Chapitre 50 √
- Et c'était comment ? me demande la fillette, un sourire d'émerveillement aux lèvres.
- Satisfaisant j'imagine, je réponds.
La petite fille hausse les sourcils, souhaitant peut-être plus de réponses et de précisions.
Nous sommes mardi soir, il est plus de dix-huit heures et j'ai obtenu un job de baby-sitter ; je dois m'occuper de Lisa, une fillette d'onze ans. Et en ce moment, elle est plus occupée à me poser des questions sur ma vie au palais qu'à manger sa purée de carottes que je lui ai préparée quelques minutes plus tôt.
- Et le prince ? Il était comment ?
Beau. Incroyablement beau. Incroyablement intelligent. Et j'étais follement amoureuse de lui.
- Oh, tu sais on n'a pas beaucoup eu de contact ensemble.
- Ah bon ? Pourtant Maman m'a dit que tu étais sa préférée. On a vu à la télé les résultats de votre concours. Et c'était dit que tu étais sa favorite. Maman a dit que vous étiez beaux ensemble.
Je ris, gênée. Les gens pensaient vraiment que nous allions finir ensemble ? Que notre « relation » pourrait durer ?
- Mais je comprends pas. Pourquoi t'es encore ici ? Pourquoi t'es pas avec lui ? Moi je voulais vous voir mariés mais qu'est-ce que tu fais encore ici ?
Elle glisse ses doigts autour de la fourchette et commence à manger, attendant une réponse de ma part.
- Il m'a éliminée, mens-je. Bon, tu finis ton assiette et après au lit.
- Alors vous ne vous aimiez pas ?
- C'est compliqué. Parfois, l'amour n'est pas plus fort que tout. Ça ne collait tout simplement pas entre nous.
Je suis une pitoyable menteuse. Pourquoi je mens ? Parce que je pense que si je mens, je vais finir par croire à mon mensonge. Parce que dire la vérité me fera encore plus regretter mes choix.
Si je mens, j'ai une chance de m'en sortir. J'ai une chance de pouvoir tout recommencer à zéro, de presque tout oublier. Mieux vaut mentir. Mieux vaut ne pas assumer et être lâche plutôt que d'affronter les choses en face.
• • •
Mes yeux se promènent sur les cadres accrochés dans ma chambre. Partout, il y a des photos de moi et ma sœur où nos visages resplendissent de bonheur.
Il y a une photo particulièrement que j'aime. Nous étions, ma sœur et moi, dans un parc où notre mère nous avait prises en photo. Ses cheveux bruns étaient attachés dans un magnifique chignon et ses yeux bleus fixaient l'appareil en un regard heureux.
Et dire qu'à présent, elle va se marier avec le prince. Elle va prendre la place que j'aurais pu avoir. Un sentiment de regret m'envahit la poitrine et mon ventre se serre, jusqu'à m'en faire mal.
Je m'assois sur mon lit, l'esprit ailleurs. Ai-je vraiment fait le bon choix ? Ai-je réussi tout ce que je devais accomplir ?
Au fond de moi, j'hésite terriblement. J'ai peur de l'oublier. Ma raison me dicte de l'oublier mais mon cœur me dit de m'accrocher. Le problème est que je n'ai rien pour m'accrocher. Rien ne peut m'aider.
Il se mariera avec elle, ils auront de magnifiques enfants, ils vieilliront ensemble, main dans la main et mourront heureux. Tandis que moi, je continuerai de vivre dans la misère avec Aiden, et je ne mourrai pas heureuse.
- Sarah ! Il y a une lettre pour toi.
Je sursaute à l'entente de la voix de ma mère. Qu'est-ce qu'elle veut dire par « lettre » ?
Je me lève et sors de ma chambre, le cœur battant. Ma mère est debout, près de la table et lit la lettre, les sourcils froncés.
Elle finit par me la tendre après un petit soupir.
- Prépare tes valises.
Je l'interroge du regard et me contente de lire la lettre pour le moment.
Mesdames Crawford,
Vous êtes invitées à séjourner au palais durant un délai d'un mois. Notre future princesse vous demande. N'emportez avec vous que le strict nécessaire.
Votre prince.
Un mélange d'excitation et de peur envahit mon cœur. Je n'ai pas envie d'y aller. Je ne retournerai pas dans ce fichu palais ! Jamais.
Énervée, je m'apprête à jeter cette lettre quand mes yeux s'arrêtent sur un texte écrit au dos de la lettre.
Je retourne le papier et lis attentivement.
Tu es ma damnation, Sarah
Reviens-moi.
Mon cœur flanche. Je ne sais vraiment plus quoi penser de lui et surtout, je ne sais plus quoi faire.
Quand je suis partie, j'étais sûre de moi. La vie au palais m'étouffait plus qu'autre chose et ma vipère de sœur transformait ma vie en cauchemar... mais à présent ? Les mois sont passés et j'ai peur de l'oublier. J'ai peur de ne plus me rappeler l'effet qu'il me faisait quand son regard se posait sur moi. J'ai peur de ne plus me rappeler la sensation de ses lèvres sur les miennes. J'ai peur d'avoir tout oublié.
Et si mon choix n'avait pas été le bon ? Si je regrettais au final ? Mais il est trop tard pour changer d'avis... Il va épouser ma sœur et je serai contrainte à les observer profiter de leur vie magnifique.
Qu'est-ce que j'ai fait...
- Sarah, tu peux... commence ma mère en entrant dans la pièce.
Je ne prends même pas la peine de cacher le papier dans mon dos et laisse ma mère s'approcher de moi.
- Tout va bien ?
- Oui, oui ça va.
Depuis notre retour, ma mère et moi n'avons pas discuté. J'aimerai lui dire ce que je lui ai dit dans mon rêve, j'aimerai tout lui déballer mais je n'ai plus la motivation. Je n'ai plus le besoin de tout lui dire car je suis loin du prince à présent.
- Sarah, tu peux me parler tu sais.
- Je n'ai rien à dire. Écoute, je n'ai pas trop envie d'aller au palais, ça ne te dérange pas si tu y vas toute seule ?
- Tu ne veux pas rendre visite à ta sœur ? réplique-t-elle en plissant les yeux.
- Non. Tu vois, il y a des personnes que je n'ai pas envie de voir et Solenn en fait partie.
Ma mère croise les bras et me jauge de son regard noir.
- Ah, je vois. Tu es encore persuadée qu'elle te vole ton prince, c'est ça ? Mais écoute, Sarah, si le prince l'a choisie, c'est qu'il y a bien une raison !
- Maman, pense ce que tu veux, j'en n'ai plus rien à faire.
- Tu m'accompagneras, Sarah. Aux dernières nouvelles, il était écrit "Mesdames" alors tu viendras et c'est non-négociable ! Le retour des règles de politesse et de savoir-vivre ne te feront pas de mal.
Je la regarde partir, les larmes aux yeux.
J'avais raison. Je suis seule.
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