Chapitre 57 √

Il me fixe comme si j'avais commis un crime irréparable. Il me fixe comme s'il n'en croyait pas ses yeux. Il me fixe comme si je lui avais piétiné le cœur, comme si celui-ci était bousillé par ma faute.

Cette vision me donne presque envie d'avoir de la peine pour lui mais il l'a cherché. En partant d'ici, il n'a pas cherché à me retrouver. Et puis, il a embrassé ma sœur. Il passe du temps avec elle. Ils vont se marier. Et je ne serai rien dans leur bonheur.

J'aimerais représenter quelque chose pour le prince. Mais il serait peut-être temps qu'il fasse quelque chose, qu'il se bouge.

- Toi.

Un seul mot sorti de sa bouche. Un seul mot qui m'est destiné. Un seul mot qui me brise littéralement le cœur. J'ai envie de venir près de lui, de le prendre dans mes bras et de lui chuchoter que tout va bien, que je l'aime et que ça n'a pas changé mais quelque chose m'en empêche quand il s'approche de James pour lui décocher une droite.

Ah, non ! Pas encore.

Sans que je ne comprenne quoique ce soit, je me place devant James pour stopper Kaled mais son poing est déjà lancé depuis peu et les chances pour que je l'arrête sont minimes.

Et comme une idiote, je me le reçois en pleine face. Et autant vous dire qu'il a de la force car je finis par tomber un mètre plus loin.

Je reste encore sous le choc et mon regard croise le sien. Oh, merde. J'ai tellement mal qu'aucun mot ne sort de ma bouche. Je me tiens piteusement la mâchoire, essayant de calmer la douleur mais ce n'est qu'une horrible grimace qui s'affiche sur mon visage.

Les larmes coulent le long de mes joues et un gémissement interminable s'échappe de mes lèvres. J'ai envie de dire que la douleur est insupportable, que je ne sens pratiquement plus mon visage mais les mots ne sortent pas.

Les joues inondés, le regard braqué sur lui, je pleure sans un bruit.

Son regard me donne encore plus envie de chialer. Il regarde ses mains, puis mon visage et ainsi de suite. James cligne plusieurs fois des yeux sans vraiment croire que je me suis pris le coup de poing qui lui était destiné et il se tourne vers Kaled.

- Qu'est-ce que tu as fait ! rugit James.

Ce dernier se précipite vers moi. Ses yeux me rassurent un peu même si j'ai toujours autant mal. J'essaie de me lever, aidée par James. Un liquide chaud coule le long de mon cou et je devine facilement que c'est du sang.

Et alors que mes sanglots redoublent en intensité, je tombe dans mes pommes.

• • •

À peine ai-je rouvert les yeux que la douleur sur mon visage s'intensifie. Je ne sens plus mon nez, c'est... Comment a-t-il pu faire ça ? Je sais très bien que son coup de poing ne m'était pas destiné mais... Comment peut-il être aussi violent ?

- Laisse-moi la voir ! rugit une voix.

- Tu l'as déjà frappée une fois, tu comptes recommencer ? s'exclame la voix de James.

- C'était un accident !

- Elle était en sang ! Tu appelles ça un accident ?

Je soupire et me redresse. Un affreux mal de crâne me saisit mais j'ignore et me mets debout pour tomber automatiquement. Je suis comme vidée de toute énergie. Vêtue d'un simple chemise, je me tiens au mur pour avancer jusqu'à la porte.

J'ouvre celle-ci et tombe sur Kaled et James en pleine dispute. Ils sont trop préoccupés à crier qu'ils ne font même pas attention à moi.

- Ce coup de poing t'était destiné ! réplique Kaled en croisant les bras.

Logiquement, je devrais lui en vouloir mais c'est tout le contraire. Je ne lui en veux pas, je ne le déteste pas. Je lui en veux juste de se conduire comme un imbécile avec James.

- On s'en fout de ça ! Tu l'as frappée. Tu as frappée une femme !

Je vois le déchirement dans le regard de Kaled alors qu'il essaie de se reprendre.

- Ça suffit, interviens-je, la gorge nouée.

Ma voix sonne basse, faible et rauque. Kaled pose ses yeux sur moi et je peux y lire toute la douleur qu'il retient. Ça me surprend un peu car je ne suis pas habituée à ce qu'il dévoile ses émotions comme ça.

- Sarah, je peux te parler ? intervient-il.

- Laisse tomber. Si c'est pour t'excuser, ce n'est pas la peine, je ne t'en veux pas.

Il reste figé, sans dire un mot.

- S'il te plaît. Je dois vraiment te parler.

J'acquiesce en soupirant et le suis, me tenant toujours au mur. James me fixe, les sourcils froncés. Il ne doit sûrement pas comprendre pourquoi je le suis sans broncher.

Kaled m'aide à m'avancer en me tendant son bras. Bien trop affaiblie, je ne dis rien et m'appuis à son bras. Je n'ai jamais été aussi fatiguée de toute ma vie...

Nous arrivons au jardin où nous nous asseyons.

- Sarah, je suis vraiment désolé.

- Ce n'est pas grave, ce n'était pas voulu, murmuré-je.

- Mais je t'ai frappée ! Je... Tu étais devant moi... en sang et c'était ma faute !

- Peu importe. Le mal est fait et je vais bien.

Je mens mais bon. Si ça peut le rassurer... Un silence s'installe où aucun de nous deux ne parle et il finit par soupirer.

- Je ne sais même pas ce que tu fiches avec James.

- Je ne sais même pas ce que tu fiches avec Solenn, répliqué-je.

- C'est différent, se défend-il.

- C'est la même chose. Tu dis que je t'ai manqué mais tu te pavanes avec elle devant les invités. Tu mens et ça fait mal, Kaled. Ça fait mal de te voir avec elle. Ça fait mal là (et je pointe mon cœur de l'index).

Ça fait mal parce que je ressens des sentiments pour toi et que tu continues d'être avec cette vipère.

Je garde cette dernière phrase pour moi et soupire.

- James ne veut que t'avoir dans son lit.

- Et toi ? Que fais-tu avec Solenn ? Kaled, nous ne sommes pas mariés, ni ensemble ou autre chose. Je suis une ancienne sélectionnée, tu es le prince et tu vas te marier avec ma sœur, c'est tout. Rien de plus. Rien de moins. Ce que je fais ne te regarde absolument pas et ta jalousie ne sert plus à rien. Nous ne sommes rien, et tu devras finir par l'accepter. Le coup de poing que je me suis pris n'aurait jamais dû arriver et défouler ta rage sur James n'a servi strictement à rien. Alors, maintenant s'il te plaît, laisse-moi. Laisse-moi parce que on continue à se torturer l'un l'autre de cette manière, je n'y arriverai plus. Je n'y arrive déjà plus.

Nous ne sommes rien.

Triste réalité.

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