L'Enfer, royaume éternel de chaos et de souffrance, vacillait pour la première fois depuis sa création. Une fracture invisible, sinistre et inexorable, s'insinuait dans ses fondations. Au cœur de ses abysses brûlantes, un silence anormal s'installait. Ce n'était pas une accalmie avant la tempête, mais une tension oppressante, palpable, qui étouffait chaque souffle, chaque murmure. Même les âmes damnées, prisonnières de tourments infinis, ressentaient cette peur viscérale, un frisson rampant comme un poison insidieux dans les veines de l'Enfer.
Tout commença avec les cauchemars. Même les seigneurs démoniaques, des entités façonnées pour semer la terreur et se nourrir de souffrance, furent submergés par des visions insoutenables. Chaque rêve différait, mais une constante demeurait : une ombre titanesque, une présence omnipotente qui réduisait tout à l'insignifiance.

Des murmures indistincts et un rire glacial, lointain mais inoubliable, se faufilaient dans leurs esprits, érodant leur confiance. Nul n'osait briser le silence pour en parler, mais tous savaient que quelque chose,ou quelqu'un, approchait. Puis vinrent les bouleversements. La terre infernale trembla, laissant dans son sillage des gouffres béants et des geysers de flammes qui éclataient comme des plaies ouvertes. Le ciel rouge, habituellement immobile, s'illuminait d'éclairs noir, projetant sur les forteresses des ombres grotesques, comme des spectres dansants d'une vie propre. Les âmes damnées hurlaient, leurs lamentations montant en une cacophonie insoutenable, amplifiée par une force invisible et inexplicable. Chaque cri semblait aspirer l'air, renforçant l'impression suffocante qui gagnait chaque recoin du royaume.

À l'Hazbin Hôtel, l'atmosphère était tout aussi étrange. Charlie arpentait les couloirs avec une inquiétude croissante, observant les résidents changer sous cette influence inconnue. Husk, déjà taciturne, s'était réfugié dans un mutisme glacial. Angel Dust, malgré son flot incessant de plaisanteries, ne pouvait cacher ses tremblements. Même Vaggie, habituellement imperturbable, se déplaçait comme une ombre, chaque muscle tendu, les yeux scrutant l'obscurité comme si elle redoutait qu'un monstre surgisse à tout instant. Mais c'était Alastor qui provoquait le plus d'inquiétude. Son sourire éternellement figé semblait étrangement tendu, presque forcé. Parfois, il s'arrêtait net, le regard fixé sur un point invisible, son expression s'assombrissant comme si un souvenir lointain refaisait surface. Finalement, il lâcha, d'une voix aussi glaciale qu'un couperet :

— Il est là... et il réclame ce qui lui revient.

Dans les recoins les plus reculés de l'Enfer, le chaos s'intensifiait. Des seigneurs démoniaques disparaissaient sans laisser de traces, leurs forteresses abandonnées comme des carcasses vides. Leurs trônes gisaient renversés, et des échos de leurs hurlements résonnaient dans les corridors déserts. Les démons mineurs, terrifiés, murmuraient des théories incohérentes : certains parlaient de la rébellion de l'Enfer contre ses habitants, d'autres chuchotaient un nom redouté, avec la prudence de ceux qui craignent d'attirer le malheur. Puis, l'impensable se produisit. Une voix résonna dans tout le royaume, froide et implacable, semblant venir de nulle part et de partout à la fois :

— Votre roi est de retour.

Ces mots figèrent l'Enfer dans une peur primitive. Les alliances, déjà fragiles, se désintégrèrent. Certains démons, désespérés, se précipitèrent pour prêter allégeance, tandis que d'autres tentaient de former des factions de résistance vouées à l'échec. Mais au fond, tous savaient qu'ils ne pouvaient fuir ce qui s'annonçait. Pour Charlie, ce n'était pas qu'un bouleversement : c'était une menace directe. Tout ce qu'elle avait construit, son rêve d'unifier et de réhabiliter les âmes perdues, risquait de s'effondrer sous cette ombre oppressante. Elle regarda ses alliés, le cœur alourdi par l'incertitude. Comment résister à une entité aussi ancienne, aussi implacable ?
Dans les profondeurs de l'Enfer, une présence titanesque avançait lentement, inexorablement. Là où elle passait, la peur s'imprégnait dans chaque pierre, chaque souffle. Et dans les ombres mouvantes, Il observait.

Satan, l'incarnation du mal, était revenu, et l'Enfer, son royaume, ne serait plus le même.

L'ascension démoniaque de Satan déployait son pouvoir bien au-delà des abîmes de l'Enfer, ses vagues de malveillance déchirant les voiles du paradis avec la brutalité d'une lame de fer incandescente. Dans l'éclat immaculé du palais d'argent, les pierres sacrées tremblaient sous l'impact de cette force noire, une onde de terreur et de colère qui perça l'éther, insidieuse et implacable.
Les anges les plus puissants, ceux dont les sens s'étendaient au-delà de la lumière, frissonnaient sous l'influence de cette énergie dévorante. Leurs ailes, d'ordinaire majestueuses et sereines, se replièrent instinctivement, les plumes frémissant comme si l'air lui-même s'était alourdi d'une présence étrangère et oppressante. Une pression invisible, implacable, s'abattait sur leur âme, déstabilisant même les plus inébranlables d'entre eux. Leurs sens affinés saisirent ce qui échappait à la vue : une force ancienne, titanesque, emplissant l'espace d'une lourdeur oppressante. C'était l'ombre d'un mal qu'ils n'avaient pas ressenti depuis des éons.

Une peur sourde, comme un poison lent, s'insinua dans leurs pensées, une peur oubliée depuis si longtemps qu'ils en perdirent momentanément leur équilibre. L'illusion de leur sécurité vacilla. Ils savaient désormais, dans les tréfonds de leur être, que quelque chose se réveillait dans les ténèbres. Ce n'était pas Lucifer, le frère déchu qu'ils avaient cru terrassé et vaincu. Non, c'était autre chose, sa puissance infinie semblant renaître avec une force démesurée, une volonté inexorable qui brisait tout sur son passage.

L'un des frères de Lucifer, un archange impitoyable et rigide, fixa sa consœur d'un regard glacé, un éclat de certitude mordante brillant dans ses prunelles. Ses traits sévères et son port altier dégageaient une autorité inébranlable, une conviction telle qu'il ne semblait pas y avoir d'alternative à ses paroles.

— Cela ne fera qu'empirer... Dit-il d'une voix tranchante, chaque syllabe pesant comme un jugement.

Il n'éprouvait aucune hésitation, sa certitude frappante dans sa froideur absolue. La consœur, Sera, le regarda avec un mélange de doute et de terreur, ses yeux empreints d'une angoisse qui démentait sa position.

— Que devons-nous faire ? Demanda-t-elle, sa voix vacillant, trahissant sa propre vulnérabilité face à une menace qu'elle ne pouvait ignorer.

L'archange ne daigna même pas détourner le regard. Sa réponse tomba, froide et implacable.

— Lucifer doit mourir. Une bonne fois pour toutes.

Les mots résonnèrent dans l'air, comme un couperet, et Sera ne put réprimer un frisson. Une lueur de panique se glissa dans ses yeux, et elle s'empressa de protester, secouant légèrement la tête comme si cela pouvait annuler l'évidence de ses paroles.

— Mais... c'est impossible ! Sans lui, les Enfers seraient...

Il la coupa net, sa voix dure comme la pierre, ne laissant aucune place à l'indécision.

— Une menace en moins pour nous.

Ses yeux brillaient d'une froide détermination.

— Leur sort ne nous importe guère. Reprit l'archange. Ce qui compte, c'est qu'il existe toujours. Lucifer est un déchu, un démon. Un mal vivant. Et nous devons l'anéantir avant qu'il ne nous engloutisse tous.

Sera, figée par la terreur, prit un instant pour digérer ses paroles, le poids de cette décision écrasant son âme. L'effroi dans ses yeux ne faisait aucun doute, elle avait vu trop de choses, trop de destructions laissées par Lucifer pour pouvoir ignorer sa puissance, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir cette peur viscérale, celle qui n'était pas seulement de la peur de l'inconnu, mais d'une vérité bien trop lourde à porter.

L'archange, son regard perçant toujours fixé sur Sera, répondit d'une voix qui laissait entendre qu'il possédait une vérité cachée, une connaissance qu'il n'avait partagée avec personne.

— Il n'est pas aussi invincible qu'on pourrait le croire. Dit-il, un sourire glacial effleurant ses lèvres, comme s'il détenait un secret qu'il n'avait pas encore révélé.

La confiance dans sa voix, teintée d'une certitude presque inquiétante, ne laissait aucune place au doute. Sera, troublée par cette révélation, sentit son cœur s'alourdir. Elle connaissait Lucifer, elle savait à quel point sa puissance semblait inébranlable. Mais cette révélation laissait entrevoir une nouvelle possibilité, une menace à laquelle elle n'avait pas encore pensé.

— Qui pourrait le faire ? Demanda-t-elle, les mots s'échappant d'elle presque malgré elle, avec une pointe d'angoisse.

Il se redressa, l'air plus autoritaire que jamais.

— Moi. Michael, le chef des armées célestes.

Il fit une pause, le poids de ses mots suspendu dans l'air.

— Va prévenir les autres. Nous devons tenir une réunion d'urgence.

Sa voix se fit plus tranchante, plus impérative.

— Chaque instant compte, et nous n'avons plus de temps à perdre.

Sans un autre mot, il tourna les talons, disparaissant dans les couloirs argentés du palais, tandis que Sera restait là, secouée, incapable de chasser l'inquiétude grandissante qui pesait désormais sur elle.

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