Chapitre 4 √

— Solenn, on devait mettre la farine avant les œufs, je te l'avais dit ! m'exaspéré-je.

Elle éclate de rire avant de verser une tonne de lait dans le saladier. Je lui fais les gros yeux et elle semble s'en ficher car elle rajoute un œuf qui n'était pas indiqué dans la recette. Je pousse un soupir en passant le revers de ma main sur mon front brûlant. Nous deux aux fourneaux, c'est loin d'être gagné !

— Allez, Sarah rigole un peu ! dit-elle en riant elle-même.

Je finis par sourire puis par l'imiter. Avec son visage parsemé de farine, je suis obligée de me détendre un peu. Après avoir rattrapé les dégâts tant bien que mal, nous mettons le gâteau au four puis Solenn repart dans le salon. Notre mère guette les informations depuis dix-huit heures, les yeux braqués sur l'écran de télévision. De là où je me tiens, je perçois son appréhension.

Aujourd'hui, nous sommes vendredi et il est bientôt dix-neuf heures quarante-cinq. Dans un peu plus d'un quart d'heure, nous connaîtrons le nom des vingt sélectionnées. Nous saurons si Solenn et moi avons été qualifiées, ce dont je doute fortement. Les présentateurs qui, depuis une heure, ne cessent de parler de la famille royale ont annoncé plus de deux-cent mille candidatures. C'est tout simplement énorme

— Sarah ! chuchote une voix masculine en provenance du jardin.

Je fronce les sourcils en jetant un coup d'œil dehors. Je rêve ou... Non, c'est bien lui. Aiden ! Mais qu'est-ce que cet idiot fait là ? Je pensais ne plus jamais le revoir.

Je défais mon tablier et le pose sur une chaise puis passe les portes-fenêtres donnant sur le jardin de la cuisine. Une fois dehors, je m'exclame un peu trop fort :

— Qu'est-ce que tu fais ici !?

— Tu t'es inscrite ? dit-il, caché derrière les buissons.

Il a beau vouloir être discret, il est trop grand et sa tête dépasse. Il faut dire qu'à côté de lui, je suis une naine. Ses cheveux blonds sont un peu mouillés et ses yeux marron me scrutent avec attention.

— Oui, je me suis inscrite il y a quelques jours. Mais qu'est-ce que tu fais ici, Aiden ?

— C'est bien, Sarah. Tu m'as écouté. Enfin.

Mon orgueil me retient de lui balancer que c'est pour ma mère que je me suis inscrite. Ce serait mentir. Je l'ai fait en partie pour lui.

— Enfin ?

— Tu n'écoutes jamais ce qu'on te dit.

C'est totalement faux !

— N'importe quoi. Va-t'en, maintenant.

Il sort de sa cachette et s'approche de moi, les sourcils froncés.

— Promets-moi que si tu es qualifiée, tu penseras à moi.

Et puis quoi encore ?

— On a rompu. Je n'aurai pas le temps de penser à mon ex.

— C'était pour t'inciter à participer. J'enlève mon rompement.

Son sourire me paraît trop beau pour être vrai. Il s'approche de moi, l'air séducteur, toujours aussi attirant et je demande :

— Il existe ce mot ?

— Probablement pas. Tu m'aimes ?

— Je t'aimais. Mais on a rompu.

Ma fierté prend le dessus. Croisant les bras sur ma poitrine, je ne recule pas lorsqu'il comble la distance entre nous.

— Moi aussi je t'aime, Sarah.

— Sarah ? appelle Solenn dans la cuisine.

Je me retourne. De là où nous sommes, elle ne peut pas nous voir mais elle n'hésitera pas à sortir.

— Je dois te laisser, Aiden.

Ses bras m'entourent alors et il dépose un baiser sur mes lèvres avant de chuchoter :

— Tu me reviendras, je le sais. Si tu te qualifies, n'oublie pas de profiter.

Puis il s'éloigne après un rapide clin d'œil, me laissant la bouche ouverte, un air euphorique au visage. Aucune chance que je sois qualifiée, je lui reviendrai plus tôt que prévu. C'est donc toute heureuse que je rentre dans la cuisine en chantonnant.

— Depuis quand t'es heureuse ? m'interroge Solenn, méfiante.

— Oh, laisse tomber, dis-je d'un ton léger.

— T'as vu quoi dehors ? L'oiseau de l'autre fois ?

— Oui, c'est ça, mens-je.

L'autre jour, nous avons remarqué qu'un oiseau -un merle plus particulièrement- qui trainait souvent devant la maison. Solenn et moi l'avons renommé Doli, un nom bien pourri.

— Et depuis quand un oiseau rend heureux les gens ? s'amuse Solenn.

Elle sait parfaitement que j'ai vu Aiden, c'est pour ça qu'elle force à obtenir des réponses qu'elle n'obtiendra pas de ma part. Je la fusille du regard alors qu'un sourire victorieux se dessine sur ses lèvres. Elle jubile, je le vois.

— Ça commence ! s'écrie notre mère dans le salon.

Solenn accourt jusqu'au salon, en demandant de monter le son. Je la suis, m'adossant au mur derrière le canapé pour fixer l'écran. Je devrais être sereine, mais je ne le suis pas. Au fond, j'ai l'impression d'avoir fait une erreur, de m'être laissée une chance de me qualifier à tort.

Je finis par reporter mon attention sur la télévision, la boule au ventre. Le présentateur, un vieux monsieur au teint gris et aux cheveux poivre et sel, l'air bien habillé apparaît alors à l'écran et s'exclame :

— Bonsoir à toutes et à tous ! C'est en ce jour très spécial que nous nous retrouvons, afin de connaître les vingt sélectionnées qui concourront pour le titre de princesse et de future épouse du prince ! Vous avez certainement hâte de savoir les résultats, n'est-ce pas ? Avant de vous annoncer le verdict, jetons un coup œil à la famille royale pour...

Le four sonne et je m'empresse d'aller chercher notre gâteau raté qui plus est cramé. Je prends soin de le découper et de mettre les parts dans des assiettes avant de retourner au salon pour distribuer les parts à ma mère et ma sœur.

— Lila Grey.

— T'as raté des sélectionnées, m'annonce Solenn froidement. C'est la troisième elle.

— Neyla June.

Les noms continuent de défiler et ma boule au ventre finit par lentement s'estomper. Je ne peux pas être sélectionnée, mon nom ne peut pas s'afficher. Je dois retrouver Aiden, j'ai besoin de lui. Les deux-cent mille inscriptions me reviennent à l'esprit et un soulagement imperceptible me parvient. Plus que six sélectionnées, c'est bon. Il n'y a plus aucune chance.

— Solenn Crawford.

Une photo de ma sœur apparait à l'écran et nous restons toutes figés. C'est impossible... elle est sélectionnée ! Solenn bondit de joie en se levant d'un coup, trop heureuse pour parler.

— Ma chérie, tu es sélectionnée ! s'exclame notre mère, les larmes aux yeux.

Je m'avance et nous nous faisons un câlin collectif. Solenn finit par pleurer de joie en se réinstallant sur le canapé. Je m'assois à côté d'elle, la félicitant brièvement :

— Bravo, grande sœur.

Elle me sourit, le bonheur se lisant à travers les traits de son visage.

— Calista McGregor.

Je déchiquette un morceau de gâteau raté et mâche lentement, mes pensées dérivant sur Solenn. Elle rencontrera le prince et aura une chance de se marier avec lui... Je n'imagine tellement pas ce qu'elle va vivre. C'est un rêve pour elle, un rêve devenu réalité.

— Et enfin, pour clôturer cette sélection, la dernière prétendante : Sarah Crawford !

Arrêt sur image.

Je recrache mon gâteau en m'étouffant subitement. Ma mère ne sait pas si elle doit sauter de joie ou s'inquiéter. Elle opte pour la première option et s'écrie :

— Mon Dieu ! Mes deux filles sélectionnées !

Je me lève rapidement pour aller recracher mon gâteau dans les toilettes.

J'espère que c'est une blague.

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