𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑

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RYÛNOSUKE 波ヴ位

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Cette sale petite conne.

Son comportement me donnait envie de l'attraper par les cheveux et la corriger jusqu'à ce qu'elle me supplie en pleurant. Son attitude blasée et insolente permanente était quelque chose qui me faisait bouillir le sang. Même si à chaque fois que je regardais au fond de ses yeux je pouvais voir la flemme ardente de la haine qu'elle nourrissait pour nous – sa mère et moi – jour après jour. J'ignorai ce qui poussait cette sale morveuse à être si véhémente. Si nous n'avions pas de relation à proprement parler, je n'avais pas souvenir d'avoir fait quelque chose pour la contrarier. Quand bien même le problème semblait déjà bien enraciné.

Toujours étant que sa mère passa presque une heure à se plaindre d'elle. Je l'écoutais à peine, grognant une onomatopée de temps en temps pour donner l'illusion que j'étais d'accord avec elle. Cette femme parlait beaucoup trop, c'était agaçant. Heureusement qu'elle était belle et douée au pieu, sinon je lui aurais certainement tordu le cou depuis un moment. En dehors de ça, je ne lui trouvais aucune qualité. Je m'étais comporté en opportuniste en l'épousant. Il n'y avait aucun amour passionné entre nous, ou en tout cas, pas de mon côté. Elle me servait uniquement à avoir un toit au dessus de la tête. Je coulai un regard en direction de l'horloge murale et suivis l'aiguille qui avançait à un rythme régulier.

Encore un tout petit peu...

Plus au moins deux minutes plus tard, je sentis le poids de mon épouse se faire plus important contre mon bras. Le son de sa respiration constante m'indiquait qu'elle s'était endormie. Un soupir de soulagement me glissa entre les lèvres alors que je m'emparai d'elle pour aller la coucher dans notre chambre. Je l'allongeai sur le lit et quittai la pièce tout de suite après. Elle ne devrait, normalement, pas se réveiller avant le lendemain matin. Ce qui me laissait de longues heures de libre devant moi. Je me saisis des clés de la maison et de mon téléphone avant d'enfiler mes chaussures. Je quittai l'appartement d'un pas détendu pour me diriger vers l'extrémité de notre rue. Une voiture noire aux vitres teintées m'y attendait. En me voyant arrivé, le chauffeur sortit pour m'ouvrir la porte arrière et s'inclina humblement à l'instant où je passai devant lui.

Je m'installai confortablement dans le siège en cuir alors qu'une voix masculine m'interpela.

— Ben alors mon pote, la soirée a été compliquée ?

— Cette connasse parle beaucoup trop, grognai-je, surtout pour se plaindre de sa gamine.

Le rire qui résonna dans l'habitacle me poussa à lui lancer une œillade courroucée.

— Oh c'est bon, Ryû' ! Après, ce n'est pas comme si je ne t'avais pas prévenu qu'épouser une femme plus âgée avec un enfant ne serait pas de tout repos.

— Ta gueule, Atsushi.

Il avait beau être mon meilleur ami, le seul à qui je faisais vraiment confiance, j'avais parfois envie de lui coller mon poing dans la figure. Surtout quand il prenait ce petit air supérieur et moqueur. Il m'avait effectivement mis en garde, mais je ne m'attendais pas à ce que l'enfant en question – bien que Raion ne soit plus une gamine depuis un moment – soit aussi... difficile. Je pensais pouvoir la tenir tranquille en l'intimidant, je m'étais fourvoyé sur toute la ligne. Ce sale petit monstre grincheux ne me craignait pas le moins du monde.

Quand notre chauffeur s'arrêta à l'entrée de Kabukicho, Atsushi et moi quittâmes le véhicule, ce lieu était notre terrain de jeu sur lequel nous revenions nuit après nuit. Mon ami fit savoir à son homme de main qu'il l'appellerait pour venir nous récupérer. C'était dans ce quartier que je passais la plupart de mes soirées depuis que nous avions emménagé, même si les lieux m'étaient familiers bien avant cela.

— Bon, déclara mon camarade en ajustant son joli costume ridiculement cher, la nuit nous appartient.

Je soupirai discrètement, il aimait beaucoup trop ça. Atsushi avait une passion pour la drague que j'avais toujours eu du mal à saisir. Mais avec sa belle gueule, ses cheveux longs – attachés en chignon souvent –, ses écarteurs et son caractère avenant avec les demoiselles, difficile de lui résister. Même si cette ravissante enveloppe cachait du vice, beaucoup de vice. Je lui laissai le luxe de prendre la tête de cette nouvelle expédition nocturne. Nous attirions les regards des passants et des commerçants, ces derniers saluaient Atsushi avec courtoisie. Ce qui n'avait rien de surprenant, les yakuzas étaient aussi craints que respectés dans ce quartier. Je me fichais pas mal qu'ils ne fassent pas preuve d'autant d'égard à mon encontre, il fallait dire que pas mal de temps s'était écoulé et que j'avais bien changé. Il était donc normal que la majorité des gens qui étaient là à l'époque ne me reconnaissent pas.

Alors que je scrutais les devantures des divers établissements, et que les délicieuses odeurs de nourriture qui s'échappaient des izakayas me titillaient les narines, un autre corps percuta le mien. En baissant les yeux, je tombais sur le faciès familier de ma belle-fille. Nous nous toisâmes, aussi surpris l'un que l'autre de nous croiser ici. Quelles étaient les probabilités pour que quelque chose comme ça se produise ?

— Raion ! l'interpela une fille bien imbibée à quelques mètres en amont, proche d'Atsushi. Tu viens ?!

L'évocation du prénom de la peste attira l'intérêt de mon meilleur ami qui avait continué à avancer, sans prêter attention au fait que je n'étais pas derrière lui. Je l'aperçus scruter la foule avec empressement et une lueur curieuse dans les yeux. Cela me fit lever les miens au ciel.

Et merde...

Quand enfin ses iris noirs se posèrent sur nous, je vis un petit rictus étirer le coin de ses lèvres alors qu'il revenait sur ses pas. Il se plaça à côté de moi et son sourire se fit plus moqueur alors que ses yeux coulaient de ma personne à celle de la fille de mon épouse. J'allais tuer cet enculé, parce que je savais ce qui allait se passer ensuite.

— Oh ! Voilà donc ta belle-fille dont tu m'as tant parlé ! Quelle coïncidence de se croiser ici !

J'en étais sûr !

Je vis le duo qui accompagnait Raion revenir pour essayer de saisir les tenants et les aboutissants de la scène qui se jouaient entre nous. Je ne savais pas à quel point ils avaient bu, mais tous les trois n'étaient pas dans leur état normal.

— On allait justement dans une boîte que je connais bien, continua Atsushi tout sourire, vous voulez peut-être venir avec nous ? C'est moi qui régale !

— Atsushi...

— Oh oui ! me coupa la rouquine en trépignant sur place. Ce serait trop bien ! On cherchait un nouvel endroit où aller pour terminer la soirée !

L'étranger hocha la tête pour approuver à son tour. L'alcool avait gommé toute notion de danger dans leur esprit pour accepter si facilement une invitation d'un inconnu. Quant à Raion, elle scrutait mon ami avec son air flegmatique habituel tout en m'adressant un regard en coin. Elle jaugeait la situation malgré l'alcool qui embrouillait son esprit. Il s'écoula de longues secondes avant qu'elle ne parle.

— J'aime la gratuité, lança-t-elle d'un ton un peu pâteux, allons-y.

Espèce de connasse ! Pourquoi toutes les femmes sont de telles idiotes ?!

Je n'avais pas envie de passer la soirée avec ma belle-fille. Ça n'avait aucun sens, putain ! On ne s'entendait pas, alors aller en boîte ensemble, c'était une forme de masochisme de sa part à mes yeux. Mais à quatre contre un, je n'avais pas mon mot à dire. Je me mis à regretter d'avoir accepté de sortir ce soir avec cet abruti ! Et d'abord, qu'est-ce que ce sale petit monstre foutait à Kubukicho ? Il y avait bien assez d'autres endroits à voir à Shinjuku pour qu'elle n'ait pas besoin de traîner son cul jusqu'ici.

Ce fut donc avec un air on ne peut plus renfrogné que j'avais suivi le petit groupe jusqu'à la fameuse discothèque dont avait parlé Atsushi. Nous n'eûmes pas la contrainte d'attendre dans la foule qui s'agglutinait à l'entrée des lieux, notre statut nous octroyant un passe VIP. Avant de franchir la porte, je jetai un coup d'œil vers les lettres néon bleues électriques qui formaient le nom « Last Night ». Je disparus à mon tour à l'intérieur pour aller rejoindre les autres qui s'étaient précipités vers le carré VIP. Pour des gamins comme eux, c'était un sésame en or que venait de leur offrir le yakuza.

Cet lieu possédait une fosse au bout de laquelle se dessinait une scène rehaussée pour le DJ et les divers artistes qui pouvaient se produire ici lors de soirées dédiées. De la place surélevée à laquelle nous nous trouvions, il était facile d'admirer la marrée humaine qui s'agitait en dessous. Les lumières colorées qui faisaient leur show permettaient, parfois, de discerner des visages, sinon on ne pouvait que deviner les mouvements des danseurs. Cependant, cet endroit semblait renfermer d'autres salles. L'idée d'aller m'y perdre pour fuir la présence de ma belle-fille me traversa un instant l'esprit alors que j'étais assis près d'elle.

Mon attention revint vite sur la concernée quand je sentis un faible poids s'appuyer contre moi. Dans cette position, je ne pouvais que voir le haut de son crâne et sa tignasse sombre. Je suivis des yeux le bout incandescent de sa cigarette qu'elle porta à sa bouche lentement. À quoi jouait-elle ? Mon regard rivé sur elle la fit tourner vaguement la tête pour me jeter un coup d'œil. La lueur violette des néons de la salle se réfléchissait sur sa peau pâle et dans ses pupilles aussi obscures que les miennes.

— Qu'est-ce que tu fous ? maugréai-je sans pour autant la repousser.

— Je me détends, ton épaule à l'air confortable.

Pour confirmer ses dires, elle prit un peu plus ses aises. Mais je n'étais pas stupide, elle faisait cela uniquement parce qu'elle était persuadée que cela m'irriterait. Notre désamour n'était pas que psychique, il était aussi physique. De simples frôlements entre nous provoquaient des réactions de rejet chez elle. Si elle voulait jouer à ça, on pouvait être deux. Je la laissais faire tandis qu'une serveuse dans une robe minuscule vint nous apporter deux bouteilles de champagne hors de prix – tout en faisant les yeux doux à Atsushi au passage, l'idiote. Au moment où les verres furent servis, je m'emparai du mien alors que mes doigts glissèrent en douce sur le côté de la cuisse de Raion. Elle était vêtue d'un short en jeans qui dévoilait ses jambes diaphanes.

Je devinai une chair de poule naître sous la paume de ma main. Cela m'arracha un discret sourire que je masquai en portant ma coupe à mes lèvres. Elle avait mis les pieds sur un terrain qu'elle ne maîtrisait pas et j'allais le lui prouver. Elle ne pouvait pas tout contrôler contrairement à ce qu'elle pensait. Je la sentis s'échapper de mon toucher pour récupérer son champagne sur la table. Elle descendit le verre d'une traite avant de se rasseoir, mais cette fois-ci, son visage tourner vers moi.

Au milieu de ce méli-mélo d'effluves, celle de la cigarette qu'elle consommait, de son parfum et de son shampooing s'entremêlèrent pour pénétrer dans mon nez. Beaucoup de gens étaient dérangés par l'arôme du tabac, ce n'était pas mon cas. Mais ici, le mélange était... piquant, bien que pas forcément désagréable. Tandis que la fumée bleutée glissait entre ses lèvres rouges, elle tendit le cou vers moi. Ce geste, anodin, me provoqua un plissement des paupières pendant que mon esprit monta des théories sur ce qu'elle allait faire. Un frisson me secoua lorsque son souffle chaud et nicotiné me caressa l'oreille.

— Ma mère sait que tu es ici ? me susurra-t-elle. C'est bizarre que cette folle t'ait laissé sortir ainsi.

J'en oubliais presque que nous n'étions pas seuls. À tel point que je détournais la tête dans sa direction jusqu'à ce que la pointe de mon nez frôle le sien.

Et à cet instant, je réalisai que cette sale petite peste était belle.

La douceur de sa peau me frappa à son tour. À une si courte distance, et malgré l'ambiance tamisée, je pouvais deviner les traits de son visage comme jamais auparavant. Certains d'entre eux me renvoyaient à sa mère. La forme de son nez, les contours de sa mâchoire. Mais tout le reste n'appartenait qu'à elle, lui offrant une beauté qui m'ébranla et dressa le duvet sur ma nuque.

— Tu parles de ta mère là, ma femme.

Je n'avais pas l'intention de lui dire que cette femme m'exaspérait et, surtout, que je l'avais droguée pour avoir la paix. Cette morveuse n'avait pas besoin de la savoir. Je distinguai, à la lumière colorée des spots, ses lèvres s'entrouvrirent pour me répondre. Une réponse qui n'arriva jamais puisque sa nouvelle camarade nous interrompit.

— Raion, viens, on va danser ! articula la fausse rousse d'une voix forte pour se faire entendre par-dessus la musique. Aller ! J'adore cette chanson en plus !

Elle lui prit la main pour l'entraîner avec elle, leur ami à la peau mate les attendant un peu plus loin. Ma belle-fille ne résista pas, elle abandonna seulement son sac et sa veste en similicuir sur la banquette près de moi. Je les suivis du regard jusqu'à ce qu'elles ne soient plus visibles. Ce fut la présence d'Atsushi qui me tira de ma fixation.

— Mec, c'était quoi cette tension entre toi et ta belle-fille ? Heureusement que les deux autres étaient trop ivres pour s'en rendre compte.

Pour seule réponse, je fronçais les sourcils et pris une longue gorgée de champagne.

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