𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏
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RAION デモ泳
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𝗦𝗜𝗫 𝗠𝗢𝗜𝗦 𝗣𝗟𝗨𝗦 𝗧𝗔𝗥𝗗
Allongée sur mon lit, je fixai le plafond au-dessus de ma tête. Le seul bruit que l'on entendait dans ma chambre était celui de la course de l'aiguille des secondes de mon horloge murale. Nous avions déménagé de Saitama pour venir nous installer à Tokyo, plus précisément dans le quartier de Shinjuku. J'avais laissé derrière moi le peu d'existence et de bonheur que j'avais. Tout ça à cause d'une idée de merde qu'avait mise ce chien dans la tête de ma mère. Et bien sûr, cette idiote n'avait pas hésité une seconde. De toute façon, elle avait toujours rêvé de vivre à la capitale. Elle voulait devenir une de ses nouvelles riches qui pouvaient jeter leur argent par la fenêtre sans penser aux conséquences.
Ce n'était pas comme si elle ne l'avait jamais fait, avant ça.
Je laissai tomber ma tête vers l'empilement de cartons qui me narguait dans un coin de ma nouvelle chambre. Il fallait que je les range, mais je n'avais aucune motivation à mettre dans une activité comme celle-là. En réalité, je n'en avais plus pour quoi que ce soit depuis bien longtemps.
Hum, non, ce n'était pas vrai.
La seule chose qui me motivait était de faire couler mon esprit au fond d'une mer d'alcool en vagabondant sans but jusqu'au petit matin. Pour moi, c'était ce qui se rapprochait le plus du paradis. Et de temps à autre, j'ajoutais une baise dans un love hôtel avec un type rencontrer dans une boîte ou dans un bar et dont je ne me rappelais pas le nom une fois l'aube venue.
Alors que je songeais à mes uniques raisons d'être dans la vie, un son désagréable brisa le silence qui régnait dans l'appartement. Puis un autre et encore un autre, jusqu'à ce que cela se transforme en une litanie mêlant gémissements, râles et divers bruits qui me donnèrent la nausée.
Qui baisait en plein après-midi quand tout le monde pouvait vous entendre ?
Ma mère et son nouveau mari de toute évidence.
Agacée et dégoûtée, je me redressai de mon lit pour m'emparer du paquet de cigarettes et du briquet que j'avais abandonné sur un coin du bureau qui avait été monté près de la porte. Même si je ne comprenais pas son utilité, je ne m'en servirai pour rien d'autre que jeter mes affaires dessus.
L'idée de faire des études me rendait malade.
Non pas que je ne le désirais pas, mais l'existence de ma mère m'en empêchait. Ce ne serait pas impossible de parvenir à quoi que ce soit avec elle dans mes pattes. Et l'université coûtait bien trop cher pour que je puisse me permettre de vivre seule, même dans un appartement minuscule, si personne ne m'aidait avec les dépenses. Et je ne voulais pas loger dans quelque chose de complètement miteux non plus. J'avais encore un minimum de respect pour ma personne. Lorsque j'ouvris la large baie vitrée donnant sur le balcon, les bruits de l'extérieur s'engouffrèrent dans le salon pour se mêler au vacarme qui provenait de la chambre conjugale. Mais au moins, ce n'était plus l'expression du plaisir que prenait ma génitrice.
D'un geste expert, j'allumais ma cigarette et avalai une première bouffée qui provoqua un sentiment d'apaisement immédiat en moi. Je recrachai la fumée bleutée dans un soupir satisfait. Je m'appuyai contre la balustrade pour observer la vie suivre son cours en contrebas. Des femmes, des hommes et des vieillards qui faisaient leur bout de chemin dans le flux des âmes qui composaient l'humanité. Ils ne se posaient pas de questions, se contentaient d'évoluer jour après jour. J'avais le sentiment que quelque chose comme ça m'était inaccessible.
Je n'y arrivais tout simplement pas.
Je suivais, moi aussi, ma propre voie, bien entendu. La seule différence étant que je n'apportais rien de constructif à la société ou à mon pays. Si on devait définir la société au même degré qu'un corps humain, les honnêtes citoyens avec un travail et une existence bien rangée étaient des organes et des globules blancs qui s'assuraient du bon fonctionnement de la matrice. Moi, je faisais partie de cette catégorie que l'on pouvait classer comme nuisible, un virus... non, un parasite. C'était ce que je représentais dans cette machine bien huilée.
Et on n'avait pas besoin d'un parasite.
Pour autant, avais-je réellement envie de changer cela ?
Pas vraiment.
Je n'en voyais tout simplement pas l'intérêt, la vie de déchet était plus facile à vivre que celle de rêveur ambitieux. Parce que dans le second cas, il fallait se démener chaque jour pour parvenir à son but, pousser toujours plus loin pour être toujours meilleur. Et comme pour le reste, je n'avais pas l'énergie pour ça. Je me débattais avec un tout autre type de chose et c'était déjà beaucoup trop.
Le son d'une porte qui claque passa par dessus les bruits de quartier, m'indiquant que le couple avait fini de copuler. J'ignorai lequel des deux était sorti de leur tanière en premier et je m'en fichai. Je ne voulais, de toute façon, voir ni l'un ni l'autre. J'achevai les dernières bouffées de clope qu'il me restait et j'écrasai ensuite mon mégot dans le cendrier laissé à disposition. Je me faufilais jusqu'à la cuisine pour grignoter quelque chose. La plupart des placards étaient vides. De toute évidence, personne n'avait eu la présence d'esprit d'aller en course pour que nous puissions avoir de quoi manger. Cela me fit rouler des yeux alors que je me détournai en direction du frigo en espérant y trouver des restes.
Perdu, encore une fois.
Mon agacement s'en retrouva que plus prononcé en voyant cela et se traduisit par le claquement de la porte du réfrigérateur. Ni une ni deux, je plongeai la main dans le sac à main de ma mère, qu'elle avait bazardé dans un coin, pour en extraire son porte-monnaie. Je n'eus aucun scrupule à lui prendre de l'argent, elle n'avait qu'à faire des courses plutôt que de s'envoyer en l'air. J'avais repéré un Seven Eleven un peu plus bas dans la rue, j'y trouverai sans mal de quoi manger. J'enfilai une paire de claquettes avant de quitter les lieux pour me rendre au konbini. Je poussai la porte de la supérette après trois minutes de marche, je me retrouvais complètement seule à l'intérieur. Le vendeur ne tenait pas sa caisse, il devait donc se planquer dans la réserve, ou quelque chose du même genre.
L'idée de prendre ce que je voulais et m'en aller sans payer me traversa l'esprit pendant une seconde. Mais il était préférable de ne pas s'attirer d'ennuis alors que l'on venait tout juste d'emménager dans le quartier. Je me faufilai, sans un bruit, près des frigos garnis qui contenaient des bentos et scannai des yeux les différents articles proposés. J'arrêtai mon choix sur un plat composé de porc pané, de riz et quelques légumes. Pour accompagner ça, je pris deux bières. Il y avait des bouteilles d'alcools forts, au divers couleurs, en rayon, mais revenir avec ça dans les mains créerait forcément un incident avec les deux autres occupants de la maison. Je me montrai raisonnable et me rendis en caisse avec mes courses, l'employer apparut peu de temps après que j'ai déposé mes articles sur le comptoir.
— Bonjour, articulai-je mollement, donnez-moi deux paquets de Black Devil aussi.
Le caissier me fit signe de valider mon âge sur l'écran tactile à ma gauche. Je tapotai sur la surface mollement et lorsque la confirmation apparut il ajouta ce que je lui avais demandé. Il scanna ensuite les produits les uns après les autres pour pouvoir les placer dans un sac en plastique. Je lui refilai le billet que j'avais subtilisé à ma mère en récupérant mes achats puis la monnaie qu'il glissa sur la surface du comptoir. J'embarquai l'argent en prenant bien soin de ne même pas frôler ce type, me rendant près d'un des micro-ondes mis à disposition, je réchauffai mon plat pour ensuite me diriger vers la sortie. Je soufflai un « au revoir » du bout des lèvres en passant les portes automatiques.
Ce fut d'un pas traînant que je regagnai notre appartement. Je retirai mes chaussures en secouant négligemment mes pieds dans l'entrée spacieuse pour me glisser à nouveau dans la cuisine. Je pris place à la table et déballai mes achats pour pouvoir me restaurer. Je fis sauter les fermetures des deux canettes de bière d'une main alors que l'autre était déjà occupée à remplir ma bouche avec le contenu du bento encore chaud. Au moment où je levai une des deux canettes vers mes lèvres, la silhouette imposante de mon beau-père apparut à l'angle du mur.
Son regard obscur et perçant se posa sur moi au travers des mèches sombres, et toujours un poil mouillées, qui tombaient sur son front. Je restai figée. Il ne portait qu'un bas de jogging blanc dont dépassait la bordure bicolore, noire et blanche, de son boxer. Sa peau encore un peu humide après la douche. Une moiteur qui mettait en valeur chacun des muscles. Ce type était grand et imposant, il pouvait facilement intimider n'importe qui. J'ignorai combien de temps nous restâmes à nous lorgner de cette manière, mais je n'avais aucune envie de baisser les yeux devant lui. Et, de toute évidence, il n'en pensait pas moins. Je reposai ma boisson sur la surface en verre et apportai un bout de porc pané à ma bouche alors que mes iris noirs ne le quittaient pas.
À ma grande surprise, il me céda la victoire. Il s'avança jusqu'à la table en verre et tendit la main avec l'objectif de s'emparer de la seconde canette. D'un geste vif, je la retirai de sa portée, le tout accompagné d'un coup d'œil meurtrier. S'il pensait que j'allais lui donner mon alcool, il se fourrait le doigt dans l'oeil. Ma réaction provoqua un haussement de sourcil chez mon beau-père.
— Tu comptes t'enfiler les deux ?
— Oui, répliquai-je durement.
Pour le lui prouver, je terminai cul sec le reste de celle que j'avais précédemment entamée. Pour que je puisse ensuite m'attaquer à la suivante, la laissant à moitié vide. Je devais déjà partager mon espace avec lui, hors de question que je lui cède en plus ma nourriture ou quoique ce soit d'autre. Ma mère me tiendrait un discours moralisateur si elle n'était pas trop occupée à se remettre de la baise qu'ils avaient eue. Mais alors que je pensais avoir gagné la guerre, la grande main du mari de ma génitrice se referma sur la canette pour la porter à sa bouche.
— Putain, Ryûnosuke ! aboyai-je, laissant une partie de ma colère déborder.
Il me mira du coin de l'œil en terminant la bière en seulement trois gorgées. Puis il reposa la canette vide sur la table comme si de rien n'était. Ma poigne se resserra si fort sur les baguettes en bois, qui étaient incluses avec la nourriture, que je les entendis craquer dans ma paume. Un rictus étira le coin de ses lèvres face à ma légère perte de contrôle, déformant un peu la cicatrice qui en ornait le coin droit. Son attitude arrogante et moqueuse me donnait envie de bondir de ma chaise et de le frapper. Mais mon physique était proche de celui d'une petite crevette, avec mes un mètre cinquante-huit pour quarante-trois kilos, à côté de lui. Si je pouvais lui tenir tête verbalement, je n'étais pas assez stupide pour l'attaquer directement.
Je relâchai les baguettes brisées sur la table avant de me lever et quitter la pièce à grandes enjambées, paquets de clopes à la main. Je regagnai ma chambre et claquai la porte pour après la verrouiller. Mon premier réflexe fut d'ouvrir la fenêtre pour que je puisse fumer sans me retrouver ensuite dans un aquarium rempli de brouillard cancéreux. Par la suite, je soulevai mon matelas pour récupérer quelque chose dissimulé juste en dessous. Je jetai un coup d'œil à la bouteille de whisky japonais déjà bien entamée. Il allait falloir que je réapprovisionne mes cachettes d'ivrogne. Avec le déménagement je m'étais assurée de faire disparaitre un maximum de preuves. Ma mère n'avait pas besoin de savoir que je dissimulais ce genre de choses, ça ne ferait que l'encourager à se montrer plus critique à mon égard. Mais maintenant que nous étions bien installés, il était temps de reprendre mes mauvaises habitudes.
Le bouchon de la bouteille sauta tandis que le liquide ambré vint me brûler la langue et la trachée pour m'apporter un doux réconfort.
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