Alcyone ; je t'en supplie, reste.

La porte claqua, et les larmes du bouclé redoublèrent. Il se sentait con. Vraiment...

Il se prostra encore un peu plus sur lui même, comme un animal souffrant, agonisant.

Il regarda, aux travers de ses larmes, les aiguilles troubles de son petit réveil à l'effigie de flash McQueen, souvenir de son enfance et de sa passion pour Cars, ce dessin animé qu'il avait regardé un bon million de fois, parce qu'il était heureux, parce qu'il était triste, ou tout simplement parce qu'il pleuvait dehors et qu'il ne pouvait pas sortir. Et ouais, là, il avait franchement envie de se coller devant ce dessin animé, roulé dans un plaid en pillow, et de manger de la crème glacée en pleurant. Aussi cliché que cela soit.

En plus quand il regardait Cars, il avait l'impression d'être un garçon normal, semblable aux autres, parce que Cars c'est pour les garçons, ça parle de voitures, et les garçons aiment les voitures, n'est-ce pas ? Normal... Comme dieu aurait aimé qu'il soit. Comme il aurait dû naître. Comme il se devait de devenir.

Toujours perdu dans le mouvement hypnotique de la trotteuse rouge et bleue, il plissa les yeux au moment où les phares d'une voiture passant dans la rue éclairaient la pièce de leur lumière disparate. Puis, comme prit d'un électrochoc, il se leva d'un bon, enfilant un caleçon et un sweat troué -surement sale aussi- et sans rien revêtir de plus, pas même des chaussures, il sorti de son appartement, et s'élança dehors.

Une fois sur le trottoir, quand la porte claque derrière lui, le bouclé tourna frénétiquement la tête de droite à gauche.

Moi, je n'était qu'à quelques mètres, marchant doucement, comme éteint, les mains dans les poches, mes joues encore humides, sillonées de larmes.

Il me repèra rapidement, et courut dans ma direction, sans même que je n'en ai conscience, avant qu'il ne crie mon nom d'une voix étranglée.

"Alcyone, reviens..."

Je me tournais vers lui, incertain quand à la marche à suivre. Devrais-je lui laisser une chance ? Quitte à finir blessé, plus que maintenant j'entends... Ou devrais-je partir, pour toujours... Quitte à passer à côté que quelque chose, quelque chose de beau, de magnifique, écliptique...

Je n'eu pas à réfléchir plus longtemps, puisque son corps me percuta -ou peut-être est-ce mon corps qui percuta le sien, j'en sais trop rien- et qu'avant que je ne puisse penser à quoi que ce soit, je passais mes bras autour de son corps tremblant, une main dans ses cheveux.

"Ne me laisses pas." Chouina-t-il, reniflant.

"Mathia. Je... je ne peux pas, enfin... Tu te rends compte de ce que tu m'as craché à la gueule tout à l'heure ? Enfin, tu m'as dit que j'étais un péché, envoyé par je ne sais quel diable. Ça m'a blessé. Que tu me reduisses à cela. Je pensais compter, un minimum..."

"Non ! Enfin oui, j'ai merdé, je voulais pas te dire ça... Ou peut-être que si. Mais écoutes, c'est pas, genre, pas ça le fond du problème et..."

"Ouais, t'as raison. C'est pas ça le problème. Le problème c'est que tu ne sais pas ce que tu veux !" Je pris une grand inspiration, cherchant le courage de continuer, de le repousser. "Alors tu sais quoi, penses-y, et reviens me voirs quand tu sauras c'que tu veux."

Et je me déttachais de lui, abandonnant son étreinte qui me faisait pourtant tant de bien, et je tournais les talons.

"Non, Alcyone, reste... Je t'en supplie."

Entendant son soupir, je me tournais vers Mathia, et me stoppais net.

Il était prostré sur lui-même, pieds-nus et en caleçon, un simple sweat sur le dos, en plein milieu de la rue, alors qu'un vent glacial soulevait ses bouclés brunes. Sous celles-ci, ses joues baignées de larmes et ses yeux suppliant, m'implorant silencieusement de rester, de revenir auprès de lui.

Et non, définitivement, je ne pouvais pas le laisser là. Et en quelques enjambées rapides, je fus de nouveau à ses côtés, défaisant ma veste pour la poser sur ses épaules tremblantes. Je l'entourais de mes bras, m'agenouillant contre lui, et nous explosons tous deux en sanglots simultanément. Parce qu'au fond, on avait eu tous les deux peur, si peur de se perdre l'un l'autre.

"Rentrons à l'intérieur, tu vas choper la mort !" Murmurais-je contre son cou, peinant encore à faire tarir mes larmes.

Il hocha doucement la tête, et quand je l'aidais à se relever, il chuchota, en sanglotant : "Me laisse pas. J'en prie me laisse plus."

Je reniflais et souris en même temps, c'était un mélange un peu étrange, pas très flatteur, et j'acquiesçais. "Jamais je ne pourrais t'abandonner, tu m'entends ? Jamais."

Je le soutenais jusqu'à la porte de son immeuble, et une fois devant celle-ci, il se rendit compte qu'il n'avait pas prit son pass quand il s'était précipité dehors pour me rattraper.

"Oh putain la boulette..."

Je soupirais, riant légèrement, stressant un peu aussi, je ne voulais pas vraiment passer la nuit sous le porche, je sonnais à l'interphone, appuyant sur un nom au hasard, puis un autre quand le premier ne répondit pas, puis encore un autre, jusqu'à tous les avoir faits. Par chance, le dernier répondit, et après un grommellement pour la forme, pour bien nous montrer que nous l'énervions passablement, il nous déverrouilla la porte.

Mathia s'engouffra rapidement à l'intérieur, grelottant, à juste titre, il était quand même sorti pieds-nus, en boxer. Pendant que l'ascenseur montait tranquillement, le silence juste entrecoupé par le bruit des rouages vétustes de la machine et nos reniflements respectifs, Mathia se calla contre moi, entourant mon cou de ses petits bars. Et tout ça avait un goût de déjà vu. Comme si nous étions revenus à notre premier soir, lui complètement cuit, pendu à mon cou, offrant une confiance aveugle et naïve alors que je n'étais qu'un inconnu croisé dans un club miteux et pas des plus fréquentables de la ville mais certainement le moins cher.

"Dis Mathia" commençais-je hésitant.

"Hum, hum ?" Fredonna-t-il contre ma peau, sans même ouvrir les yeux.

Je sentais la trace humide de ses larmes sur ses joues en contact avec mon épiderme, et tout ce que j'avais envie, c'est de le protéger pour toujours, de ne plus le lâcher, jamais.

"Je... Comment dire... Je ne veux pas avoir l'air chiant et surprotecteur, mais... Hum... j'aimerais que tu te méfies, que tu ne sois pas aussi... naïf ? Enfin, tu es adorable mais... j'ai peur ? Ouais, peur, putain j'ai peur qu'il t'arrives du mal. Parce que tu aurais pu tomber sur n'importe qui ce soir-là."

Il décolla sa tête de mon torse, me lançant un regard un peu perplexe.

"Sérieusement ? Tu le penses vraiment ? Mais Alcyone, réfléchit un peu, c'est vers toi que je suis allé ce soir la, pas un autre, ça n'aurait jamais pu être un autre, jamais. Ça n'aurait pas été juste. Ouais, ça aurait sonné carrément faux. Je ne suis pas naïf Alcyone. Ne crois pas cela."

Son ton commençait un peu à monter, et ce n'est pas du tout ce que je voulais, alors je calmais le jeu avant qu'il ne s'emporte.

"Ok, c'est bon, excuses-moi. Je me suis mal exprimé. C'est juste que je ne veux pas qu'il t'arrives quoi que ce soit de mal, d'accord ?"

"Ouais. 'Fin ne me fait pas la morale sur ça, c'est tout c'que j'te d'mande."

Je passais ma main dans ses cheveux, pour le ramener à moi, posant un petit baiser sur sa tempe. Soudain, il y eut une petite secousse, puis la cabine s'arrêta en heurt plus violent. Les lumières vacillèrent pour finir par s'éteindre. Mathia soupira, lâchant un petit juron. Je compris alors que ce genre d'incident était plutôt fréquent. Je dois dire que cela ne me choqua pas au vu de la vétusté de l'installation.

Mathia se laissa glisser au sol et pressa ma main pour que je m'assois à ses côtés.

"On en a pour un moment avant qu'il ne redémarre. C'est juste une coupure de courrant, sans doutes à cause du vent." Expliqua le bouclé.

Je ne le voyais pas mais je le sentis se blottir contre moi, trouvant sa place entre mes jambes, comme s'il avait été fait pour se retrouver là.

"Tu ne m'as jamais parlé de toi. 'Fin en trois soirs c'est un peu normal mais bon..."

"Tu veux que je te raconte quelque chose sur moi ?" Je demandais surpris.

"Ouais, tu ne veux pas ?"

"Si, Si, c'est juste que ça me fait bizarre. J'ai pas trop l'habitude de parler de moi. Et puis je ne pensais pas que ça t'intéressait."

Il se tortilla un peu entre mes bras.

"Comment ça, pourquoi ça ne m'intéresserait pas ?"

Je haussais les épaules.

"Je sais pas... C'est pas trop palpitant. Je suis né et j'ai passé toute mon enfance dans cette ville. Je pense pas avoir de quoi me plaindre, même si parfois mon père était un peu dur avec mes frères et moi. Mes parents ne gagnent pas énormément, alors je me suis mis à travailler dès que j'ai pu pour me payer mes études, j'ai aussi bénéficié de plusieurs bourses, dont la bourse de mérite, sans lesquelles je n'aurais jamais pu poursuivre mes études."

"Oh et tu étudiés quoi ?"

"La psycho. Et toi, tu es étudiant ?"

"Wow, ça veut dire que tu analyse chacune de mes faits et gestes pour décrypter ce que je pense ? Je te préviens tout de suite c'est un joyeux bordel dans ma tête. Surtout quand tu es dans les parages."

"Non, toi je ne t'analyse pas."

"C'est vrai ça comme mensonge ?"

Je ris un peu, continuant se caresser ses boucles épaisses.

"Assurément."

"Je suis au lycée. En terminale ES."

"Ho, et qu'est-ce que tu y apprends de beau ?"

"Plein de choses. C'est la première fois que les cours m'intéressent vraiment."

"Ouais ? Et tu veux faire quoi l'année prochaine ?"

"'Sais pas trop. J'voudrais bien devenir assistant social. J'crois ça m'plairait, d'aider les gens."

"Tu serais parfait pour cela. Rien que de voir ton visage si mignon mettrait du baume au cœur de n'importe qui."

"Phff... Arrêtes de dire des conneries."

Il y eut un petit moment de silence avant qu'il ne reprenne :

"J'dois que c'est à cause de mes parents que je veux faire ça. Ou plutôt grâce à eux. Parce qu'ils m'ont inculqué les valeurs de Dieu. Et que malgré le fait que je sois... contre-nature, ils continuent de m'aimer..."

Je me crispais à ses mots.

"Hey, Mathia, tu n'es pas..."

"Ouais, Ouais, je sais d'jà c'que t'en pense. Mais laisse moi finir."

"Ok, ouais, c'est d'accord, je t'écoute. Hum... Tu veux que je mette la torche de mon téléphone, qu'on puisse se voir ?"

Il lâcha un petit rire cristallin.

"Non, ne pas voir m'aide à -ouais- à me confier. Tu vois ? Tu devrais le savoir non ? T'es pas très perspicace pour un étudiant en psycho..."

"C'est ça, fous-toi de moi."

Je poussais gentiment son épaule avant de le ramener immédiatement vers moi, croisant ses bras sur son torse.

"En fait, au fond de moi, je sais que le fait que je sois gay n'est pas contradictoire avec le fait d'être croyant. Que tous ceux qui le pensent n'ont pas compris les fondements de la religion qui repose sur la bienveillance, l'abnégation et l'acceptation des autres, dans toute leur splendeur... Mais... Je sais pas, c'est comme si j'avais en permanence besoin de me punir pour ce que je suis, pour avoir réduit à néant les espoirs de mes parents d'avoir des petits enfants, et même s'ils ne me le diront jamais, je sais qu'ils en sont déçus. Et puis il y a les autres, ceux qui à cette heure-ci voudraient me mettre en cage. Je sature. Au lycée, la nouvelle est étonnement bien passée, Ouais quelques fois j'ai eu mon casier taggé, mais c'est tout, ça n'a duré que quelques semaines avant que les ragots se portent sur autre chose, cette fille de seconde qui a couché avec un garçon plus âgé et qui pour cela s'est faite traiter de pute ou de traînée, elle aussi on l'oubliera rapidement, parce que c'est comme ça le lycée... Et ouais, p't-être qu'c'est moche, mais c'est comme ça on y peut pas grand chose et tout le monde semble s'en contenter. Mais le problème, c'est pas la façon dont les gens me regardent moi, c'est ce qu'il ce dit sur mes parents qui n'ont fait que l'accepter et être géniaux. A l'église, tout le monde les dévisage et ils ont même été menacés d'excommunion s'ils ne m'envoyaient pas dans ce centre de traitement pour jeunes homosexuels, c'est pour cela que je suis parti de chez moi..." Acheva-t-il la voix tremblante.

Je resserais mon emprise sur le bouclé, conscient que si j'ajoutais quoi que ce soit, il pourrait entendre à quel point ma voix était incertaine et tremblante, prise des mêmes secousses qui étreignait mon cœur.

Et peut-être que j'ai retenu quelques larmes dans le noir en entendant cela, me rappelant de mes propres années au lycée mais aussi et surtout au collège, mais ça, Mathia n'avait pas à le savoir.

Il y eut un court grésillement, et les lumières se rallumèrent tandis que les rouages de la machine se remirent en mouvement. La cabine reprit sa montée et Mathia se releva de sur moi.

"Tu as faim ?" Demanda-t-il sans transition.

Je compris qu'il n'attendait pas vraiment de réponse, il cherchait juste à me signifier que la discussion que nous venions d'avoir prenait fin ici, qu'il ne souhaitait pas revenir dessus, qu'il voulait faire comme s'il ne s'était jamais confié. Sans doute est-ce encore trop tôt. Alors je glissais seulement ma main dans la sienne pour lui montrer que j'étais là, et que j'attendrais le temps nécessaire, toute ma vie s'il le faut. Et puis, j'avais moi aussi des choses que je devrais lui révéler, une fois le moment venu. Il me regarda et on se sourit mutuellement au moment où nous sortions de l'ascenseur pour rejoindre la porte de son appartement. Son voisin de pallier sortait au moment où nous allions rentrer dans son appartement. Il nous devisagea un instant, puis descendit son regard sur nos mains liées et en suite plus bas, sur les jambes nues et couverte de chair de poule et son regard s'assombri. Il lâcha un petit bruit à mi-chemin entre le mépris et le dégoût. Je soutins son regard alors que Mathia se contenta de baisser les yeux.

"Ces pédales... Ils feraient tout pour se faire remarquer." Grommela dédaigneusement en passant devant nous.

"Pardon ?" M'exclamais-je.

Il se retourna, comme surprit.

Parce qu'en plus il pense qu'être gay nous rend sourds ?

La main de Mathia me tira un peu en arrière, comme par crainte, ou soumission peut-être.

"Vous vous croyez vraiment tout permis ? Sous prétexte d'être l'individu lambda dans une société hétéronormée. Vous vous pensez en position de juger ?"

Mis devant le fait de ses propres actes, il ne savait plus quoi dire. Alors, coincé au pied du mur, bloqué par ses fautes, il prit la porte de sortie la plus accessible, il devint grossier et violent.

"Vous n'êtes que des erreurs de la nature, malformés génétiquement, complètement atteinds."

Erreurs de la nature...

Ces mots raisonnaient contre mon oreille se répercutant dans mon cœur. Et j'aurais voulu protéger Mathia, faire rempart, pour ne pas qu'il entende cela, même si je savais que c'était impossible et que je n'allais tout bonnement pas pouvoir le protéger de toute la merde que le monde nous jette a la gueule. Sa main se serra sur la mienne, il tremblait. Oubliant l'individu qui vociférait toujours contre nous, je me tournais vers le bouclé.

"Hey Mathia, tu sais que c'est faux. Tu es merveilleux, hein, tellement brillant que j'en suis ébloui."

Il rit un peu, un rire nasal et nerveux.

"Ouais... Aller, viens, on rentre." Chuchotta-t-il, toujours mal à l'aise en déverrouillage la porte de son appartement.

Après un dernier regard noir pour l'homme du couloir, je rentrais et refermais la porte. Et dès lors, tout le reste du monde disparut. Il ne restait, à mes yeux, que Mathia, qui se tenait face à moi, sa lèvre inférieure entre ses dents.

A pas lents, je m,approchais de lui, le faisant reculer jusqu'à ce quil heurte le dossier du canapé, perdant l'équilibre en un violement déboussolé et se retrouvant sur l'assise, les jambes en l'air. Je lâchais un petit rire, avant de saisir ses chevilles et de le retirer vers moi, pour qu'il s'assoit sur le dossier et que je puisse l'embrasser, à pleine bouche, comme une promesse. Il attrapa le col de mon haut pour pouvoir coller son torse au mien, approfondissant le baiser en demandant de sa langue l'accès à ma bouche.

Je me décallais dans son cou, lui susurrant quelques mots doux alors qu'il souriait, en m'enlaçant, fort contre lui.

"Je t'aime Mathia."

Il m'offrit le plus exquis de ses sourires et je su, au soubresaut que fit mon cœur, que c'était lui, le bon, celui que je voulais, pour toujours à mes côtés.

--'

Mon dieu je vais pleurer T-T

J'étais persuadée d'avoir posté ce chapitre il y a 3 jours je ne sais pas ce qu'il s'est passé ! Et là, alors que je voulais vous poster le dernier chapitre, je vois qe celui-ci est encore en brouillon My God ! I'm so sorry !!!

Du coup, le prochain chapitre est déjà rédigé, je le posterai demain, ou vendredi si j'ai pas le temps.

Encore désolé 😭

Avec amour et dévotion,

ParadoxalementParadoxale.

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