Chapitre 15 √
La semaine d'après s'est plutôt bien déroulée. Nous approchons à grands pas du jour de l'élimination des cinq sélectionnées et je suis toute excitée. Je vais bientôt pouvoir rentrer chez moi ! Je rêve de pouvoir serrer Aiden dans mes bras. Ses baisers me manque terriblement, la chaleur de son corps me paraît être un souvenir lointain.
Pour paraître moins étrange ou suspecte aux yeux du prince, je suis restée quelques fois avec Aubrey et Elisa, j'ai participé aux réceptions organisées, je me suis souvent rendue à la bibliothèque. J'ai eu l'air de m'intéresser à la vie de ce palais et à cette sélection. Je n'ai pas reparlé à Son Altesse Royale depuis mon altercation avec Wilson et j'ai passé le plus clair de mon temps à lire, puisque je n'en aurai bientôt plus l'occasion. La bibliothèque a été un paradis durant ces deux semaines. Je me suis immergée dans des mondes où je me suis reconnue, j'ai trouvé en des personnages des facettes qui me correspondaient. Ariane a été aussi enthousiaste que moi à l'approche de l'élimination et j'avoue qu'elle m'a parue plus joyeuse, plus rayonnante.
Elle m'a également confiée que les filles, elles, passaient leurs journées à se faire belles et à chercher le prince dans tout le palais. Elle m'a aussi dit que j'étais la seule à ne pas lui avoir encore adressé la parole. J'ai omis de lui avouer le fait que je lui avais déjà parlé deux fois mais ça, elle n'a pas à le savoir. Du moins, pour l'instant.
Solenn a continué d'être aussi détestable et m'a jeté des regards diaboliques durant tout le long des repas. Elle m'évite comme la peste et j'ai beau tenter de me rassurer, son attitude me fend le cœur. Ma sœur me manque. Ses blagues idiotes, ses habitudes du matin, j'ai l'impression de l'avoir perdue. Elle est totalement différente avec Calista, comme si elle s'associait à cette fille ce qui ne lui ressemble pas du tout.
— Sarah, voulez-vous que je vous aide à enfiler votre robe ? me questionne ma domestique.
— Je veux bien, Ariane.
Elle me demande de lever les bras pour me la faire passer par-dessus. J'ai choisi une robe dorée avec des motifs noirs tracés tout le long des pans de la robe. Mes manches sont bouffantes et le décolleté carré met en valeur ma poitrine. Je profite de ces derniers instants de beauté puisque rentrée chez moi, je retournerai à ma vie d'avant.
Adieu les paillettes, les robes et les joues rosées.
— Retenez votre respiration une seconde...
Ariane tire d'un coup sec sur les lanières qui retiennent le corset, me laissant sans voix.
— Tu connais la douceur, Ariane ? dis-je, la voix serrée.
Elle s'excuse rapidement avant d'arranger la robe et de lisser la matière.
— Voulez-vous que je tresse vos cheveux, mademoiselle ?
— Non, je vais les laisser comme ils sont.
Ariane hausse les sourcils, surprise. C'est la première fois que je les détache en plus de trois semaines et que je suis aussi coquette mais aujourd'hui, j'ai envie d'être belle. Peut-être est-ce le tant attendu jour de mon élimination qui me laisse prendre soin de moi, qui sait ?
Ariane prend quelques minutes pour coiffer ma tignasse, arrangeant mes boucles avec ses doigts. Elle est vraiment douée... Je me demande bien ce qu'elle fait là, à servir une sélectionnée qui n'en a que faire du prince et de tout cet argent. A-t-elle toujours vécu au palais ? Ou au contraire, s'est-elle faite recrutée ?
— Ariane, tu sais coudre ?
— Oui, plus ou moins. J'ai confectionné la plupart de vos robes de mes mains et je dois avouer que cela m'a pris des heures !
Je hausse les sourcils, mon regard croisant le sien.
— Vraiment ? Mais c'est prodigieux !
— Ce n'est pas étonnant vous savez, mademoiselle. Toutes les domestiques des autres sélectionnées ont été formées à coudre. Nous sommes en quelque sorte en rivalité pour rendre la sélectionnée que nous servons la plus belle possible. C'est une compétition stupide entre nous, je dois l'avouer.
Elle se comporte avec une nonchalance qui me laisse sans voix. Nom de Dieu, elle a cousu des merveilles ! Ariane n'a rien à faire dans ce palais de bourgeois. Elle devrait confectionner des robes pour les riches de toute la nation et gagnerait dix fois plus que ce misérable salaire qu'elle doit avoir maintenant. Je ne me gène pas pour lui dire :
— Mais Ariane... Pourquoi ne réalises-tu pas ton propre commerce ? Tu confectionnes des robes absolument magnifiques.
— J'ai un bon salaire ici, mademoiselle. Les domestiques des sélectionnées obtiennent le double de leur paye pour leur travail supplémentaire.
— Je vois... Et as-tu un compagnon ?
Ses joues rougissent légèrement tandis qu'elle ajuste mes talons. Je souris, satisfaite de cette réponse. Ariane est donc amoureuse !
— Non, bien sûr que non. Le temps ne me le permet pas, vous savez.
— Ariane, serais-tu en train de me mentir ?
Elle pousse un soupir comme si l'on ne pouvait rien me cacher. Puis avoue :
— Oui j'ai quelqu'un, enfin... Si on peut dire ça.
— Comment s'appelle-t-il ? m'impatienté-je.
— Je ne peux pas vous le dire.
— Ariane !
— Pardonnez-moi, mademoiselle mais je n'ai vraiment pas le droit.
Je soupire en croisant les bras. Si elle ne veut pas me dire, c'est que cela doit être important. Une affaire d'État ? Est-elle amoureuse de l'écuyer du palais ?
— Il est dans le palais ?
Elle ne répond pas et ses joues se remettent à rougir brusquement. Bingo !
— Mademoiselle, arrêtez ! supplie-t-elle en riant, gênée.
— C'est le prince ? m'offusqué-je.
Pas que cela me dérangerait mais... Elle ne peut pas être avec le prince. Oh, mon Dieu ! Et si c'était ça ? Cela expliquerait pourquoi il semble si désintéressé des sélectionnées !
Elle s'esclaffe à en pleurer en voyant ma tête.
— Le prince ? Vous avez osé ! Bien trop beau et parfait pour moi, Sarah.
J'ai un don pour deviner quand les gens me mentent et... elle ne me ment pas. Du moins, j'en ai l'impression. S'il est dans le palais, je le trouverai !
— Ariane ? Allons nous promener un peu, veux-tu ? dis-je pour changer de sujet, mes intentions claires dans mon esprit.
Je lui ferai cracher le morceau.
— Je n'ai pas le droit.
— Ne t'inquiète pas pour ça. Si l'on te voit, je te couvrirai.
— Vous ne comprenez pas, si la reine me voit me balader dans les couloirs de son palais, j'aurai la tête coupée avant l'aube ! Et je ne plaisante pas.
— Non, Ariane. Je ne le permettrai pas. Fais-moi confiance pour une fois et allons nous amuser !
Je tire ma domestique –ou plutôt celle que je considère comme mon amie– par le bras et nous sortons de ma chambre. Ariane me jauge avec un regard anxieux, comme si elle menaçait de se faire tuer à tout moment.
— Il fait froid ici... bredouille-t-elle comme pour rentrer à l'intérieur.
— Tu trouves ? Je meurs littéralement de chaud !
— C'est parce que vous avez une crinière de plus d'un mètre dans votre dos qui vous fait office de radiateur.
— Tu as toi aussi les cheveux longs pourtant.
— Moins que vous et je les attache pour le travail.
Je tire sur l'épingle de son chignon pour dévoiler sa crinière rousse et elle pousse un petit cri.
— Mademoiselle !
Je l'observe à la dérobée. Ariane est plutôt jolie. Elle a l'air d'être assez jeune, peut-être le même âge que moi, mais est dotée d'une maturité déconcertante. Ses longs cheveux roux lui tombent en cascade dans le dos, formant de belles ondulations, et ses yeux bleus fatigués observent au loin. Je me demande bien de qui elle pourrait être amoureuse. Et qui pourrait la mériter surtout, elle et sa beauté fulgurante.
— Vous êtes bien la seule qui me demande de la vêtir à dix-sept heures. J'ai dû arrêter de coudre une nouvelle robe juste pour vous aider ! rit-elle en changeant de sujet.
Il est vrai que j'ai dormi toute la journée. Peu après seize heures, j'ai décidé de me concocter moi-même un repas et suis partie dans les cuisines. Bien évidemment, personne n'a voulu me laisser préparer moi-même mon festin et j'ai dû sagement attendre dans la salle de réception que l'on m'en amène un déjà tout préparé.
J'ai déjà loupé plusieurs repas dans cette salle et tout le monde s'en fiche que je ne sois pas là. J'ai fait l'effort de participer à ces maudites réceptions, je peux bien rater un ou deux dîners. Aubrey m'a déjà demandé pourquoi je n'étais pas présente et j'ai prétexté des maux de ventre. Elle n'y a vu que du feu.
Nous tournons alors à un couloir et je m'arrête nette lorsque mes yeux se posent sur le prince et son garde du corps en pleine discussion. Je me cache derrière le petit muret, tirant Ariane par le bras.
Tendant l'oreille, je m'interroge moi-même :
— De quoi peuvent-ils bien parler ? Et pourquoi chuchotent-ils ? Si j'avais une épée dans les mains, je me ferais un plaisir de trancher la tête de cet abruti.
Ariane ne me répond pas. Ainsi, je me tourne vers elle et découvre son visage écarlate et ses yeux brillants. Je fronce les sourcils, perplexe et chuchote :
— Tu m'avais dit ne pas être amoureuse du p...
Je m'arrête brusquement. Wilson ?
— Le garde du corps !? m'écrié-je subitement, choquée.
Ariane me fait signe de me taire mais trop tard, le prince et Wilson avancent vers nous. Je n'ai pas le temps de comprendre quoique ce soit que je décolle du sol et qu'une lame se pose sur ma gorge.
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