Tout va -

Lucifer s'était élevé dans les airs, déployant ses ailes avec une grâce silencieuse pour se poser sur le toit désert. L'horizon s'étendait devant lui, teinté de rouge et de feu, où le soleil, dans sa lente descente, projetait des ombres longues et décharnées sur le monde en dessous. L'air était lourd, saturé d'une odeur persistante de soufre et de décadence, tandis que, au loin, il entendait le tumulte incessant d'une population en proie à une frénésie irrationnelle, entrecoupée de hurlements lointains. C'était la mélodie du chaos, un écho de ce monde défiguré qui continuait de tourner, implacable.

Alors qu'il allait se perdre dans ses pensées, il sentit une présence familière derrière lui, une présence qu'il connaissait bien. Alastor. Le démon resta un moment à contempler les ailes déployées du roi déchu, fascinée par leur majesté. Il était rare, voire inédit, de voir de telles ailes dans ce monde. Et encore plus rare était l'occasion de les observer en silence, sans l'omniprésence de la guerre et des conflits.

Les ailes de Lucifer étaient dignes des légendes - Trois paires d'ailes, d'un blanc éclatant et d'un rouge profond, une combinaison d'innocence et de souffrance, de pureté et de cruauté. Pourtant, Alastor, derrière lui, ne pouvait s'empêcher de les observer. Pas comme un simple témoin, mais comme quelqu'un qui y voyait un monde entier, un monde auquel il n'appartenait pas, mais qui l'attirait irrésistiblement.

- On ne touche pas les ailes d'un ange Dit Lucifer, la voix grave, tranchante, comme si ces mots étaient le dernier rempart avant la dévastation.

Alastor s'arrêta, un frisson traversant son échine. Il savait que cet interdit n'était pas qu'une simple règle, mais quelque chose de profondément lié à Lucifer lui-même. Un avertissement. Une barrière invisible entre eux. Pourtant, un désir brûlant, une douleur qu'il ne pouvait expliquer, l'incita à s'approcher. Ses doigts s'effleurèrent, hésitants, comme si il avait touché un feu sacré, une chaleur douce-amère qui le consumait sans qu'il puisse l'arrêter.

- Pourquoi ne pourrais-je pas les toucher ? Demanda Alastor, une touche de défi dans sa voix.

Lucifer tourna lentement la tête, ses yeux perçant le ciel avant de se poser sur Alastor. Un silence lourd s'installa entre eux, comme une mer calme avant la tempête.

- Les ailes sont sacrées,répondit-il doucement, presque avec une tendresse qu'il n'avait pas l'habitude d'afficher. Elles portent l'essence même de ce que nous sommes. Toucher sans consentement, c'est comme fouiller dans les secrets d'une âme.

Alastor sentit une douleur sourde l'envahir. Ce n'était pas seulement un interdit, c'était un mur. Mais il n'était pas prêt à le laisser tomber si facilement. Pas cette fois. Il s'approcha encore, son regard fixé sur Lucifer, sur cette figure majestueuse, mais brisée. Quelque chose en lui se déchirait, comme une corde tendue jusqu'à son point de rupture.

- Et si je veux juste comprendre ? demanda-t-il, sa voix tremblant légèrement. Mais sous cette tremblement, il y avait une sincérité désarmante.

Lucifer ferma les yeux un instant, comme si la question le brûlait de l'intérieur. Puis, dans un souffle lourd, il parla à nouveau, sa voix murmurée presque imperceptiblement, comme s'il avait peur d'admettre la vérité.

- Comprendre... Oui, mais il faut d'abord construire la confiance. Les ailes incarnent notre force, mais aussi nos souffrances. En les touchant sans permission, tu pourrais réveiller des blessures que nous préférerions garder cachées.

Le démon se tut. Ses yeux s'agrandirent légèrement, comme s'il était en train de découvrir un terrain qu'il n'avait jamais envisagé. L'espace entre lui et Lucifer se resserrait, mais il n'osait pas franchir cette ligne. Il n'osait pas parce qu'il savait que toucher les ailes de Lucifer, c'était risquer de briser à tout jamais leur relation.

- Je ne veux pas blesser, murmura-t-il, avec une étrange douceur dans sa voix habituellement teinté d'ironie.

Lucifer tourna lentement son regard vers lui. Il y avait quelque chose dans la sincérité de la réponse d'Alastor, quelque chose qui lui fit naître un sentiment étrange, une chaleur timide au fond de son cœur. C'était la première fois qu'Alastor ne semblait pas jouer à un jeu, la première fois qu'il montrait cette vulnérabilité qui, paradoxalement, le rendait plus humain.

Un petit sourire, pur et presque imperceptible, naquit sur les lèvres de Lucifer. Un sourire qu'il n'avait pas offert à quelqu'un depuis bien longtemps. Un sourire qui disait plus que mille mots, un sourire qui n'avait rien de froid ni de calculé, mais qui portait une vérité qu'il n'avait pas l'habitude de laisser sortir.

- Pour toucher les ailes d'un ange, il faut un lien authentique, une promesse de respect, Dit Lucifer, les mots se posant doucement, mais fermement, comme une vérité qu'il venait d'accepter. -C'est bien plus que des plumes, c'est l'essence même d'une relation.

Lucifer resta un moment silencieux, les yeux fixés sur l'horizon. Il admirait le paysage, le ciel enflammé par les dernières lueurs du soleil couchant, une scène splendide et mélancolique à la fois. Puis, dans un mouvement fluide, il se leva lentement, sans un bruit, comme une silhouette effleurant le vide. Mais avant qu'Alastor n'ait le temps de réagir, Lucifer posa un pied dans le vide.

Le cœur d'Alastor fit un bond dans sa poitrine. Instinctivement, il se précipita en avant, ses mains saisissant le bras de Lucifer pour l'empêcher de tomber. Le démon ne pouvait s'empêcher de penser à ces tendances suicidaires que Lucifer avait montré à de nombreuses reprises, à cette fragilité cachée derrière sa façade glaciaire. Il ne pouvait tout simplement pas le laisser se laisser emporter par cette impulsion, pas sans au moins une tentative de le retenir.

Cependant, Lucifer éclata de rire. Un rire franc, bruyant, qui se fit entendre sur toute la surface du toit, vibrant dans l'air. Il se tourna légèrement vers Alastor, ses yeux brillants de malice.

- Tu sais, Alastor, dit-il entre deux éclats de rire, Je suis loin d'être aussi fragile que tu sembles le penser. J'ai des ailes, après tout.

Alastor, toujours aussi nerveux, se sentit soudainement stupide. La panique qui l'avait envahi quelques secondes plus tôt se mua en gêne profonde. Il n'avait pas eu à réagir de cette manière, il le savait bien. Lucifer, dans toute sa majesté, pouvait parfaitement se permettre de jouer avec le vide, et ses ailes n'étaient pas qu'une simple décoration, mais une source indéniable de puissance. Alastor se sentit idiot d'avoir agi comme s'il pensait vraiment que Lucifer pouvait se faire du mal de cette manière.

Il lâcha lentement le bras de Lucifer, un sourire gêné étirant ses lèvres.

- Désolé... Je... Je suppose que je n'ai pas vraiment réfléchi, murmura-t-il, évitant son regard.

Lucifer, toujours hilare, se tourna à nouveau vers lui, un sourire amusé étendant ses lèvres. Il se laissa glisser dans le vent, ses ailes battant doucement derrière lui, avant de revenir se poser sur le toit, comme si de rien n'était. Le regard d'Alastor se fit un peu plus intense, quelque chose entre l'exaspération et l'admiration.

- Tu es vraiment trop... intrépide, Lucifer, dit Alastor en secouant la tête, son regard toujours un peu mal à l'aise, mais aussi impressionné.

Lucifer le regarda, toujours amusé par la réaction d'Alastor. Il se redressa lentement, un air un peu plus calme sur le visage, bien que le sourire moqueur ne l'ait pas quitté.

- Tu sais, Alastor, dit-il d'une voix plus douce, Tu pourrais apprendre à me faire confiance un peu plus. Ce n'est pas un mal de me laisser vivre à ma manière.

Il observait Lucifer avec une intensité nouvelle, comme si chaque mot qu'il prononçait, chaque geste qu'il faisait, portait un poids qu'il n'avait pas perçu auparavant. C'était subtil, presque imperceptible, mais pour quelqu'un aussi attentif qu'Alastor, la différence était claire : une légère hésitation dans sa voix, une touche de sincérité qu'il ne laissait jamais transparaître.

- J'ai du mal à croire que tout va bien, dit-il, mais les mots, étrangement, n'avaient pas cette assurance calculée qu'il avait l'habitude d'afficher. - Tu es... tu es en train de me dire que tu vas bien, mais il y a quelque chose qui cloche, Lucifer. Quelque chose que tu caches et que tu refuses de voir toi-même.

Lucifer le fixa un instant, les traits fermés, comme s'il n'était pas certain de la manière de réagir.
Il sourit néanmoins, ce sourire vide et distant qui était devenu sa signature.

- Tout va... commença-t-il, mais ses lèvres se fermèrent avant qu'il n'ait pu terminer. Il regarda Alastor d'un air perdu, ses yeux trahissant une inquiétude qu'il ne voulait pas admettre, avant de détourner le regard. Le mot "bien" restait suspendu, comme une vérité qu'il n'arrivait plus à prononcer.

Alastor, toujours aussi calme et attentif, remarqua cette petite fissure. Cette impossibilité dans la voix de Lucifer, ce mot qu'il ne pouvait dire, comme si même lui, dans son arrogance glacée, sentait que quelque chose en lui se brisait.

Alastor détourna légèrement les yeux, un étrange malaise traversant son regard habituellement si implacable.

- Tu n'as pas à mentir, Lucifer, dit-il, sa voix trahissant pour la première fois cette touche d'empathie qu'il dissimulait toujours si bien. *Pas avec moi.*

Lucifer garda le silence, son regard fuyant, incapable de soutenir celui d'Alastor. Il n'arrivait même plus à croire à ses propres mensonges.

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