Chapitre 17 √
— Quoi ? C'est totalement faux.
Il hausse un sourcil en mettant les mains dans son dos. J'ai le culot de nier et j'ai envie de me frapper intérieurement.
— Ne me prends pas pour un idiot, Sarah. Tu as raté de nombreux repas, tu t'en fiches de ton apparence, tu me parles à peine
— Vous ne me parlez pas non plus.
Il éclate de rire et son rire est un chant pour mes oreilles.
— Tu es celle censée venir me voir dans l'histoire, pour rappel. Je suis un prince à conquérir.
Je dois rattraper le coup. Je ne sais pas pourquoi, c'est sûrement mon côté borné mais je ne veux pas le laisser gagner ainsi.
— Vous avez sûrement raison. Mais vous vous trompez sur toute la ligne.
— Alors tu nies tout ?
— Oui. Tout est faux. Je me suis inscrite de mon plein gré.
Ces mots s'étranglent à moitié dans ma gorge. Il sait que je mens, et il sait que je le sais. C'est pour cela qu'il n'hésite pas à dire, d'un ton trop enjoué à mon goût :
— Tout est faux ? Très bien. Prouve-le moi. Passe du temps avec moi. Ce soir. Demain. Et les jours d'après. Montre-moi que tu veux être ici, avec moi, et que tu battras pour éliminer tes concurrentes.
Et c'est plus fort que moi, je relève la tête et j'acquiesce. Parce que j'aime les défis et que j'ai toujours aimé ça. Je dis oui alors que je ne devrais pas. À ce moment précis, je ne m'imagine pas tout ce que je peux perdre, et tout ce que je pourrais sacrifier.
Un sourire étire ses lèvres et il se redresse, amusé.
— Bien, Sarah. Nous nous verrons donc ce soir au repas, sans faute.
Il s'incline légèrement puis me tourne le dos avec un énième sourire. J'ose sourire aussi. Il veut jouer, parfait. Mais il perdra.
• • •
Lorsque j'arrive dans ma chambre un peu plus tard, je retrouve ma domestique au sol, le dos tourné à la porte.
— Ariane ?
Je reste figée quand elle se tourne vers moi, les joues baignant de larmes et les yeux rouges. Je me précipite vers elle, morte d'inquiétude.
— Ariane ? Que se passe-t-il ?
Elle va pour dire quelque chose et finit par fermer la bouche. Ses yeux fixent le sol, perdus et elle se contente de sécher ses larmes. Les minutes s'écoulent sans qu'elle ne prononce un mot et je ne bouge pas. Je la prends par les épaules, attendant patiemment qu'elle ose dire quelque chose.
— Ariane...
— Ce n'est rien... Je vais bien.
Elle se remet sur pieds, sèchent les dernières larmes puis me sourit de ses yeux rouges.
— Que s'est-il passé ?
— Rien, mademoiselle. Vous allez être en retard pour le dîner, vous devriez y aller.
— Non, je ne bougerai pas tant que tu ne m'auras pas dit pourquoi tu as pleuré !
En plus de ses larmes, ses joues sont rouges. Anormalement rouges. Je fronce les sourcils et m'exclame :
— Quelqu'un t'a frappée ?
Elle relève la tête, presque choquée et secoue vivement la tête.
— Non, non... Personne ne m'a frappée.
— Ariane, tu dois me parler. Je suis ton amie et en aucun cas je ne te ferai du mal. Je peux t'aider, tu sais.
— Je ne peux pas vous le dire...
— Si, tu peux. Ouvre ta bouche et parle. Sinon je me jette par la fenêtre.
— Vos menaces sont ridicules, princesse, soupire-t-elle.
— Je ne plaisante pas ! J'appelle le prince si tu ne me dis rien. Et il sera sûrement plus doué pour te faire avouer.
Elle ne semble pas prête à me dire la vérité. Je me dirige donc vers la porte pour mettre mes menaces à exécution et avant d'ouvrir la porte, je vais volte-face.
— C'est Wilson ! J'en mettrais ma main à couper.
— Non, ce n'est pas lui, Sarah. C'est Careyton, le chef des cuisines.
— Careyton ?
Ariane s'assoit sur mon lit et pousse un énième soupire. Elle m'avoue alors :
— Je n'ai pas pris de pauses aujourd'hui et j'avais terriblement faim, si bien que j'ai presque failli faire un malaise. Alors je me suis rendue aux cuisines et j'ai pris un peu de nourriture, juste un plateau à emmener. Et Careyton a débarqué, il m'a vue et m'a criée dessus. Je me suis excusée mais il n'a rien voulu savoir et m'a lancé mon plateau à la figure. Je suis juste un peu brûlé aux joues mais tout va bien.
Et c'est plus fort que moi, je m'emporte :
— Non mais je rêve ! Où est-il que j'aille lui botter les fesses ?
Elle ne me répond pas. Ainsi, je sors de la chambre, furieuse, les joues rouges, je le vois dans les reflets des vitres. Quand je suis énervée, je finis par rougir involontairement. Mais là, c'est bien plus que de la colère. L'injustice me brûle les poumons.
— Sarah ! Attendez...
Elle essaie de m'agripper le bras mais je la repousse. J'avance, mes pas sont rapides, je suis furibonde. En aucun cas il n'a le droit de s'en prendre à ma domestique, et encore moins quand celle-ci est mon amie. Je tourne à plusieurs reprises dans des détours de couloirs pour trouver enfin les cuisines. Il n'aura le temps de rien comprendre qu'il se sera pris la raclée de sa vie. Ariane a déjà disparu derrière moi, elle doit être mortifiée.
Je vais pour entrer dans les cuisines quand je fonce brusquement dans un torse dur comme la roche.
— Où comptes-tu aller comme ça ? La salle de réception est de l'autre côté.
Je ne relève pas la tête et dépasse le prince mais celui-ci me retient par le bras.
— Sarah, tonne-t-il de sa voix grave.
Je lève les yeux pour le regarder et étrangement, quelque chose s'anime en moi. Quelque chose fait vibrer mon cœur, mes poumons. Me brûle la cage thoracique. Mes veines sont en feu sous son regard de braise, mon estomac se tord.
— J'ai quelque chose à régler.
— Je connais trop bien ce regard, Sarah. Tu es en colère et nous savons tous les deux que ce sentiment ne te réussit pas.
Sa main serre mon poignet. Le desserre. Ses doigts glissent et trouvent les miens. M'apaisent en quelque sorte.
— Explique-moi, lance-t-il doucement, me faisant une demande.
— Un certain Careyton a balancé un plateau de nourriture à la figure d'Ariane. Il y avait sûrement une boisson chaude dessus qui lui a brûlé le visage. Elle avait juste faim, et elle se récolte des blessures. C'est inadmissible.
— Décidément, ta domestique nous causera de nombreux problèmes.
Nous.
Je garde la tête haute, et lâche sa main. Sans attendre plus longtemps, je le dépasse et entre dans les cuisines. Careyton se démarque des autres, grand et trapu, il beugle ses ordres aux employés comme s'ils étaient ses chiens.
Je m'approche de lui, l'air menaçante et ma main s'abat sur sa joue comme une tempête emporterait un homme en pleine mer.
— Ça, c'est pour Ariane !
Je lui rajoute une droite plus forte que la précédente.
— Et ça c'est pour t'apprendre les bonnes manières ! Un gentleman ne lèverait jamais la main sur une femme. Refais-ça encore une fois et je jure sur ta tête que je donnerai tes testicules à manger aux cochons !
Careyton me fixe, éberlué de mon comportement. Il n'en croit pas ses yeux et même moi je n'arrive pas à croire qu'un homme comme lui puisse se montrer aussi cruel avec Ariane.
Lorsque je sors des cuisines, le prince me fixe, la mâchoire en tombant presque. Wilson se tient derrière lui et cette fois-ci, je lis dans son regard comme... de la fierté. Il s'éclipse aussitôt et le prince lance d'un ton étrangement calme :
— J'hésite entre te crier dessus et te féliciter.
— Les félicitations m'iraient bien. Il méritait ce qu'il vient de se prendre.
— Tu es quand même irresponsable, Sarah. Une princesse n'agirait pas ainsi. Tu es trop impulsive, et trop émotive. Et si tu ne changes pas, tu n'auras jamais l'étoffe d'une reine.
J'arrive à lire la déception dans son regard avant qu'il me tourne le dos pour s'en aller dans la salle de réception. Et j'ignore pourquoi, mais son attitude me rend triste.
Et pourtant, elle ne devrait pas.
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