Alcyone ; putain mais tu vois pas que je tombe amoureux de toi crétin ?
Le bouclé prit une gorgée de son chocolat et repossa la tasse en se pourléchant les lèvres.
"Je... Je sais pas trop ce qui m'a prit, tout à l'heure. Je voulais pas t'importuner avec mes histoires. D'ailleurs je vais y aller -ouais- y aller..."
Il se leva, un peu trop rapidement, se cogna la hanche contre le coin de la table. Il ravala un petit cri de douleur et se défit de mon manteau moi le poser sur la chaise.
"Hey, Mathia."
Je l'attrapais par la manche.
"Reste. S'il te plait."
Il sembla stupéfait que je lui demande pareille chose, mais il consenti à se rassoir à côté de moi. Il possa ses coudes sur la table et prit da tête entre ses mains, soupirant.
"Mathia, tu es sûr que tout va bien ?"
Il hocha négativement la tête, s'avachissant complètement sur la table.
"Tu as des problèmes ? Quelque chose de grave ?" Demandais-je, ayant peur de le brusquer.
"Non, c'est pas grave. Ça va s'arranger de toute façon." Murmura-t-il, lui-même peu convaincu.
"Tu sais, même si ce n'est pas grave, tu peux m'en parler."
De nouveau il hocha négativement la tête. Je fronçais les sourcils.
"Tu ne veux pas ?"
"C'est pas ça. C'est juste que... Non je peux pas. J'aurai trop honte."
Ses joues rosirent adorablement.
"Honte ? Mais pourquoi cela ?"
"Parce que."
Cette réponse ne me satisfaisait nullement, mais je ne voulais pas le brusquer de trop alors je n'ajoutais, passant simplement une main dans son dos pour le réconforter.
Il se releva un peu pour croiser mon regard et me dit :
"Il faut vraiment que je rentres là. J'ai des cours demain qui commencent tôt."
"Ok alors je vais te raccompagner."
"Non !" S'exclama-t-il brusquement. Puis il se reprit et continua, murmurant presque : "Surtout pas."
Je fronçais les sourcils une nouvelle fois alors que je posais un billet sur la table pour régler nos consommations.
"Mathia, je ne vais pas te laisser rentrer seul, de nuit alors que tu es encore alcoolisé."
"Ça va j'te dis, j'me débrouille." Lâcha-t-il, abrupte.
"Mathia, je veux juste que tu arrives bien chez toi, rien de plus. Je ne veux pas m'imposer, mais je m'en voudrais qu'il t'arrives quelque chose. Pourquoi tu refuses que je te raccompagne ?"
"Mais parce que putain tu vois pas que je tombe amoureux de toi crétin ? Et il est clair que c'est pas réciproque."
J'étais bouche bée. Littéralement...
Ok alors je savais bien qu'il allait s'attacher à moi -et moi à lui- si nous continuions à nous fréquenter, mais pas aussi rapidement, ni aussi profondément. Pas au point de voir les larmes dévaler ses joues dans un petit café un peu vieillot au alentours de trois heures du matin.
Il y a pourtant une chose sur laquelle je ne m'étais pas trompé, en ce moment où tout me pète à la gueule, je ne sais absolument pas comment gérer...
D'un geste rageur, Mathia essuyait ses joues, et il partit en courrant, sortant du café et disparaissant dans la nuit noire. Je n'eu même pas le courage de le suivre, le laissant seul, retombant sur la banquette à fleurs au dossier éventré, abasourdi. Et je savais que je regretterais plus tard de ne pas l'avoir rattrapé, mais là, j'en était tout bonnement pas capable. Tout ce que je pu faire, ce fut d'appeler Ezrah pour qu'il vienne me chercher.
Il arriva quelques minutes plus tard, et me traina jusqu'à sa voiture. Il ne mit pas tout de suite le contact et se tourna vers moi, inquiet de mon manque total de réaction. Les mots de Mathia tournaient en boucle dans ma tête.
"Tu comptes m'expliquer ?"
Je jetais un oeil vers Ezrah avant de replonger mon regard dans le vide.
"Quoi ?"
"A ton avis Alcyone ! Je me lève à trois heures du matin alors que je travaille demain pour venir te chercher dans un bar et t'as la gueule d'un zombie. Je voudrais au moins comprendre !"
"C'est compliqué..."
"Oh non, ça c'est juste une excuse et tu ne me la fera pas à moi."
Et il avait raison c'était très simple en fait. Mathia pensait avoir développé des sentiments à mon égard, de là, deux solutions s'offraient à moi : premièrement, tenter de le raisonner, si toutefois il accepte de me parler, ou alors tirer définitivement un trait sur lui et ne plus jamais prendre contact en espérant ne pas le croiser par hasard chez le primeur du coin...
Choisir... C'est là que ça se corsait...
"Il m'a dit qu'il m'aimait..."
"Qui ?"
"Mathia. Le gosse de l'autre soir."
"Et qu'est-ce que tu as répondu ?"
"Bah rien justement ! Je l'ai laissé partir, en larmes, seul et encore un peu bourré... Et maintenant je suis mort de trouille à l'idée qu'il lui arrive quelque chose ou pire qu'il ne veuille plus jamais me voir. Bordel je sais plus où j'en suis..."
"Alcyone, vraiment il y a des fois où je ne te comprends absolument pas."
Je reniflais et levais mes yeux humides sur lui, l'interrogeant du regard.
"Tu me fais une scène parce que tu as peur de tomber pour lui, puis tu cherches par tous les moyens à ce qu'il ne s'entiche pas de toi, tu décides de le recontacter pour tout mettre à plat et faire de lui ton ami et quand il te dit que c'est trop tard, qu'il est déjà amoureux, tu le laisse t'échapper, brisé, pour venir t'effondrer dans mes bras tout aussi brisé. Bordel mais tu ne vois pas que vous vous êtes tous les deux, par je ne sais quelle opération du saint esprit, amourrachés l'un de l'autre ? Alors pourquoi tu cherches des problèmes là où il n'y en a pas ? Tu te rends compte de la chance que tu as de pouvoir encore ressentir de l'amour pour quelqu'un et pour qu'en plus cette personne te le rende ? C'est pas des choses qui arrivent cent fois, mille fois dans une vie, c'est une fois. Si tu la laisses passer, tu n'auras jamais la chance de la retrouver. Alors merde saisi-la ta putain de chance ! Tu croyais quoi ? Que c'était facile d'être amoureux ? Que c'était doux et bien ? Comme le parfum d'une fleur ? Mais réveilles-toi ! Parce que là je ne sais pas dans quel monde tu vis, mais c'est visiblement pas le bon. Et putain je suis là à te faire la morale, comme à un gosse parce que justement tu ne veux pas sortir avec ce mioche ? Mais grandis un peu, il est pas moins mature que toi, ça je peux te l'assurer. Alors tu vas lever ton derche et te bouger pour arranger les choses."
Il reprit sa respiration, visiblement essoufflé par sa tirade, les mains crispées sur le volan.
"Donnes-moi son adresse, je te déposes là-bas pour que tu t'excuse de l'avoir fait pleurer, parce que faire pleurer un gacon c'est encore pire que faire pleurer une fille car question sentiments, les plus fragiles et gauches ne sont pas ceux que l'on pense, une fille c'est fort et courageux, et ensuite, je vais rentrer chez moi, parce que bordel, je suis pas ton père Alcyone et il y a des histoires que ne me regardent pas et en plus, j'ai laissé Lionnel tout seul chez moi alors qu'on venait juste de baiser et qu'il était juste trop mignon et que maintenant il va m'en vouloir, et il aura raison, et je ne sais même pas comment je vais pouvoir me racheter..."
"Offre-lui des chocolats."
J'ouvris la portière avant de me précipiter dehors, me faisant klaxonner par un automobiliste que j'avais sans doute surprit.
"Alcyone, tu vas où ?" Hurla Ezrah depuis sa voiture pour couvrir le bruit du trafic.
"Je me débrouille, merci des conseils. Toi achètes des chocolats !"
Je lui fais un petit signe de la main et me mis à courir jusque chez Mathia.
Hors d'haleine, je gravis les marchés jusqu'au seul de sa porte contre laquelle je me mis à tambouriner sauvagement. Pourtant, cette dernière demeurait désespérément close. Je finis par me laisser glisser contre le battant, allumant une cigarette au menthol, en dépit de l'interdiction de fumer que j'avais vu dans le hall. Après trois taffes, je me dis qu'il n'était peut-être pas encore rentré, mon palpitant accéléré sa course déjà folle, pris dans un étau d'angoisse à l'idée qu'il lui soit arrivé quelque chose. Un instant, je caressais l'idée d'aller à sa recherche, mais je ne saurais ou chercher alors je restais là, essayant de me persuader qu'il était simplement endormi dans son lit, dans sa chambre aux effluves de lavande.
Et je n'avais jamais été aussi frustré de ne pas savoir où se trouvait quelqu'un...
J'ai dû finir par m'endormir, à même le sol, parce que des pas précipités dans le couloir m'ont tiré de mon sommeil en un baillement sonore. J'étais affairé à camoufler la tâche noirâtre que ma cigarette avait fait sur la moquette crème du couloir en tombant alors que je m'étais assoupis, quand Mathia débarqua essoufflé devant sa porte. En me voyant, il marqua un temps d'arrêt, la bouche ouverte, l'allure débraillée. Son pull avait glissé sur son épaule dévoilant sa peau diaphane, ses cheveux étaient constellés de flocons de neige qui fondaient doucement, coulant en de petites gouttes translucides dans son cou. Ses joues, elles étaient mouillées. Enfin plutôt marquées de traces de larmes séchées. Il me sourit, ses yeux toujours brumeux, reniflant en un rire bancal.
"Qu'est-ce que tu fais là ?"
Je me relevais précipitamment, trébuchant un peu sur la moquette et époussetais mes vêtements, lisant les plus qui s'étaient formés sur ma veste.
"Mathia..."
Sans réfléchir, je fondis sur lui pour le prendre entre mes bras.
"Si tu savais comme j'étais inquiet." Soufflais-je contre sa peau froide.
Je le pressais contre moi, serrant ses hanches fines de mes doigts, quand il laissa échapper un petit gémissement d'inconfort. Je me décalais et l'interrogeais des yeux.
"J'ai mal à la hanche. A cause de la table, dans le café."
Je me rappelais alors qu'il s'était cogné le coin de la table en cherchant à s'enfuir du petit café avec empressement. Je soulevais son pull fin et humide de neige fondue, je le sorti de la ceinture de son pantalon e pinces pour découvrir un hématome violet foncé, presque noir.
"Bah dis donc, tu ne t'es pas loupé." Murmurais-je sans trop savoir pourquoi, sans doute que parler de vive-voix aurait brisé l'intimité du moment.
Je posais avec délicatesse mes lèvres sur sa peau meurtrie. Elle était froide et sucrée. Douce.
Il posa une main sur le chambranle de la porte palière toujours close de son appartement alors que je continuais à couvrir sa peau de baisés mouillés. Il soupirait de plaisir.
"Alcyone, attends... Attends."
Je me reculais, à contrecœur, alors qu'il sortait les clefs de son appartement, les mains tremblantes. Je le regardais faire, me délectant de chaque petit détail de lui. Ses sourcils légèrement froncés alors qu'il cherchait à mettre la clef dans la serrure, ses lèvres entrouvertes qui laissaient passer une respiration lourde, les traces de mascara noir que ses larmes de tantôt avaient laissés sur ses joues, ses bouclés désordonnés...
J'aimais tout de lui -je voulais tout de lui- tellement fort, à en crever.
Il me laissa pénétrer dans son appartement, refermant la porte dernière nous, et sans même lui laisser le temps de se retourner, je le plaquais contre la surface de bois froide, embrassant sa nuque alors que mes main se freyaient un chemin sous son pull, caressant son dos délicat. Sa colonne vertébrale était étonnement bien dessinée et ressortait finement sous sa peau. Je tâtais chaque vertèbre, puis montais jusqu'aux omoplate et dis :
"J'ai vu un animé ou un personnage disait que les omoplates sont les restes de nos ailes. Je ne comprenait pas pourquoi, jusqu'à ce que je vois un ange."
Je sentis sa respiration se bloquer avant de se faire erratique. Ses paumes, qui étaient posées à plat sur la porte se crispèrent doucement.
"S'il te plaît, arrêtes..." Murmura-t-il, la voix faible, le corps tremblant.
Je m'écartais instantanément, de peur d'avoir été trop loin. Il rebaissa doucement son pull et se décolla de la porte pour aller se servir un verre d'eau.
"On peut parler ? J'ai besoin qu'on parle... Juste pour être sûr."
"Sûr de quoi ?" Interrogeais-je en prenant place dans son canapé qu'il me désignait.
"De tout. De toi principalement."
Et quand il me regardait avec ce regard-la, il n'était plus le jeune homme faible et en larmes de tantôt, un flamme de détermination brillait dans ses yeux .
Il savait ce qu'il voulait.
Et soudain, je sentis que ce n'était pas un enfant perdu que j'avais devant moi, mais un jeune homme plein de rêves de détermination, d'espoirs et d'idées et que j'avais eu tord, pour quelques larmes, de le sous-estimer.
Il ouvrit une fenêtre et prit un paquet de cigarettes dans un tiroir avant d'en allumer une.
"Réponds-moi franchement, pourquoi tu es là ?" Demanda-t-il toujours dos à moi.
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Et voilà le troisième chapitre de ROGER. Je l'ai écrit sur mon téléphone alors il risque d'y avoir quelques fautes, promis je les corrige bientôt.
Avec amour et dévotion,
ParadoxalementParadoxale.
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