Chapitre 6 √
— Je rêve ou il y a une limousine qui nous attend dehors ? s'écrie ma sœur, toute excitée.
Elle bondit du canapé pour mieux s'approcher de la fenêtre, aux aguets. Cette fille est incorrigible.
— Non ! Je ne rêve pas ! Allez, viens Sarah, un palais nous attend !
— C'est mon sommeil qui m'attend, grommelé-je, tu m'as gâché ma nuit à force d'être heureuse...
Ma sœur n'arrivait tellement pas à dormir hier soir qu'elle a fait un boucan mais, infernale. Quand je dis infernale, je suis sérieuse. Moi qui ai besoin d'un silence complet pour m'endormir, elle a tout gâché. Elle s'est levée, a fait du bruit dans la cuisine. Elle a regardé un nombre incalculable de documentaires sur la famille royale, elle est même venue me réveiller en pleine nuit pour me dire d'aller voir le prince à la télé tant il est soi-disant beau !
— Sarah ! Ramène-toi !
Elle attrape sa valise avant d'embrasser rapidement notre mère puis me tire par le bras.
— Mais dégage ! m'énervé-je en la repoussant.
— Tu es sélectionnée, bouge-toi !
Elle ouvre la porte pour rejoindre la limousine tandis que je soupire, exaspérée. Ma mère m'observe, le sourire aux lèvres.
— Allez, Sarah. Cette limousine ne t'attendra pas indéfiniment.
— Mais je n'ai pas envie d'y aller...
— J'en ai bien conscience. Mais un nouvel environnement pourra peut-être améliorer, l'espace de quelques mois, ton quotidien...
— Maman, je te verrai pas pendant au moins un mois... Tu te rends comptes ?
— Tu vas me manquer, ma petite puce...
Je me redresse, obligée d'affronter la réalité en face.
— Toi aussi, maman.
— N'oublie pas que, quoique tu fasses, je te soutiendrai toujours.
— Et Solenn ?
— Solenn ?
— Tu ne lui as rien dit ? Elle vient de partir comme une furie...
— Solenn est... Elle aime ce monde de paillettes et de robes, dit ma mère en riant.
— J'avais remarqué...
— Tu t'habitueras, ma chérie. Je suis sûre que tu finiras même par te plaire là-bas.
Je serre ma mère dans mes bras puis rejoins le seuil de la porte, un dernier regard pour elle. Elle va tellement me manquer... Ma mère a toujours été un exemple pour moi et malgré nos différends, je sais qu'elle m'aime.
Mais bon, je dois me dire que je la reverrai très bientôt. Si Solenn m'aide à me faire évincer, bien sûr. Je n'y arriverai pas toute seule. La main sur ma valise, je sors de la maison après un dernier câlin pour ma mère.
Le chauffeur referme la portière derrière moi alors que je m'installe dans la limousine aux côtés de ma sœur. Elle regarde à travers la vitre, anxieuse.
— J'ai tellement hâte !
— Eh bien pas moi.
M'installant plus confortablement dans le siège en cuir, je laisse le sommeil m'envahir, souhaitant secrètement me réveiller dans les bras d'Aiden.
• • •
— Sarah, on est arrivé !
Solenn me tire vivement par le bras pour me réveiller. Bon sang, je dormais ! Elle était vraiment obligée de me secouer comme un pommier ? Je la repousse, agacée, puis vais pour me rendormir quand j'entends la portière s'ouvrir. Je devine facilement que ma sœur s'extirpe de la voiture et je me repositionne pour mieux m'endormir.
Les minutes s'écoulent sans que je ne sois dérangée et j'arrive presque à dormir quand une voix inconnu intervient brusquement :
— Mademoiselle ? Vous devez sortir, je dois garer la limousine.
— Garez-là, je marcherai, dis-je rapidement, tout en gardant les yeux fermés.
Pris au dépourvu, l'homme répond en hésitant presque :
— Mais Mademoiselle, je... Vous ne pouvez pas, voyons...
— Mais si. Allez garer votre fichue voiture et réveillez-moi dans une petite heure.
— Mademoiselle...
J'entends à sa voix qu'il ne comprend et la situation et ça m'amuse. Je finis par sourire puis étale mes jambes.
— Mademoiselle, je vais devoir appeler quelqu'un si vous ne voulez pas sortir...
Je l'ignore complètement et réalise à peine ce qu'il vient de dire quand ses pas s'éloignent. Je me lève brusquement et m'écrie :
— C'est bon, je sors !
Il ne m'a sûrement pas entendu car il continue sa route. Je marmonne et soupire en même temps puis le traite de toutes les insultes possibles dans toutes les langues que je connaisse -et j'en connais deux- avant de sortir de la voiture pour rejoindre le palais.
En parlant de palais, je reste la bouche ouverte devant le bâtiment qui s'offre à moi. Je vis dans une maison aussi petite qu'une étable et des gens vivent vraiment dans ce... Château ? C'est une blague, j'espère ?
Tu t'attendais à quoi aussi ?
Je monte rapidement les marches du perron et rattrape le portier qui est déjà en train d'expliquer son problème à un garde. Je m'empêche de rire intérieurement. On voit bien qu'ils ne me connaissent absolument pas...
Je les dépasse avec un sourire amusé et une allure fière quand la voix du portier intervient :
— Mademoiselle !
Je me retourne en haussant les sourcils.
— Oui ?
— Vous savez où vous allez, j'espère ?
— Pas vraiment...
— Vous devez rejoindre votre chambre pour le moment, la suite des évènements, je ne la connais pas. Votre domestique vous informera des étapes à suivre.
Je hoche la tête avant d'entrer dans le palais et de me diriger vers la première pièce que je vois.
— Mademoiselle, ce sont les cuisines ici !
— Ah merde.
Il me fixe, les yeux ronds. C'est vrai que pour une "princesse", je devrais peut-être être plus polie. Je lui fais un signe d'excuse alors que dans le fond, je m'en fiche de ce qu'il peut penser de moi. Levant les yeux au plafond, je le fige devant l'énorme lustre pendant au-dessus de ma tête. Tout est trop brillant ici, je devrais peut-être leur donner quelques conseils de décoration.
— Où est ma chambre ?
Plus vite je serai là-bas, plus vite je pourrais dormir.
— Montez l'escalier, votre servante vous attend en haut.
— Ah parce que j'ai une servante ? Amusant.
Je souris, ayant déjà en tête des plans diaboliques pour cette servante. Je monte donc les escaliers, mes baskets claquant une à une sur les marches. Je suis venue ici en tenue décontractée : pantalon, t-shirt et baskets. J'aurai sûrement dû faire un effort comme Solenn qui s'est vêtue de sa plus belle robe...
— Vous êtes Mademoiselle Sarah Crawford ?
Arrivée en haut des escaliers, je relève la tête. Une jeune femme blonde de taille moyenne m'observe comme si j'étais la huitième merveille du monde. Ou bien une erreur de la nature. Est-ce ma sublime beauté qui l'époustoufle ou bien mes vêtements bien trop peu adéquats ?
— Sarah, la seule, l'unique, la grandiose ! Et tu es... ?
Elle se racle la gorge et je jurerai la voir déglutir discrètement. Je la trouve un peu perturbée.
— Euh... je...
J'attends une réponse de sa part, une réponse qui ne vient pas. Elle reprend alors, légèrement perdue :
— Euh, je vais vous emmener dans votre chambre, si vous me permettez...
Elle avance dans le couloir, un couloir assez long, je trouve. Même trop long. Bien évidemment, ma chambre est à la fin du couloir. Comme par hasard. La domestique pousse alors une lourde porte en bois donnant sur une grande suite royale.
— J'ai une question, hum...
— Vous devez m'appeler "servante", Princesse.
— On n'est plus au Moyen-Âge enfin ! Comment tu t'appelles ?
Elle se retourne, regarde derrière elle puis se triture les doigts. Je peux tout à fait comprendre le fait de l'appeler "servante" mais elle a un nom, voyons ! Il ne sert pas à décorer ou à faire joli.
— Ariane.
— Très bien, Ariane. Les chambres des sélectionnées sont-elles toute regroupées ici ? Dans ce couloir, je veux dire.
Je prépare un plan machiavélique. Un génocide de sélectionnées à coup de crème fraiche en plein visage. Je serai renvoyée pour mauvais comportement.
— Non. Mais je n'ai pas le droit de...
— Emmène-moi voir ma sœur. Elle s'appelle Solenn.
Décidée à ne pas bouger, je la tire par le bras pour la faire avancer.
— Princesse, vous ne comprenez pas !
— C'est Sarah. Pas de princesse avec moi.
Je me redresse en croisant les bras, les sourcils haussés.
— Prin...Sarah, je ne suis que votre servante. Je dois vous aider à vous habiller, vous rendre la plus belle possible, je suis un peu votre aide personnelle, vous comprenez ? Je vous amène vos repas quand vous ne vous sentez pas bien, je vous conseille au niveau de vos robes, réponds à vos envies etc... Je n'ai aucunement le droit de... D'obéir à ce que vous dites...
— Ariane, j'ai envie de voir ma sœur aînée. Tu as dis devoir répondre à mes envies alors réponds à ceci.
— Je ne peux pas, princesse.
— Si tu le peux. Je ne te demande que ça. Après, tu pourras rentrer dans... Chez toi et si on te demande où je suis passée, tu diras que je suis partie malgré tes refus à m'aider. Compris ?
Elle soupire et déclare tout bas :
— Si le roi me voit me balader avec une sélectionnée dans les couloirs, je suis morte.
— Tu ne mourras pas. Je te le garantis.
— Très bien...
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