𝐉𝐨𝐮𝐫 𝟏𝟑 : 𝐒𝐮𝐤𝐮𝐧𝐚.

















𝐁𝐋𝐀𝐍𝐂𝐇𝐄-𝐍𝐄𝐈𝐆𝐄

𝐒𝐮𝐤𝐮𝐧𝐚

𝐗𝐈𝐈𝐈


























































           Comme il est aisé de comprendre la préciosité du monde lorsque celui-ci nous est arraché.

           A l’instar de chacun, je le crois, je ne réalise la beauté de chaque artefact qu’une fois que ce dernier s’éloigne irrémédiablement de ma personne. Là est sans nul doute mon trait le plus humain.

           Ici, tout me manque.

           Au levé du soleil, ses rayons chatoyant chaque reliefs que la nature offre à notre regard. A la tombée de la nuit, la façon qu’a l’air de se déliter en grain de glace, devenant quasiment irrespirable et griffant nos joues. Lorsque l’hiver s’approche, le matelas que forme la neige sous les bottes.

           La neige…

           Une vieille amie, compagne de cellule, avait le pouvoir de la manier. Assise dans nos cages respectives, nous admirions les statues de glace qu’elle créait. Cela apportait quelques couleurs, à notre quotidien morose.

— Laisse-moi deviner…, résonne une voix insidieuse, dans mon dos. Encore là, à ressasser la vie que tu menais sur terre ?

           Me retournant, je le découvre une nouvelle fois.

           Le démon tapis dans mon crâne.

           Sur plusieurs mètres s’élève un monticule de crânes entremêlé d’os en tout genre. Formant une montagne cernée par une rivière de sang, elle grimpe à la manière d’une ombre terrifiante.

           En son sommet, il se trouve, m’observant.

           Deux iris de rubis, perles de sang abandonnées au milieu d’une sclère de marbre. Un regard écarlate et terrifiant, percé du puits abyssal de deux pupilles. Lesquelles sont figées en moi comme une dague peut se figer dans un cœur.

           Rien n’est plus terrifiant que le regard de Sukuna. Pas même les runes tracées sur son corps, gravées d’une encre obtenue à partir d’un mélange d’eau de lune et de cendres de plantes sacrées.

           Sur le menton, retraçant la ligne de sa mâchoire avant de s’échouer à hauteur de sa pommette, deux premières lignes se forment. Une autre barre son nez et un sigle est planté au milieu de son front.

           Ces dessins sont si intimidants que rien, pas même ses cheveux roses en bataille, ne parviennent à lui conférer un quelconque air bienveillant.

— Sukuna…

           Pourtant, en apprenant à le connaître, je me suis surprise à apprécier sa présence. Dans cette cage que j’habite, je dois avouer qu’il m’aide à ne pas sombrer dans la folie.

— “Sukuna”, répète-t-il en plantant son coude dans son trône fait de crâne, logeant sa tête dans sa main.

           Un rictus malicieux étire le coin de ses lèvres.

— Tu as toujours eu le don de bien prononcer les choses, toi. Dans ta bouche, mon nom semble presque être…

           Il hésite un instant, traçant quelques gestes du doigt dans les airs à mesure qu’il réfléchit.

— …Une bénédiction.

           Il est pourtant tout le contraire, il me l’a bien expliqué. Seulement, qu’importe les arguments dont il se sert pour expliquer sa perception de sa propre identité, je n’y crois pas.

           Je ne sais ce qu’il fait là, mais il n’est pas le démon qu’il prétend être. Ou plutôt, il n’a rien d’un parasite.

— Tu as beau le répéter, je ne parviendrais jamais à croire que tu es une mauvaise personne, Sukuna, je déclare dans un sourire, m’asseyant au bord du lac fait de sang.

           Perché au sommet de ce mont, placé au centre de l’étang, il se trouve bien loin de moi. Pourtant, je n’ai pas besoin de hausser le ton pour qu’il m’entende.

           Ici, le ciel est noir. Seules des torches fixées au mur de cette caverne apportent de la lumière. Et, d’une lueur rouge, elles n'illuminent qu’un théâtre de désolation.

           Cependant, je suppose que je m’y suis habituée.

— Je le suis pourtant…

           Il y a quelques mois, j’ai empoisonné l’un de mes plus grands ennemis en lui donnant une pomme. Afin de le convaincre qu’il ne risquait rien, j’en ai moi-même mangé un morceau. Là était le prix à payer pour l’occire.

           Ce plan, échafaudé il y a un an, m’a pris énormément de temps à accomplir. Durant les mois passés à me rapprocher de ce soldat si estimé de la Reine Rouge, vile dictatrice, j’ai ingéré régulièrement ce poison afin d’habituer mon organisme.

           Au moment fatidique, au lieu de mourir, je suis tombée dans le coma.

           Depuis, je me trouve ici. Avec Sukuna. Tapis à l’intérieur de mon propre crâne, dans ma tête. Et je ne sais ni pourquoi mon esprit ressemble à un champ de bataille, ni pour quelle raison le démon s’y trouve.

           Cependant, je m’y suis faite.

— Je commence à te connaître, maintenant, je chuchote avec malice. Tu n’as rien d’un démon malfaisant.

— Je n’ai pas dit que j’étais malfaisant… Mais si je vis dans ton esprit, tu dois bien te douter que je ne suis pas un enfant de cœur.

           Mes sourcils se froncent et je penche la tête sur le côté, observant le paysage m’entourant. Mon ventre se noue tandis que je détaille cette triste vision.

— C’est toi qui a transformé mon esprit en… cette chose ?

— Tu poses la mauvaise question, ma chère, rit-t-il avec malice. Pourquoi chercher à savoir qui a fait cela ? Il me semble que le plus intéressant serait de comprendre comment ton esprit est devenu ce qu’il est aujourd’hui ?

           Ses yeux s’écarquillent lorsqu’il se penche en avant, me détaillant. Un sourire carnassier étire ses lèvres et il prononce dans un rire gras et provocateur : 

— N’est-ce pas… Blanche-Neige ?

           Je me fige à ce nom.

           Cela fait bien des années que je n’utilise plus le prénom qui m’a été assigné à la naissance. Le surnom que mes hommes ont trouvé, après une bataille des plus sanglantes, était le plus approprié. Bien que tous en aient oublié l’origine.

           Pourtant, quand Sukuna prononce ce nom, je comprends aussitôt qu’il sait très bien de quoi il parle.

— Ne m’appelle pas com…

— Comme quoi ? Tu te sers de ce nom comme d’un blason. Pourquoi ne pas l’honorer en te rappelant de ces origines ?

           D’un geste vague de la main, Sukuna désigne la pile de crâne sur laquelle il est assis. J’halète brutalement, réalisant ce qui est sous mes yeux depuis des mois maintenant.

           Quelque chose rompt, dans mon âme.

           Les yeux écarquillés, j’observe cette pile de crâne émergeant du lac rouge. Grimpant dans les airs, elle me donne la nausée. Immense, écrasant un ciel révolu, balayant un éther qui ne sourira plus jamais, chassant un soleil qui ne comptait pas venir.

           Elle jaillit d’un étang né dans la mort, en éclate chaque parcelle.

— S… Sukuna…

— Tu ne peux pas fuir éternellement, ma chère, sourit-t-il malicieusement.

           Là, je réalise. A mesure que nous parlons, le lac s’élargit. Le bord touche maintenant mes pieds et le liquide les lèche. Je tente de reculer. Mais mes cuisses sont enfoncées dans la terre.

           Je sursaute, écarquillant les yeux.

— Tu veux savoir qui je suis, à la fin ? Ce que je fais dans ton crâne ? Comment je suis arrivé ici ?

           Paniquant, je pousse sur mes paumes, tentant de m’extraire de là. Cependant, plus je bouge, plus je m’enfonce. La terre monte, ensevelissant et le lac s’étend toujours plus.

           Doucement, il coule sous mes fesses. Je panique en le sentant progresser vers moi.

— Tu m’as invité le jour où tu as fait cela… Ma chère, ne vois-tu pas où tu te trouves ?

           Le cœur battant à tout rompre, je regarde autour de moi. Ma gorge est serrée et ma vision est vacillante. Les contours de chaque objet se perdent les uns dans les autres. Je ne distingue d’abord rien. Les flammes ne sont plus que des larmes floues et brillantes sur la toile de ma vision.

           Soudain, je réalise…

           Un lac depuis lequel émerge des corps… Par endroit, je peux voir de la neige recouvrir le sol. Un manteau de givre tombant doucement sur une terre tapissée d’empreintes de pas.

           Mes empreintes. Car d’une certaine façon, je n’ai jamais quitté cet endroit. Partout où je marchais, mes pas demeuraient là-bas.

           Je reconnais le lieu où je me trouve.

           Mon esprit est absolument identique à cet endroit où j’ai gagné mon surnom. Ce lieu sordide où l’irréparable a été commis. 

— Je… Comment…

— Tu veux savoir quel démon je suis ? Je suis le démon de la culpabilité, celui qui se tapit dans ton crâne et qui demeure en sommeil jusqu’à ce que la réalité de tes actes t’explose au visage.

— Non…

           Le niveau du lac monte. L’eau touche ma chair, à travers mes vêtements, glaçant mes os. La température est si froide qu’elle en grifferait ma peau, la percerait sous tous les angles.

— Il est temps de regarder la réalité en face et d’assumer ses actes, tu ne crois pas ? raille-t-il sous le masque sombre de ses traits.

— Non…

— Qu’as-tu fait, ce jour-là ?

— Rien…

— Rien ? Est-ce là ce que tu dirais aux personnes qui déposent des germes là-bas tous les jours ? Tu n’as rien fait ?

— Ce n’était pas m…

— Oh que si, c’était toi. Car c’est toujours un être si ce n’est plusieurs. Mais ce n’est sûrement personne.

           Sur ses pommettes, deux yeux s’ouvrent. Terrifiantes, une lueur rougeâtre perce ses quatre iris tandis qu’il se lève.

           Plus aucun sourire n’étire ses lèvres. Seule la colère déforme ses traits.

— NON ! je hurle, des larmes dévalant mes joues.

           Le niveau du lac monte. Il atteint mes hanches.

— TU LES A TUÉS ! TU PENSAIS TE RACHETER EN INTÉGRANT LA RÉSISTANCE ET PROTÉGEANT LA POPULATION DE SA PROPRE REINE MAIS TU LES AS TUÉS !

           Mon corps s’enfonce dans la terre. La surface atteint ma poitrine.

— NON CE N'ÉTAIT PAS MOI !

           Le liquide me glace. Ma chair se voit mordue par le froid quand il pique mes os.

— ALORS POURQUOI SUIS-JE ICI ? SI TU N’ES PAS RESPONSABLE, POURQUOI TE SENS-TU COUPABLE ?

           Avec horreur, je sens quelque chose cogner contre mon dos, emporté par les mouvements de l’eau grimpante.

           Un crâne.

— JE NE SAIS PAS, JE N’AI RIEN FAIT !

           Il éclate d’un rire sournois tandis que le lac atteint ma gorge. Je m’étrangle tant le contact du liquide glacé est douloureux. Un cri franchit mes lèvres.

           Mes dents claquent si fort que ma mâchoire pourrait rompre.

— Là est justement le problème, ma chère. Tu n’as rien fait.

           Le niveau de l’eau lèche mon menton. Je penche la tête en arrière, tentant de chercher de l’air. Mais je n’arrive même pas à nager. Mes bras ne bougent pas.

           Cette eau ne semble être que du ciment. 

           Une larme coule le long de ma joue. Je croise les quatre yeux illuminés de rouge de Sukuna.

— Pitié…

           Une vague passe par-dessus mon nez, m’asphyxiant brièvement.

— Mais mon rôle n’est pas d’avoir pitié, ma chère… Je me nourris de la cacophonie et de la douleur. Tu as très mal, je le sens, rit-t-il.

           Ses yeux brûlants se posent sur moi.

— Et c’est délicieux.

           Ces paroles achèvent quelque chose en moi.

           Je me fige, glissant dans cette eau. Cette dernière ne cesse de monter. Bientôt, je serais emportée, figée au fond. Alors je ne peux que regarder Sukuna une ultime fois.

           Nos iris se croisent. Il me contemple, un sourire narquois étirant ses lèvres.

           Une autre vague passe par-dessus mon visage.

           Cependant, là, son sourire retombe. Les lumières rouges de son regard s’évanouissent brutalement et quelque chose change, sur son visage.

           Il semble soudainement plus… humain.

           Inquiet.

           Je n’ai pas le temps de méditer davantage là-dessus. Une autre vague passe par-dessus mon visage. Cette fois-ci, elle y demeure. Je coule. 

           Les yeux écarquillés, la luminosité perçant à travers la surface du lac rouge me permet de voir où je suis. Mes poumons se bloquent d’une douleur aigüe et j’aimerais hurler, me débattre, mais je n’y arrive pas.

           Partout autour de moi, des crânes flottent dans l’eau. Des morceaux d’os et de cadavres. Je suis prisonnière de cette eau dense, du cauchemar qu’est mon passé.

           De mon propre esprit.

           Soudain, quelque chose tombe, à quelques mètres de moi. Traversant l’eau, une masse se déploie, laissant s’articuler divers bras et jambes. A la manière d’une pieuvre, il s’étend.

           Sukuna.

           Son regard croise le mien. Je suis trop faible pour ciller. Mes paupières se font lourdes. Mes poumons me cuisent mais je ne parviens pas à réagir. Je me laisse noyer par mes propres actes.

           Mes paupières se ferment. Je n’ai que le temps de me dire que je suis en train de mourir.

           Avant que des mains ne saisissent mes hanches, me tirant à la surface.   


















           Mes poumons endoloris laissent filer de l’air.

           Me redressant péniblement, je papillonne des paupières, m’habituant à cette nouvelle luminosité. Cette dernière est plus douce, moins écarlate, presque blanchâtre.

           Là, je réalise ce qu’il se passe autour de moi.

           Les murs sont parcourus de lierre grimpant, percé de fleurs. Sous mon corps se trouve un socle de pierre dans lequel je semblais être étendue. Des éclats de verre gisent sur le sol. Je reconnais ceux-là dans un hoquet de surprise.

           La vérité me fait l’effet d’une gifle.

           Je me suis réveillée. Oui. Le cercueil en verre a éclaté et je me suis réveillée. Je ne sais comment le charme du sommeil a été rompu… Le poison dont j’ai imbibé cette pomme était pourtant si fort. Les anciens disent que seul un baiser d’amour sincère peut lever le sort.

— J’ai dû te faire du bouche à bouche pour te ranimer, retentit une voix, à côté de moi.

           Je sursaute en me retournant.

           De l’eau ruisselle depuis ses cheveux roses, perlant sur ses épaules développées et nues. Je frissonne en apercevant ses pectoraux saillants surplombant des abdominaux d’acier, ce torse étant traversé de runes, à l’instar de son visage.

— Tu… Quoi ?

           Sa mâchoire est contractée, il semble agacé.

— Sukuna…

           Ses yeux se ferment, entendant son nom dans ma bouche.

— Suk…

— Je sais que la maladie du chapelier fou engendre des crises de paranoïa et que tu n’étais pas toi-même quand tu as massacré ces villageois avant de les jeter dans ce lac.

           Mon coeur se serre violemment.

— Mais ta culpabilité était si forte que je suis apparu dans ton esprit ! Tu ressens toi-même le fait que tu es en tort ! 

           Ses yeux se posent sur moi.

— Alors pourquoi, lorsque je t’ai vu te noyer, tout cela ne m’a pas semblé bien ? chuchote-t-il. Je m’en suis remis à ton jugement et tu partais du principe que tu étais l’unique responsable…

           Mon cœur bat à toute vitesse.

— Pourquoi ne suis-je pas d’accord ?

           Des larmes imbibent son regard.

— Pourquoi la douleur que j’ai ressenti, en te regardant mourir, n’était pas seulement la tienne ? Pourquoi s’agissait-t-il de la mienne aussi ? Pourquoi n’ai-je pas aimé l’idée de ne plus te revoir ? Que tu aies mal ? Pourquoi, lorsque je t’ai embrassé pour te donner de l’air, tu t’es réveillée ici, avec moi ?

           Je frissonne, le voyant s’approcher. Je ressens bien la panique dans sa voix. Je devine qu’il ne comprend rien à ce qu’il se passe et que cela le bouffe presque.

           Oui, je le ressens. Par chaque pore de ma peau.

— Je ne comprends rien, je ne suis pas censé ressentir ce genre de choses…

           Ses yeux anormalement embués de larmes se posent sur les miens. Ils dévient sur mes lèvres avant de remonter jusqu’à mon regard.

           Un spasme me prend lorsqu’il demande : 

— Pourquoi ai-je si peur de te perdre alors que je suis censé le faire ? Po…

           Je l’interrompt en saisissant son visage en coupe.

           A genoux au bord du socle, les paumes sur ses joues, je caresse les runes sur son visage. Mes pouces lissent les larmes naissant dans ses yeux. Nos nez se frôlent. 

— Laisse-moi te l’expliquer, je chuchote dans la chaleur de notre proximité.

           Un lien s’est tissé entre nous, au fil de ses mois. Et il s’éveille à chaque regard, caresse. 

           Je vis sur ce fil rouge entre nos âmes.

           Ses yeux se ferment. Je dépose un baiser tendre sur ses lèvres. Ces dernières sont douces et chaudes.

           Aussitôt, deux bras se glissent sous mes cuisses, les portant tandis que deux autres s’enroulent autour de mon corps, me plaquant contre lui.

           Sa langue joue avec la mienne et, à l’instant où sa paume passe sur ma gorge, une autre langue en jaillit, léchant le lobe de mon oreille. Je gémis contre ses lèvres, il sourit dans notre baiser.

           Grimpant sur le socle, il m’allonge sur le dos et glisse par-dessus moi, sans cesser de m'embrasser. A chaque fois que nos peaux se frôlent, une langue jaillit de sa chair.

           Bientôt, haletante, je me sépare de lui. Son front se pose sur le mien et il louche à nouveau sur mes lèvres.

— J’étais assujetti à la culpabilité des humains.

           Il plonge son regard dans le mien.

— Mais plus je te regarde, plus je me dis que l’indépendance a du bon.



















































































à demain !!

désolée si c'est pas
ouf, j'ai du mal à
gérer les partiels,
le taffe et les autres
chapitres
en même temps 😅










































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