Chapitre 59 √
Il est vraiment lunatique. Ce n'est pas possible autrement, je ne vois aucune autre raison possible. Tout à l'heure, il était au bord de la déprime et là, il rit avec ses invités avec à son bras ma sœur:
Je vais commettre un meurtre. Retenez-moi, pitié.
Ça m'énerve ! Pourquoi fait-il ça ? Mais il est instable, ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible de se comporter comme ça. Cela doit bientôt faire une heure que je l'observe, une heure que mes yeux sont braqués sur lui et pas une seule fois il ne m'a regardée. Pas une seule fois.
Agacée, je décide que le meilleur moyen pour me sentir mieux est de boire jusqu'à mourir d'ivresse. Bon, avec du vin et du champagne la tâche ne sera pas facile mais il doit bien y avoir de l'alcool fort dans les cuisines du palais ?
J'en ai marre de le voir, marre de le voir rire plus précisément, marre qu'il me traite ainsi. Je me lève rapidement et avance jusqu'à la sortie de la salle de réception.
D'abord, je vais me promener. Ensuite, je vais boire. Oui, il faut que j'agisse dans le bon ordre des choses. De toute manière, qu'est-ce que j'ai à perdre ? Il semble s'être désintéressé de moi, ma sœur n'est même plus une sœur et ma mère m'ignore également.
Je suis seule et je l'ai toujours été, au final. Quand je suis arrivée ici, je n'avais pas pour but de tomber amoureuse d'un prince. Je devais seulement me faire éliminer puis rentrer chez moi retrouver Aiden. Sauf que rien ne s'est déroulé comme prévu et il y a eu ces putains de sentiments qui sont intervenus dans la partie. J'avais beau vouloir les nier, les cacher, ils revenaient toujours à la charge et de plus en plus fort.
Ça a toujours été dur pour moi d'avouer mes sentiments. J'ai toujours eu peur d'être déçue et c'est pour ça que je reste en retrait, toujours méfiante. Mais là, je n'ai plus mes barrières en protection, il sait déjà tout.
Mes sentiments évoluent, mon cœur bat de plus en plus vite, et ça ne change pas. Ça ne veut pas disparaître. Ça ne veut pas s'en aller. Mais pourtant il le faut... Il faut que je l'oublie, que je me défasse de cette étreinte, que j'accepte une bonne fois pour toute qu'il est bientôt marié.
Je pousse un soupir puis me rends compte que j'ai fait le tour du palais et que je suis revenue au point de départ. Peut-être est-ce le signe que je dois rejoindre la salle ?
Je n'ai pas envie de penser, plus maintenant. Il faut que je me rende aux cuisines et que je trouve du bon alcool.
- Sarah...
À l'entente de sa voix, je me fige. Je suis terrifiée, pétrifiée sur place. Je n'ose pas me retourner mais pourtant il le faut. Il va bien falloir que je l'affronte à un moment donné.
Je me retourne et l'observe. Il n'a pas enlevé son masque, moi non plus d'ailleurs. J'en profite alors pour l'observer. Il porte un costume noir qui met tous ses muscles en valeur, avec en-dessous une chemise blanche assortie avec un nœud papillon. Mes yeux remontent jusqu'à son visage. Une barbe naissante a fait son apparition et j'avoue que cela lui donne encore plus de charme qu'il n'en a déjà. Ses cheveux bruns forment quelques ondulations sur le haut de son crâne et ses yeux bleus me scrutent attentivement.
Oh, merde. Je suis bel et bien amoureuse de cet idiot.
- Qu'est-ce que tu veux...
Il s'adosse au mur et l'expression indifférente qu'il avait au début est remplacée par une expression moqueuse.
- Alors ? Tu t'amuses bien avec James ?
- Kaled...
Il s'approche de moi et m'attrape le poignet pour me plaquer contre le mur. Mais qu'est-ce qu'il lui arrive ?
- Tu l'aimes ? dit-il plus férocement. Tu l'as laissé te prendre ?
Son haleine pue l'alcool. Je comprends mieux.
- Tu as trop bu.
- J'ai bu un verre et je ne suis jamais soûl de toute manière.
- Tu n'es jamais soûl ? Alors c'est quoi ces questions débiles ?
- Tu es différente depuis que tu le connais.
- Je suis différente ? raillé-je. Eh bien, puisque nous parlons de nos ébats sexuels, autant te dire que James est un très bon coup.
Je vois un éclair de rage passer dans son regard, suivi par de la déception puis de la tristesse. Je regrette instantanément mes paroles en m'apercevant qu'il est déçu mais surtout, qu'il est triste.
Il me lâche le bras avec un soupir et se détourne de moi. Non. Je ne le laisserai pas s'enfuir aussi facilement. J'ai certes, très envie de le prendre dans mes bras, mais il devra d'abord ramer un peu. On ne m'a pas en claquant des doigts.
- Et toi avec Solenn ? Vous passez de bonnes nuits ?
Il se retourne et me crache littéralement au visage :
- Je ne l'aime pas. Elle me parle robes, fêtes et soirées à longueur de journée.
- Et alors ? Je n'aime pas James. Ça revient au même. Tu te rappelles quand tu me rendais jalouse avec Solenn ? C'est pour ça en parti que je suis partie, j'en avais marre de toute cette atmosphère mauvaise. Alors tu ne peux pas m'en vouloir. Tu vas te marier avec elle, tu assumes, point barre.
Je suis peut-être allée trop loin mais il doit connaître le fond de mes pensées. Je veux qu'il comprenne pourquoi je fais ça, pourquoi je dis ça.
Et pourtant, tout ce qu'il retient est le fait que j'ai sois-disant couché avec James car il souffle d'un ton bas, presque dans un murmure :
- Tu ne l'aimes pas et tu... Je ne te pensais pas comme ça, Sarah. Je te pensais avec des valeurs, je pensais que tu me respectais. Je suis tombé amoureux de la femme forte, avec des valeurs et du respect, qui a fait des choix qui parfois, ne m'ont pas plu, mais qui est restée loyale sur toute la ligne. Et là, j'apprends que tu te laisses faire avec cet... abruti. Je suis désolé, Sarah, mais c'est trop pour moi. Depuis que tu es revenue, plus rien ne va. Tu l'as embrassé, et j'ai eu beau m'excuser, tu m'as ignoré. Ensuite, tu...
- Je t'ai ignoré ? Pardon ? Qui m'ignore depuis une semaine ? Toi !
- J'avais besoin de distance, soupire-t-il. J'avais besoin de me recentrer, de savoir ce que je voulais et...
- Qui tu veux. Tu veux Solenn et je l'ai assez bien compris, marmonné-je.
- Non ! Pas elle. C'est toi que je veux, Sarah. Toi et personne d'autre.
-,C'est bien gentil de dire ça mais je ne te crois pas. Je ne te crois plus. Cette semaine, tu avais l'air vraiment heureux avec elle. Tu riais, tu souriais tout le temps, tu étais de bonne humeur. Tu n'as pas besoin de moi et nous le savons tous les deux.
Il ne répond rien. Il se contente de se taire et de m'observer.
- Va la rejoindre, rajouté-je avec un sourire forcé en le dépassant. Elle a besoin de toi. Ma sœur a besoin d'un homme comme toi.
- Je ne peux pas... il souffle. Je t'aime. Je t'ai toujours aimée. Je n'arrête pas de penser à toi à longueur de journée. Tu es ma damnation, Sarah.
J'ai envie de m'arrêter, de revenir vers lui et de l'embrasser. De lui dire que tout va bien, que nous irons mieux et que je l'aime. Mais au lieu de ça, c'est mon cœur qui s'arrête.
L'histoire pourrait s'arrêter là. Mais mon cœur est brisé en mille morceaux. Il aurait pu renvoyer Solenn. Il aurait pu se battre pour nous. Il ne l'a jamais fait.
Je me retourne mais pas pour l'embrasser et réplique :
- Je suis désolée, Kaled. Je ne t'aime pas.
Mensonge. Mensonge. Mensonge.
Ces cinq petits mots sortis de ma bouche, je le regarde s'effondrer devant moi. Pas au sens propre. Son regard s'effondre, son monde s'effondre, toutes les idées qu'il avait faites de moi s'effondrent, tous ses sentiments se brisent pour ne former qu'un amas de poussière.
Ses yeux me scrutent rapidement, voulant y déceler une part de mensonge. Il a toujours su deviner quand je mentais, mais en ce moment, il semble douter.
Oh, Kaled. Ne doute pas. Je t'aime. Mais notre histoire est impossible. Parce que l'un comme l'autre, nous n'acceptons pas nos torts. Parce que l'un comme l'autre, on s'est fait du mal jusqu'à se briser. Et je suis allée trop loin.
Je chasse cette petite voix de mon esprit et nous nous fixons un court instant. Il a l'air de se reprendre car il déclare d'une voix forte :
- Je ne te crois pas.
- C'est bien dommage car c'est la vérité.
- Tu mens. La lettre ? Tes paroles ? Tu dis n'importe quoi !
- La lettre était une erreur. Mes paroles étaient insensées.
- Tu ne peux pas... Tu...
Sa voix se brise tandis qu'il m'observe avec déception. Ce n'est plus de la déception que je vois, c'est bien plus fort, bien plus intense. Il faut que je m'en aille ou je vais pleurer moi aussi.
Je lui tourne le dos pour rejoindre la salle de réception. Mes yeux cherchent un point de repair et le trouve : James.
Je m'approche de lui, nerveuse. Peut-être ai-je fait une erreur, qui sait ?
- Ah, Sarah ! Je voulais te présenter un ami. Edward voici...
- James, je dois te parler de quelque chose.
Il fronce les sourcils en voyant ma tête et s'excuse auprès de son ami pour me suivre.
• • •
- Attends, attends, attends. Tu as fait quoi ?
- Je lui ai dis que je ne l'aimais pas.
- Mais pourquoi ? Ça ne devait pas marcher comme ça ! Je devais jouer le Cupidon, lancer mes flèches diaboliques puis vous auriez fini par vous marier !
- Je ne peux pas. J'ai réfléchi et... Il va se marier. Tu imagines si les gens apprenaient que nous avions des sentiments l'un pour l'autre ? Ma mère me détesterait, Solenn encore plus qu'elle ne me déteste déjà et... Je ne pouvais pas laisser agir comme ça. Il fallait que je dise quelque chose.
- Sarah, mais qu'est-ce que tu as fait...
James se prend la tête dans les mains en soupirant.
- Tu sais que je ne comprends absolument rien à vos histoires ? Je ne vois pas ce qu'il y a de bien compliqué... Tu l'aimes... Il t'aime... Vous vous aimez... Donc vous vous mariez... Et vous faites des bébés !
Je ne peux m'empêcher de sourire face à cette idée. Quel idiot...
- Excusez-moi...
Je sursaute en entendant sa voix. Nous nous retournons tous, y compris les invités pour découvrir le prince sur le devant de la scène, un micro à la main. Il a l'air serein, le regard plongé au loin, comme s'il savait exactement pourquoi il était là.
- Avant de commencer, j'espère que vous passez une agréable soirée. J'aimerais faire une annonce publique. Il y a une femme dans cette pièce qui mérite d'entendre ces quelques mots.
Son regard se pose sur moi. Quelques invités se tournent vers moi et je me racle la gorge en attrapant mon verre de vin. Qu'est-ce qu'il a prévu de dire ? J'espère qu'il ne dira pas trop de choses... surtout à mon sujet.
- Je suis fiancé à Solenn, j'ai fait cette annonce il y a deux mois à peines et pourtant, je vous ai menti à tous. Quand je vous ai regardé droit dans les yeux, que je vous ai assuré que cette femme saurait me combler de bonheur, j'ai menti. Et j'en suis profondément navré. Au cours de cette sélection, j'ai tenté d'étouffer mes sentiments. J'ai tenté d'apprendre à aimer de nouveau, mais j'ai échoué. J'ai échoué parce que les sentiments que j'ai pour toi, Sarah, ne sont jamais partis. Ils ne se sont jamais envolés, ils ne m'ont jamais quitté malgré tous les efforts que je mettais pour t'oublier. Depuis le commencement de cette sélection, j'ai appris à rêver à tes côtés. J'ai appris à te connaître, à t'apprivoiser, et tu as été ma plus belle découverte. Tu as été ma tentation, ma damnation. Mais tu as été aussi ma délivrance. Tu m'as appris à aimer. Nous avons tous les deux commis des erreurs, nous avons chacun nos torts, mais ce que je sais, Sarah, c'est que je n'imagine pas une vie où tu n'es pas à mes côtés. Une vie sans toi est une vie sans saveur, sans couleur. Je ne me suis pas assez battu pour toi, je ne me suis jamais réellement excusé alors j'espère que tu accepteras ces quelques mots publiquement. Je suis navré d'avoir commis ces erreurs. Solenn, je suis navré de t'avoir embarquée dans cette histoire. Je suis navré d'interrompre nos fiançailles là, maintenant. Depuis le début, et jusqu'à ce que l'on m'enterre six pieds sous terre, ce sera toi, Sarah, et personne d'autre. Ça a toujours été toi.
Il souffle une énième fois et se tourne vers moi.
- Sarah, je te demande pardon.
Tout le monde se tourne vers moi et je reste bouche bée. Je suffoque presque en me rendant compte qu'il a tout déballé là, maintenant. Ils attendent sûrement que je prenne la parole, que je dise quelque chose mais je ne dis rien.
Je fais la première chose qui me passe par la tête, la seule chose que je sais bien faire : je fuis.
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