Rien d'angélique
La nuit ne tarda pas à enveloppait l'hôtel, sur l'une des terrasses, Lucifer se tenait adossé à la balustrade, un léger sourire flottant sur ses lèvres alors qu'il portait à sa bouche un fin bâtonnet rempli d'une substance qui, à première vue, n'avait rien d'angélique. Il inspira, laissant la fumée se mêler à la brise fraîche du soir, l'air paisible, presque méditatif.
Alastor, qui passait dans les parages, s’arrêta, les sourcils légèrement levés en voyant Lucifer dans cette posture peu conventionnelle. Avec un sourire malicieux, il s'avança, ses pas silencieux comme à son habitude, et s'appuya contre le rebord, observant la scène avec une pointe d'amusement.
— Eh bien, je dois dire que je ne m'attendais pas à voir un ange, même déchu, se laisser aller aux plaisirs illicites de notre cher Angel, remarqua-t-il, un sourire moqueur aux lèvres.
Lucifer rit doucement, un rire grave et détendu qui semblait se fondre dans la nuit.
— Que veux-tu, Alastor… il paraît qu’on apprend vite des mortels et de leurs plaisirs. Et puis, je ne suis plus exactement un ange, n’est-ce pas ? déclara-t-il, prenant une autre bouffée avec une nonchalance calculée.
Alastor, intrigué par cette réponse, pencha la tête, son sourire s’élargissant.
— Un ange reste un ange, peu importe la déchéance ou le royaume qu'il dirige. Mais je suppose que même toi, tu as fini par céder aux tentations de ce bas monde, dit-il, feignant une touche de surprise.
L'ange esquissa un sourire en coin, regardant la ville infernale qui s’étendait au loin, d’un rouge sombre qui vibrait sous la lueur des flammes éternelles. Il resta un moment silencieux, savourant l'effet du produit, puis répondit doucement, sa voix à peine un murmure :
— Disons qu’on en apprend plus en tombant qu’en restant perché là-haut, intouchable. Ici, je peux me perdre, je peux ressentir… des choses. Bien plus de choses qu’un ange là-haut ne pourra jamais comprendre.
Le démon radio l’observa attentivement, les yeux plissés. Il connaissait la nature humaine mieux que quiconque ici. Mais chez Lucifer, il sentait quelque chose de différent. Ce n’était pas seulement de la curiosité ou une simple envie de plonger dans les vices. C'était une manière de s’oublier, peut-être d'apaiser les douleurs invisibles, dissimulées derrière chaque sourire, chaque geste.
— Et pourtant, tu sembles toujours… insaisissable, même ici, au milieu de nous tous. Comment fais-tu pour toujours garder cette façade, Lucifer ? demanda Alastor, le regard perçant.
Lucifer lui jeta un coup d'œil, un sourire énigmatique au coin des lèvres, puis répondit en expirant lentement la fumée :
— Peut-être parce que j’ai appris à aimer l’ambiguïté autant que vous autres. C’est la seule façon de survivre ici, n'est-ce pas ?
Alastor, pour la première fois, ne trouva rien à redire. Il y avait dans les mots du roi un écho étrange, un mélange de sagesse et de mélancolie qu'il n’aurait jamais admis comprendre.
Lucifer inspira longuement, les yeux rivés sur l’horizon sombre des Enfers. La fumée s'échappa lentement de ses lèvres tandis qu'il semblait perdu dans une réflexion profonde. Finalement, il rompit le silence, sa voix s'enroulant autour des mots comme un murmure presque inaudible, mais teinté d'une franchise désarmante.
— Tu sais, Alastor… J’ai toujours été à l’écart, même là-haut, commença-t-il, ses yeux prenant une teinte plus sombre, comme s'il se perdait dans des souvenirs longtemps enfouis. Je n'ai jamais aimé le Paradis. Pas comme un ange devrait l’aimer, en tout cas.
Alastor, surpris par cette confidence inattendue, le fixa sans un mot, ses sourcils légèrement froncés, attentif à chaque nuance dans la voix de Lucifer. Ce n’était pas la confession d’un déchu enragé. Non, c’était quelque chose de plus complexe, quelque chose de… résigné, presque.
— Là-haut, continua Lucifer, l'ombre d'un sourire amer glissant sur ses lèvres, on aime à croire que tout y est parfait. Que la pureté et la lumière éclipsent toute noirceur. Mais c’est une illusion, Alastor. Il y a des âmes là-haut, des anges bien plus sombres et impitoyables que tous les démons réunis ici en bas.
Il tourna la tête vers Alastor, son regard pénétrant, empreint d'une gravité que le démon n'avait jamais vue. Ce regard n’avait rien de bienveillant, ni même de compatissant.
— Des anges aux âmes noires ? répéta Alastor, sa voix teintée d’ironie mais aussi d’une certaine méfiance. Ce n’est pas le discours qu’on m’a servi en arrivant ici. Le Paradis est censé être… pur, parfait.
Lucifer eut un rire bref, presque un souffle.
— La perfection, Alastor, est souvent le plus grand des masques. Là-haut, il y a ceux qui, en portant la lumière, dissimulent une obscurité qui ferait frémir les plus cruels des êtres de ces lieux. Je n’ai fait que désobéir en voulant le fuir.
Alastor l’observa, son expression passant d'une curiosité feinte à une réelle attention. Une lueur perverse brillait dans ses yeux, ravie de saisir une faiblesse inédite du royaume céleste. Il n’avait jamais envisagé cette facette-là de Lucifer, ni même de la hiérarchie céleste. Cette révélation ébranlait sa perception des Enfers… et du Paradis.
Mais soudain, un éclat de trouble apparut dans le regard de Lucifer. Il semblait étrangement perdu, comme si les derniers mots qu’il venait de prononcer avaient franchi ses lèvres sans qu’il en ait vraiment conscience. Son regard se brouilla légèrement, et il resta silencieux, le front plissé, comme s’il essayait de mettre en ordre des souvenirs qui s’échappaient, se dissipant tel un rêve qu’on ne parvient plus à saisir au réveil.
Il se sentait à la dérive, cherchant à se rappeler ce qu’il avait réellement voulu fuir dans ce Paradis autrefois… Était-ce une simple quête de liberté ? Ou quelque chose de plus sombre ? Une sensation persistante lui murmura que ce n’était pas aussi simple. Mais, aussi profond qu'il plonge dans sa mémoire, rien de précis ne refaisait surface. C'était comme si un voile s'était posé sur ces souvenirs, les rendant flous et inaccessibles, à la fois familiers et étrangers.
Alastor, occupé à savourer sa propre satisfaction d’avoir entrevu une faiblesse en Lucifer, ne remarqua pas le trouble qui assombrissait ses traits.
D'un geste indifférent, Lucifer tourna les talons, comme si cet instant d'égarement n'avait jamais eu lieu. Tandis qu'il s’éloignait, une question persistait dans son esprit, voguant comme un écho insaisissable : "Qu’est-ce que je voulais fuir exactement ?"
Le silence se referma sur cette interrogation, une question sans réponse, qui continuait de le hanter dans les méandres de sa conscience, tandis qu’il s’éloignait dans le couloir, dissimulant cette fêlure sous un masque parfait.
Alastor resta immobile sur la terrasse, les yeux fixés sur l’endroit où Lucifer s’était tenu un instant plus tôt, son esprit tourmenté par les paroles de l’ange déchu. Il était rare, pour ne pas dire impossible, qu’un simple échange le laisse ainsi dans une telle réflexion. Mais Lucifer… Lucifer semblait défier toutes les règles, jouer un jeu auquel il était le seul à connaître les véritables règles.
D’un geste mécanique, Alastor passa une main sur le bord de son col, un tic qu’il adoptait lorsqu’il se trouvait face à une énigme insaisissable. Ce roi, qui se disait pourtant las de tout, était loin d’être l’incarnation simple et brutale du mal que tant redoutaient. Non, il représentait bien plus que cela : un paradoxe vivant, une ombre lumineuse, un être qui embrassait ses contradictions avec une grâce troublante.
— Des anges aux âmes noires… murmura-t-il, répétant doucement les mots de son interlocuteur, comme s’ils portaient en eux un secret plus vaste. Chaque intonation, chaque regard de Lucifer résonnait en lui, comme une clé qu’il n’arrivait pas encore à faire tourner.
Pour la première fois depuis une éternité, Alastor sentait une flamme de curiosité véritable brûler dans son esprit, une faim qu’il n’avait pas ressentie depuis son arrivée dans les abysses infernales. Lucifer était bien plus qu’un roi déchu : il était une énigme ambulante, un maître des masques qui semblait savourer l’ambiguïté qu’il projetait autour de lui. Ce qui fascinait le plus Alastor, c’était cette subtile fracture : derrière l’arrogance tranquille et les sourires en coin, il percevait quelque chose d’autre. Une tendresse… ou peut-être une douleur soigneusement voilée, presque imperceptible.
L'ombre d’un mystère planait autour de lui, comme un parfum insaisissable, une invitation tacite à quiconque aurait l’audace de percer ce voile. Mais Alastor savait que ce genre d’invitations n’étaient jamais innocentes. Était-ce une diversion habile pour égarer les esprits les plus perspicaces, ou un défi subtil, lancé à ceux assez téméraires pour chercher à comprendre ?
La nuit continuait d’envelopper l’hôtel dans une étreinte silencieuse, les ombres dansant doucement sur les murs. Seul avec ses pensées, Alastor sentait un sourire s’étirer lentement sur ses lèvres, glacial et calculé.
— Très bien, mon roi… si tu veux jouer, alors nous jouerons.
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