Chapitre 1

Leta agitait vainement sa baguette, tandis que le professeur Dippet répétait pour la centième fois au moins :

- Visionnez clairement votre bouquet de pâquerettes. Sa couleur, son odeur, ses pétales. Les fleurs doivent être réelles dans votre esprit avant même que vous ne les fassiez apparaître. Une fois que c'est le cas, et seulement à ce moment, vous prononcez la formule en esquissant ce joli mouvement du poignet que nous avons appris la semaine dernière. Allez.

Leta souffla. C'était le second cours sur ce fichu sortilège, et elle n'avait toujours pas le moindre résultat.

- Orchideus ! tenta-t-elle une nouvelle fois.

Sa baguette cracha quelques pétales d'un violet électrique. Ce n'était pas vraiment le résultat attendu. Deux rangs à sa gauche, Roby Parkinson, un joli bouquet de pâquerettes au bout de sa baguette, l'observait d'un air goguenard. Qu'est-ce qu'elle ne donnerait pas pour pouvoir lui lancer un bon vieux Furunculus dans la figure !

Elle inspira profondément. Il n'en valait pas la peine. Elle et son camarade de Serpentard avaient toujours entretenu une rivalité, et Leta elle-même ignorait comment tout cela avait commencé. Cela étant, Parkinson ne pouvait s'empêcher d'afficher un air réjoui à la vue de l'échec cuisant du sortilège de Leta. Elle qui l'avait toujours battu dans cette matière ! Il devait sûrement jubiler intérieurement.

- Leta ! lui chuchota son voisin.

La jeune fille aux longs cheveux ébènes et ondulés et à la peau mate battit des paupières sur ses yeux chocolat, se rendant compte qu'elle regardait fixement le Serpentard. Reprenant ses esprits, elle se tourna vers Norbert.

- Leta, tu ne pourras pas réussir le sortilège si tu passes l'heure à fixer Parkinson, raisonna son meilleur ami. Ne fais pas attention à lui.

Norbert était la voix même de la sagesse pour Leta depuis qu'elle l'avait rencontré lors de leur premier trajet dans le Poudlard Express, il y avait maintenant quatre ans de cela. Sans lui, elle aurait sûrement fait beaucoup de choses regrettables dans sa vie. Avec ses cheveux châtains qui tendaient sur le roux, légèrement bouclés sur le dessus de la tête, ses adorables tâches de rousseur et ses yeux clairs, dont tous étaient incapables de dire s'ils étaient marrons, verts ou gris, il était impossible de lui refuser quoi que ce soit.

Par conséquent, Leta serra les dents puis hocha la tête en direction du Poufsouffle, avant de se reconcentrer sur sa tâche.

Des fleurs blanches. Des jolies petites pâquerettes, avec tout plein de pollen jaune au milieu.

Leta grimaça. Ce cours était vraiment ridicule.

Concentre-toi, Leta. Des fleurs blanches, des fleurs blanches, des fleurs blanches. Allez, le cours est bientôt fini, tu peux le faire. Juste pour effacer cet air triomphant sur le visage de cet imbécile de Parkinson.

- Orchideus !

Au bout de sa baguette, de délicats pétales blancs poussèrent et se déployèrent. Enfin ! Mais son euphorie fut de courte durée. Avec dépit, Leta s'aperçut qu'à l'extrémité de son instrument se tenait, non pas un bouquet de pâquerettes, mais une seule et unique fleur. Une fleur de lys. Blanche, certes, mais une fleur de lys quand même. Elle soupira.

Tournant une nouvelle fois la tête vers Norbert, elle s'aperçut que ce dernier avait quelques pâquerettes au bout de la baguette. Pas un bouquet très consistant, mais cela restait un résultat tout à fait correct. Elle hésitait entre se réjouir pour son ami ou bien se frapper la tête sur son pupitre tant elle était découragée. En y regardant bien, elle s'aperçut que toute la classe commençait à obtenir des résultats probants. Toute la classe, sauf elle. Qu'est-ce qui n'allait pas avec ce sortilège ? D'habitude, elle excellait en cette matière !

- C'est bon pour aujourd'hui ! déclara le professeur Dippet. Je vous demanderai de lire les pages 97-98 de votre manuel pour la prochaine fois, s'il vous plaît, ainsi que de retravailler ce sortilège. Rangez vos affaires et débarrassez vos pupitres, puis vous pourrez sortir.

Leta ne se le fit pas dire deux fois. Elle nettoya les pétales qui parsemaient sa table d'un Evanesco, mit sa baguette dans la poche de sa cape et boucla sa sacoche en tissu gris avant de la passer sur son épaule.

Elle vérifia une dernière fois qu'elle n'avait rien laissé traîner, et pencha la tête sous son pupitre, où elle aperçut la fleur de lys qui était tombée. Elle la ramassa, et la regarda de plus près en attendant que Norbert termine de ranger ses affaires.

Elle était plutôt réussie cette fleur. Dommage que ça ne soit pas ce que demandait la consigne. Cela aurait sûrement été plus simple à réaliser, puisque le lys était la fleur préférée de Leta.

- Elle est jolie, ta fleur.

Leta sursauta. Elle ne s'était pas rendue compte que Norbert avait terminé de ranger ses affaires, et s'était rapproché. Désormais, il était derrière son épaule et observait le lys. Elle sentit ses joues chauffer légèrement mais resta impassible.

- Merci, mais ce n'est pas vraiment ce qui était demandé, fit-elle dépitée.

- Ça on s'en fiche, tu réussiras la prochaine fois. Tu réussis toujours tous les sortilèges, lui sourit-il en tentant de lui remonter le moral.

Elle haussa les épaules.

- Ce qui m'énerve, poursuivit-elle, c'est que cet idiot de Parkinson va encore me narguer. Il se prend vraiment pour quelqu'un celui-là, alors si en plus je lui donne des raisons de se montrer arrogant...

Elle grimaça pour appuyer son propos, ce qui fit rire Norbert.

- Newt, c'est pas drôle ! le réprimanda-t-elle. Ce n'est pas toi qui te le coltine à longueur de temps dans la salle commune !

Le dénommé "Newt" arrêta tout de suite de rire, prenant une expression grave pour la regarder dans les yeux :

- Non, tu as raison, ce n'est pas drôle du tout.

Ils se regardèrent quelques secondes, avant d'exploser de rire en chœur.

La pièce était presque vide, et le professeur Dippet leur adressa un regard courroucé, avant de les prier de quitter la salle, ce qu'ils firent, toujours hilares.

Une fois dans le couloir, alors qu'il commençaient à se calmer, Leta releva la tête vers Norbert, et son cœur rata un battement. Décidément, tout allait mieux dès que Norbert s'en mêlait. Ce dernier, ayant surpris son regard, lui sourit timidement. Et sans pouvoir s'en empêcher, Leta sourit à son tour.

Norbert avait définitivement une bonne influence sur elle. C'était incroyable comme il réussissait à lui faire oublier sa mauvaise humeur en un claquement de doigts. C'était d'ailleurs bien le seul.

- Regarde, Lestrange s'est trouvé un petit copain, chuchota une voix qui se voulait parfaitement audible.

Tandis que Norbert rougissait jusqu'aux oreilles, Leta tourna la tête pour apercevoir July Venom qui ricanait avec Martha Finnigan. Les deux Gryffondors étaient tout le temps ensemble. La première avait de longs cheveux blonds bouclés et emmêlés, ceux de la seconde étaient châtains foncés et s'arrêtaient à la nuque. Elles ne l'appréciaient clairement pas, et Leta le leur rendait bien.

- C'est marrant, riposta Leta, en parlant de ça, Venom, il paraît que tu t'es faite jeter par Parker, ça ne fait pas trop mal ? D'après ce qu'on dit, il n'aurait même pas pris la peine de te le dire en face. C'est vrai ? Il t'a carrément envoyé son meilleur ami parler à sa place ? demanda-t-elle d'un ton faussement compatissant.

- Quand on n'est même pas fichue de jeter un Orchideus, on évite de faire la maligne, Lestrange, cracha Venom dont l'expression s'était crispée.

Leta aussi s'était renfrognée. On pouvait dire que Parkinson n'avait pas perdu de temps pour aller se vanter !

- Espèce de sale petite Sang-de-

- Leta ! s'exclama Norbert.

La concernée s'arrêta net, sans pour autant cesser de fixer la Gryffondor. Les deux jeunes filles se jaugèrent du regard, la main sur la baguette. La tension était palpable. Au bout d'un moment qui parut durer une éternité, Leta détourna finalement le regard et se dirigea vers la porte qui donnait sur le parc, derrière Venom, en prenant bien soin de bousculer cette dernière au passage. Norbert partit à sa suite.

Ils marchèrent en silence. Mars céderait bientôt la place au mois d'avril, et en cette fin d'après-midi, le temps était un peu frais, malgré les quelques rayons de soleil. L'herbe du parc était d'un vert tendre, et ils n'étaient pas les seuls élèves à profiter dehors du début du week-end. Sans qu'ils ne se soient concertés, leurs pas les menèrent à leur endroit préféré dans le parc de Poudlard : un saule pleureur, sur les rives du Lac Noir. Dessous, caché par les immenses branches tombantes et feuillues, se tenait un rocher, recouvert de mousse par endroits, qui formait un creux en son centre, parfait pour s'y asseoir en s'adossant au tronc de l'arbre.

Ils s'y assirent côte à côte en prenant leurs places habituelles. Seulement, d'habitude, ce n'était pas aussi silencieux. Leta, bien installée, se mordit la lèvre.

Normalement, le silence avec Norbert ne la gênait pas. Avec lui, le silence n'était pas gênant. Le silence était calme, joyeux, voire apaisant. Mais aujourd'hui... Aujourd'hui, on pouvait presque qualifier l'atmosphère de tendue, et, pour ça, elle avait envie de se gifler. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, avant de réaliser qu'elle ne savait pas quoi, et de se raviser. Finalement, elle se décida :

- Je... Désolée.

Sérieusement, c'était vraiment tout ce qu'elle avait trouvé ? L'envie de se mettre une baffe était de plus en plus violente.

Elle déglutit.

- Je n'aurais pas dû... C'est sorti tout seul. J'entends tellement mon père et ma belle-mère l'utiliser... Enfin, ce n'est pas une excuse. Le pire, c'est que je n'y crois même pas, à toutes ces histoires de sang. C'était juste... la seule insulte que j'avais sous le coude.

Norbert soupira.

- En théorie, ce n'est pas vraiment à moi que tu dois des excuses, mais je suppose que tu n'iras pas en faire à Venom, affirma-t-il.

- Ça c'est sûr, même pas en rêve.

L'esquisse d'un sourire passa sur les lèvres de Norbert.

- Mais tu n'as pas à t'en vouloir, reprit-il, tant que tu fais ton possible pour que ça ne se reproduise plus. Je sais que tu ne le penses pas, quand tu dis ça. Et puis... c'est elle qui t'a provoquée.

- Qui nous a provoqués. Sauf que toi, tu as su garder ton calme.

- Parce que tu nous a défendus, répliqua Norbert. Sinon, j'aurais peut-être fini par l'insulter, ou sortir une bêtise, moi aussi.

Leta haussa un sourcil, une moue amusée sur le visage.

- Toi, tu l'aurais insultée ?

Norbert leva les yeux au ciel.

- C'est bon, ça va.

À ce moment, Leta rit franchement.

- Mon petit Newt, on sait tous que tu ne ferais pas de mal à une mouche, le taquina-t-elle.

- Surtout pas à une mouche, précisa-t-il avec un sourire.

Le rire de Leta redoubla, bientôt rejoint par celui de Norbert.

Quand ils se furent calmés, toujours souriants, Leta posa doucement sa tête sur l'épaule de son ami. Norbert, à son tour, pencha la tête pour poser sa joue sur les cheveux de la jeune fille.

Le cœur de Leta battait la chamade. Norbert avait beau n'être que son meilleur ami, elle ne pouvait empêcher ce phénomène de se produire. Tout simplement parce que Norbert était le seul à l'écouter, et à la comprendre. Jamais elle n'avait rencontré quelqu'un d'aussi juste, généreux, loyal et passionné, ni même quelqu'un d'aussi doué avec les créatures fantastiques. Elle l'admirait sincèrement. Elle lui avait donné sa confiance, et il l'avait toujours honorée. Il était le seul qui parvenait à la calmer, le seul qui parvenait à la faire rire, le seul qui parvenait à lui faire oublier, pour quelques instants bénis, sa culpabilité. Elle n'était même pas sûre qu'il en ait conscience, et elle ne l'en aimait que davantage.

C'était son seul repère, son seul point d'ancrage, sa seule raison de ressentir et sa seule raison de ne pas tout balancer. C'était écrit, et elle ne pouvait pas se passer de lui. Maintenant qu'elle le connaissait, depuis le jour où elle était entrée dans ce compartiment du Poudlard Express, la vie sans lui n'aurait plus aucune saveur. C'était ainsi.

Le ciel était bleu, la Terre était ronde et Leta était amoureuse de Norbert.

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