La réunion dans la salle de l'hôtel battait son plein. Charlie, enthousiaste, parlait avec énergie de nouveaux moyens d'attirer plus de démons dans l'hôtel, tandis que les autres membres de l'équipe proposaient des idées plus ou moins farfelues. Lucifer, bien qu'absent mentalement, était là physiquement, son esprit absorbé par des préoccupations bien plus profondes que la stratégie à suivre. Il se tenait à l'écart, légèrement penché en avant, les mains croisées sur la table, observant d'un air distrait. Mais à un moment donné, une douleur sourde et lancinante se manifesta, telle une vague qui frappait soudainement les côtes de sa conscience.

Sa respiration se fit plus irrégulière, et un mal familier sembla lui tordre les entrailles. Il serra les poings sous la table, tentant de masquer l'intensité de la douleur. Cela faisait parfois partie de son quotidien, ces blessures internes qui ressurgissaient à l'improviste, mais chaque épisode était un rappel cru de sa propre fragilité. Il se leva d'un coup, la tête lui tournant sous la pression de la douleur, mais il tenta de la repousser. Pourtant, une toux rauque, d'abord silencieuse, éclata de sa gorge, accompagnée d'un filet de sang qui se déversa sur ses lèvres, qu'il tenta de dissimuler d'un geste précipité. Le regard, désormais terrifié, il tourna son visage vers la table, espérant secrètement que personne ne l'ait vu.

Malheureusement, la situation ne pouvait pas être plus mal choisie. Charlie, occupée à expliquer une idée brillante, ne remarqua pas immédiatement ce qui se passait, mais Alastor, toujours vigilant, remarqua chaque détail avec une précision presque insoutenable. Il aperçut la lueur d'inquiétude dans les yeux de Lucifer avant même qu'il n'émette ce premier son étouffé, et, instinctivement, il se leva
et se plaça sans cérémonie devant Lucifer, interrompant ainsi la ligne de vision de la table. Il se pencha légèrement en avant, faisant face à Lucifer tout en dissimulant habilement la scène aux autres.

Le regard de Lucifer se figea brièvement sur Alastor, et il sentit une vague de gratitude mêlée à une profonde honte. Il n'avait pas besoin de demander à Alastor pourquoi il se plaçait ainsi, il savait qu'il essayait de l'aider. Mais il avait toujours cette crainte que quelqu'un découvre ce qu'il cachait, ce fardeau qu'il portait si silencieusement.
La dernière chose qu'il voulait, c'était que Charlie, ou qui que ce soit d'autre, le voie dans cet état. La moindre étincelle de peur qu'il laisserait paraître pourrait l'effondrer définitivement aux yeux de tous. Il avait beau être le roi de l'Enfer, il n'était plus celui qu'il était autrefois. Ses blessures, souvenirs douloureux et anciennes étaient devenues des compagnons invisibles qui ne faisait que empirer.

Alastor, le sourire indéchiffrable sur le visage, sembla soudainement engager une conversation comme si de rien n'était. D'une voix forte et joyeuse, mais teintée d'un sous-entendu subtil, il s'adressa à la salle avec une aisance parfaite.

- Chers amis, je pense que nous avons tous eu l'occasion de découvrir de nouvelles perspectives aujourd'hui, n'est-ce pas ? Mais peut-être devrions-nous accorder un petit moment à l'exploration de la question la plus essentielle... Il marqua une pause avant de regarder autour de la table, un regard espiègle brillant dans ses yeux.

-Comment éviter qu'une réunion sur l'expansion ne se transforme en un véritable calvaire ? L'équilibre entre l'enthousiasme et la stratégie est délicat, et parfois, un petit ajustement de perspective est nécessaire.

Il se tourna alors un instant vers Lucifer, son regard se posant sur lui d'un air entendu, mais sans aucun mot. À ce moment précis, le prince déchu reprit son souffle, comme s'il était soulagé par cette diversion inattendue. Alastor, sans même laisser la chance à qui que ce soit d'interroger Lucifer, continua sur sa lancée, s'adressant à Charlie et aux autres.

- Quant à la question des démons à attirer, nous pourrions envisager de rendre la 'terrible réputation' de notre hôtel encore plus fascinante. Peut-être une approche un peu plus... théâtrale ?

Lucifer, son regard toujours aussi impénétrable, baissa lentement les yeux, s'essuyant discrètement les lèvres. La douleur n'avait pas disparu, mais il s'était repris, comme il le faisait toujours. Le sang était maintenant essuyé, et sa dignité restait intacte. Il n'osa pas croiser les yeux de Charlie, sachant qu'elle pouvait voir au-delà de la surface, mais se força à sourire.

- Oui, en effet, répondit-il d'une voix calme, presque distante, mais son regard, lui, trahissait une lueur de gratitude vers Alastor.

Le cerfs se tourna vers la table et reprit la parole, offrant un sourire légèrement étiré, comme s'il ne venait que de régler un léger contretemps.
Lucifer, de son côté, se redressa, sa posture retrouvant peu à peu la majesté qui lui était propre. Pourtant, à l'intérieur de lui, l'incertitude persistait, un malaise qu'il savait qu'il porterait seul, comme toujours. Mais pour l'instant, il se sentait presque... reconnaissant envers Alastor. Il n'avait pas cherché à l'humilier ni à exploiter sa faiblesse. Cela, au fond, était la plus grande des surprises.

Alors que la réunion se poursuivait, Alastor ne cessait de jeter des regards furtifs en direction de Lucifer. La manière dont il avait dissimulé sa douleur, sa maîtrise parfaite de soi malgré la souffrance qu'il venait de traverser, ne lui avait pas échappé. Ce n'était pas la première fois que Lucifer donnait l'impression d'être à la fois indestructible et fragile, mais aujourd'hui, quelque chose était différent. Un voile supplémentaire s'était levé, et Alastor avait vu plus qu'il n'en fallait pour éveiller sa curiosité.

La réunion s'étirait, mais Alastor, malgré son enthousiasme apparent, n'arrivait pas à détourner son esprit de ce qu'il avait observé. À un moment donné, alors que la discussion semblait atteindre une sorte de conclusion, Alastor se leva calmement de sa chaise. Son mouvement était fluide, il s'approcha de Lucifer, toujours assis là, essayant de paraître aussi impassible que possible.

Sans dire un mot, me démon de la radio posa une main fine et autoritaire sur l'épaule de Lucifer, un geste qui semblait tout à la fois réconfortant et menaçant. Lucifer tourna lentement son regard vers lui, son expression demeurant inchangée, mais une tension nouvelle s'installa entre eux.

Alastor, l'air toujours aussi détaché, se pencha légèrement, son visage se rapprochant de celui de Lucifer. Le contraste entre son sourire large et presque enjoué, et la profondeur glaciale dans ses yeux, était presque terrifiant. Il murmura d'une voix basse, presque un chuchotement :

- Je dois avouer, Lucifer... Ce que j'ai vu aujourd'hui... éveillera sans doute ma curiosité pendant un certain temps. Vous dissimulez bien plus que vous ne l'admettez, n'est-ce pas ?

Il laissa ses mots s'infiltrer dans le silence pesant de la pièce, son regard perçant se fixant sur Lucifer avec une intensité nouvelle.

-Je compte bien satisfaire cette petite curiosité. Après tout, nous savons tous deux combien les secrets peuvent être délicieux...

Le sourire d'Alastor, bien qu'intrigant, était aussi sinistre. Ses yeux brillèrent d'une lumière écarlate d'une manière presque effrayante, comme si une promesse de quelque chose de plus sombre se dissimulait derrière ses mots.

Lucifer garda son calme, se contentant de répondre d'un ton glacé, mais non dépourvu d'une étrange acceptation :

- T'as curiosité, Alastor, pourrait bien te jouer des tours un jour.

Le sourire d'Alastor s'élargit alors qu'il retirait doucement sa main de l'épaule de Lucifer. Il s'inclina légèrement, comme un salut respectueux, mais il y avait dans son regard une promesse implicite que Lucifer ne pouvait ignorer.

- Mais bien sûr, vôtre altesse... Je suis patient.

Dans un moment d'hésitation rare et presque imperceptible, Lucifer murmura, comme à contrecœur : "Merci...pour ton intervention." Il détourna rapidement le regard, comme s'il regrettait déjà cet aveu, les yeux fixés ailleurs pour éviter de croiser ceux d'Alastor. Le rouge se redressa, une lueur d'amusement dans les yeux, se tournant alors vers le reste de la réunion.

- Sur ce, je crois que nous avons tout dit ici. N'est-ce pas, mes chers collègues ? dit-il, ramenant l'attention sur la table, mais sans vraiment se détacher de Lucifer, dont il sentait la tension sous sa peau.

Lucifer garda la tête haute, mais en silence, il se demanda combien de temps encore il pourrait maintenir le masque de l'indestructible.

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