La vie est une dance

La matinée était déjà bien avancée quand Charlie, avec un sourire innocent mais insistant, fit face à son père et à Alastor.

- Papa, je veux que tu ailles récupérer un colis en ville, dit-elle avec cette lueur malicieuse qui la trahissait. Mais cette fois, tu iras accompagné.

Lucifer fronça les sourcils, une lueur de mécontentement dans le regard.

- J'ai déjà fait ça des centaines de fois, Charlie. Je n'ai pas besoin d'aide.

Elle soupira, amusée.

- Oui, et tu finis toujours par te perdre ou à traîner dans des endroits inattendus. Une fois, j'ai même dû envoyer Vaggie te chercher !

Lucifer secoua la tête, esquissant un sourire.

- Tu exagères...

Charlie haussa les épaules, implacable.

- Alastor, je compte sur toi pour le ramener à bon port, déclara-t-elle, un sourire espiègle aux lèvres.

Alastor, toujours prêt à saisir une occasion d'ironie, inclina la tête avec un air moqueur.

- Très bien, très bien, répondit-il d'un ton faussement excédé. Quel privilège d'être assigné à la surveillance du roi des Enfers lui-même.

Lucifer se contenta de lever les yeux au ciel, mais une étincelle amusée dansait dans son regard. Ils partirent donc, le grand démon et l'ange déchu, sillonnant les rues de la ville en apparence anodines, mais qui prenaient une toute autre allure sous leur regard.

À mesure qu'ils avançaient, Alastor ne tarda pas à remarquer l'étrange effet que Lucifer produisait sur ceux qu'ils croisaient. Là où il passait, les conversations s'interrompaient brièvement, des regards se tournaient vers eux, captivés, parfois terrifiés, mais toujours fascinés. La présence de Lucifer possédait une aura indéniable, quelque chose qui allait au-delà de l'admiration ou de la peur, quelque chose d'indéfinissable qui faisait vibrer l'air autour de lui et pourtant, le roi des Enfers ne semblait rien en remarquer. Il marchait, distant, comme insensible à l'effet magnétique qu'il exerçait. Alastor, qui lui-même attirait souvent l'attention par son charisme, s'étonnait de voir cet homme si puissant, si naturellement imposant, paraître si détaché de tout.

Et en regardant cette ange déchu de profil, plongé dans ses pensées, Alastor se dit qu'il y avait quelque chose d'étrange, quelque chose de presque tragique chez cet être éternel. Même entouré de tous ces regards, même accompagné, Lucifer semblait incroyablement seul, comme s'il appartenait à un monde qui lui échappait. La foule autour d'eux n'était qu'un bruit de fond, une mélodie dont il se tenait volontairement à l'écart.

Un sentiment étrange envahit le démon de la radio. Peut-être, pensa-t-il, que la véritable solitude ne venait pas de l'absence de compagnie, mais de l'incapacité à se sentir vraiment vu, compris.

Lucifer tourna légèrement la tête vers Alastor, comme s'il avait perçu ce moment de réflexion.

- Quoi ? dit-il, un sourire en coin.

Alastor secoua légèrement la tête, esquissant un sourire.

- Oh, rien, rien du tout, répondit-il. Juste... la beauté de la ville, disons.

Ils s'avancèrent dans une ruelle reculée, étroite et plongée dans une légère pénombre. Au bout, ils découvrirent une boutique singulière, une façade de bois sculpté ornée de symboles occultes et de pentagrammes gravés, illuminée par une faible lumière tamisée qui émanait de l'intérieur. Le panneau usé indiquait simplement "Mystères et Charms" en lettres dorées. Lucifer s'arrêta devant la porte, une expression d'inquiétude traversant brièvement son visage avant de disparaître sous son masque de nonchalance.

- Qu'est-ce qui te retient, très cher ? lança Alastor, s'amusant de la réaction inhabituelle de Lucifer.

Lucifer soupira, mais entra finalement, suivi par Alastor. L'intérieur de la boutique était encombré de bibelots étranges et d'objets magiques de toutes sortes, chacun chargé d'une énergie ancienne. Dans un coin, d'épais rideaux en velours pourpre se balançaient doucement, accentuant l'atmosphère mystérieuse des lieux.

Alors qu'ils examinaient la boutique, une silhouette vive et énergique apparut de derrière un rideau. Une femme au regard perçant, à la peau légèrement bronzée et aux cheveux noirs ondulés ornés de bijoux, s'avança d'un pas décidé, elle portait un long châle aux motifs colorés qui rappelaient ses origines gitanes, et ses bracelets cliquetaient à chacun de ses mouvements.

- Ah, Lucifer, mon vieux fugitif ! s'exclama-t-elle d'une voix vibrante, le regard pétillant de malice. Alors, Charlie t'a finalement piégé pour que tu viennes me voir ?

Lucifer esquissa un sourire forcé, tout en jetant un coup d'œil furtif vers la porte, l'air de considérer la possibilité de prendre la fuite. Mais avant qu'il ne puisse faire un pas de plus, Silva, la démone énergique et tenace, lui barra le chemin d'un mouvement rapide. Elle posa ses mains sur ses hanches avec une fermeté qui ne laissait pas de place à l'évasion.

- Hors de question que tu t'enfuies cette fois-ci, dit-elle d'un ton autoritaire. Ça fait bien trop longtemps que tu négliges ta santé. Et je suis certaine que tu en as bien plus besoin que tu ne veux l'admettre.

Lucifer, affichant un air faussement indifférent, tenta une esquive en se glissant sur le côté, mais Silva était déjà là, prête à l'attraper. Avec une agilité étonnante, elle saisit son poignet, et en un instant, elle le tira vers un fauteuil d'examen situé dans un coin de la boutique. Le regard d'Alastor, observant la scène, trahissait à la fois l'amusement et l'étonnement. Lucifer, dans une situation aussi inhabituelle, semblait tout sauf le roi impassible qu'il était censé être.

- Oh, ne fais pas cette tête, mon cher roi, se moqua Alastor d'un ton enjoué. Je ne t'avais jamais vu dans une telle position. Il faut bien l'admettre, Silva semble avoir un pouvoir sur toi que personne d'autre n'a.

Silva, se tournant vers Alastor avec un sourire malicieux, rétorqua :

- Toi, tu dois être Alastor, n'est-ce pas ? Enchantée ! Mais laisse-moi te dire une chose : même un roi des Enfers doit prendre soin de lui de temps en temps, sinon il finit par se faire traîner jusqu'à moi, par la peau des fesses, comme ce cher Lucifer.

Lucifer tenta une nouvelle manœuvre pour se libérer, mais la démone ne lui laissa aucune chance. Avec un coup de main expert, elle le poussa vers le fauteuil, son regard brûlant de détermination.

- Allez, assieds-toi, ordonna-t-elle sans ménagement. Tu veux que je m'occupe de toi, alors fais-le moi voir. Que je puisse enfin traiter cette foutue blessure.

Lucifer soupira lourdement, et, bien qu'il tenta de feindre une indifférence totale, une part de résignation passait dans ses yeux. Il tourna son regard vers Alastor, un sourire neutre, mais l'inquiétude perçait dans l'intensité de son regard.

- Eh bien, Alastor, qu'est-ce que tu attends ? Fais quelque chose, murmura-t-il faussement tourmenté. Protège-moi de cette... de cette démone. Elle est terrifiante...

Alastor, toujours observateur et un brin diverti par la situation, haussait un sourcil tout en mordillant un coin de son sourire, ne pouvant s'empêcher de savourer l'ironie de la scène.

- Oh, je vois bien ce que tu attends de moi, Lucifer. Mais crois-moi, je crois que tu vas devoir t'en sortir tout seul cette fois-ci. Quant à toi, Silva, je ne savais pas qu'un démon aussi redouté pouvait être aussi... docile, plaisanta-t-il.

Silva leva les yeux au ciel, un rire moqueur dans sa voix.

- Tu penses que Lucifer est docile ? Si tu savais combien de fois je l'ai traqué pour qu'il accepte enfin mes soins... tu te ferais une autre idée, ajouta-t-elle en jetant un regard à Lucifer qui tentait encore de se défendre.

Lucifer, face à son incapacité à s'échapper, haussait les épaules, un sourire en coin.

- Si tu tiens tant à m'ausculter, fais vite, Silva. Je suis sûr que Charlie n'a pas prévu de me garder ici éternellement.

Silva ne sembla pas dérangée par sa remarque. Au contraire, elle était prête à prendre tout le temps nécessaire pour s'occuper de lui, qu'il le veuille ou non.

- Oh, tu crois ça, hein ? Mais crois-moi, Lucifer, ce n'est pas toi qui dicte les règles ici. Ce n'est pas fini tant que je n'ai pas dit que c'était fini.

Un silence lourd s'installa alors que Lucifer se résignait à sa situation, et Alastor, tout en observant cette scène inhabituelle, ne pouvait s'empêcher de se demander ce que cachait vraiment cette dynamique entre le roi des Enfers et la démone.

Lucifer soupira, résigné, jetant un regard mi-désespéré, mi-amusé vers Alastor, qui observait la scène avec une fascination non dissimulée.
Silva posa un regard insistant sur Alastor, son ton plus ferme que jamais.

- Toi, le présentateur, tu peux aller explorer la boutique ou... mieux, rester dehors. Cette consultation est privée.

Alastor arqua un sourcil, son habituel sourire en coin s'élargissant, amusé par le ton autoritaire de Silva. Avant qu'il ne puisse répondre, Lucifer leva une main d'un air faussement résigné.

- Oh, voyons, Silva. Alastor peut bien rester. De toute manière, il était déjà déterminé à découvrir ce petit secret.
Autant lui épargner l'effort.

Il savait bien qu'Alastor était animé par une fascination à son encontre, cherchant à découvrir la moindres de ses faiblesses à la moindre occasion. C'était devenu presque un jeu entre eux, une traque silencieuse où Lucifer était la proie tout en étant parfaitement conscient de la curiosité du chasseur.
Un léger sourire effleura ses lèvres. Après tout, il n'avait jamais été du genre à fuir face à l'inévitable. Et si Alastor était prêt à déployer tant d'efforts pour percer ce secret, pourquoi ne pas lui en offrir un aperçu, juste assez pour apaiser cette insatiable soif de réponses ?

Un éclat de surprise passa sur le visage d'Alastor, et il demeura immobile, scrutant Lucifer comme s'il essayait de déceler un mensonge dans ses propos. Mais Lucifer n'ajouta rien, et d'un geste de la main, il écarta les pans de son manteau. Silva, bien qu'exaspérée, le poussa à s'asseoir sur le fauteuil d'examen, retirant son manteau pour dévoiler ce que Lucifer dissimulait d'ordinaire aux yeux de tous.

Alastor sentit son sourire s'effacer instantanément. Ce qu'il voyait était tout simplement stupéfiant. Une multitude de cicatrices et de marques de mutilation zébraient les bras de Lucifer, témoins silencieux de combats ou de souffrances passées. Mais ce qui frappa Alastor au cœur fut une immense cicatrice qui traversait le torse de Lucifer en diagonale, du haut de son épaule jusqu'au bas de ses côtes, béante, comme un vestige d'un combat ou d'un châtiment d'une intensité terrifiante, dominait cette toile de douleur.

La vérité de ces marques était bien plus crue, plus frappante, que tout ce qu'il avait pu imaginer. Il contempla le corps de Lucifer, ces blessures qui semblaient presque encore palpiter de douleur.
Derrière son masque de neutralité, Alastor se retrouvait désarmé par ce spectacle d'un ange blessée. Alors c'était donc cela, cette faiblesse qu'il avait perçue à la réunion, ces étranges quintes de toux, ce sang craché en silence.

Le cerfs resta silencieux, son esprit oscillant entre choc et incompréhension. Pourquoi Lucifer, roi des Enfers, souverain craint et respecté, l'autorisait-il à voir cela ? Cela relevait de l'intime, du vulnérable. Ce geste, qu'il soit volontaire ou non, semblait profondément inhabituel.

Silva, quant à elle, émit un grognement colérique, s'affairant autour de Lucifer, examinant les plaies avec un mélange d'irritation et d'expertise.

- Lucifer, combien de fois vais-je devoir te répéter de ne pas te mettre dans des états pareils ? siffla-t-elle. À chaque fois, c'est pire encore ! Un roi des Enfers, et pourtant, on dirait que tu cherches sans cesse à te briser davantage !

Lucifer laissa échapper un rire bas, amer.

- C'est mon destin, Silva. N'oublie pas que je suis Lucifer, l'ange déchu. Ce genre de choses me suit comme une ombre.

Alastor, toujours muet, observait la scène, le cœur battant, partagé entre fascination et une étrange angoisse. Il sentait confusément que ce moment révélait une part de Lucifer qu'il n'aurait jamais dû voir, une part que même le roi des Enfers semblait traîner avec honte et résignation.

Alastor, encore sous le choc, ne put retenir un juron, sa voix trahissant une perte totale de son habituel langage sophistiqué.

- Mais... qu'est-ce que c'est que ce bordel ? demanda-t-il, fixant la blessure béante avec des yeux écarquillés.

Silva soupira, continuant ses soins sans lever les yeux.

- Un foutu archange, voilà ce que c'est. Ce connard l'a blessé au torse, lui laissant une cicatrice qui ne guérira jamais.

Lucifer, lui, gardait un sourire énigmatique, observant la réaction abasourdie d'Alastor. Mais son expression s'assombrit légèrement.

Les douleurs lancinantes de la cicatrice que son frère lui avait infligée sur son torse ne le laissaient jamais en paix. Elles revenaient sans cesse, telles des vagues acides s'infiltrant sous sa peau, dévorant ses forces et ravivant les traumas qu'il s'efforçait d'enterrer. Chaque mouvement, chaque respiration amplifiait cette douleur sourde, une morsure amère qui remontait jusqu'à sa conscience, mêlant ses souvenirs les plus tortueux. Il était le roi des Enfers, un être redouté et respecté, mais sous cette apparence, il se sentait prisonnier de son propre corps, vulnérable.

Il connaissait la véritable menace de cette douleur : lorsque son corps angélique atteignait ses limites, il perdait le contrôle. Il devenait comme une bête piégée, se mutilant lui-même, tentant désespérément d'apaiser cette souffrance insupportable qui envahissait son esprit. Les heures, parfois les jours qui suivaient ces crises, le laissaient exsangue, affaibli et vulnérable. À chaque nouvelle crise, il se demandait combien de temps il pourrait supporter ce cycle sans y laisser une part de lui-même, sans perdre cette maîtrise qui faisait de lui le roi.

Pire encore, ces moments de perte de contrôle faisaient de lui une menace, un danger pour ceux qu'il tentait de protéger, et cette pensée l'effrayait bien plus qu'il ne voulait l'admettre.
Il expira, profondément fatigué avant de poser sa main sur le bras de son compagnon, le regard sérieux.

- Ce que tu vois ici, Alastor, murmura-t-il, c'est pour toi et toi seul. Ma fille... elle ne sait rien de tout ça. Je compte sur toi pour ne rien révéler. Il y a des secrets que même un roi préfère garder dans l'ombre.

Alastor sentit son souffle se bloquer un instant. Pour la première fois, il saisissait toute la gravité de la situation, et l'ombre de responsabilité qui venait de se poser sur lui. Un étrange mélange d'intrigue et de respect emplit son regard, tandis qu'il acquiesçait en silence.

Alastor, toujours sous le choc, observa un instant les autres cicatrices visibles sur les bras de Lucifer. Les blessures étaient multiples, des marques anciennes qui semblaient avoir été infligées sur des années, chacune portant une histoire d'agonie et de résilience.

- Et les autres ? demanda-t-il finalement, sa voix encore teintée de confusion et d'incrédulité.

Un lourd silence s'installa dans la pièce. Silva, les yeux rivés sur son patient, ne répondit pas immédiatement. Elle se contenta de jeter un regard furtif à Lucifer, son air grave trahissant une forme d'hésitation, comme si elle pesait ses mots. C'était un regard qui en disait long, bien plus que tout ce qu'elle aurait pu dire.

Lucifer, de son côté, ne répondit pas non plus. Il ne bougea pas, mais ses yeux se firent plus sombres, et son sourire s'éteignit lentement, comme une flamme vacillante. Il semblait presque absorbé par la douleur de ses souvenirs, comme si la simple évocation de ces blessures anciennes ravivait la souffrance encore présente.

Alastor, qui avait l'habitude de voir les autres perdre leur masque, sentit un malaise qu'il ne parvenait pas à dissiper. L'atmosphère dans la pièce était soudainement devenue lourde, presque suffocante, et il eut l'impression que les cicatrices de Lucifer, celles qui demeuraient cachées, étaient bien plus qu'un simple vestige de son passé. Elles étaient un secret, un fardeau, et peut-être même une malédiction qu'il portait seul.

Il s'apprêtait à poser une nouvelle question, mais un léger mouvement de Silva fit comprendre qu'il n'aurait pas de réponse. Ses yeux, sombres et empreints de sagesse, fixaient Alastor avec une gravité palpable, lui signalant que certaines choses ne se disaient pas.

Dans un murmure presque imperceptible, Silva lâcha :

- Certaines blessures ne sont pas faites pour être vues... Ni parlées.

C'était tout ce qu'elle laissa entendre, mais les non-dits pesaient davantage que des mots. Alastor, de plus en plus troublé, comprit qu'il n'obtiendrait pas de réponse à cette question. Mais il savait, au fond de lui, qui était le responsable de ces cicatrices.

Silva croisa les bras, son regard perçant se fixant sur Lucifer avec une lueur d'inquiétude.

- Vraiment, Lucifer ? Est-ce une bonne idée d'avoir laissé ce démon, Alastor, voir un secret aussi... privé ? Les choses ne sont pas aussi simples qu'un pari, tu devrais y réfléchir à deux fois.

Lucifer, toujours calme, se contenta d'un sourire en coin, son expression insaisissable. Il détourna légèrement le regard, comme s'il se perdait dans une pensée fugace avant de répondre d'une voix calme, presque amusée.

- Ah, mais tu sais bien, Silva, je n'ai jamais pu résister à un bon pari. Et puis, il n'est pas encore prêt à comprendre tout ce qu'il a vu. Comme toujours, il cherche à percer des mystères qui lui échappent. Mais il finira par s'y faire. Tout est une question de timing.

Il se laissa aller dans son fauteuil, dépliant ses bras sur les accoudoirs, son regard fixant le vide avec une lueur de défi dans les yeux. Il était bien plus à l'aise avec la situation qu'il ne voulait bien l'admettre.

Silva, pourtant, resta sur ses gardes. Son regard inquiet ne quittait pas Lucifer, bien qu'elle comprît son penchant pour les jeux risqués.

- Je ne suis pas sûre que tu comprennes à quel point tu as franchi une limite, Lucifer. Ce n'est pas un jeu.

Mais Lucifer ne répondit pas immédiatement. Il avait cessé d'écouter, son esprit visiblement ailleurs, comme si les questions de Silva ne le touchaient plus. Finalement, il laissa échapper un léger rire, presque amusé par la tension qui flottait dans l'air.

- Parfois, même un petit pari peut ouvrir la porte à des révélations inattendues.

Il se leva alors, enfilant son manteau avec une nonchalance qui trahissait son calme apparent, tout en jetant un dernier regard vers Alastor, qui semblait toujours aussi déconcerté.

Silva s'approcha discrètement de Lucifer, baissant la voix pour que seule lui puisse l'entendre. Ses yeux scrutèrent l'état du démon, cherchant une réponse dans les signes qu'il laissait paraître, mais elle ne voulait pas faire d'éclat devant Alastor.

- Lucifer, murmura-t-elle près de son oreille, tu ne consommes plus, n'est-ce pas ?

Alastor, qui se tenait à proximité, ne comprenait rien à la situation. Il se contenta d'observer en silence, l'air intrigué, mais ne fit aucun geste pour interrompre la conversation secrète. La question de Silva semblait faire écho à quelque chose d'invisible, un point faible de Lucifer que même lui ne voulait peut-être pas admettre.

Lucifer resta calme et impassible, comme toujours, mais un léger frisson d'inquiétude perça dans sa réponse.

- Ne t'inquiète pas pour ça, répondit-il avec un sourire qui manquait un peu de sa confiance habituelle. Je me contente de calmants.

Silva le regarda intensément, espérant qu'il ne mentait pas. Le roi ne devait oh grand jamais y toucher.

- Très bien, soupira-t-elle, mais je préfère éviter qu'un autre "incident" ne se produise.

Lucifer se tourna alors vers Alastor, le sourire toujours sur les lèvres, mais cette fois plus distant, comme si cette conversation n'avait pas eu lieu.

- Allons-y, Alastor. Il serait peut-être temps de quitter cet endroit et de retourner à nos affaires.

Silva, quant à elle, le regarda partir, la frustration et l'inquiétude profondément ancrées dans son regard. Elle savait que Lucifer, dans son état, n'était ni aussi invincible ni aussi maître de lui-même qu'il prétendait.

Alors que Lucifer franchissait la porte de la boutique, Silva resta un instant figée, les bras croisés. Puis, elle tourna lentement son regard glacial vers Alastor. Ses yeux, d'ordinaire pleins de malice, étaient désormais teintés d'une menace palpable. Elle s'approcha de lui d'un pas lent, comme si chaque mouvement était mesuré.

- Écoute-moi bien, Alastor, dit-elle d'une voix basse et menaçante, ses yeux perçant ceux du démon de la radio. Si tu t'avises de dire quoi que ce soit à propos de ce que tu viens de voir... ou si tu cherches à exploiter la moindre faiblesse de Lucifer, je te ferai regretter d'avoir croisé ma route.

Sans un mot de plus, elle s'éloigna, laissant Alastor dans un état de confusion croissante. Pourquoi tant de mystère ? Que se passait-il réellement avec Lucifer ?

Une fois dehors, l'air frais de la ruelle leur apporta un répit, mais la tension entre les deux démons ne semblait pas s'être dissipée. Alastor, toujours avec son sourire en coin, se tourna vers Lucifer, qui marchait d'un pas plus lourd.

- Pourquoi jouer avec moi de cette manière, me laisser assister à vôtre auscultation et à vos... secrets les plus intimes ?

Lucifer, qui semblait d'abord perdu dans ses pensées, tourna finalement son regard vers Alastor.

- Tu as vu ce que tu voulais voir. Maintenant, tu sais. Alors, que comptes-tu en faire ?

Alastor, un brin perturbé par cette révélation et la tranquillité avec laquelle Lucifer répondait, se frotta le menton, l'esprit tourné vers les implications de ce qu'il venait d'apprendre.

- Je vois, répondit-il lentement. Vous saviez que je vous surveillez... et vous m'avez laissé faire, tout en me montrant tout ce que vous aviez à cacher. Une sacrée mise en scène, Lucifer. Mais pourquoi ? Pourquoi m'avoir permis de voir cela, et pourquoi m'avoir laissé assister à vôtre... au traitement de vôtre blessure ? Je pensais que vous seriez plus prudent que ça.

Lucifer sourit légèrement, un éclat mystérieux dans ses yeux.

- Peut-être que je voulais voir combien tu pouvais en tirer, Alastor. Tu es un démon rusé, mais tu n'es pas aussi perspicace que tu crois. Et parfois... il est plus facile de laisser quelqu'un découvrir ce qu'il veut, plutôt que de tout cacher. C'est plus amusant de jouer avec la curiosité des autres, même si ça mène à des révélations inattendues.

Alastor le scrutait attentivement, intrigué et quelque peu frustré par les mots énigmatiques de Lucifer.

- Donc, tout ça... c'était pour vôtre divertissement ? Vous jouez à ce genre de jeux avec tout le monde ?

Lucifer haussait légèrement les épaules, un sourire décalé sur les lèvres.

- Pas tout le monde. Les secrets ont leur propre pouvoir, Alastor. Tu sembles être un expert en manipulations, non ? Peut-être que tu apprécieras la valeur de ce genre de « distraction ». Et pour ce qui est de tes questions... certaines choses ne sont pas faites pour être comprises tout de suite. Peut-être qu'un jour, tout cela aura un sens. Peut-être pas.

Alastor, maintenant un peu plus réservé, resta silencieux un moment, digérant la réponse de Lucifer. Il s'était attendu à une explication plus directe, mais Lucifer, fidèle à lui-même, ne semblait pas vouloir en dire plus. Pourtant, une part de lui sentait qu'il était bien loin de comprendre toute l'étendue de ce qui se passait.

- Vous savez, Lucifer, fit-il finalement avec un petit rire nerveux, Vous me surprennez vraiment. Je ne sais pas si je devrais être ravi ou effrayé par cette étrange forme de... honnêteté. Mais qu'importe, je pense qu'il y a encore beaucoup à apprendre de vous.

Lucifer lui lança un regard perçant avant de détourner les yeux, un sourire en coin.

- Apprends ce que tu veux, Alastor. Mais n'oublie pas que tout le monde a ses propres limites.

Le chemin du retour était silencieux, l'air lourd de l'ombre croissante qui recouvrait la ville. Lucifer et Alastor marchaient côte à côte, chacun plongé dans ses propres pensées. La lumière mourante du crépuscule déformait les contours des bâtiments, et une tension presque palpable flottait dans l'air. Alastor ne savait pas ce qu'il attendait exactement, mais il savait que quelque chose de captivant allait se produire.

Et il n'eut pas à attendre longtemps.

Un groupe de démons malfamés, portant des vêtements usés et des regards pleins de méfiance, apparut devant eux. Ils s'avancèrent, menaçant, leurs armes brandies. L'un d'eux, plus grand et plus imposant, prit la parole, son ton chargé de mépris.

- Hé, vous deux, vos poches doivent être bien pleines, non ? Rendez-nous tout ce que vous avez, et peut-être qu'on vous laissera partir en vie.

Lucifer, sans se laisser perturber, jeta un regard distrait aux démons. Alastor observa la scène avec curiosité, attendant de voir comment l'ange déchu réagirait à cette menace. Il se demandait si Lucifer les ignorerait ou les balayerait d'un simple geste, mais il n'eut pas le temps de s'interroger plus longtemps.
Soudain, l'un des démons se jeta sur lui, un couteau levé, l'attaquant avec une violence féroce. Mais Alastor, dans une explosion de sang, de corps projetés et de violence se débarrassa d'eux. Les démons qui les entouraient tombèrent les uns après les autres dans un bain de sang, leurs cris étouffés par la brutalité de la scène.

Le silence qui suivit était aussi lourd que la nuit elle-même.

Lucifer, quant à lui, immobile depuis le début, tourna son regard vers le dernier démon encore debout, un être effrayé, les yeux écarquillés de terreur, tremblant de tout son être. Lucifer s'avança lentement, son regard rivé sur lui. Il parlait, mais sa voix n'était qu'un murmure, captivant et hypnotique, une sorte de chant que l'on ne pouvait ignorer.

- Regarde autour de toi, murmura Lucifer, son ton lourd de menace et de fascination. Tu as tout perdu en une fraction de seconde, tout ce que tu pensais posséder. Tu as cherché à dépouiller les mauvaises personnes.Mais vois-tu, cette violence est vaine, elle est ridicule. Si tu veux vivre, il te faut plus que de simples menaces.

Il se pencha, frôlant le visage du démon qui, terrorisé, tomba à genoux devant lui, suppliant, les larmes coulant sur ses joues.

- Pardonne-moi... je ne voulais pas... Je ne voulais pas...

Lucifer le fixa, son regard pénétrant, une intensité presque palpable dans l'air, et après un long moment de silence, il se redressa lentement. Un dernier sourire, calme mais plein de pouvoir, se dessina sur ses lèvres.

- Allez, pars. Et ne te montre plus à moi.

Le démon, son visage encore baigné de larmes, se releva précipitamment, courant à toute vitesse, fuyant la scène comme un animal traqué.

Les corps des démons gisaient autour d'eux, et un silence lourd retombait, comme figé dans les ombres. Alastor, immobile, sentait les éclaboussures de sang refroidir sur sa peau, mais il ne bougea pas, son regard fixé sur Lucifer avec une curiosité étrange.

Sans un mot, Lucifer plongea une main dans sa veste et en sortit un tissu blanc d'une propreté immaculée. Il lui fit un signe de la tête, son regard scintillant d'une douceur inattendue.

- Baisse-toi un peu, Alastor. Je ne peux pas atteindre ton visage comme ça, murmura-t-il calmement.

Alastor, pris de court, s'inclina sans réfléchir. Ce geste de proximité le déstabilisait, et pourtant, il se pencha, baissant son visage au niveau de Lucifer, les yeux fixés sur lui. Là, tout près, il put observer la finesse de ses traits angéliques, le calme enveloppant de son regard. Ce même Lucifer, connu comme le plus beau des anges, était soudain d'une proximité troublante qui fit battre son cœur un peu plus vite.

Lucifer, sans se presser, commença à effacer chaque goutte de sang du visage d'Alastor. Le tissu blanc, d'abord éclatant, s'imprégnait peu à peu de rouge, mais Lucifer ne s'en soucia pas, son attention uniquement dirigée sur ce qu'il faisait. Alastor, déconcerté, sentit une chaleur étrange envahir son être. Cette proximité, cette douceur, étaient aussi incongrues que captivantes.

Il resta silencieux, ses yeux ne quittant pas Lucifer. Une attraction subtile, presque inconsciente, s'éveillait en lui, se mêlant à la confusion.

Quand Lucifer eut terminé, il se recula, repliant avec soin le tissu désormais souillé avant de le ranger dans sa veste. Il lui adressa un sourire léger, comme si ce geste n'avait été qu'une banalité. Pourtant, Alastor, le cœur encore troublé, murmura, incrédule :

- Merci...

Lucifer, impassible, se contenta de lui adresser un sourire énigmatique, comme si ce geste n'était rien de plus qu'une banalité. Mais dans l'ombre de son regard, un éclat fugace trahissait une émotion plus profonde, quelque chose de presque bienveillant, qui laissa Alastor aussi troublé que fasciné.

Alors que Lucifer reprenait son chemin sans se presser, Alastor se fit la réflexion qu'il commençait à s'habituer à cet être étrange. Cet ange déchu, ce roi des Enfers, semblait toujours aussi imprévisible.

Lucifer observa Alastor du coin de l'œil, une lueur songeuse dans son regard. Il finit par rompre ce silence, sa voix douce et basse, comme une invitation plutôt qu'une question directe.

- Alastor, puis-je te poser une question ?

Alastor, toujours troublé par la proximité qu'ils venaient de partager, leva les yeux vers lui, intrigué.

- Bien sûr, répondit-il, reprenant son sourire énigmatique.

Lucifer glissa ses mains dans les poches de sa veste, étudiant les traits d'Alastor, comme pour sonder ses pensées.

- Quel sens accordes-tu à la vie, Alastor ? demanda-t-il finalement, son ton presque contemplatif. Je t'ai vu éliminer ces démons avec une précision glaciale, sans la moindre hésitation. Certains diraient que la violence est nécessaire, mais... toi, que penses-tu de la valeur de la vie ?

Alastor haussa légèrement un sourcil, déconcerté par la question. Il s'attendait à bien des choses venant de Lucifer, mais pas à une telle interrogation. Il prit un moment avant de répondre, réfléchissant aux mots justes.

- La vie... La vie est une danse, je suppose, dit-il enfin, le sourire toujours aux lèvres, mais un éclat plus sérieux dans les yeux. Elle s'anime, s'épanouit, puis s'éteint. Certains sont destinés à durer, d'autres à disparaître. Pour moi, chaque existence est une scène de théâtre, Lucifer. Chacun a son rôle à jouer. Et certains rôles, eh bien... doivent se conclure tôt ou tard, surtout quand ils menacent le déroulement du spectacle.

Il marqua une pause, le regard de Lucifer ancré dans le sien, le poussant presque à s'exprimer plus franchement.

- Et puis, ici, en Enfer... la notion de vie est différente, n'est-ce pas ? continua Alastor d'un ton plus doux. Nous ne sommes ni des anges ni des humains. Nous n'avons pas les mêmes attaches. La survie des uns signifie souvent l'élimination des autres. C'est une danse, oui, mais une danse où la mort n'est qu'un passage, un rouage dans cette grande mécanique infernale.

Lucifer le considéra un instant, son expression indéchiffrable.

- C'est une manière de voir les choses, répondit-il avec une pointe de gravité dans la voix. Et pourtant... même ici, la mort n'est jamais si insignifiante. J'ai vu tant d'âmes passer, se perdre, se dissoudre dans le néant. Même un être qui ne mérite aucune pitié laisse derrière lui des ondes, des répercussions.

Il fit un pas vers Alastor, plongeant son regard dans le sien.

- Penses-tu vraiment qu'il n'existe aucune limite, aucune valeur sacrée dans cette danse ? Que la fin justifie toujours les moyens ?

Alastor se surprit à hésiter. Cette intensité dans le regard de Lucifer le perturbait, le poussait à douter de ses propres certitudes. Il répondit finalement, d'une voix plus basse, presque pour lui-même :

- Peut-être qu'il y a des choses sacrées... des vies qui, pour certaines raisons, ne devraient pas être éteintes. Mais ici, l'important, c'est la survie. Et il y a des vies qui valent la peine d'être protégées, oui, d'être honorées... comme certaines qui... inspirent quelque chose de plus, finit-il en regardant fugacement Lucifer, une pointe de confusion dans le regard.

Lucifer resta silencieux un moment, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. Alastor sentit son cœur s'accélérer imperceptiblement sous ce regard, comme si Lucifer percevait des pensées qu'il lui-même n'osait encore formuler.
Lucifer observait Alastor avec un sourire à peine perceptible.

- Et moi, Alastor, quelle valeur ai-je à tes yeux ?

La question fit frémir Alastor, le prenant de court. Il parlait du souverain des Enfers, après tout, pas d'un simple démon. Choisir les mots justes n'était pas chose aisée. Alastor redressa le menton, cherchant son assurance habituelle, bien que cette proximité l'intimidait légèrement.

- Vous êtes notre roi, maître implacable de ce royaume. Votre nom résonne à travers les mondes, et votre histoire restera à jamais gravée dans les mémoires, répondit-il avec un sourire, sa voix posée mais empreinte de sincérité. Vous êtes... indescriptible, votre valeur est... au-delà des mots, aussi vaste que votre puissance.

Lucifer hocha la tête, mais une étincelle de curiosité persistait dans son regard.

- Et si je n'avais été rien de tout cela ? demanda-t-il, son ton plus bas, presque vulnérable. Si je n'avais été qu'un ange parmi tant d'autres, sans histoire, sans couronne... m'aurais-tu tué ?

Alastor déglutit imperceptiblement, une réponse floue se formant dans son esprit. Des anges, il en avait tué, beaucoup même, sans jamais éprouver le moindre scrupule. Mais là... face à Lucifer, à ce visage fascinant et mystérieux... Aurait-il seulement pu ?

Peut-être qu'il l'aurait gardé, un ange pareil, songea-t-il, comme un trophée rare, une œuvre d'art à admirer. Il l'aurait enfermé chez lui, gardé jalousement sous clé, dans une pièce où seuls ses propres regards auraient pu l'atteindre. La beauté de Lucifer, mystérieuse et presque irréelle, l'attirait avec une intensité qui le perturbait, une obsession nouvelle et dangereuse, bien au-delà de tout ce qu'il avait connu. Mais il secoua imperceptiblement la tête, tentant de réfréner ces pensées. Bien sûr, Lucifer était réputé pour être le plus beau des tentateurs, un charmeur par excellence. Il était normal de ressentir une fascination pareille. Rien de plus, se dit-il en silence, essayant de se convaincre, même si une étrange envie continuait de vibrer en lui.

Il répondit enfin, son sourire légèrement troublé mais toujours présent.

- Difficile à dire, votre Altesse... Les circonstances mènent souvent à des chemins inattendus. Peut-être qu'un simple ange sans couronne n'aurait pas attiré mon attention... ou peut-être qu'il l'aurait fait, au point de ne jamais vouloir m'en séparer, finit-il avec une touche d'espièglerie dans la voix.

Lucifer pencha la tête, amusé par la réponse. Une question se fit jour dans le regard d'Alastor, presque hésitante, comme s'il craignait de franchir une ligne.

- Et moi, Majesté, quel genre de valeur ai-je ? demanda Alastor, un éclat de défi dans le regard.

Lucifer le fixa longuement, un sourire mystérieux glissant sur ses lèvres, savourant visiblement l'instant.

- Alastor, même en Enfer, tu inspires crainte et respect, dit-il d'une voix calme et grave. Tu possèdes un pouvoir non négligeable et une ambition dévorante. Tu n'hésites jamais à obtenir ce que tu désires. Tu es un démon dans toute sa splendeur, et même de ton vivant, tu l'étais déjà.

Il marqua une pause, laissant ses mots imprégner le silence lourd qui s'installait entre eux.

- Toute ta valeur trouve son sens ici, en Enfer. Mais, sur le plan humain, tu en es dépourvu.

Alastor esquissa un sourire, légèrement amer, ses yeux brillant d'un éclat dur.

- Vous êtes bien observateur, Majesté, murmura-t-il. Peut-être est-ce mieux ainsi, que ma valeur ne trouve son sens que dans les profondeurs de l'Enfer.

- Pourtant, ce n'est pas ta puissance, ta gloire, ni même ta cruauté qui m'intéressent, murmura-t-il en le regardant avec une intensité nouvelle. C'est cette fragilité, cette brèche cachée derrière ton masque, qui me charme. Cette humanité que tu refuses de montrer à quiconque, ce que tu caches si profondément, même à toi-même.

Alastor détourna légèrement le regard, surpris par cette perception qui le mettait à nu.

- J'aimerais sincèrement que tu puisses trouver quelque chose de plus que ce masque de théâtre, Alastor. Que tu puisses accepter la chaleur, le contact, cette chose que tu refuses d'offrir ou même de recevoir. Parce qu'au fond, c'est ce qui te consume, continua Lucifer, ses mots flottant dans l'air, doux et tranchants à la fois.

Il s'approcha de lui, leurs regards se croisant avec une intensité presque déstabilisante.

- Je ne sais pas ce que tu as vécu, ce qui t'a conduit à être ce que tu es Alastor. Mais j'espère qu'un jour, si tu as besoin d'aide, tu n'hésiteras pas à tendre t'as main, car tu trouveras quelqu'un pour la saisir.

Il marqua une autre pause, un sourire presque chaleureux traversant brièvement son visage. Ce sourire n'était pas celui du roi des Enfers, ni même celui du stratège manipulateur. C'était un sourire humain, empreint d'une vérité étrange, presque douce.

- Même si tu ne veux pas l'admettre, il y a toujours quelqu'un qui se soucie de toi. Même ici, parmi les démons, il existe des âmes prêtes à aider.

Alastor resta silencieux un moment, le regard fixé sur Lucifer, comme s'il analysait chaque nuance de son comportement. Puis, un sourire ironique se dessina sur ses lèvres, et il se pencha légèrement en avant, ses yeux pétillant d'une moquerie acide.

- Qui donc, Lucifer, acceptera de m'aider ? Qui donc tendra la main pour me relever, alors que tant ici en Enfer ne désirent qu'une seule chose : ma mort ? Qui, dans cet endroit pourrissant, se souciera d'un démon aussi... détesté que moi ? lança-t-il, un éclat de sarcasme dans sa voix.

Lucifer ne répondit pas par des mots. Au lieu de cela, un sourire candide et presque enfantin se dessina sur son visage. Sans un mot, il tendit la main vers Alastor, saisissant délicatement la sienne. Un geste simple, mais d'une pureté déconcertante.

Alastor, pris de court, ressentit un frisson étrange parcourir sa colonne vertébrale. Il voulait réagir, se libérer de cette prise, rétorquer, se moquer, mais il n'y parvint pas. Ses doigts se tendirent involontairement pour s'enrouler autour de la main de Lucifer, et il se laissa mener. L'air autour de lui sembla se figer, une sensation de chaleur douce et irréelle imprégnant l'atmosphère.

Il voulut résister à cette soudaine proximité, à cette touchante sincérité, mais face à ce geste, ce sourire d'une pureté irréaliste, il ne put que céder.

Lucifer, avec une grâce insoupçonnée, commença à le guider lentement, son sourire toujours intact, comme celui d'un enfant innocent qui mène un autre vers quelque chose de pur. Alastor, troublé, regarda ce roi des Enfers comme il n'avait jamais regardé personne. Le contraste entre ce qui était censé être un tyran impitoyable et cette fragilité sincère était presque trop étrange à accepter.

Décidément... se dit-il en se laissant entraîner, on ne savait plus s'il était ce roi cruel des rumeurs, ce prince des ténèbres, ou simplement un ange candide, perdu dans un monde qu'il ne comprenait pas entièrement, mais qui, par une ironie du sort, s'était retrouvé là, en Enfer, tendant une main d'une pureté stupéfiante.

Alastor se laissa guider, bien qu'il ne comprenne pas ce qui se passait en lui. Un sentiment étrange se formait dans ses entrailles, une sorte de tension diffuse entre la méfiance et quelque chose de plus subtil. Il n'arrivait pas à définir ce que c'était, mais une chose était sûre : la haine qu'il éprouvait autrefois pour Lucifer s'était peu à peu transformée en quelque chose d'autre. Quelque chose de plus complexe, presque contradictoire d'inattendu dans ce démon qui n'était pas censé posséder une telle lumière.

Dans cette étrange, mais douce réalité, où il se laissait mener sans résistance, Alastor ne savait pas s'il devait se sentir plus curieux ou plus effrayé. Mais ce qu'il ressentait, il n'aurait jamais cru le découvrir en Enfer.

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