle, un mince sourire prit place sur son visage lorsqu'elle se retourna pour faire face à son interlocuteur.
— Pock, ironisa-t-elle.
Porco leva les yeux au ciel à ce surnom ridicule. Hésitant, il sortit ses mains des poches de sa veste une fois au niveau d'Ophelia et ne put retenir un soupir de frustration lorsque leurs regards se trouvèrent.
C'était définitif, il haïssait les aurevoirs.
Longtemps, il n'y eut que le silence. Ils se dévisagèrent sans essayer de prendre la parole. C'était inutile. Porco n'était pas aussi aveugle qu'elle le croyait, il pouvait sentir qu'elle était différente, que la mission pour laquelle on l'envoyait loin du continent n'avait rien à avoir avec ses véritables intentions. Elle était comme ça. Et il avait beau rester loyal à Mahr pour sa famille, il ne comptait pas risquer de lui attirer des ennuis en formulant à voix haute les doutes qu'il avait toujours eus.
De ses yeux azur qui analysaient tout ce qu'ils croisaient, Ophelia détailla le visage de son camarade comme s'il s'agissait de la dernière fois qu'elle le voyait. C'était peut-être le cas. Elle n'avait aucune idée du moment où elle pourrait les revoir, lui et Aida. Ni même s'il voudrait la revoir après la trahison qu'elle préparait. Perdue dans ses pensées, l'adolescente ne se rendit compte qu'il avait bougé seulement lorsqu'il l'entoura de ses bras. Il lui fallut un instant avant de pouvoir lui rendre son étreinte, déstabilisée malgré elle.
— Tu vas revoir mon frangin avant moi, alors, fit remarquer Porco.
Ophelia sourit en s'écartant juste assez pour le regarder à nouveau.
— T'en fais pas, je lui dirai que tu l'aimes très fort et qu'il te manque beaucoup.
— Lui dis surtout pas ça, râla-t-il.
L'éclat de rire qui échappa à son amie lui fit presque oublier la tristesse provoquée par la mention de Marcel, qui lui manquait atrocement bien qu'il fût trop fier pour l'admettre. Quand Ophelia releva les yeux vers le blond, elle prit conscience de leur proximité et déglutit avec difficulté. L'ambiguïté de leur relation prenait également fin aujourd'hui. C'était une bonne chose. Elle le pensait, malgré le sentiment désagréable qui tentait de s'immiscer en elle quand elle songeait à l'idée qu'elle ne le reverrait peut-être jamais.
— Tu... Tu veilleras sur Aida pour moi ? questionna-t-elle après s'être raclé la gorge.
Porco acquiesça sans hésiter, presque vexé qu'elle ait besoin d'une confirmation de sa part.
— T'en fais pas pour ça.
Elle hocha nerveusement la tête à plusieurs reprises et ne se rendit compte qu'elle fixait les lèvres familières de son ami que lorsqu'elles rencontrèrent les siennes. Libérée de tout scrupule, Ophelia ne fit rien pour le repousser, lui rendit même son baiser, elle qui lui avait à maintes reprises répété qu'elle n'éprouvait aucun sentiment pour lui malgré des agissements qui laissaient penser le contraire. Il n'était pas dupe non plus. Il s'agissait seulement là d'un baiser d'adieu qu'elle lui accordait avant d'aller s'attirer des ennuis comme elle le faisait si bien. Il n'y avait rien de plus que d'habitude.
— Je vais finir par être en retard, souffla-t-elle. Ce serait bête que le bateau parte sans moi.
— Ouais, ce serait tellement dommage.
Amusée, Ophelia secoua la tête et tapota sa joue pour le taquiner avant de se remettre en marche pour de bon. Peut-être s'était-elle mentit en affirmant qu'elle n'avait aucune attache ici, aucune raison de rester plus longtemps. Mais c'était le choix qu'elle avait fait et si Aida le comprenait, alors elle savait qu'elle pouvait quitter le continent en paix.
La plus jeune des Hawk attendit l'arrivée de sa sœur en première ligne à côté du navire. En la voyant, Ophelia ignora tous les regards des Mahr braqués sur elle et quitta le rang pour aller la serrer dans ses bras une dernière fois.
— Tu vas me manquer, grande sœur, murmura Aida. Fais attention à toi... Et promets-moi qu'on se reverra.
— Bien sûr qu'on se reverra, affirma l'aînée à voix basse. Je te raconterai toutes mes péripéties autour d'un bon café. Je te le promets, petite souris.
L'adolescente de quinze ans laissa échapper un rire qui se mêla à un sanglot étouffé.
— J'ai plus douze ans, Lia.
— Je sais.
Ophelia s'écarta pour détailler le visage de sa petite sœur un instant, une main posée contre sa joue rebondie pour effacer l'unique larme qui lui échappa.
— Mais tu seras toujours ma petite souris futée.
Aida acquiesça doucement, un faible sourire accroché aux lèvres. Elle aussi avait grandi et n'était plus si naïve. Elle saurait se débrouiller et se faire entendre, bien que toujours plus tendre que son aînée dans ses agissements.
On appela cette dernière à monter à bord du bateau. L'heure était venue.
— Fais attention à toi, d'accord ?
— C'est à moi de te dire ça, Lia.
— Tu me connais.
Avec émotion, Ophelia recula et finit par briser le contact visuel, tournant le dos à sa seule famille et se faisant violence pour ne pas faire demi-tour. C'était ainsi, c'était sa seule chance de découvrir la vérité et Aida le comprenait.
L'aînée Hawk ne saurait jamais à quel point sa cadette fut fière de la voir s'éloigner ainsi, traverser la foule, garder la tête haute alors qu'elle affrontait une dernière fois le regard du garçon qui l'aimait, puis monter dans ce bateau aux côtés de deux des guerriers Mahr sous les acclamations du peuple. Fière de savoir qu'Ophelia ne contribuerait pas à une injustice de plus. Elle continuerait de se battre, alors Aida ferait de même de son côté.
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— Hawk ! Ils sont là !
La jeune aspirante manqua de se cogner à la couchette du dessus en se redressant. Se rattrapant de justesse, elle quitta sa cabine et se rua vers l'extérieur aussi vite que possible. Le bateau avait jeté l'ancre près de la côte de Paradis depuis des jours déjà, mais seuls Sieg et Peak s'étaient dirigés vers les murs pour attaquer, la dernière ne servant que de moyen de transport au premier. Ils étaient rentrés la veille, et aujourd'hui venaient le tour des guerriers déjà sur le terrain depuis maintenant cinq ans.
Curieuse, Ophelia s'empressa de rejoindre le quai et s'arrêta en voyant arriver trois silhouettes. Elle fronça les sourcils et attendit, seulement pour craindre le pire lorsqu'elle se rendit compte qu'il n'y avait que Reiner, Bertolt et une inconnue aux mains attachées. Les deux guerriers semblèrent plus que surpris de la voir ici.
— Ophelia ? Qu'est-ce que tu-
— On parlera stratégie plus tard, coupa Sieg. En attendant, pourquoi vous nous diriez pas ce qui est arrivé à vos deux autres camarades et qui est cette fille ?
Les adolescents échangèrent un regard coupable et Ophelia croisa les bras devant elle, mécontente d'apprendre qu'il était arrivé quelque chose aux autres.
— C'est... Ymir, répondit Reiner en désignant leur prisonnière d'un geste de la tête. Elle vient de Mahr, c'était un Titan pur et elle a... mangé Marcel, il y a cinq ans.
— Ymir ? répéta Sieg, étonné par ce choix de prénom pourtant dur à porter.
— Marcel est mort ?
Les regards se tournèrent vers Ophelia qui dévisagea la fameuse Ymir sans retenue. Cette dernière n'en avait visiblement rien à faire, elle ne semblait même plus réceptive à ce qui l'entourait. Elle gardait cependant la tête haute, digne malgré ses mains liées et le destin funeste qui l'attendait.
— Quand elle s'est rendue compte de ce qu'elle avait fait, elle nous a rejoints de son plein gré, reprit Reiner. Pour... rendre le pouvoir du Mâchoire.
Ophelia tiqua à ces mots. Il ne restait qu'un aspirant sur le continent. S'ils l'emmenaient là-bas... Porco allait devenir un guerrier et réduire son espérance de vie à treize minces années. Il donnerait sa vie pour Mahr, sacrifierait tout le reste pour une armée qui n'avait que faire de la personne qu'il était. Évidemment, il accepterait le Titan de son frère sans penser à ce genre de choses.
— Le Mâchoire serait utile pour la suite, non ? prononça-t-elle sans réfléchir. Si vous voulez attaquer à nouveau, une guerrière de plus pourrait changer la donne. Je pourrais...
— J'admire grandement ton dévouement à la cause, mais ce n'est pas à nous de prendre ces décisions-là, l'interrompit Sieg en secouant la tête. C'est l'armée Mahr qui choisit qui devient guerrier et qui hérite de quel Titan. La fille doit aller sur le continent, ils se chargeront du reste. Sans compter que les Titans semblent mieux se transmettre entre membres de la même famille. Tu ne serais pas pour enlever à Galliard l'honneur d'hériter du pouvoir de son frère, quand même, si ?
L'adolescente fit de son mieux pour dissimuler son agacement tout en secouant la tête. À quoi pensait-elle, de toute façon ? Si elle héritait du Titan Mâchoire elle-même, Sieg la voudrait sur le terrain pendant les offensives et ne ferait que l'éloigner un peu plus de son objectif. Ce n'était pas envisageable.
Ymir ne prononça pas un mot lorsqu'on la conduisit jusque dans le bateau. Ophelia ne fut guère plus bruyante durant la conversation qui suivit. Un café à la main, elle écouta attentivement le récit de ses camarades. Ils avouèrent l'échec d'Annie, qui avait été faite prisonnière par l'armée de Paradis sans qu'ils n'aient aucune idée de l'endroit où elle se trouvait, ni même de son état.
Néanmoins, les deux guerriers restants étaient parvenus à découvrir qui détenait le Titan Originel, et le nom qu'ils prononcèrent provoqua chez Sieg une réaction inhabituelle. Le capitaine de l'équipe se redressa et écarquilla les yeux, pris par surprise.
— Eren Jaeger ? répéta-t-il. Vous êtes sûrs ?
— Oui, c'est lui qui possède le Titan Originel. Il ignore lui-même comment il l'a obtenu. Mais apparemment, la clef du mystère se trouverait dans le sous-sol de la maison où il a grandi, dans le district de Shiganshina.
— District que vous avez détruit, donc, fit remarquer Ophelia avec ironie. Ils vont forcément essayer de le récupérer, alors, non ?
— Ils ont déjà essayé, répondit Reiner. Il y a quelques années. Mais maintenant qu'ils ont Eren et puisqu'il est si déterminé à atteindre ce sous-sol... Ça va peut-être poser problème, oui.
— On aura bien le temps de contrecarrer leurs plans, reprit Sieg. Est-ce que cet Eren... vous a parlé de son père ?
— Ben... Tout ce qu'on sait, c'est qu'il est porté disparu et qu'il était médecin.
Observatrice, Ophelia dévisagea le plus âgé de leur unité alors qu'il semblait assimiler l'information avec difficulté. Il avait de quoi être perturbé, après tout. Un inconnu venu de l'autre côté de la mer portait le même nom que lui et partageait apparemment le même père, qu'il croyait mort depuis bien plus longtemps. Ophelia se fichait de leur lien, ce qui l'intéressait était plutôt le Titan que détenait ce fameux Eren. S'il possédait vraiment l'Originel, il n'y avait que lui qui serait capable de faire quelque chose pour mettre fin à ce cycle infini qui se répétait depuis des siècles, au moins essayer de faire bouger la situation.
— Très bien, alors on fait quoi ? questionna-t-elle. Annie est prisonnière, un gamin au tempérament plutôt compliqué détient le Titan le plus puissant de tous et vous avez perdu Marcel dès votre arrivée ici. De toute évidence, vous avez besoin d'un coup de main.
Bertolt baissa les yeux dès le premier échec qu'elle cita, ce qui suffit à lui faire comprendre que ses sentiments pour la guerrière n'avaient pas changé malgré les années. Reiner, lui, changea d'expression lorsqu'il se tourna vers elle, le regard plus sombre.
— Et tu penses pouvoir faire mieux, toi ? T'as même pas été capable d'hériter d'un Titan.
— Parce que toi, si ? ricana Ophelia. C'est vrai, tu as hérité du Cuirassé grâce à tes nombreux talents que tu as bien mis en valeur pendant nos années d'entrainement, j'oubliais.
— De quoi tu parles, Hawk ? intervint Sieg, plus calme.
Satisfaite du regard coupable de Reiner, l'adolescente esquissa un sourire et haussa les épaules sans prendre la peine de répondre. Le principal concerné la toisait avec confusion, incapable de comprendre comment pouvait-elle savoir autant de choses. À bien y réfléchir, elle avait toujours été ainsi, même lorsqu'ils étaient enfants. Elle parvenait à réunir toutes sortes d'informations qu'elle n'était pas censée connaître. Qu'elle ait appris que Marcel s'était débrouillé pour permettre à Reiner d'avoir le Titan Cuirassé à la place de Porco n'était même pas le plus surprenant ; Marcel lui avait peut-être avoué lui-même avant de la laisser avec son petit frère sur le continent.
— Peu importe, soupira alors le plus âgé. Détrompe-toi, Reiner. Ophelia va jouer un rôle très important dans la suite de nos plans.
Et l'annonce qui suivit joua un rôle très important dans la suite des plans d'Ophelia.
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— Est-ce qu'on est vraiment certains de sa loyauté envers Mahr ?
Les yeux rivés au paysage devant eux, Sieg prit le temps de boire une longue gorgée de son café avant de répondre.
— Pourquoi est-ce qu'elle n'a pas de Titan, d'après-toi ?
Reiner s'abstint de prétendre qu'il s'agissait seulement d'un manque de compétences. Certes, elle n'était pas la meilleure de leur unité mais elle avait été plus douée que lui durant leurs années d'entrainement.
— Est-ce que c'est une bonne idée de la laisser faire ça, alors ? Qu'est-ce qui nous dit qu'elle va pas nous trahir ?
— Tu réfléchis définitivement très peu, Reiner. Ç'aurait été dangereux pour nous si elle avait eu le pouvoir d'un Titan ou si elle connaissait nos plans dans les moindres détails. Pour l'instant, notre petite Ophelia est totalement inoffensive. Tiens, regarde, la voilà. Bertholdt ?
L'intéressé n'eut pas besoin qu'on lui en dise plus. Muni de l'équipement tridimensionnel qu'il avait réussi à voler à un soldat de la découverte de leurs véritables identités, il quitta le haut du mur Maria et ne remonta que quelques secondes plus tard, déposant Ophelia auprès de ses camarades. Du haut du mur, cette dernière lança un geste de la main à Peak pour la remercier de l'avoir ramenée jusqu'ici.
— Alors ? s'enquit Sieg.
— Alors... Je pense pas avoir d'infos importantes pour nous mais bon sang, ils ont un de ces quotidiens chargés ! plaisanta-t-elle. Il reste du café ?
Instantanément, Bertholdt lui en tendit une tasse pleine.
— Tu as trouvé où est-ce qu'ils gardent Annie ? demanda-t-il avant même qu'elle n'ait le temps d'en boire une gorgée.
— Non. Désolée, Bert'.
Déçu, le guerrier acquiesça lentement et baissa les yeux sous le regard soucieux d'Ophelia. Elle détestait se dire que la douleur qu'il endurait était inutile, comme celle de Reiner, d'Annie... Pourquoi souffraient-ils ? Au nom de quelle cause légitime ? Elle aurait voulu pouvoir leur dire qu'ils méritaient d'être libres, de se battre pour ce en quoi ils croyaient.
— À vrai dire, ils ont pas eu l'air très concentrés sur la reconquête de ce mur, ces derniers temps. Des problèmes avec la famille royale qui voulait récupérer l'Originel...
— Ils ont eu Eren ? s'enquit Reiner.
— Alors... Oui, puis ensuite non. Ils l'ont enlevé, mais le... Bataillon d'Exploration a réussi à le récupérer à temps. C'était plutôt amusant, avoua Ophelia. Enfin bref, maintenant que ces problèmes-là sont réglés, ils vont se diriger vers la préparation des plans pour reprendre Shiganshina. Ça devrait prendre quelques semaines, je suppose.
— On devrait pas en profiter pour essayer de récupérer Annie nous-mêmes ? S'ils se pensent à l'abri, c'est le meilleur moment.
Surpris par l'intervention de son ami, Bertolt se tourna vers Sieg avec espoir. Impassible, ce dernier se contenta de boire une longue gorgée de café avant de secouer la tête.
— Ce serait trop risqué. On sait pas où elle est et le plus important est de récupérer l'Originel. On verra plus tard pour Annie.
— On a besoin de toutes nos forces pour combattre le Bataillon s'ils viennent ici, rétorqua Reiner. Annie devrait en être aussi.
Silencieuse, Ophelia observa le doyen de leur groupe se tourner vers l'adolescent en soupirant. Elle recula instinctivement lorsqu'elle devina ce qui allait se passer.
— Nos avis divergent encore, apparemment. Je déteste les longs débats qui tournent en rond, alors on n'a qu'à régler ça à la loyale. Ça te va, Reiner ?
。・:*:・゚★,。・:*:・゚☆
*se gratte le sourcil*
je vais prétendre que la première scène de ce chapitre n'existe pas
😎
Zoé
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