-Dis maman, c'est qui ton premier amour? 

La question avait jailli comme ça sans qu'elle s'y attende. Sa fille l'avait vraiment surprise. 

Son premier amour...

Une vague de souvenirs l'assaillit tandis que sa fille rencherit. 

-C'était Papa? 

-Non mon ange, répondit-elle, j'ai rencontré mon premier amour bien avant ton père. 

Elle posa brusquement le torchon en le claquant sur le plan de travail tandis que les souvenirs qu'elle avait désespérément essayer de sceller refaisaient surface. 

-Et il était comment? 

Elle se retourna et sourit tendrement à sa fille en la prenant sur ses genoux. Les souvenirs revenaient en tourbillon dans sa tête. 

Elle lui souriait. Elle la soutenait. Elle la consolait. Elle était là dans les pires moments. Elle l'embrassait. 

-Bien avant ton père, reprit-elle d'une voix chargée de mélancolie et de souvenirs, j'ai rencontré une personne fantastique. Elle était incroyablement forte, gentille, belle, intelligente et drôle. Elle était juste formidable! 

-Et qu'est-ce qu'elle est devenue? 

Ses yeux s'emplirent de larmes qui menaçaient de franchir la barrière de ses cils. 

-Elle a quitté ce monde, il y a bien longtemps déjà, répondit-elle d'une voix éteinte et lointaine.

Quand sa fille partit se coucher, elle pris sa douche en montant la chaleur au maximum. Elle laissa couler l'eau brûlante sur son corps pour oublier, pour l'oublier...

Oublier leur première rencontre dans cette bibliothèque, ce coin de paradis

Oublier leurs projets, leurs rêves, leurs espoirs 

Oublier leur premier rendez-vous au cinéma 

Oublier leurs journées passer à lire ensemble en écoutant de la musique

Oublier leur première nuit, cette nuit magique, inoubliable

Elle voulait effacer ces larmes invisibles, effacer sa douleur, sa culpabilité, son malheur.

Elle laissa ruisseler ses larmes et l'eau sur son corps jusqu'à ce que sa peau soit rouge. 

Rouge comme ses lèvres qui avaient un si bon goût

Rouge comme son sang ce jour-là 

Si seulement elle ne l'avait pas laissé partir...

Si seulement elle pouvait retourner en arrière, retourner dans le passé...

Son mari l'attendait à l'entrée de la salle de bain 

-Chérie, murmura-t-il en l'embrassant

Ce surnom était fade, ridicule, trop commun...

Les lèvres de son mari avaient un goût de cendre comme s'il avait brûlé intérieurement mais elle répondit à son baiser avec toute la force de sa tristesse.

Elle s'imagina qu'il était elle. Et elle mit tant de détresse, tant d'ardeur, dans de désespoir dans ce baiser qu'il se retrouvèrent sur le lit. 

Quand il lui donna du plaisir, elle ne put s'empêcher de la comparer à elle. 

Avec lui c'était banal, anodin, comme tout le monde. Avec elle c'était tellement bon, tellement intense. 

Certes il l'avait aidée, recueillie et soutenue mais elle ne ressentait rien de plus que de l'amitié envers lui. 

Mais elle lui était redevable donc elle s'était marié avec lui.

Quand il pénétra en elle elle ne ressentit pas plus de plaisir que les autres fois... 

Elle criait son esprit 

Elle criait son âme 

Elle criait son corps 

Elle criait son être 

Capucine hurlait son cœur 

-Henri, murmura-t-elle