poupée
Ptit one-shot dont j'ai eu l'idée d'une manière complètement random et qui me tient bizarrement à coeur
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Il était différent. Déjà, lui, il avait encore des cheveux. Noirs. Une longue touffe bouclée. Il se démarquait de tous les autres enfants atteints par les ombres dangereuses de la faucheuse de part son sourire, aussi. Il ressemblait à un petit lapin.
Et puis lui, il parlait à Taehyung.
Taehyung il était particulier. C'était le premier qui avait dû se raser les cheveux. Sa maman lui avait alors acheté un bonnet avec un sushi brodé dessus, en lui disant que pour elle, avec cheveux ou non, il restait le plus beau de tous les petits garçons.
Le petit garçon était mature, intelligent, et malheureusement pour lui, parfaitement conscient de la situation. Il faisait seulement semblant de ne pas comprendre, pour continuer à offrir ce sourire rectangulaire si original à ses parents, sans qu'ils ne voient les perles salées bloquées dans ses pupilles voilées.
Mais les autres enfants, eux, sentaient que quelque chose clochait dans sa manière exagérée de réagir.
Et puis, il était toujours collé à une petite poupée qu'il ne lâchait jamais. C'était peut-être une Barbie, peut-être non. C'était une poupée enfant, celles qui allaient d'origine avec l'attirail complet pour s'occuper d'enfants en bas-âge, mais le reste avait été perdu longtemps auparavant, dans son ancienne chambre, celle où il restait des cheveux sur la taie d'oreiller. Elle avait les cheveux noirs et aucune poitrine, alors Taehyung les avait coupé courts, et l'avait nommé Kookie.
En quoi le nouvel arrivé était différent ?
Il était la poupée. En version vivante. Ses traits doux, littéralement poupons, avec ses petites joues semblables à des fruits gorgés de soleil et sa fossette sur la joue droite, ses boucles périeuses encore un peu trop longues, ce petit nez qui parfois se fronçait.
Lui, il était empli d'espoir. Il était persuadé de ne pas partir. C'était temporaire, cette chambre à l'hôpital.
Et lui, enfin, il parlait à Taehyung. Même si lui était froid en retour, souvent, il continuait, il s'acharnait à parler à Taehyung. Toujours avec son grand sourire de lapin, celui qui, finalement, faisait fondre le monde de sa délicatesse.
Ils avaient une chambre en commun, et au fur et à mesure des semaines, ils s'entendaient de mieux en mieux. Même si les diagnostics de Taehyung étaient de moins en moins annonciateurs d'un destin potentiellement heureux, il commençait à ne plus tout calculer.
Une fois, Jungkook lui avait dit: "de toute façon, qu'on devienne des anges ou pas, j'ai quand même envie de jouer tout le temps". C'était une façon maladroite de dire que l'instant présent valait la peine d'être apprécié. Surtout dans leurs cas.
Vint un jour triste où Jungkook avait vu sa maman pleurer après un diagnostic.
Elle n'avait pas juste pleuré, en fait. Elle s'était littéralement effondrée devant le médecin qui lui avait expliqué ses ressentis sur les récents tests. Elle était tombée au sol, le visage ravagé par les larmes, la voix dévastée par la colère, coupée par la tristesse.
Elle s'était mise à dire plein de mots pas beaux, de ceux qu'on a pas le droit de dire, qu'elle avait visés sur le médecin.
Jungkook n'avait pas supporté cette vision et il avait couru un marathon jusqu'à sa chambre pour se jeter dans les bras de Taehyung qui n'avait eu besoin de lui poser aucune question pour le prendre tout contre lui.
C'était la première fois que le ressenti de l'un de ses camarades l'affectait. Le voir pleurer lui, cette boule d'amour, cette peluche toujours transcendée par l'allégresse, dans le creux de son épaule, ça avait fendu son coeur.
Il lui avait dit que sa beauté était moins présente lorsqu'il pleurait, et qu'il n'aimait pas ça. Ça avait fait rire tristement le noiraud, qui s'était subtilement et subitement arrêté de pleurer.
Lorsque Jungkook avait appris qu'à son tour, il allait devoir perdre ses cheveux, Taehyung avait versé une larme. Il adorait ses cheveux. Les caresser, en détailler les boucles entre ses phalanges fragiles, en voir la ressemblance avec ses cils graciles. Pour la première fois, il n'avait pas eu un sourire de lapin. Mais un sourire triste, le même que celui que Taehyung osait revêtir face à ses parents.
Taehyung lui avait fait un bisou sur la joue, à peine posé, aussi doux que les pétales d'une rose fraîchement éclose, rouge, comme sa joue justement après qu'il y ait déposé ses lèvres roses.
Il avait pleuré pour la seconde fois en découvrant son crâne chauve. Taehyung s'était alors empressé, avec toute la force physique qu'il lui restait, de le rejoindre dans son lit pour lui mettre sur la tête son bonnet sushi.
"Avec ou sans cheveux, pour moi tu restes le plus beau de tous les petits garçons."
M
ême en voyant les couleurs auparavant sublimes de leurs peaux perdre de leur vivacité, ils continuaient, de leurs yeux pétillants de biche, à regarder leur ami le plus proche comme s'il était aussi magnifique qu'à leur rencontre.
Parce que dans le fond, la beauté ne leur importait pas tant que ça. Mais la beauté les rattachait à avant. Si ils étaient encore beaux, alors ils étaient en bonne santé.
Les mois avaient passé avant que leur situations n'évoluent. Ils avaient même, un instant, un court instant d'euphorie sublime, cru qu'ils pourraient revenir à l'école à la prochaine rentrée, et qu'ils allaient faire une demande pour être dans la même.
Ils ont eu des moments heureux.
Je vous promets qu'ils en ont eu.
Mais un soir, un soir qui était joyeux d'origine, où ils s'attendaient tous deux à voir des résultats encourageants pour Jungkook, celui-ci était revenu avec un sourire trop grand pour être anodin.
Il s'était pelotonné au corps légèrement plus grand de son aîné, et il lui avait parlé avec une voix rongée de sanglots, et ce fut seulement là que Taehyung se rendit compte, à la lumière claire de la lune, qu'il pleurait, pour la troisième fois. Sauf que ce sourire n'allait pas avec les larmes.
<<Hyung !
-Oui Jungkookie ?
-Tu te souviens, une fois, tu m'as dit que ta mamie elle était allée au ciel pour faire l'ange. Ma maman elle me l'a pas dit, mais j'ai compris parce que cette fois, au lieu des gros mots, elle a tapé le médecin. Je vais bientôt rejoindre ta mamie. Tu veux que je lui dise quelque chose quand je la rejoindrais ?
Taehyung allait aussi se mettre à pleurer.
Il était intelligent. Et malheureusement pour lui, il comprenait ce qu'il se passait autour de lui. Il avait bien compris Jungkook. Il savait aussi que si il lui demandait déjà, c'est que ça devait être pour bientôt.
-T-tu... dis-lui...dis-lui que...Je l'aime. Et que je t'aime aussi...a-alors elle doit pr-endre soin de t-toi...pour moi...>>
Ce fut la seule fois de sa vie que la tristesse bloqua sa voix.
Et lui qui avait toujours été fort et froid s'était mis à crier un désespoir que même lui ne connaissait pas, il berça la pièce de pleurs de désillusion, tenant fort dans ses petits poings le pull trop grand de Jungkook, caressant son bonnet comme il l'aurait fait avec ses cheveux, avant.
<<Jungkook ne m'abandonne pas je t'en supplie...me laisse pas tout seul...Je peux pas le faire sans toi...Je peux pas me battre sans toi...Jungkook Jungkook tu as pensé à notre rentrée ? On avait dit qu'on partirait d'ici ensemble !>>
Ça arrivait, ils le savaient, ils sentaient l'odeur âcre des ciseaux mythiques qui couperaient le fil sublime de la vie de Jungkook.
Vers les derniers jours, l'infirmière qui s'occupait de tous les enfants leur avait demandé de faire un dessin à Jungkook, pour qu'il sache qu'il était aimé, et à quel point.
Taehyung avait mis tout son coeur dans la représentation de sa poupée, avec ses cheveux et le bonnet sushi en main, en symbole de victoire sur la maladie.
Il lui avait fait une longue lettre, avec l'aide de sa maman, dans laquelle il lui disait à quel point il était le plus beau petit garçon et à quel point il allait se plaire là-haut. Il lui avait dit qu'il comptait sur lui pour veiller sur son existence future. Et que lorsqu'il le rejoindrait, il lui avait promis, il aurait vécu pour deux.
Il était parti sans douleur, un lundi après-midi. Le cri de sa mère avait résonné dans toute la bâtisse, en même temps que Taehyung tombant sur ses genoux.
On lui avait donné le droit de venir à son enterrement, sous couvert d'être accompagné d'une petite équipe médicale, parce que Jungkook avait dit qu'il voulait la présence de Taehyung sur le lit de la fin.
Il avait mis son dessin et sa lettre dans la terre qui avait recouvert son lieu de repos définitif, retenant difficilement la pluie de couler de ses iris assombries.
Après cela, avec un courage qu'il ne connaissait pas et qu'il se plaisait à imaginer provenant de Jungkook, il était allé voir sa maman qui elle était à genoux face à la tombe. Il lui avait fait un câlin en lui disant à quel point Jungkook était le meilleur de tous les amis, le plus beau garçon du monde. Et elle lui avait souri. Même avec les cernes bleues qui enlaidissaient ses traits de femme mûre, il avait reconnu ce sourire. Un sourire de lapin.
Finalement, Jungkook était parti avant lui il avait eu beaucoup de mal à y croire. Ça avait été un déchirement immonde. Pendant des jours, il retrouvait des affaires à lui oubliées dans sa chambre, pleurant à chaque fois en se rappelant que plus jamais il ne le verrait jouer avec. C'était fini, terminé.
Il reposait à jamais, loin de lui.
Et il aurait fait n'importe quoi pour revenir dans le temps, et utiliser n'importe quel pouvoir magique pour mettre dans sa poupée son âme, pour qu'elle puisse y vivre. Il aurait fait n'importe quoi, aussi, pour geler son visage, cryogéniser sa beauté, garder intacte sa magnificence.
C'est ce qu'il réussit à faire, dans sa tête.
Il était sûr que sa bonne étoile l'avait protégé.
Il ne mourut pas de la maladie. Il mourut de vieillesse.
Toute sa vie, il garda près de lui cette poupée, continuant à lui parler comme s'il était là.
Toute sa vie, on continua à le trouver étrange, mais il profita sans s'en soucier de tous les jours que la vie lui avaient offerts, profitant deux fois plus de tout, comme pour que le noiraud vive en lui.
Et il accueillit la mort les bras grands ouverts, comme une vieille amie.
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J'suis grave désolée si vous étiez déjà dans un bad mood.
Je l'ai écrit d'une traite, mais j'espère qu'il vous a plu
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