𝐉𝐨𝐮𝐫 𝟗 : 𝐂𝐡𝐨𝐬𝐨.





















𝐏𝐄𝐓𝐈𝐓 𝐉𝐄𝐀𝐍

𝐂𝐡𝐨𝐬𝐨

𝐈𝐗















































           La dictature a des relents de puanteur qui n’ont d’égale que l’odeur d’urine embaumant cette geôle.

           Les secousses de la cage de bois me donnent la nausée. Dans l’obscurité de ce cube ligneux où des dizaines de prisonniers ont été entreposés à la manière de bétails, je ne distingue rien des personnes aux côtés desquelles je suis entassée.

           Cependant, sous ma jambe se trouve un bras et une épaule est plaquée contre la mienne. 

           Je ne sais depuis combien de temps nous sommes traînés ainsi, enchaînés les uns aux autres, serrés. Cependant l’odeur attaquant mon nez me laisse penser que toutes les personnes ici ne sont pas vivantes.

           Soudain, le carrosse se secoue avec force, réveillant quelques prisonniers que je croyais honnêtement morts. Des légers cris retentissent parmi eux. Ils sont assez sonores mais les pauvres sont si faibles qu’ils retentissent bien moins que ceux du cocher qui nous conduit et vient de freiner brutalement.

— HALTE ! QUI VA LA ?

           Aucune réponse se fait entendre. Seulement un bruit visqueux suivi d’une exclamation de douleur étouffée.

           Je souris à ce son.

           Il est là. Il est venu. Je ne doutais pas un seul instant qu’il me retrouverait… Mais le temps commençait à se faire long.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demande une voix faible d’enfant, devant moi.

— Ferme les yeux, petit. C’est bientôt fini, je chuchote.

           Un grincement retentit brutalement et l’obscurité se trouve illuminée.

           La soudaine lumière, aveuglante, brûle ma rétine. Comme les autres prisonniers, je lève mes mains à hauteur de mes yeux afin de les protéger. Il me faut quelques secondes pour dépasser ce brusque changement de situation, m’y habituer.

           Là, je lève la tête vers l’homme qui vient d’ouvrir si brutalement les portes du carrosse, planté devant elle.

           Il me regardait déjà.

           Deux billes d’acier affutées de longs cils d’onyx me transpercent de part en part. Des mèches de ténèbres tombent sur son front, adoucissant ce visage marqué de nuances rougeâtres lui donnant un air fantomatique.

           Une trace noire barre son nez.

— J’ai failli t’attendre, je grommelle en lui adressant un regard sombre.

— Navré, madame.

           Ses fins doigts tracent une rune dans les airs. Aussitôt, un cliquetis mécanique retentit et les liens des prisonniers se défont. Jamais je ne me lasserais de la magie de mon second.

           Choso.

           D’un geste souple, il grimpe à l’intérieur du carrosse. Les silhouettes se figent, autour de moi, en le voyant faire. Quelques couinements terrifiés retentissent auxquels il ne prête aucune attention.

           Il ne considère que moi, en cet instant. Comme à chaque fois que nous nous rencontrons.

— Madame, puis-je ? demande-t-il en tendant la main en ma direction.

— Quand cesseras-tu avec ces formules de politesse. Nous ne sommes plus à ça près…

— Jamais je n’oserais.

           Saisissant la main qu’il me tend, je le laisse me tirer jusqu’à lui. Puis, me redressant, mes jambes flageolantes et atrophiées cèdent brutalement sous mon propre poids.

           Son bras se glisse sous mes aisselles et mon corps prend appui sur le sien. Ces jours de captivité m’ont affaiblie à un point que je n’avais pas encore connu, je dois bien l’admettre.

— Quelle morue, cette saleté de Reine Rouge. 

           Doucement, il me guide hors de cette cave remplie d’urine. Je souris quand sa propre odeur, de beurre de karité, vient s’insuffler dans mes narines.

           Qu’il est bon de sentir ce parfum, après tout ce temps.

           Posant pied sur le sentier, je peine à avancer. Soutenue par mon fidèle second, la tête trop lourde tant je suis faible, je ne vois que les pieds des hommes qui accompagnaient Choso.

— Qu’ils fassent, je lui chuchote.

— Tous, sortez les prisonniers, soignez-les et menez-les au refuge.

— Quoi ? Mais pourquoi ? Je croyais que nous ne venions que pour une ? proteste la voix jeune d’un soldat.

           Un sourire espiègle étire mes lèvres.

           Les fameuses têtes brûlées qui ne sont pas fichues d’obéir aux ordres… Ceux qui se croient au-dessus de tout, au-dessus de moi.

— Qu’il approche, je murmure malgré ma faiblesse.

           Choso fait aussitôt signe à l’homme de s’exécuter.

           Toujours penchée en avant, ne demeurant debout que grâce au soutien que représente le noiraud, je suis tout de même ravie de constater que mes hommes se montrent toujours dociles et silencieux en ma présence.

           Tous nous dépassent afin de porter secours aux prisonniers. Tous, sauf un.

           Il entre dans mon champ de vision lorsqu’il pose un genou à terre. Tête baissée, il me présente sa nuque, observant mes chaussures encrassées. 

           Il a au moins le mérite de courber l’échine au bon moment.

— Madame…

— Tu rechigne à suivre mes ordres ? je gronde malgré ma faiblesse.

           Choso est littéralement mon pilier, à cet instant précis. Comme depuis des années, maintenant.

— Je… Je suis désolée, madame.

— Madame ? je répète dans un rire suffisant. Seul mon second peut m’appeler ainsi. Il y a un titre qui m’a été donné, un nom dont on m’a affublé et je ne tolérerai pas que tu en utilises un autre.

— O… Oui.

— Oui, qui ?

           Ses tremblements ne m’échappent pas mais je les ignore. Les personnes qui sont venues me chercher forment un clan, le mien. Et je tolérerai pas qu’un petit nouveau remette en question un ordre visant à protéger les plus démunis.

           Comment a-t-il bien ou croire que je les laisserais me sauver moi et uniquement moi ?

           Posant la main sur la nuque du garçon, je le force à regarder le sol. Conservant cette position, il tremble toujours en répondant enfin : 

— Oui, Petit Jean, cheffe de l’Insurrection.

           Parfait.














— Comment s’est porté le clan sans moi ? je chuchote, observant le feu ondulant sous mes yeux et faisant craquer le bois.

           A côté de moi, Choso contemple les flammes.

           Cela fait quelques heures que nous avons posé nos sacs ici. La route jusqu’à notre base sera longue et, après tant de captivité, il me faut du repos.

           Partout autour de nous, dans la forêt, mes hommes dorment ou montent la garde. En retrait, au coin d’un feu soigneusement attisé pour me réchauffer, Choso et moi conversons.

           Il n’est pas du genre bavard. Cependant, avec les années, il a appris à prendre la parole en ma compagnie.

— Il s’est porté, répond-t-il simplement. Notre clan a survécu mais il n’est pas le même sans toi, c’est sûr.

           Lorsque la Reine Rouge a pris le pouvoir par la force, je n’étais qu’une bandite perdue au milieu d’une bande de jeunes amoureux du crime. Nos larcins se multipliaient mais n’étaient jamais bien méchants.

           Nous volions une miche de pain à un endroit avant de dessiner des caricatures obscènes à la craie sur les murs d’une taverne. Pour sûr, les marchands de la région nous avaient dans le nez.

           Cependant rien ne justifie le fait que la monarque ait fait trancher la tête de mes compagnons. 

           Je me souviens encore du plus jeune, Jeannot, alors âgé de onze ans. Il avait eu le malheur d’hurler une grossièreté en présence d’un Garde Royal.

           Après cette hécatombe, j’ai disparu quelque temps.

           Lorsque je suis revenue dans cette forêt, dévorée par la rage, je l’ai fait sous le nom de Petit Jean. Les hommes que je croisais ont peu à peu épousé la cause : renverser le pouvoir en place.

— Je n’aime pas vraiment entendre cela, j'admet dans une expression contri. Imagine que je meurs demain. La cause mourra-t-elle ?

— Non, mais ce sera différent, chuchote-t-il.

           Je me retourne sur lui, contemplant son mutisme. Il n’ajoute rien, se contentant de fixer avec attention ses doigts dont il se sert pour affuter une lame.

           Dans ce genre de moment, lorsque le feu danse sur son visage et que le silence se fait doux, autour de nous, je me dis que je ne me suis sincèrement pas trompée. Bien des hommes ont prétendu au titre de second.

           Mais jamais je n’ai noué pareil lien avec un autre que Choso.

 Tu aurais fait quoi, si la reine m’avait tué ?

— Elle ne l’aurait pas fait, répond-t-il simplement, continuant de faire courir le silex sur la lame.

           Mon regard sur lui doit le cuire car, au bout de quelques gestes, il consent tout de même à lever la tête et me considérer.

— Personne ne te touchera. Tu ne te laisses pas faire. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi tu t’es laissée capturer, cette fois, mais personne ne t’atteindra. Tu es la meilleure d’entre nous.

           Parmi les hommes qui m’ont servie, bien se sont démarqués. Des prouesses physiques comme intellectuelles ont attiré mon regard et tous avaient une chose précise en commun : il leur était impensable d’être gouvernés par une femme. 

           Qu’il s’agisse de la Reine Rouge ou moi.

           Combien, parmi mes hommes, m’ont confronté en duel ? Combien, voulant apprendre à la bonne femme que j’étais les bonnes manières, se sont imaginés pouvoir s’emparer de mon trône de force ?

           Choso, lui, n’a jamais été intéressé par cela. Un profond respect l’anime et il s’adresse toujours à moi comme l’attendrait un chef de son second.

           Quoi que, au fur et à mesure des années, son comportement s’est davantage mué en celui d’un ami.

— Il fait nuit, trop froid pour que tu te laves mais je sais que tu ne te sens pas bien dans la crasse, déclare-t-il doucement. Laisse-moi m’en occuper.

— Tu me connais trop bien.

           Si je ricane, cela est surtout afin de dissimuler la chaleur qui s’empare de moi, dès que je pose les yeux sur lui. Car ce à quoi il fait allusion n’est pas anodin.

           Choso est un mage. Sombre, son pouvoir revêt une chaleur des plus brutales, faisant parfois bouillir l’eau qui éclate même en bulles.

           Cela signifie qu’il peut chauffer l’eau qui se trouve dans le lac d’à côté. Je pourrais me laver… Mais seulement en sa présence.

           Bien que je lui voue une entière et pleine confiance, je ne peux nier être légèrement angoissée à l’idée de me trouver nue, juste à côté de lui. Cependant, une odeur de moisissure, sueur et urine m’embaume depuis un moment.

           J’aimerais m’en débarrasser. 

— D’accord, je chuchote d’une voix rauque, allons-y.




 









           Accroupi au sommet d’un rocher, Choso observe la surface plane du lac. L’eau aigue-marine s'anime à son toucher.

           Là où passe la pulpe de ses doigts, un tracé irisé la suit.

           Debout dans mes vêtements rêches, si sales qu’ils en deviennent aussi durs que de la pierre, je frissonne. Loin du feu, il fait froid, ici. Le vent humide de la forêt pénètre les vêtements, me faisant trembler dans cette cage d’odeurs infâmes.

           Même s’il ne s’agit que de se baigner dans l’eau et de frotter une pierre ponce sur ma peau, cela me fera le plus grand bien.

           Les yeux de Choso détaillent la surface.

           Le spectacle de ses traits, se crispant sous la concentration, se figeant en un masque sérieux, a toujours ce quelque chose d’attrayant. Mon regard se trouve aussitôt attiré par lui.

           Bientôt, des vapeurs s’élèvent, denses. Dans l’obscurité de la nuit, elles forment un cocon épais qui me protègera.

— Voilà…, chuchote Choso. Les vapeurs sont si épaisses que nul ne te verra. Prends le temps qu’il te faudra, je ne suis pas du genre impatient.

           Je me sens plus détendue, moins embarrassée à l’idée de me dévêtir ici. Il y a toujours eu ce quelque chose de rassurant dans la magie de Choso.

           Je me sens moi-même, en elle.

— Merci, je murmure.

— Mais tout le plaisir est pour moi, madame.














           Un soupir de soulagement franchit le sourire béat que j’affiche.

— Oh ! Tu ne savais pas à quel point j’avais besoin de cela ! 

           Non seulement je me sens propre mais aussi apaisée. La douleur des derniers jours s’en est allée avec la crasse et, emmitouflée dans un kimono épais de Choso, je me sens presque revivre.

           Un grondement bruyant secoue mon ventre.

— Tu devrais manger, maintenant. Et boire. J’ai fait affréter une tente pour que tu puisses passer une nuit agréable, déclare l’homme calmement.

           Lui jetant un regard en biais, j’observe les rougeurs sous ses yeux. Celles-ci sont des stigmates des substances qu’il utilise au quotidien, pour la cause de la rébellion. Nombreuses sont les potions toxiques qui l’irritent.

           D’aussi loin que je me souvienne, il a toujours fonctionné ainsi avec moi. Il trouvait logique que mon confort passe avant le sien.

           Là, si je ne m’étais pas dépêchée, il aurait sans doute passé des heures à réchauffer cet immense lac afin que je puisse m’y détendre. Je peine à lui faire comprendre que cela me met mal à l’aise.

— Tu as mangé, toi ?

— Ce n’est pas important. Tu es celle qui a vécu un véritable calvaire, au cours des derniers jours. Je n’ai pas pu l’empêcher, laisse-moi au moins réparer ma faute.

           Brutalement, je cesse de marcher.

           Choso m’imite quasiment aussitôt, ne faisant que quelques pas avant de se tourner vers moi. Son regard doux se crispe légèrement en interceptant le mien.

— Cesse de faire cela, je te prie, je tonne d'une voix autoritaire, espérant que cette fois-ci, il m’écoute.

— De faire quoi ?

— De te faire passer après moi. Cela ne me plaît pas. Tu dois manger, boire, dormir assez. Ce n’est pas une preuve de loyauté que de te sacrifier éternellement pour mon bien !

           Ses épaules se haussent. Sans doute est-ce la première fois que je le vois ne pas réagir positivement à un de mes ordres. Cela me plaît, en partie.

           Cependant, il s’agit justement d’une instruction lui intimant de se placer avant moi.

— Les autres le font bien, parf…

— Mais je me fiche des autres ! Je veux te voir prendre soin de toi, j’ai besoin de savoir que tu t’occupes de ta personne ! Tu sais ce qui me préoccupait le plus, durant ma captivité ?

           Il ne répond pas. Je devine qu’il attend la suite, l’estomac noué.

— …J’angoissais de savoir si tu dormais assez, si tu prenais des repas, si tu buvais…

— Je n’allais pas vivre normalement alors que tu étais en danger ! s’exclame-t-il, haussant un peu le ton.

— Mais tu dois apprendre à le faire. Que feras-tu lorsque je serais m…

— Ne prononce pas ce mot.

           Je cille. Jamais il ne m’avait donné d’ordres auparavant.

           Seulement, lorsque sa voix sombre résonne en un grondement guttural, je réalise mieux pourquoi tant de mes hommes se disent effrayés par mon second.

           Bien sûr, je n’ai pas peur de lui. Mais je les comprends.

           M’efforçant de ne pas avoir l’air scandalisée, je me contente de hausser les sourcils, exigeant des explications. Il soupire alors, embarrassé : 

— Je suis désolé… Mais t’imaginer en danger, au cours des derniers jours, a vraiment été très dur.

           Un instant, je crois que je suis victime d’hallucinations. Cependant, ce que je vois est bien réel.

           Des larmes imbibent les yeux de Choso.

— Je ne veux vraiment pas te perdre, chuchote-t-il d’une voix éraillée, j’ai besoin de toi.

           Quelque chose caresse ma joue. Mouillé. Une larme.

           Choso n’est pas du genre à montrer ses émotions. Qu’il me laisse assister à une telle scène est un véritable privilège. Un gage de notre lien unique.

           Lui aussi, le perçoit ainsi.

— Mais tu comptes aussi pour moi et plus que tout, je couine presque. Alors, s’il-te-plaît, comprends-moi quand je te demande de me laisser prendre soin de toi !

           Le regard qu’il me lance m’anime d’une chaleur différente. Je ne lutte pas avant de faire un pas, saisissant son visage en coupe.

           Ses joues, pressées sous mes doigts, déforment légèrement ses traits, lui conférant un air moins stricte. Plus doux.

— Tu sais ce que je vois là ?

           Les yeux plantés dans les miens, il ne répond pas.

— Je vois un homme époustouflant qui mérite de vivre sa propre vie. Je vois une personne singulière qui brille de mille feux et ne doit pas se forcer dans mon ombre. Je vois quelqu’un que je souhaite garder à mes côtés et non  sous moi.

           Sa peau chauffe sous mes mains. Je vois quelques rougeurs l’orner, à la lueur pâle de la lune.

           Cependant l’obscurité ne suffit pas à dissimuler l’éclat dans notre regard. Celui qui trahit la considération que nous avons l’un pour l’autre.

— Et tu sais ce que je vois, moi ? murmure-t-il soudain dans un souffle qui s’échoue contre mes lèvres.

           A son contact s’éveille en moi une tension électrique. Ma peau frissonne sous la chaleur mordante de son aura percutante.

           Je me tais, le laissant poursuivre.

— Je vois la plus splendide femme du monde. Celle dont je suis tombé amoureux au premier regard et que je n’ai cessé de vouloir combler. Celle à qui j’ai remis mon coeur, il y a longtemps.

           Là-dessus, il glisse une main derrière ma nuque et me ramène à lui.

           Je l’embrasse passionnément.

           Dévorés mutuellement par tant de désir réfréné, d’années à ignorer ce qui nous anime, nous laissons tout cela éclore. Violemment, cela grimpe en nous à la manière de flammes léchant nos plaies.

           Mes doigts passent dans ses cheveux tandis que ses bras s’enroulent mieux autour de moi. Il pousse des gémissements que j’avale, me laissant choir contre lui.

           Bientôt, nous nous séparons, à bout de souffle.

           Posant mon front contre le sien, je prends une profonde inspiration. Un sourire étire mes lèvres et il murmure : 

— J… Je n’arrive pas à y croire. Est-ce que c’est réel ?

— Oui, je lâche dans un rire charmé.

           Il m’embrasse plus longuement encore. Ses mains saisissent mes hanches et me gardent contre lui. Nous remuant l’un contre l’autre, nous ne parvenons pas à nous détacher très longtemps.

           Ses bras s’enroulent finalement autour de mon corps et, glissant son visage dans le creux de mon épaule, il chuchote à mon oreille, son souffle brûlant caressant ma peau : 

— Tu es le rêve d’une vie.



































































petite surprise
pour demain ?

je ne révèle
rien

































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