𝙸𝙸𝙸. 𝙴𝙼𝙴𝚁𝙰𝙻𝙳 & 𝚂𝙰𝙿𝙿𝙷𝙸𝚁𝙴 (𝚏𝚕𝚞𝚏𝚏, 𝚊𝚗𝚐𝚜𝚝)
N'oublie pas de prendre connaissance des personnages en consultant le « II » (et la cover dans le « I », si tu le souhaites) précédent afin d'avoir les bonnes apparences en tête.
(C'est un HopeMin)
Je dédie cette petite histoire à Purple-ILY
Bonne lecture, mon sucre d'orge. ♥️
◤ 𝐑𝐄́𝐒𝐔𝐌𝐄́ ◥
Hoseok se retrouve seul. Seul avec un nourrisson qu'il ne sait pas élever. Qu'il n'a pas la force d'élever. Que pouvait-il faire ? Sa fiancée est morte, la vie n'a plus de saveur.
Pour l'aider, Namjoon, son meilleur ami, met tout en œuvre.
Mais que se passe-t-il, lorsqu'un certain baby-sitter fait irruption dans la vie du père et du fils ?
꧁•⊹•꧂
« Nous sommes désolés, monsieur Jung, nous n'avons rien pu faire. Elle est partie trop vite. »
Le monde tourne. Le monde tangue. Pourquoi y a-t-il autant de bruit autour de lui ? Qui crie ? Mon Dieu, il lui perce les tympans. Faites-le taire, il a mal, tellement mal. Faites-le taire. On ne peut pas le laisser hurler ainsi, il souffre tant.
Le monde est blanc. Le monde est bruyant. Quelqu'un hurle à la mort. Des formes bougent, s'approchent de lui. Il voudrait se couvrir les oreilles pour empêcher le hurlement de lui traverser le corps. Une main se pose sur son front. Deux yeux comme le feu le fixent par-delà le monde blanc.
Alors le hurlement cesse. Et il se rend compte que c'était lui qui criait de la sorte. Le monde s'écroule. Mal. Tellement mal. Le monde se brouille. Il est seul désormais. Seul dans le monde blanc et brouillé. Les sons s'étouffent. Les yeux bruns disparaissent. Il fait mal dans ce monde.
Encore cette main sur son front. Elle le tire, le ramène. Une voix chuchote à son oreille. Mais il ne veut rien entendre. Le mal lui fait du bien. Il lui rappelle qu'elle a existé un jour.
Elle a existé.
Mais elle n'est plus.
Le hurlement reprend. La voix chuchote. Les yeux reviennent. Bruns, chauds, apaisants. La main sur son front est fraîche. Froid et chaud. Douleur et accalmie. Un sourire éblouit ses yeux. Pourquoi quelqu'un sourit-il ? Il a tellement mal.
Quelqu'un le tire en avant. Le monde se balance. Le blanc agresse ses yeux. Mais le regard brun est encore là. Il s'y accroche, le monde tourne trop. Le regard brun baisse les yeux et lui aussi. Il y a quelque chose là, emmailloté dans une couverture. Il sent son corps trembler, il ne crie plus, mais tout son être frisonne de froid et de peur.
Dans le monde blanc et brouillé, il y a une toute petite chose dans une couverture d'une blancheur aveuglante.
Une toute petite chose qui hurle plus que lui.
Un bébé.
꧁•⊹•꧂
Les pleurs de la Chose le réveillèrent en sursaut.
S'extirpant des draps trop froids, Hoseok se passa une main sur le visage pour essayer de défroisser ses traits. Il était exténué, si harassé. Il ne voulait pas se lever. Un coup d'œil au réveil lui apprit qu'il était deux heures du matin.
Avec un lourd soupir, il se leva, chancela un instant, puis sortit dans le couloir. La chambre de la chose était en face de la sienne, joliment décorée dans les doux tons rose pastel et orange. Le berceau vert clair était au centre et une forme y gesticulait frénétiquement en son sein.
Le pas incertain, il s'approcha. Lorsqu'il fut au-dessus du berceau, il hésita un moment à prendre la Chose dans ses bras ou à retourner se coucher, quand bien même elle aurait pu hurler tout son soûl.
Mais la Chose sembla sentir sa présence ; elle pleurait moins fort. Ses grands yeux bleu foncé de nourrisson s'ouvrirent, abîme de larmes et de contrariété enfantine. Elle ressemblait à n'importe quelle chose de deux mois, ronde et rose, qui gigotait comme un diable pour se faire entendre.
Il n'avait jamais aimé les enfants. Il ne leur avait même jamais prêté attention, peut-être parce que lui-même avait perdu son innocence trop tôt. Voir ses parents mourir sous ses yeux lorsqu'on a huit ans n'aide pas un enfant à s'épanouir. Se faire transporter de famille en famille avec Namjoon, son meilleur ami de treize ans non plus, leurs parents étant morts dans le même accident. Alors, ne souhaitant pas se séparer, les deux orphelins étaient restés ensemble.
Ils étaient désormais des frères de cœur.
Alors, lorsque son meilleur ami avait touché son héritage à sa majorité, ils s'étaient reculés dans un appartement, isolés du monde comme s'ils ne voulaient plus jamais s'attacher à quiconque de peur de les voir mourir, encore. Ils resteraient ensemble.
Puis elle était arrivée.
Avec son sourire à réchauffer le soleil et ses rires à briser le monde. Ses bras chauds entre lesquels il aimait s'abandonner. Son corps qui frissonnait à la moindre caresse qu'il lui prodiguait. Ses longs cheveux qu'il pouvait passer des heures à caresser. Ses moues boudeuses qui l'attendrissaient autant qu'elles l'amusaient ; il lui suffisait de lui pincer la joue pour qu'elle l'éblouisse de son sourire lumineux. Sa collection faramineuse de chaussures luxueuses dont il n'avait jamais compris le sens. Son odeur de rose, son parfum qui l'envoûtait au point de faire accélérer son cœur. Son toucher délicat qui ne manquait jamais de le faire frissonner. Ses lèvres sucrées d'une douceur inouïe dont il n'avait jamais pu se passer du goût.
Elle l'avait habité jusqu'au plus profond de son âme.
Puis elle était repartie.
Le laissant seul avec cet être bruyant et quémandeur d'attention qui passait son temps à hurler pour s'exprimer. Cet être qui gangrénait chaque seconde de sa vie comme un cancer. Cet être qui le regardait de ses grands yeux bleu foncé, ses petits bras potelés s'agitant dans les airs tandis qu'il babillait des sons étranges qui sortaient de ses lèvres de nourrisson.
C'était bien la peine qu'il se lève si c'était pour le regarder faire le pitre.
Il fit demi-tour, résolu à aller se coucher. Le clabaudage de la Chose le figea. C'était toujours comme ainsi ; Hoseok ne pouvait guère lui échapper. Il était enchaîné jusqu'à la fin à cet être bruyant et rose. Il soupira et retourna vers le berceau et eut toutes les peines du monde à l'attraper pour le prendre contre lui. Pour l'empêcher de tomber, il le cala délicatement contre son bras puis alla s'asseoir dans le fauteuil à bascule près de la fenêtre.
Pour ce mois d'août, le temps était doux. La fenêtre entrouverte laissait passer un filet de vent frais, caressant sa peau à demi nue. Dans le creux de son bras, il sentait la Chose gigoter comme si elle voulait échapper à son étreinte. Sans la regarder, il lui donna son autre main pour l'occuper et, le monstre qui avait volé la vie de celle qu'il aimait, se mit à jouer en le triturant de ses petits doigts boursoufflés.
Deux mois ; et Hoseok le sentit comme si deux siècles étaient passés après son départ.
꧁•⊹•꧂
« Où est-il ? lui demanda Namjoon.
— Qui ça ? répondit faiblement Hoseok.
— Le bébé.
— Oh. »
Où était la Chose ? Hoseok regarda autour de lui, mais il n'y avait que le désordre du salon. Peut-être était-elle coincée sous le tas de couvertures qui était tombé du canapé ? Un moment de négligence et son problème aurait été définitivement réglé.
Des pleurs jaillirent dans la petite maison et il soupira. La Chose n'était pas morte.
Du coin de l'œil, il vit son meilleur ami s'aventurer dans le salon, la tête baissée pour éviter les obstacles qui jonchaient le sol. Ce dernier disparut dans le couloir puis il entendit sa voix rauque étouffée. Il devait parler à laChose.
Il se détourna. Pelotonné dans un coin du large fauteuil en cuir imprégné de l'odeur de celle qu'il avait aimée, il ferma les yeux. C'était ainsi que cela aurait dû être, lui, dans les bras tendres et chauds de douce sa fiancée. Bercé par le doux son de sa voix et non par les cris de la Chose. Se sentant aimé, embrassant l'idée qu'ils étaient faits pour s'étreindre, qu'ils étaient faits pour se donner corps et âme.
Combien de temps resta-t-il ainsi, prostré dans cette position ridicule ? Il avait conscience de son état pitoyable, de la difficulté qu'il imposait à Namjoon, mais que celui qui avait la capacité survivre à une telle douleur lui jette la première pierre.
Une main sur son épaule le fit sursauter.
« Je l'ai fait manger, je lui ai donné son bain et je l'ai couché. Est-ce que tu veux que je t'aide à ranger le salon ? » lui demanda-t-il d'une voix douce, comme s'il craignait de le heurter.
L'idée que son meilleur ami s'abaisse à ranger alors que c'était le rôle de sa panoplie de domestique le fit doucement rire. Rire qui devint hystérique, secouant son être et le faisant se tordre sur le fauteuil. À quel point était-il lamentable pour forcer son meilleur ami à faire les choses à sa place ?
Quel pauvre type il était.
Son rire ne se tarit que lorsqu'une main chaude et apaisante glissa contre sa nuque. Alors seulement, il éclata en sanglots.
Sept mois ; et Hoseok désirait mourir.
꧁•⊹•꧂
La Chose était là, devant lui, posée comme un trophée sur la table.
Hoseok avait vaguement conscience de son meilleur ami qui s'affairait dans la cuisine, du rayon de soleil qui agressait ses yeux, de la chaleur qui pesait sur son corps, pourtant une seule chose comptait ; la Chose sur la table serrant sa peluche contre elle.
Depuis quand cette chose était-elle aussi grosse ? Qu'est-ce que c'était que cette salopette bleue ? Pourquoi cette chose avait-elle des cheveux ? Que faisait-elle là à regarder son meilleur ami cuisiner et à gazouiller ?
« Ah, tu es réveillé ! »
La voix de Namjoon le sortit un instant de ses pensées.
« J'ai préparé le déjeuner. Riz ou nouilles ?
— Je ne sais pas, murmura-t-il.
— Riz. Assieds-toi », lui intima-t-il d'une voix franche, mais délicate.
Par automatisme, Hoseok s'assit en bout de table, les yeux rivés sur la Chose qui le fixait de son regard reflétant l'innocence pure d'un nourrisson. Elle mâchonnait une oreille de son lapin en peluche, le trempant de toute sa salive monstrueuse.
« J'ai discuté avec le conseil de la société, reprit son meilleur ami en attrapant la Chose tout en la mettant sur un siège rehausseur. Ils commencent à s'impatienter de ton retour. Cela fait un an déjà. Quand te sentiras-tu prêt à revenir travailler ? J'ai beau en être le président, je ne peux pas garantir qu'on gardera ta place indéfiniment, tu le sais », lui expliqua-t-il, sérieux, mais inquiet de ne pas le voir remonter la pente, ne serait-ce qu'essayer.
De quoi lui parlait-il ? De son travail ? Mais il arrivait à peine à se rappeler qu'il devait se nourrir ou se doucher. Comment pourrait-il se concentrer sur des séries de chiffres ou des rachats d'entreprises ? Le monde pourrait bien s'arrêter de tourner, pour lui cela ne ferait aucune différence.
Elle avait disparu.
Alors le monde n'avait plus d'importance.
« Donne-moi cette peluche mon grand, chantonna Namjoon à l'adresse du nourrisson, un sourire tendre sur ses lèvres pleines. C'est l'heure de manger. »
Hoseok reporta son attention sur la Chose qui tapait de son petit poing sur la tablette du rehausseur. Une couleur qu'il avait tant aimée le frappa de plein fouet. Cela le perturbait. C'était immonde. C'était là, placé sur la face ronde de cette chose baveuse. Comme des bijoux posés sur une bouse.
« C'est un garçon ? »
Il vit du coin de l'œil son meilleur ami se tourner vers lui et entendit distinctement son soupir las.
« Oui, c'est un garçon. Je suis ravi que tu t'en sois rendu compte, vraiment. C'est vrai que la plupart des parents le demandent le jour de la naissance, mais je dois m'estimer heureux que tu le demandes un an après. Te connaissant, tu lui aurais peut-être offert une Barbie pour son anniversaire. Tu sais qu'il fête sa première année la semaine prochaine, au moins ? »
La Chose était donc un garçon. Il se rappelait une discussion avec sa fiancée. Elle avait été tellement sûre que ce serait un petit bonhomme, si sûre qu'elle n'avait pas voulu que les médecins leur disent le sexe de l'enfant. Encore une fois, elle avait eu raison.
Mais elle avait eu tort sur le fait qu'ils vivraient une vie heureuse dans cette petite maison luxueuse en banlieue, au jardin bien entretenu et à la barrière blanche. Non, ici, la vie était insipide.
Sans intérêt.
Fade.
Médiocre.
Elle était partie et il restait cette chose immonde dans laquelle étaient enfoncés deux bijoux.
« Ça a ses yeux, murmura Hoseok d'un ton empreint d'un léger dégoût.
— Oui. Comme tous les bébés, la couleur change avec l'âge. Cela fait trois mois qu'il a perdu ses yeux bleus, Seokie », lui apprit-il en sentant son cœur se serrer face à l'apathie de son meilleur ami envers son propre fils.
À présent, ils étaient verts comme le printemps.
Verts comme l'émeraude de ses yeux.
Et les voir si magnifiques et si grands dans ce visage rond et baveux lui parut comme une abominable trahison.
Douze mois ; et le feu de la parjure consumait atrocement Hoseok.
꧁•⊹•꧂
« Cela nous a vraiment fait plaisir de te revoir ici », émit une voix veloutée et féminine.
Il adressa une esquisse de sourire à la femme qui se tenait devant lui. Il reconnaissait ses longs cheveux bruns et ses grands yeux noisette clair, brillants comme deux lagons d'or. Il savait qu'elle travaillait avec lui depuis près de sept ans et qu'elle avait été une amie intime de sa fiancée, mais il n'arrivait plus à mettre un nom sur elle. Le seul dont il se soit souvenu aujourd'hui était Yoongi, son associé qui partageait son bureau.
« Je ne pouvais plus rester là-bas », se justifia-t-il en parlant de son chez lui tout en mettant sa veste, prêt à s'en aller.
Il perçut un éclair de douleur dans les yeux noisette qui disparut aussi vite qu'il était apparu.
« Fais attention sur la route, Hoseok, ils ont annoncé du mauvais temps, dit-elle, inquiète.
— Je ferai attention, assura-t-il.
— Et dis-nous si tu as besoin de quoique ce soit. On en profitera pour venir voir le petit bout que tu nous caches.
— Ah. Oui », lâcha-t-il en perdant le soupçon de l'esquisse de sourire qui avait un tant soit peu illuminé son visage en discutant avec son amie.
Il pleuvait à torrents lorsqu'il sortit sa berline noire du parking souterrain. Le temps d'arriver chez lui, le chauffage avait à peine eu le temps de se remettre en route et il grelottait de froid. Foutu mois de septembre.
Il courut de la voiture jusqu'à la maison, sa mallette sur la tête. Peine perdue. Une fois dans le hall d'entrée, il était aussi trempé que s'il avait fait un plongeon dans la mer qui était à deux pas. Il posa ses affaires sur la commode et se déchaussa, entrant lentement chez lui.
Cette première journée de travail l'avait épuisé. Il avait fallu qu'il salue la moitié de l'entreprise, qu'il classe les dossiers en attente que Yoongi n'avait pas pu traiter seul, qu'il les trie par ordre d'importance et, lorsqu'enfin il s'était attaqué au premier d'entre eux, son meilleur ami et patron était venu lui dire que la baby-sitter qu'il avait engagée devait repartir d'urgence et qu'il ferait mieux de rentrer.
Soudain, une réalisation le frappa. La maison était plongée dans le noir.
Une peur sourde monta en lui. Une peur dont il n'identifia pas l'origine, mais qui le fit bondir, le projetant dans le salon. Tout était en ordre. La baby-sitter avait même fait le ménage. Les volets étaient clos, la cuisine éteinte. Il n'y avait pas un bruit.
La Chose aurait dû être là. En train de brailler pour avoir à manger ou parce qu'elle avait sali sa couche. Mais il n'y avait que le silence plat d'une maison vide. Alors, une pensée fugace le traversa.
Et s'il ne revoyait plus jamais ces yeux verts ?
Il courut dans le couloir et déboula dans la petite chambre aux doux tons pastel. Les volets étaient fermés, la lumière éteinte. Pas un bruit. Il se précipita sur le berceau, mais il était vide, il ne contenait plus aucune couverture. Il fit demi-tour, prêt à ressortir quand son regard tomba sur un petit lit à barreaux. Il y avait des couvertures. Il se précipita pour les soulever, mais ne trouva rien, pas même une peluche.
Où était la Chose ? Pourquoi ne pleurait-elle pas ?
La chambre d'amis, le bureau et la salle de bains étaient vides. Où était-elle ? Qu'avait fait la baby-sitter ? On ne laisse pas une chose pareille sans surveillance ! Et si... Et si elle l'avait enlevé ? L'aurait-elle fait à cause des deux bijoux émeraude sur cette face ronde ?
Affolé, il poussa la dernière porte, celle de sa propre chambre. La Chose n'y était jamais entrée et il se souvenait parfaitement avoir entendu son frère dire à la baby-sitter de ne pas y pénétrer. Sous aucun prétexte. Mais il devait vérifier avant de... avant de quoi ? Appeler la police ?
... Justement, n'était-ce pas un bon moyen de se débarrasser de cette chose ? Mais ses yeux...
Non... Malgré lui, la peur lui tordit l'estomac et il entra dans la pièce. Il y avait une petite forme pelotonnée dans un drap fin. Une petite forme qui tenait contre elle une peluche de lapin aux oreilles qu'il savait mâchouillées. Confortablement installée contre un coussin, la Chose dormait.
Il s'approcha sans bruit, sa peur retombant lentement pour ne laisser qu'un soulagement apaisant. Il se laissa lourdement tomber sur ses genoux et posa sa tête sur le matelas, le souffle erratique. Que lui avait-il pris de courir de la sorte ? Pourquoi avait-il eu aussi peur ?
Avait-il eu peur de voir disparaître le dernier fragment de vie qui le reliait à elle ?
Ce qu'elle avait chéri et porté pendant neuf mois. Le trésor qui lui tirait des sourires rêveurs et lui donnait des envies folles, comme des fraises chantilly à deux heures du matin ou une envie shopping au point de fondre en larmes un dimanche matin. Avant même qu'elle arrive, la Chose avait imposé sa loi.
Et maintenant qu'il la regardait dormir en se disant que sa fiancée l'avait aimé pendant les neuf mois où elle l'avait porté avec presque plus d'amour qu'elle avait éprouvé pour son fiancé, Hoseok se dit qu'elle devait avoir raison, comme elle avait toujours eu raison.
La Chose était née par amour.
Elle remua sur le lit, cachée derrière son lapin en peluche. Il tendit lentement le bras, attrapa les oreilles de la peluche et tira doucement. Un visage aux rondeurs enfantines se découvrit. De longs cils noirs battaient sur des joues pleines. Un nez coquin en trompette surmontait une bouche en cœur toute pleine de salive. Il attrapa un coin du drap et essuya cette bouche rose.
Les paupières papillonnèrent et soudain, deux yeux verts percèrent la pénombre de la chambre très légèrement éclairée par la lumière du salon.
Des yeux verts comme ceux qu'il avait tendrement aimés, ceux qui d'un simple regard, avaient été capables de déclarer tout l'amour qu'ils avaient pour lui. Capables de lui montrer toute la douceur et toute la paix qu'elleressentait en se retrouvant dans ses bras. Toute la joie qu'il ressentait à rire avec elle. Des yeux merveilleux qu'elleavait su donner à cette chose...
Ce trésor qu'elle avait aimé dès le premier instant.
Elle lui avait laissé une collection de chaussures dont il ne savait pas quoi faire. Des vêtements qu'il ne pouvait sortir des placards de peur que son odeur de rose l'assaille. Des objets, des babioles qu'elle avait rapportées de brocantes pour décorer la maison et qui ne lui inspiraient rien. Une odeur sur un fauteuil qui s'était évanouie. Quelques photos dans des cadres qu'il ne regardait même plus. Il ne lui restait rien qui lui rappelait son rire, sa façon d'être, son corps chaud et vivant.
Sauf cette chose. Cette chose qui était la seule preuve qu'elle l'a vraiment aimé. Cette chose qui battait des paupières. La Chose.
« 'Pa ? »
Il hoqueta. Une petite main se tendit dans la pénombre et toucha le bout de son nez. Il discerna un sourire sur cette petite face, un sourire avec quelques dents éparses. Il y eut un adorable gazouillis puis une série de petits mots incompréhensibles. Alors, Hoseok se leva et vint s'allonger contre cette petite chose remuante, la calant contre son torse tandis qu'elle gigotait pour se pelotonner avec sa peluche.
Oubliant la lumière allumée du salon, l'orage qui grondait au-dehors, la douleur de son absence, Hoseok clôt les paupières et s'endormit, bercé par les petits bruits du nourrisson et par sa délicate odeur d'enfant.
Quinze mois ; et Hoseok découvrait son fils.
꧁•⊹•꧂
« Tu es sûr de ta décision ? »
Il leva les yeux au ciel, s'arrêtant de remplir le lave-vaisselle pour se tourner vers son meilleur ami. Namjoon, assis à la table de la cuisine, lui adressait un regard méfiant.
« Je vais bien, d'accord ? lâcha Hoseok d'une voix lasse.
— Excusez-moi, Votre Altesse ! s'offusqua son meilleur ami. Tu n'as pas dû te regarder souvent dans un miroir cette dernière année, mais je peux t'assurer qu'il y a encore un mois ça n'allait pas du tout !
— Eh bien maintenant, ça va. Je suis capable de gérer ma vie et ma maison, donc, je décide de congédier cette baby-sitter.
— Elle avait pourtant l'air gentille et serviable, je ne comprends pas.
— Le premier soir, elle est partie comme une voleuse pour une prétendue urgence. Je mettrais ma main à couper qu'elle avait un petit ami à aller astiquer. La semaine dernière, elle m'a refait le même coup et je ne te parle pas de la fois où je l'ai trouvé au téléphone en train de glousser comme une pintade en tournant le dos à Jungkook qui escaladait le canapé, grogna-t-il, irrité.
— Jungkook... répéta Namjoon, ahuri.
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? », s'énerva-t-il en refermant brusquement le lave-vaisselle.
Hoseok détestait lorsque sa parole était mise en doute. Et il le détestait encore plus en sachant que, cette dernière année, il avait eu du mal à s'occuper de lui-même et qu'il avait laissé son fils à son meilleur ami, comme si Jungkook ne comptait pas. À la simple idée qu'il aurait pu le perdre, que ce soit la baby-sitter qui l'ait enlevé ou négligé, ou que ce soit les services sociaux qui l'aient embarqué, un violent frisson d'horreur le secoua.
« C'est la première fois que je t'entends dire son prénom... », concéda Namjoon, agréablement surpris.
Et c'était vrai. Elle lui avait donné ce prénom.
« Si je ne m'habitue pas à l'appeler par son prénom maintenant, il ne saura plus se reconnaître à l'école. Je me vois mal expliquer à la maitresse pourquoi il ne répond que si on l'appelle "la chose".
— Oui, ça doit être ça », murmura l'aîné en se replongeant dans sa tasse de café, incertain.
De nouveau, Hoseok lui tourna le dos, plongeant les mains dans l'évier pour finir de laver le plat à gratin qui, malheureusement, ne passait pas au lave-vaisselle. Tandis qu'il frottait, il tendait une oreille vers le salon où il savait que Jungkook s'amusait dans son parc pour enfant avec les nouveaux jouets que lui avait ramené son oncle de cœur.
Seize mois ; et la vie paraissait moins triste.
꧁•⊹•꧂
« 'Pa ! 'Pa ! 'Pa ! »
Hoseok se redressa sur un coude en grognant, jetant un œil au réveil. Six heures du matin. Que lui voulait son fils, un dimanche à cette heure-là ? Il s'extirpa du lit avec lenteur, posant un pied devant lui avec la plus infime des précautions. Jungkook avait l'habitude de laisser trainer ses jouets partout sur le sol depuis qu'il savait marcher correctement. Ce gosse était un vrai un danger ambulant pour la plante de ses pieds.
En parlant de lui, il sautillait dans son lit à barreaux, tendant adorablement les mains vers son père.
« Qu'est-ce qu'il y a, Jungkook ? demanda-t-il d'une voix rauque et basse, encore dans les vestiges de son sommeil.
— Manger !
— Ce n'est pas l'heure... » soupira-t-il, en retenant un bâillement.
Face à cette assertion, le petit garçon bascula en arrière et tomba sur les fesses. Sa moue boudeuse se tendit vers son père, ses grands yeux verts pleins de larmes. Sentant arriver une crise, Hoseok leva les yeux au ciel et se pencha rapidement pour le prendre délicatement dans ses bras. Aussitôt contre son père, le petit eut un sourire et se laissa porter de bonne grâce jusqu'à la cuisine, quand bien même il savait trottiner sur ses petits pieds.
Comme Jungkook aimait prouver qu'il était un « grand », il le déposa devant la chaise et le petit se mit aussitôt à grimper, s'aidant de ses petits bras pour se hisser. Se retrouvant face au dossier il se retourna vivement et posa ses petites mains sur la table, prêt à manger.
« Manger !
— Oui, oui, ça arrive », râla-t-il en cherchant dans les placards de quoi nourrir son petit monstre.
Il trouva des pots aux légumes qu'il versa dans un petit bol en plastique, grimaçant devant la couleur de la mixture. Vraiment, si Jungkook avait refusé d'en manger, il n'était pas sûr qu'il le lui aurait refusé. Il lui tendit le contenant et une cuillère et le surveilla en train de se repaître tout en se faisant du café.
Jungkook arrivait à tenir sa cuillère seul, même s'il avait parfois du mal à la faire tourner pour la mettre dans sa bouche. Il joua plus avec la nourriture qu'il la mangea et, lorsqu'il décréta qu'il avait fini, il y en avait plus autour du bol que dans son estomac, mais il fallait avouer que c'était déjà un grand progrès.
Après le petit-déjeuner, il fallut aller se laver. Comme Jungkook pouvait tenir debout, il n'eut pas de mal à le débarbouiller avec lui sous la douche. En revanche, lorsqu'il fallut se sécher, l'enfant n'arrêta pas de gigoter, essayant de fuir la serviette. Soudain, Hoseok assista à une scène qui demeurera à jamais dans sa mémoire.
En effet, dans sa fuite, son fils se retrouva devant le grand miroir à pied et, en se voyant pour la première fois de sa petite vie, Jungkook émit un son étranglé ressemblant à un cri avant de s'échapper en courant, sortant littéralement de la pièce chaude.
Enroulé dans sa propre serviette, la main tendue vers l'endroit où se trouvait Jungkook quelques secondes plus tôt, le jeune père resta un long moment ébahi avant de se mettre à courir à son tour, sans empêcher un rire sonore de sortir du fond de sa gorge.
Son premier vrai rire.
« Jungkook ! Reviens ici ! »
La journée promettait d'être longue.
Dix-huit mois ; et les joies d'être père malmenaient déjà Hoseok.
꧁•⊹•꧂
« Désolé Jisoo, j'étais un peu ailleurs, souffla-t-il.
— Ne t'en fais pas. Tout va bien ? demanda la jeune femme aux deux lagons d'or, inquiète.
— Jungkook a été malade ce week-end et la nouvelle baby-sitter que j'ai engagée ne m'inspire pas du tout confiance.
— Mais... attends, ce n'est pas la troisième fois que tu en changes ? »
Il leva les yeux de son agenda pour la regarder. Plantée devant lui, les mains sur les hanches, elle le fixait de ses grands yeux noisette. Elle ressemblait à un top model dans une boîte de métal. Les murs gris conféraient à sa peau un teint d'albâtre et ses grands cils allongés et maquillés papillonnaient sur ses joues. Elle était très belle et plutôt attirante, même cachée sous son tailleur, si on suivait la courbe de sa poitrine et la rondeur de ses hanches. Mais elle ne l'attirait pas, lui.
« Elles sont incompétentes, grimaça-t-il.
— Tout le monde ne peut pas être parfait, tu sais ? Je suis persuadée qu'elles font de leur mieux. Tu es sûr que tu n'en demandes pas trop ?
— Je veux juste qu'elles surveillent Jungkook et qu'elles ne laissent pas ce ventre sur pattes essayer de sortir ses pots du placard en escaladant la chaise et la table.
— Il apprend. Il a besoin de connaître ses limites.
— Pas au point de se casser la figure ! S'il était tombé, il était bon pour l'hôpital ou pire ! explosa-t-il, la frayeur lui étreignant le cœur.
— Qu'est-ce qu'a fait cette baby-sitter que tu as engagée la semaine dernière pour t'être déjà antipathique ?
— Cette débile a laissé son paquet de cigarettes sous les yeux de Jungkook ce matin. J'ai dû lui dire de le garder dans sa poche et de fumer dehors. Je lui aurais bien dit de ne pas fumer tout court, quand elle bosse, mais je n'avais pas le temps de gérer une crise de manque.
— Elle a certainement compris. Si elle t'a été recommandée par Jennie de la réception, c'est que ça doit être une bonne fille. Elle ne fumera pas devant Jungkook, lui assura-t-elle d'une voix douce. Et si nous reprenions maintenant ?
— Oui, tu as raison, excuse-moi », murmura-t-il en se passant une main lasse sur le visage, tentant de le défroisser.
Elle lui adressa un sourire sincère et, pour la première fois depuis la naissance de Jungkook ainsi que la disparition de sa fiancée, il éprouva de la tristesse à ne pas trouver une si belle femme attirante. Mais ce n'était pas le problème le plus urgent. Pour l'instant, il devait se concentrer sur le rachat d'une société voisine et sur la nouvelle gardienne d'enfants.
En rentrant ce soir-là, il s'apprêtait à trouver la baby-sitter affairée à faire réchauffer le dîner comme il le lui demandait toujours avant qu'elle parte. En effet, elle était bien dans la cuisine, mais qu'elle ne fut pas sa surprise en sentant la fumée. Non pas une fumée d'un quelconque repas, mais celle de sa cigarette qui embaumait toute la maison.
Son cœur rata un battement, son corps se glaça et son sang ne fit qu'un tour.
La mine sombre et inquiétante, il déboula dans la cuisine, son regard glissant sur Jungkook qui tournait tranquillement les pages de son livre d'images, debout sur sa chaise, pour se poser sur la silhouette de la jeune baby-sitter. Maintenant plus qu'un autre jour, il détestait ses cheveux roux.
« Il me semblait vous avoir dit de ne pas fumer devant mon fils. »
Sa voix était froide, polaire. Si bien que même Jungkook sursauta et se ratatina sur son siège. La jeune fille se retourna.
« Bonsoir, monsieur...
— J'ai vraiment honte pour vous. Jennie est une amie qui vous a chaudement recommandé et je ne cesse de me demander ce que vous avez bien pu infliger à sa fille que vous n'aurez pas le temps de faire à mon fils. Si vous pensiez continuer vos études en faisant un job de baby-sitter, je vous conseille vivement de vous réorienter. Et tant que vous y êtes, changez de voie et essayez un peu la biologie pour comprendre ce que vous venez de faire à Jungkook et à tous les autres enfants que vous avez gardés. À condition bien sûr que votre cerveau atteint par la nicotine puisse encore connecter deux neurones », lâcha-t-il d'une traite, sans ciller, la voix lourde de reproches et chargée d'une colère sourde.
Éberluée, la jeune fille faillit en faire tomber sa cigarette.
« Au revoir, mademoiselle. Et ne vous étonnez pas de ne pas recevoir de paie aujourd'hui », cracha-t-il, contrôlant sa colère.
Elle écrasa honteusement sa cigarette dans le petit cendrier qu'elle avait emporté et se précipita dans l'entrée pour attraper ses affaires avant de sortir. Le silence revint dans la petite maison, entrecoupée du bruit du micro-ondes.
« Papa... ? », appela Jungkook d'une toute petite voix.
Hoseok avait une envie folle de balancer son poing dans un mur pour se délivrer de sa fureur. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas été autant en colère et, aussi incroyable que ça puisse être, cela faisait un bien fou.
Il baissa le regard, tombant sur deux grands yeux verts pleins de larmes. Immédiatement, comme par enchantement, son courroux enflammé fondit comme neige au soleil. Précipitamment, il s'approcha de son fils et se pencha pour le prendre dans ses bras et le serrer contre son cœur.
« Ça va, mon lapin ? chuchota-t-il en prenant conscience qu'il avait effrayé son fils.
— Fais peur, Papa... »
Il plongea une main dans ses cheveux, caressant doucement sa chevelure abondante broussailleuse. Aussi sombre que la sienne, mais aux douces ondulations de sa mère.
« Ne t'en fais pas, c'est fini, murmura-t-il avec douceur. Elle est partie.
— Mais gentille... »
Il secoua la tête, dégageant de la main ses cheveux derrière son oreille rose.
« Je lui avais dit que ce n'était pas bien de fumer devant toi, d'autant plus que tu as été malade ce week-end. C'est dangereux pour les petits enfants, tu comprends ? »
Jungkook hocha la tête pour lui faire comprendre qu'il avait saisi, puis entoura le cou de son père pour l'étreindre aussi fortement que ses petits bras lui permettaient.
« Papa, dodo », glissa-t-il dans le creux de son oreille, la voix témoignant de sa fatigue évidente.
Jungkook n'avait plus faim. Son père lui avait fait peur à crier de la sorte et, après les médicaments que lui avait donnés la baby-sitter pour son rhume, il n'avait qu'une envie, s'endormir.
Il l'emmena jusque dans sa chambre où il l'habilla pour la nuit puis le coucha. Jungkook s'endormit presque aussitôt, serré contre sa peluche. Il referma la porte derrière lui puis prit le temps de se déchausser, de se changer et d'arrêter le micro-ondes avant d'appeler son meilleur ami.
« Tu vas encore changer de baby-sitter ? prononça-t-il sachant d'ores et déjà la raison de son appel.
— Elle fumait sous le nez de Jungkook. Dois-je te rappeler qu'il n'a que dix-neuf mois et qu'il a été malade ce week-end ou tu penses t'en souvenir seul ? cracha-t-il malgré lui, en se remémorant la jeune fille.
— OK. Je suis désolé, ne t'énerve pas.
— Il faut que je trouve autre chose. On travaille tous les deux et il n'ira à l'école qu'à partir de trois ans.
— Et ses grands-parents ?
— Ils habitent en Europe. Ils ne sont rentrés que pour l'enterrement de leur fille et pour voir si je pouvais m'occuper du gamin. Justement en parlant de ça, je n'ai jamais eu l'occasion de te remercier d'avoir été là. Sans toi, je pense qu'ils me l'auraient enlevé.
— On ne peut pas dire que tu étais au mieux de ta forme, c'est sûr, mais j'ai su les convaincre. Et ne me remercie pas, Seokie. Bon. J'ai peut-être une idée.
— Je suis preneur.
— Tu te souviens de Kim Taehyung ?
— Tu veux dire le mec avec les cheveux bleu électrique qui tient le bar à deux pas de la société ? Celui qui a plus de piercings et de tatouages que la peluche de Jungkook n'a de microbes ? Pourquoi ton idée ne me plait-elle pas ? railla-t-il en fronçant les sourcils, s'attendant au pire.
— Je ne suis pas en train de te dire de lui laisser ton fils pendant la journée, je ne suis pas suicidaire, même s'il adore les enfants, ce punk. Mais je le connais bien et quoique tu en dises, c'est un gars très sympa, je l'apprécie.
— Ce que tu trouves sympa et que tu apprécies surtout, ce sont les nibards de sa serveuse. Et je sais que j'ai raison, pouffa-t-il sobrement.
— Laisse Lalisa en dehors de ça, tu veux ? Donc, Taehyung a un meilleur ami qui est arrivé en ville il y a quelques mois. Il a fini l'école de médecine avec un an d'avance et il est revenu en Corée pour deux ans, le temps de souffler.
— Sa vie ne m'intéresse absolument pas. Que veux-tu que je fasse avec ça ?
— Il s'ennuie. Il croyait revoir de vieux potes, mais ils ont tous un job et une famille maintenant. Écumer les bars et les boîtes de nuit ne l'intéresse plus et, d'après Taehyung, "ça fait deux semaines qu'il n'a pas levé son cul de son lit".
— Depuis quand tu parles comme ça, toi ?
— J'ai dit que c'était d'après Taehyung, je l'ai cité. Alors ?
— Tu veux que je laisse mon fils à un mec qui ne pense qu'à tremper sa queue ?
— Surveille ton langage toi-même. Je n'ai pas dit ça, j'ai dit qu'il en avait assez de sortir en boîte tout seul.
— Ce qui revient au même, tu m'excuseras, persifla-t-il.
— J'ai confiance en Taehyung.
— Et moi j'ai confiance en toi, donc en Taehyung, mais je n'ai pas confiance en ce gamin qui a fait médecine.
— Il a vingt-sept ans, Seokie.
— Mh, rien à faire. Qu'est-ce qui te fait dire qu'il pourrait nous convenir, à Jungkook et moi ?
— Alors, premièrement, il...
— Ah, parce que la liste est longue en plus, soupira-t-il en se laissant tomber sur le canapé.
— Comme je le disais reprit Namjoon après avoir levé les yeux au ciel, amusé, il a fini l'école de médecine un an plus tôt, ce qui est extraordinaire, on le conçoit tous les deux. Il a à peine un an de moins que toi, ce qui fait qu'il est mature.
— Fantastique. C'est vrai que ce n'était pas le cas des trois dernières greluches, pesta-t-il à l'encontre des incompétentes.
— Deuxièmement, c'est un homme. »
Il y eut un blanc.
« Oui, j'avais compris. Mais en quoi c'est un argument valable, ça ? rétorqua le père.
— Le problème vient peut-être du fait que tu choisis des femmes. Tu pensais qu'elles pourraient remplacer la mère que Jungkook n'a pas eue. Mais, et là, même Taehyung est d'accord avec moi, une baby-sitter ne peut pas remplacer une mère. Et ce n'est pas en voyant leurs jambes anorexiques d'ados qu'elles vont te redonner envie de femmes.
— Ah, parce qu'un mec va me redonner envie ? Mais de quoi on parle là, en vrai ?
— De l'avenir de Jungkook. Troisièmement, il a un doctorat en pédiatrie. »
Nouveau silence. Pour étudier le dernier argument, cette fois. De ce point de vue, il avait l'air assez qualifié. Le seul problème étant qu'il était le meilleur ami de Kim Porc-Épic.
« Et ce gamin, il a quelle tête ? »
Namjoon éclata de rire.
« La tête d'un homme de vingt-sept ans qui sort de neuf ans d'études de médecine.
— Et niveau ferraille ? », questionna-t-il en entendant de nouveau le rire de son meilleur ami, sachant très bien qu'il était actuellement en train de se tordre en deux.
Hoseok sourit, malgré lui.
« Sérieusement ? Parce que tu crois que Taehyung peut prétendre à être médecin ? C'est tout juste s'ils le laissent passer aux portiques des aéroports. Ne t'en fais pas, il n'a pas de piercings comme Taehyung, le rassura-t-il, la voix chargée de son hilarité.
— Ça, ça ne m'étonne pas. OK, je veux bien de cet homme. Mais à la moindre bourde, il dégage comme les autres.
— Oui, Votre Altesse. Comme il vous plaira, Votre Altesse, s'amusa son meilleur ami.
— Arrête ça, grogna-il en souriant. Bon, je vais aller vérifier que Jungkook dort bien et je vais me coucher. La journée a été longue.
— Pour ma part, je vais descendre voir Taehyung et son meilleur ami. Tu le trouveras demain devant ta porte. Bonne nuit, Seokie.
— Bonne nuit et merci. »
Et il raccrocha. Un coup d'œil à la distance qui le séparait de la cuisine le convainquit que le reste de poulet pouvait survivre à une nuit dans le micro-ondes. Il passa par la chambre de Jungkook, trouva l'enfant endormi, puis rejoignit la sienne. Il se déshabilla au radar et s'écroula, nu, parmi les draps. Il eut une vague pensée pour son bas de pyjama, quelque part dans la chambre, mais l'idée même de se lever pour l'enfiler lui sembla trop épuisante.
Il s'endormit presque aussitôt.
Le lendemain matin, ce fut son réveil qui le tira du sommeil. Il se leva lentement, une main fourrageant dans ses longs cheveux d'ébène. Une petite voix de l'autre côté du couloir l'appelait énergiquement, le forçant à sortir du lit. Il retrouva son pantalon de pyjama sur la chaise près de la porte et l'enfila avant de rejoindre son fils.
Leur matinée se déroula comme à l'accoutumée, d'abord un petit-déjeuner puis un tour à la salle de bains. Lorsqu'ils furent tous les deux habillés, la sonnette de l'entrée retentit.
« Qui ? Qui ? Papa, qui ? », claironna la voix joyeuse et fluette de son fils.
Il le souleva et le cala dans ses bras, défroissa son tee-shirt vert pour le rendre plus présentable. Le petit réclama sa peluche et il la lui donna tout en avançant d'un pas rapide vers l'entrée.
« La nouvelle personne qui va s'occuper de toi, mon lapin.
— Encore fille ? Gentille ?
— Ce n'est pas une fille cette fois-ci, mais un garçon. Comme toi et moi. »
La porte s'ouvrit. Et pour la première fois en dix-neuf mois, Hoseok fut intrigué par une personne.
C'était un garçon, comme Jungkook, comme lui. Mais de lui, on ne retenait que sa sublime chevelure argentée et ses yeux bleus comme le ciel. Quand les saphirs se posèrent sur Jungkook, un sourire immense éclaira cette tête argentée, comme s'il avait été branché sur le mode « ON ». Il leva une main pour la secouer, faisant un coucou à l'enfant qui lui répondit en détachant sa petite main de sa peluche, le regardant de ses grands yeux de biche, curieux.
« Hé ! Salut mon grand ! Tu es un beau bébé, dis-moi. Quel âge tu as ? »
Jungkook se mit à gazouiller, sa petite bouille tout illuminée et les yeux brillants. Ses grands yeux verts pétillaient d'amusement et il gigotait dans les bras de son père.
— Il a dix-neuf mois. »
Le jeune homme se tourna vers le père et ses yeux aux multiples nuances cobalt s'assombrirent. Subjugué face au spectacle de ses prunelles qu'il n'avait pas quittées une seule fois, Hoseok se demanda quelles seraient les différentes teintes de bleu que prendraient les deux saphirs qui le fixaient, sous différentes lumières.
— Vous avez vraiment un beau garçon. Je m'appelle Park Jimin. »
Jungkook gazouillait toujours et Hoseok consentit à détacher son regard du nouveau venu et le poser Jungkook. En le voyant ainsi, subjugué par l'argenté et souriant, il sut que son fils avait adopté ce Park Jimin. Il ne l'avait jamais vu autant apprécier quelqu'un, même s'il n'avait vu que son oncle de cœur et les baby-sitters.
Il y avait une main opaline devant lui. Une main large et forte qui était faite pour supporter et aider les enfants. Une main qui se tendait vers lui, vers son fils. En écoutant les petits bruits que faisait Jungkook, il sut qu'il faisait le bon choix.
Alors, l'âme apaisée, le brun attrapa cette main dans la sienne et la serra.
« Jung Hoseok. »
Ils s'inclinèrent respectueusement, les mains entrelacées.
Dix-neuf mois ; et le monde perdait de plus en plus sa monotonie.
꧁•⊹•꧂
« Tu as l'air fatigué, tu vas bien ? demanda Jisoo en se penchant sur Hoseok pour poser une main sur son front.
— Jungkook dort mal en ce moment.
— Il est malade ?
— Non, je ne pense pas. J'ai demandé à Jennie ce matin, elle me dit que c'est normal. Il va falloir que j'instaure un rituel pour aller le coucher. Tu veux un conseil, Jisoo ?
— Je t'écoute, fit-elle curieuse.
— Ne fais jamais d'enfant. »
Un rire clair et cristallin monta dans le bureau, balayant sa mauvaise humeur et étouffant la fatigue de Hoseok fatigue dans l'œuf. Ce jour-là, Jisoo portait une robe bleu et vert sous un blazer. Elle était chaussée d'une paire d'escarpins bleu clair signée Alexandre Birman qu'il identifia grâce à l'entrainement marathonien que lui avait fait subir sa fiancée. La longue tresse qu'elle s'était faite aujourd'hui faisait ressortir l'angle de ses pommettes.
Elle était sublime et il se surprit même à admirer un peu plus que de raison sa chute de reins lorsqu'elle sortit du bureau. Jusqu'à ce qu'une voix polaire le tira de ses pensées.
« Rassure-moi, tu n'es quand même pas en train d'imaginer cette paire de jambes entre tes draps, mon pote ? »
Hoseok se tourna vers son associé, Yoongi, confortablement avachi dans son siège de bureau tout en étudiant un document papier.
« Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— Ton regard sur l'arrière-train de ma meuf. »
Il sursauta, manquant renverser sa tasse de café sur son nouveau costume. Il regarda un long moment son associé, le détaillant des pieds à la tête en passant par son jean et sa chemise entrouverte. Yoongi ne s'était jamais présenté en costume alors qu'il avait une place importante dans la société. Il se moquait royalement du système et, s'il n'était pas aussi excellent dans son travail, cela ferait longtemps que le conseil l'aurait licencié, son meilleur ami le premier, le président.
Le fait que Yoongi, lui, qui évitait les femmes parce qu'elles étaient trop « chiantes », selon ses dires, se retrouve avec la femme dont les rondeurs étaient convoitées dans les cinquante étages de l'entreprise tira un fou rire à Hoseok.
« Vous êtes ensemble ? Sérieusement ? demande Hoseok entre deux rires, complètement ahuri par cette nouvelle des plus surprenantes.
— Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, grogna Yoongi. Dis-toi qu'elle a été détruite par la perte de sa meilleure amie et j'étais la seule épaule sur laquelle elle pouvait pleurer. Je me suis fait avoir en beauté », finit-il en claquant la langue contre son palais.
Le fou rire de Hoseok se calma à l'évocation de sa fiancée. Mais voir Yoongi aussi empêtré dans sa relation était... d'un risible...
« Combien de temps ? demanda-t-il, son sourire ne quittant pas ses lèvres, sincèrement heureux pour son ami.
— Un an et trois mois », grimaça-t-il.
Hoseok se mordit très fort la lèvre pour ne pas de nouveau exploser de rire. À partir de maintenant, il accorderait plus d'importance aux échanges de Yoongi et Jisoo. Il n'avait rien remarqué, alors, soit ils le dissimulaient très bien, soit il était devenu tellement réfractaire à ce genre de choses qu'il n'avait rien vu.
Il se replongea dans ses dossiers le sourire aux lèvres. Savoir que son associé, que l'on pouvait comparer à son meilleur ami, sortait avec la première femme qu'il trouvait sensuelle depuis la disparition de sa fiancée – plutôt depuis l'instant où il l'avait vu puisqu'elle avait occulté toutes les autres, soit six ans déjà –, n'était pas une idée aussi troublante qu'il l'aurait pensé.
Alors, oui, Jisoo était belle et désirable, mais elle n'était plus accessible.
Ce n'était pas une mauvaise chose en soi. Il était même heureux pour son ami.
Vingt et un mois ; et la vie reprenait son train, lentement.
꧁•⊹•꧂
Il était dix-neuf heures lorsque Hoseok poussa la porte d'entrée de chez lui. Une bonne odeur de cuisine flottait dans l'air et des rires d'enfant l'accompagnaient, l'accueillant agréablement. Face à ces sons joyeux, un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Son cœur s'allégea, pour il ne savait quelle raison. Il se déchaussa et se dévêtit avant de s'avancer dans le salon.
La cuisine était séparée de la salle à manger et du salon par un bar américain. De l'autre côté de celui-ci, il voyait un homme à la chevelure argentée s'affairer tout en chantonnant de sa voix douce tandis qu'une petite touffe noire dépassait du comptoir en gazouillant.
Ils avaient l'air paisibles, presque heureux dans leur petite routine. Cela faisait trois mois que Jimin était entré dans leur vie, comme un tourbillon lumineux agrémenté de petites lueurs argentées voletant après son passage, comme par enchantement. Hoseok le sentait ainsi. Jungkook l'aimait énormément et réclamait de plus en plus souvent la présence de Jimin, lui demandant quand il viendra jouer avec lui. Il lui arrivait même de le quémander le week-end, au grand désarroi de son père.
Un rire cristallin, mais franc le sortit de ses pensées. Penché au-dessus de son fils, Jimin se pencha et semblait observer quelque chose sur la table qui le faisait rire. Lorsqu'il se releva, il ébouriffa la chevelure abondante brune du petit garçon et s'approcha des casseroles sur le feu. C'est alors que leurs regards se croisèrent, Jimin tournant sa tête à sa droite.
En l'espace d'un instant, les yeux d'obsidienne fondirent dans les saphirs face à eux qui prirent une teinte plus sombre, presque bleu marine. Puis, comme un papillon bat des ailes, l'instant se rompit.
« Hé, Jungkook ! Regarde qui est là ! » chantonna Jimin de sa douce voix si masculine.
Un bruit de chaise se fit entendre et un bonhomme de quatre-vingt-cinq centimètres passa le comptoir. Un immense sourire dévora sa bouille lorsqu'il reconnut son père et, comme une fusée, il s'élança dans le salon.
« Papa ! »
Attendri et heureux de cet entrain, Hoseok s'accroupit en réceptionnant son fils dans ses bras pour le serrer contre son cœur, humant son odeur d'enfant.
« Salut, mon lapin.
— 'Suis pas un lapin ! 'Suis un garçon ! bougonna son fils.
— Et un beau garçon qui rend son papa fier de lui, lui assura-t-il assistant au changement d'expression de Jungkook, de nouveau pétillant. Que faisais-tu avec Jimin ?
— Dessin ! Viens voir ! »
De sa petite main, Jungkook attrapa dans la sienne celle large de son père et essaya de le tirer vers la cuisine, mais avec leur différence de taille, Hoseok se retrouva à marcher accroupi, fort amusé. Alors, il l'attrapa sous les bras et le souleva pour le placer contre lui. Une fois dans la cuisine, il chercha du regard les orbes cobalt, mais celui-ci s'occupait de ses casseroles.
Jungkook s'agita contre lui et il le déposa sur une chaise pour éviter qu'il tombe.
« Regarde ! Ça papa, ça moi et ça Minie !
— C'est bien Jungkook, mais quand on présente les gens, on se place toujours en dernier.
— Hein ? », fit-il en perdant tout entrain face à la phrase semblant assez complexe pour lui, l'expression inquisitrice et les sourcils adorablement froncés vers son père.
Ce dernier se sentit fondre de l'intérieur face aux mimiques de son propre fils. Elle l'aurait trouvé si adorable au point de lui manger les joues. Cette pensée lui fit mal, malgré lui.
« Il faut dire, papa, Jimin et moi.
— Non ! Là moi et là Minie ! Tu vois ? Là, petit moi et là tout gris : Minie ! »
Fort amusé, Hoseok abandonna l'idée de la leçon de grammaire pour aujourd'hui et secoua la chevelure de son fils avant de lui embrasser tendrement le front. Fier que son œuvre ait plu à son père, Jungkook attrapa ses crayons et continua son dessin qui n'avait de nom que les couleurs. Pour le reste, ce n'étaient que des traits.
« Il avait si hâte de vous montrer son dessin », dit soudain Jimin en lançant un œil par-dessus son épaule.
Hoseok s'approcha des fourneaux, essayant de regarder ce qu'il préparait dans les casseroles.
« Qu'est-ce que c'est ?
— Ça ? De la sauce pour aller avec votre riz. J'ai fait réchauffer votre repas de ce soir et celui de Jungkook et, quand j'ai vu que vous n'aviez pas de sauce, j'ai trouvé ça un peu... pauvre nutritivement parlant. Je me suis permis de vous en préparer. J'ai appris à la faire en Europe, j'espère qu'elle vous plaira.
— Elle a l'air bonne », avoua Hoseok, les narines enchantées par l'exquise odeur d'herbes aromatisées, se mariant admirablement bien avec la sauce épaisse et orangée.
Le sourire que lui adressa Jimin était sincère et, pour la millième fois qu'il voyait ce phénomène, Hoseok se demanda de combien de couleur pouvaient se parer ces deux gemmes cobalt. Détournant les yeux, le brun prit place à table en face de son fils et le regarda dessiner. Très fier de lui, le petit garçon traçait de grands traits qui occupaient toute la feuille. Il était devenu très bavard et même si la moitié des mots qu'il prononçait ne voulait rien dire ou n'avait aucun rapport avec le contexte, c'était apaisant de l'entendre babiller de sa douce voix fluette.
En enfouissant la tête dans ses bras, Hoseok ferma les yeux, bercé par la voix de son fils et les instruments de cuisine que faisait cliqueter Jimin.
« C'est un petit garçon équilibré, vous savez », lui parvint la voix grave et posée de l'argenté.
Hoseok ne prit même pas la peine de lever la tête ni d'ouvrir ses yeux.
« Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? demanda-t-il, le visage complètement apaisé.
— Votre meilleur ami m'a dit que vous aviez essayé trois baby-sitters avant moi. Des femmes. Et que votre fiancée était décédée lors de l'accouchement.
— Et alors ? », gronda-t-il, à présent sur ses gardes.
Jungkook cessa un instant de dessiner pour regarder son père qui avait ouvert les yeux. Celui-ci lui adressa un sourire qui convainquit le petit garçon qui recommença à dessiner et gazouiller, mais pas Jimin.
« Ne prenez pas cela pour de la pitié, loin de là. Je suis sincèrement désolé pour votre fiancée.
— Alors qu'essayez-vous de dire ?
— Vous faites tout ce que vous pouvez pour votre fils, cela se voit. Je voulais simplement vous dire qu'il n'a pas de problème, c'est un petit garçon et tout ce qu'il y a de plus normal et sain. »
C'était si réconfortant de l'entendre. Savoir que son fils ne souffrait pas plus qu'un autre, qu'il ne se sentait pas seul lorsqu'il partait au travail parce qu'il y avait Jimin, qu'il ne se sentait pas mal parce qu'il n'avait jamais connu sa mère. Hoseok se demanda comment le prendrait Jungkook lorsqu'il grandirait et qu'il saurait que sa mère était morte en lui donnant naissance. Il aurait voulu que Jimin soit encore là pour le lui expliquer et le réconforter, parce qu'il n'était pas sûr d'y arriver lui-même.
Un rire le secoua et il plongea de nouveau son visage entre ses bras.
« Monsieur Jung ? l'appela doucement Jimin.
— Appelez-moi Hoseok, chuchota-t-il.
— Vous allez bien ? demanda-t-il sans tenir compte de ses propos.
— Papa ?
— Ça va, ça va. Je vais bien. »
Son fils allait bien, il grandissait normalement, il n'y avait pas de peur à avoir. Un jour viendrait où Jungkook serait assez grand pour comprendre qu'il aurait dû avoir une mère, mais qu'elle n'était pas là. C'était son rôle de père de le lui faire comprendre et de le soutenir. Mais il ne savait pas s'il serait capable de parler d'elle lorsqu'il regarderait les yeux verts de son fils. S'il était capable de lui dire combien il l'avait aimée, combien ils avaient été heureux de savoir qu'ils attendaient un enfant.
Qu'ils l'attendaient lui.
Est-ce que Hoseok pourrait lui dire que sa mère l'avait aimé davantage qu'elle ne l'avait aimé lui, son fiancé, sans faillir à son rôle de père ?
« Jungkook ? Et si tu allais continuer ton dessin dans ta chambre ? Je pense que mettre du feutre dessus le rendrait plus beau, tu ne crois pas ?
— Feutre ! », s'écria le petit garçon en emportant sa feuille et la moitié de ses crayons.
Il dégringola de sa chaise plus qu'il n'en descendit et courut jusque dans sa chambre en poussant des cris enfantins. Restés seuls dans la cuisine, Jimin éteignit le feu et Hoseok ne bougea pas de sa place, retenant les larmes qu'il sentait monter.
« Votre frère m'a dit que vous ne vous étiez pas occupé de Jungkook jusqu'à ses quinze mois.
— Je ne pouvais pas, souffla-t-il, la voix étranglée.
— Était-ce parce que vous pensiez qu'il vous avait volé votre fiancée ? » demanda-t-il avec précaution, s'attendant à ce que le père se braque.
Hoseok se redressa à demi, son regard s'attardant sur les crayons éparpillés sur la table. Jimin était toujours dans son dos, appuyé contre les fourneaux.
« En plus d'être pédiatre, vous êtes psychologue ? murmura-t-il, souhaitant esquiver la question douloureuse.
— Ma mère est morte en me donnant naissance. Mon père ne s'en est jamais remis, il est mort d'une rupture d'anévrisme lorsque j'avais quatorze ans », prononça l'argenté d'une traite, la voix légèrement plus basse.
Le silence s'installa sans qu'aucun ne veuille le rompre. Hoseok reposa la tête sur ses bras, fixant toujours du regard les crayons de couleur.
« Vous aimiez votre père ? demanda le brun, fort intéressé.
— Plus que tout. Je ne lui en ai jamais voulu de m'avoir considéré comme celui qui avait tué sa femme, même si cela était complètement faux. Je savais qu'il m'aimait, même si l'absence de ma mère l'empêchait parfois de s'en souvenir. J'ai de beaux moments avec lui, comme de mauvais. Il a essayé de me donner le meilleur de lui-même, comme j'ai essayé d'être un fils modèle.
— Vous vous sentez coupable pour votre mère ?
— Ça m'arrive. Mais la plupart du temps, je me rappelle que mon père me disait qu'elle m'aimait et qu'elle n'aurait pas voulu que je m'apitoie sur mon sort. Elle m'a donné sa vie, ses souvenirs, son amour, tout ce qui était... elle. Elle s'est donnée tout entière. Je me dois de lui rendre cet honneur en aidant d'autres gens que moi.
— D'où la pédiatrie, constata Hoseok d'une voix basse en jouant distraitement avec un crayon.
— J'aime les enfants. Et je veux leur montrer que même eux peuvent avoir le droit de choisir, de décider de ce qui est le mieux pour eux. Ce n'est pas parce qu'on fait moins d'un mètre vingt qu'on n'a pas voix au chapitre. Enfant ou adulte, on a tous des douleurs et des envies différentes à surmonter.
— Ouais, vous auriez dû faire psychologue...
— Oh non, je détesterais m'étendre dans un fauteuil toute la journée ! »
Hoseok eut un pauvre rire qui ramena dans sa gorge les sanglots qu'il pensait avoir effacés. Jimin dut les entendre, car le brun le sentit s'approcher dans son dos.
« Jungkook n'a pas encore deux ans et il n'a jamais été en contact avec d'autres enfants. Il est peut-être un peu tôt pour lui parler de sa mère.
— Tant mieux, chuchota Hoseok. Je ne m'en sens pas encore capable.
— Mais il faudra bientôt le faire. D'ici un mois ou deux, il faudra l'amener à l'extérieur, dans des parcs pour enfants, par exemple. Et lorsqu'il commencera à poser des questions, alors il faudra lui répondre.
— Un mois ? », s'étrangla Hoseok en se tournant vers Jimin, les yeux brillants de crainte.
C'était trop tôt. Bien trop tôt. Était-il conscient qu'elle les avait laissés seuls que deux ans plus tôt ? Il ressentait sa présence comme si elle était encore là hier, ses bras tendres et chauds passés autour de lui.
« C'est à Jungkook de décider », prononça-t-il d'un sérieux qui ébranla le pauvre père.
En arrachant ses prunelles de celles de Jimin, afin d'enfouir son visage dans ses mains, Hoseok prit une profonde inspiration, essayant de combattre le flot de larmes qui arrivait et les tremblements de son corps. Il avait déjà tellement pleuré, ce n'était pas le moment de céder. Son fils allait avoir besoin de lui. Il fallait qu'il soit fort.
L'image fugace de deux émeraudes et d'un sourire à fendre l'âme surgit dans son esprit. Il lui sembla la voir comme si elle se tenait devant lui, resplendissant comme au premier jour dans sa petite robe d'été et ses sandales blanches, les cheveux au vent.
Alors il sut qu'il n'y arriverait jamais. C'était trop tôt.
« Est-ce que vous serez là ? », demanda-t-il à l'argenté d'une voix tremblante.
Une main se posa sur sa nuque. Une main chaude et forte qui calma quelque peu ses tremblements.
« Bien sûr. »
Vingt-deux mois ; et la douleur qu'il pensait avoir évincée revenait au galop.
꧁•⊹•꧂
Hoseok tournait comme un lion en cage. Il était rentré plus tôt que d'habitude avec l'approbation de son meilleur ami et patron, car aujourd'hui, Jimin avait emmené Jungkook dans un parc pour enfants. Pour le petit garçon, c'était sa première excursion à l'extérieur et la première fois qu'il verrait des jeunes enfants autre qu'à la télévision.
Il était déjà dix-huit heures et ils ne tarderaient pas à rentrer. Il faudrait lui préparer à manger, lui faire prendre son bain puis le coucher. Maintenant que le garçon était soumis à un rituel pour s'endormir sans problème, il était sage et nécessaire de s'y tenir. Bien que Hoseok doute du fait qu'après une journée pareille, il rechigne longtemps à aller se coucher.
La porte d'entrée s'ouvrit et l'angoisse qui le prenait à la gorge s'apaisa de manière infime. Qu'allait dire Jungkook ? Comment allait-il réagir ? Était-il heureux d'avoir découvert le monde ? Avait-il compris que les enfants avaient un père et une mère ?
... Allait-il lui poser des questions sur la sienne ?
« Déchausse-toi Jungkook, on n'entre pas avec les chaussures sales, entendit-il.
— Où est papa ? Papa ! Papa ! appela-t-il d'une voix fluette tout excitée.
— Mais oui bonhomme il est là, enlève d'abord cette chaussure. »
Le cœur battant, Hoseok entendit un bruit de cavalcade qui le fit s'avancer dans le salon. Dès l'instant où il y apparut, il reçut son fils dans les jambes. Il le souleva en riant sobrement et le cala contre lui, frottant son nez contre le sien. Le gamin se mit à rire, égayant toute la maison de son doux rire clair et franc.
« Alors, comment c'était ?
— Trop génial ! »
Hoseok leva les yeux au ciel. Ça, c'était bien une réplique de Jimin. Son fils ne pouvait pas s'empêcher de répéter à sa sauce tout ce que disait son aîné comme si c'était parole d'évangile.
« Tu t'es bien amusé alors ?
— Oui ! J'ai joué au sable !
— Dans le sable. Oh, je comprends mieux pourquoi tu es tout sale, dit-il en caressant la joue ronde de son fils.
— Sale ? Au bain ?
— Après manger. On va aller dans la cuisine et tu vas me raconter tout ça. »
En s'y dirigeant, Hoseok croisa le regard de Jimin qui sortait de l'entrée pour les suivre. Ils se sourirent, complices. La peur au fond du père inquiet s'en était allée. Ce n'était pas aujourd'hui que Jungkook poserait des questions sur l'absence de sa mère. Il pouvait souffler.
Sans rompre le contact de leurs yeux, Hoseok lui mima de ses lèvres :
« Merci. »
Un splendide sourire éblouissant lui répondit.
Vingt-trois mois ; et les épreuves étaient encore multiples, mais il n'était plus seul.
꧁•⊹•꧂
Par terre, sur les jambes croisées de son père, ses petites mains cachant ses yeux, Jungkook gazouillait comme un colibri au printemps. Assis derrière lui, Hoseok regardait attentivement tous les gens installés à même le sol sur le tapis face à eux. Il y avait d'abord Namjoon, qui faisait mine de s'offusquer d'être forcé de s'assoir sur le tapis par un enfant et de ne pas pouvoir s'avachir sur un canapé, en époussetant le tapis autour de lui. Venait ensuite Jimin avec son grand sourire qui regardait Jungkook gigoter comme un drôle de moineau.
Puis Jisoo qui gloussait presque autant que Jungkook devant le petit bout qui l'attendrissait plus que de raison. La seule fois où elle l'avait vu, à l'enterrement de sa meilleure amie, il ressemblait encore à un poupon rose criard. Il était devenu un petit garçon, savait parler correctement même s'il butait parfois sur des mots de plusieurs syllabes, s'était déjà lassé de ses jeux d'encastrement et parvenait presque à s'habiller seul si ses vêtements lui étaient présentés.
Venait ensuite Yoongi, qui s'était carrément affalé sur le côté, un coude supportant sa tête. Le regard blasé, il ne parvenait pas à discerner ce que Hoseok ou Jisoo pouvaient trouver d'attirant dans ce bébé. Pour ce Jimin, cela pouvait se comprendre, il avait une tête d'abruti...
« Tu es prêt, mon lapin ? demanda Hoseok avant de déposer un baiser sur la crinière sombre et ondulée devant lui, humant un instant sa douce odeur d'enfant.
— Oui !
— Tu sais ce qui t'attend ? poursuivit-il en reculant précipitamment la tête afin d'éviter la collision entre la tête de son fils et son nez, dû aux sautillements impatients du petit roi du jour.
— Cadeaux ! Jouets ! »
Jisoo éclata d'un rire cristallin, ravie par le son de sa voix. Il était tellement adorable. Comme son amie aurait aimé vivre aux côtés de ce petit être, de son fils...
« Le premier cadeau est de Namjoon, déclara le père, heureux de voix son fils si impatient d'ouvrir ses premiers cadeaux d'anniversaire.
— Tonton Joonie ! »
Ce dernier eut un petit rire attendri, adorant voir son neveu de cœur aussi heureux. Le petit garçon découvrit ses deux émeraudes brillantes de joie et les baissa sur un énorme camion rouge. Son gazouillement ravi tira un sourire à toute l'assemblée et il se mit à étudier son camion sous tous les angles, attiré par sa couleur rouge et ses lumières clignotantes. Il allait se mettre à faire le tour de la pièce lorsque Hoseok lui rappela qu'il avait d'autres cadeaux. Jungkook plaça alors son camion entre ses petites jambes, comme pour montrer qu'il était bien à lui et pour être sûr qu'il ne disparaîtrait pas lorsqu'il fermerait les yeux, puis posa de nouveau les mains pour dissimuler ses deux pierres précieuses.
« Celui-ci est de Jimin.
— Minie ! s'écria-t-il de nouveau, faisant rire le concerné.
— Je vais le croquer, un jour , lâcha ce dernier, faisant pouffer Hoseok.
— Tu le fais pratiquement tous les jours, répondit le père.
— Pas faux », gloussa-t-il.
L'enfant écarta les mains. C'était une grosse boîte avec un énorme dessin dessus. Un dessin avec des gens qui souriaient et des animaux. Comblé, Jungkook gazouilla en bougeant frénétiquement les jambes devant sa joie, faisant de nouveau rire l'assemblée, en particulier l'auteur de ce présent. L'enfant savait que c'était un jeu de construction parce que son père lui en avait déjà offert un plus petit. Et maintenant qu'il était grand, il avait un grand jeu de construction.
« Cache tes jolis yeux, mon lapin. »
Jungkook lui obéit en gazouillant, sautillant sur place tant il était pressé.
« Et voici le cadeau de Jisoo et Yoongi. »
Alors il découvrit deux livres d'images et il applaudit avec ses petites mains, extatique. Il aimait beaucoup les livres d'images. Il racontait toujours à son père ce qu'il voyait, arrivant désormais à identifier les animaux et les objets.
« Et celui-ci, c'est le mien. »
Jungkook se tourna vivement vers lui, manquant de tomber des jambes de son père. Il tenait au creux de sa paume une grosse balle colorée qui fit s'arrondir sa petite bouche et ses grands yeux. Il s'empressa de la prendre pour la retourner dans tous les sens, fasciné par les couleurs. Maintenant qu'il savait jouer du ballon sans tomber, Jungkook était bien heureux que son père ait pensé à lui en offrir un.
Hoseok s'émerveillait de la joie de son fils qui ne savait déjà plus s'il devait pousser son camion dans toute la maison, faire son jeu de construction, feuilleter ses livres en énonçant tout ce qu'il voyait à qui voudrait l'entendre, ou lancer sa balle et courir après.
Vingt-quatre mois ; et le sourire pétillant de son fils le rapprochait lentement du bonheur.
꧁•⊹•꧂
« Jungkook ? Il faut que tu ailles à la douche.
— Non », lâcha-t-il en descendant de sa chaise avant de trottiner vers le salon.
Immédiatement, Hoseok se stoppa dans son geste pour débarrasser et Jimin se figea, une porte de placard à la main. Ils se regardèrent un long moment, aussi étonnés l'un que l'autre. Ce soir-là, Jungkook avait tenu à ce que Jimin mange avec eux parce que selon lui, il cuisinait toujours, mais il ne mangeait jamais ce qu'il leur faisait et que ce n'était pas bien, faisant rire les jeunes adultes. Jimin avait été ravi de pouvoir rester et avait même proposé de faire la vaisselle pendant que Hoseok donnerait son bain à Jungkook.
« Jungkook ? appela Hoseok en se dirigeant vers le salon.
— Je veux jouer ! Je veux pas le bain !
— Il est presque vingt heures. C'est l'heure du bain, décréta le père d'un ton qui ne souffrait d'aucune opposition.
— Non ! » édicta-t-il, fermement.
Jungkook s'était levé et se tenait bien droit devant son père, sa moue boudeuse déterminée à lui tenir tête.
« Tu es allé jouer à l'extérieur, aujourd'hui. Tu n'es pas fatigué ?
— Non. »
Hoseok se tourna vers Jimin, mais celui-ci leva les mains au ciel. Ce n'était pas de sa faute et il ne l'aiderait pas. D'un soupir las, il se retourna vers son fils qui avait dorénavant les bras croisés.
« C'est un nouveau jeu où il faut dire "non" à chaque question ? demanda Hoseok.
— Non », répondit Jungkook, buté.
Il y eut un moment de flottement puis Jungkook fronça les sourcils, essayant de réfléchir à ce que venait de dire son père. Mais la réflexion qu'impliquait cette question était trop complexe pour son âge et il se retrouva perdu, ne sachant plus quoi dire.
« À la salle de bains, bonhomme. Je te rejoins dans deux minutes », ordonna Hoseok sans ambages.
Penaud et craignant tout de même son père, Jungkook accentua sa moue boudeuse et fit demi-tour avant de se diriger vers le couloir. Lorsque Hoseok retourna dans la cuisine pour finir de débarrasser avant d'aller lui donner son bain, il croisa le regard amusé de Jimin.
« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda le père, curieux.
— Ce doit être l'âge du "non".
— Eh bien, ça va vite lui passer, rétorqua le brun. Et je ne vous remercie pas pour votre aide. »
Le rire franc de Jimin lui tira un sourire alors qu'il mettait dans l'évier les plats à nettoyer.
« Vous vous en êtes bien sorti », lui souffla-t-il, tout sourire.
Vingt-sept mois ; et le monstre lui en faisait toujours voir des couleurs, mais il était soutenu.
꧁•⊹•꧂
En rentrant ce soir-là, Hoseok eut une surprise de taille. Jimin se tenait assis sur le sol du salon, les jambes croisées, encore vêtu de son blouson. Il était penché en avant, parlant tout doucement à l'enfant agenouillé en face. Jungkook avait posé son manteau à côté de lui et tenait un cadre photo, ses petites mains sur les genoux de l'argenté. Hoseok n'eut pas besoin de s'avancer pour savoir qui était sur la photo. Les reniflements, le visage rouge et larmoyant de son fils le lui confirmèrent assez bien.
Il dut faire un quelconque bruit, car soudain, Jimin et Jungkook se tournèrent simultanément vers lui. L'aîné avait l'air si triste, si désolé. Le plus petit rivait sur lui de grands yeux écarquillés.
Et ce fut ces yeux-là qui le firent s'enfuir.
Sans le contrôler, Hoseok se précipita dans sa chambre et s'y barricada, s'écroulant sur son lit comme il avait su si bien le faire les premiers mois suivant la naissance de Jungkook.
Alors le moment était venu. Le moment où il devrait dire à Jungkook pourquoi sa mère n'était plus là et pourquoi il avait eu si peur de lui les premiers mois, pourquoi il l'avait trouvé immonde, lui qui avait volé la vie de sa fiancée... Il écrasa son visage contre le coussin.
Non. Il n'avait pas le droit de dire cela.
Jungkook n'y était pour rien.
Il resta ainsi un long moment. Il ne sut depuis combien de temps il était là, prostré dans le noir, lorsque trois coups se firent entendre contre sa porte. Un rai de lumière lui apprit qu'on avait ouvert et une douce voix de velours perça le silence.
« Je peux entrer ? »
Il ne répondit pas, mais il vit aisément une ombre hésiter avant de pénétrer dans la pièce. Tandis qu'elle s'approchait, il la voyait grandir sur le mur. Elle s'arrêta juste derrière lui et le brun ferma les yeux.
« J'ai parlé à Jungkook, souffla Jimin dans le silence feutré. Dans le parc aujourd'hui, nous avons vu beaucoup de mamans avec leurs enfants, plus que d'habitude. Il m'a demandé pourquoi lui n'avait qu'un papa. Je l'ai ramené à la maison pour lui montrer les photos que vous aviez de votre fiancée et je lui ai expliqué. J'ai amorcé les choses parce que je sais que vous auriez du mal à le faire. Je pense qu'il a compris. Mais désormais, s'il vous parle d'elle, il va falloir lui répondre.
— Je ne peux pas.
— Alors, dites-lui que vous ne pouvez pas. C'est un petit garçon intelligent, je vous assure qu'il comprendra. »
Hoseok ne répondit rien et ouvrit les yeux pour voir plus qu'il sentit Jimin faire demi-tour. Puis une petite forme se découpa dans l'encadrement de la porte. Jungkook s'aventura dans la chambre, ses petits pas résonnant contre la moquette, puis grimpa sur le lit. Il fit le tour à quatre pattes, montant à hauteur des yeux de son père.
Lorsque Hoseok vit ce regard vert plein de larmes éclairé par la lumière du couloir, il se rendit compte qu'il n'était pas le seul à se sentir malheureux. Il tendit une main vers son fils qui l'attrapa de ses deux petites mains et se fit délicatement tirer. Le cœur en vrac, Hoseok le cala contre lui, faisant rempart de son corps. Il embrassa longuement ses cheveux, humant son odeur, caressant doucement sa nuque.
« Tu es triste, papa ?
— Oui. Oui, Papa est triste.
— À cause de moi ?
— Non, mon lapin. C'est juste que... ta maman me manque, souffla-t-il, la voix étranglée, en réfrénant un sanglot.
— Elle était gentille, maman ?
— Beaucoup. Je t'en parlerai un jour, d'accord ? chuchota-t-il, le cœur lacéré.
— D'accord, papa. »
Alors le petit garçon se pelotonna contre le torse de son père. Celui-ci leva les yeux, observant l'ombre qui se dessinait sur le mur. L'ombre resta un moment immobile avant de se retirer et de refermer doucement derrière elle. L'obscurité envahit la chambre, les laissant seuls sans un mot.
L'instant qu'il redoutait le plus était arrivé, mais grâce à la présence rassurante de Jimin, au soutien de son presque frère et à l'amitié de Jisoo et Yoongi, il savait qu'ils pourraient surmonter ce moment.
Il n'était pas encore prêt à parler à Jungkook de sa mère, mais le moment viendra. Et ce jour-là, il devra être prêt à parler à cœur ouvert.
Trente mois ; et le monde tanguait encore malgré les solides liens qui le maintenaient fermement.
꧁•⊹•꧂
Hoseok rentra tard ce soir-là. La nuit de janvier était fraîche et il lui tardait d'être bien au chaud au fond de sa couette pour profiter d'un sommeil réparateur. Heureusement, tout allait bien au bureau, cela faisait déjà un souci de moins dans son esprit. Jungkook grandissait sans cesse, devenant plus indépendant, posant de plus en plus de questions. Hoseok faisait de son mieux pour y répondre, mais il devait avouer qu'il était bien content que Jimin soit là pour l'aider.
Le jeune homme avait proposé que Jungkook voie plus souvent son oncle de cœur, de même que Jisoo et Yoongi. Il pensait que voir davantage de monde en dehors d'eux deux aiderait le petit garçon. Peut-être même trouverait-il en Jisoo une présence féminine rassurante. Jungkook avait vivement approuvé, avide de nouvelles découvertes.
Alors Hoseok avait donné son accord.
Ce jour-là, Jimin et Jungkook étaient allés rendre visite à Jisoo qui avait eu un week-end prolongé. Il ne savait pas comment cela s'était déroulé, mais en pénétrant dans la maison silencieuse, il se dit que ce devait être suffisant pour avoir épuisé l'enfant. Il se déshabilla et se déchaussa rapidement avant de s'engager dans le couloir. Aucune lumière ne filtrait sous les portes, pourtant il avait reconnu la voiture de Jimin dans l'allée.
Il poussa doucement la porte de la chambre de Jungkook. Une petite veilleuse bleue était allumée près du lit. Elle n'était pas suffisante pour éclairer au-delà du lit à barreaux, mais elle apaisait Jungkook qui avait encore peur du noir. Hoseok s'approcha sans bruit et se pencha au-dessus de son fils, le contemplant dans son sommeil un long moment. Il tendit une main et caressa ses cheveux. Ils bouclaient de plus en plus, se rapprochant des ondulations de sa mère. Il faudrait d'ailleurs prévoir un rendez-vous chez le coiffeur, ou un tour par la salle de bains.
Sachant que l'enfant ne se réveillerait pas avant demain matin, Hoseok sortit et referma sans bruit derrière lui. La porte de la chambre d'amis attira son attention. Elle était close, comme toutes les autres, pourtant, c'était comme s'il savait que Jimin était de l'autre côté. Sa voiture était dans l'allée et il n'était ni sur le canapé ni dans la chambre de Jungkook. Il n'y avait pas non plus de lumière dans la salle de bains.
Il était forcément là. Il ouvrit la porte.
La première chose qu'il remarqua fut les volets ouverts et la nuée d'étoiles piquée dans le ciel. Il se souvenait qu'un jour, Jimin lui avait expliqué qu'il n'arrivait à s'endormir que s'il pouvait voir les étoiles, là où il pensait que sa mère avait rejoint, enfant. Cette habitude ne l'avait jamais quitté, devenant pour le jeune homme une routine apaisante.
La deuxième chose qui lui sauta aux yeux fut la peau du jeune homme qui luisait au clair de lune. Le drap remonté jusqu'à la taille, il était torse nu. D'ici, il ne voyait que son dos et sa chevelure qui paraissait plus blanche qu'argentée, enchanteresse.
Comme cette fois où il avait trouvé Jisoo attirante, il n'arrivait pas à détacher son regard de ce dos large et puissant. Il avait toujours vu Jimin comme le baby-sitter qu'il était, un diplômé de l'école de médecine qui passait un peu de bon temps avant de se trouver un travail. Il l'avait considéré comme un adulte, un soutien avec lequel il pouvait parler, mais il ne l'avait jamais vu comme un homme.
Un homme avant tout ce qu'il était pour son fils et lui.
Et voir ce dos large lui fit prendre conscience que Jimin avait passé une année entière avec eux sans jamais rater un seul rendez-vous. Il lui arrivait souvent de dîner avec eux, de l'aider dans la toilette de Jungkook avant de le coucher. Il emmenait toujours l'enfant à l'extérieur, lui faisait découvrir le monde hors de leur petite maison, répondait à toutes ses questions d'enfant. Le petit le demandait même le week-end, râlant parce qu'il ne comprenait pas encore très bien le concept des fins de semaine. Lors des vacances, Jimin était très souvent avec eux, emplissant la maison de son rire clair et apaisant. De son soutien sans faille. De sa présence rassurante.
Pour la première fois, Hoseok se rendit compte qu'il considérait comme étant évident le fait que Jimin soit présent à leurs côtés. Il n'imaginait pas Jungkook livré à lui-même alors qu'il devait travailler ou assigné à une autre baby-sitter comme s'il était un jouet qu'elles devaient se faire passer. Et il n'imaginait personne d'autre que l'argenté pour aller chercher Jungkook à l'école quand il y entrerait.
Un nuage cacha la lune un bref instant et Hoseok sursauta. Payant été perdu dans ses pensées, il n'avait pas perçu le mouvement en face de lui. En effet, Jimin s'était redressé dans le lit et braquait déjà sur lui un regard d'un bleu profond. Après avoir contemplé son dos, Hoseok se surprit à détailler son torse musclé, s'attardant un instant sur la ligne de ses épaules et ses clavicules saillantes, sans vraiment comprendre pourquoi.
« Oh, vous êtes rentré », bâilla Jimin en se déplaçant dans le lit.
Cachées sous les draps, ce dernier sortit une de ses jambes. Soudain, tout en s'y attardant quelques secondes de plus, appréciant leur galbe, secondes qui furent remarquées par Jimin, Hoseok se figea et se demanda s'il dormait nu. Comme il ne voulait absolument pas savoir, il s'empressa de répondre.
« Il est tard, vous pouvez rester dormir ici, si vous voulez. »
Jimin redressa la tête, à moitié sorti du lit, le drap cachant toujours le haut de sa cuisse. Hoseok forçait ses prunelles à rester fixées sur le visage de Jimin, mais il avait un mal fou à se concentrer sur les gemmes lumineuses comme le saphir.
« Quelle heure est-il ?
— Pas loin de vingt-trois heures. Vous n'allez pas prendre la route maintenant, il va geler. Et ce n'est pas comme si ce lit servait beaucoup, vous pouvez dormir ici, il n'y a pas de problème. Ça fera plaisir à Jungkook de vous voir à son réveil. »
Jimin eut un sourire qu'il discerna grâce à la lueur des étoiles.
« C'est la première fois que je vous entends parler autant. C'est une impression étrange », fit-il remarquer d'une voix rauque, légèrement ensommeillée.
Hoseok aurait bien voulu répondre, mais Jimin s'était penché en arrière, appuyé sur les mains contre le matelas. Le geste mettait ses épaules en valeur, faisant scintiller sa peau liliale au clair de lune, semblant faite de velours.
Un séraphin. Voilà ce qui venait à l'esprit de Hoseok en détaillant Jimin.
« On pourrait peut-être se tutoyer maintenant, vous ne croyez pas ? », demanda Hoseok, sans ambages.
Un doux rire lui tira un agréable frisson. En riant, Jimin s'était penché en avant, posant les coudes sur ses genoux. Le mouvement avait fait rouler tous ses muscles. Aux yeux du brun, c'était intrigant et plaisant à regarder.
« C'est vrai que cela va bientôt faire un an.
— Alors tu restes ? chuchota Hoseok, perturbé par l'emploi du tutoiement alors qu'il était celui qui en avait proposé l'usage.
— Je reste. Merci.
— Je t'en prie. Bonne nuit. »
Hoseok se recula dans le couloir, prêt à fermer la porte, quand deux yeux saphir plongèrent dans les siens.
« Bonne nuit, Hoseok. »
Le temps sembla se suspendre. Le cœur du brun rata un battement. Entendre son prénom ainsi prononcé pour la première fois lui fit un drôle d'effet. La voix et la façon de parler de Jimin rendaient l'emploi de son prénom que plus beau encore. Le nuage qui avait obstrué la lune s'effaça, donnant aux yeux bleus du jeune homme une teinte plus claire, aussi pure qu'un diamant. Jimin dardait sur lui un regard éloquent, sérieux. Doux. Alors pour ne pas montrer davantage son profond trouble, Hoseok déglutit, détourna ses yeux vers le sol, referma la porte et partit se coucher.
Jimin sourit, attendri et tout aussi bouleversé.
Trente et un mois ; et Hoseok se sentit aussi avide de curiosité que Jungkook.
꧁•⊹•꧂
Jungkook dormait chez Namjoon. Jimin était rentré une demi-heure plus tôt pour annoncer à Hoseok que son meilleur ami avait kidnappé son neveu de cœur pour la nuit. Le petit en était ravi, il aimait bien son oncle qui lui offrait tout le temps des cadeaux et qui répondait à toutes ses questions sur sa maman. Hoseok ne se sentait pas encore très à l'aise avec ce sujet et il était heureux que Namjoon puisse répondre aux interrogations les plus simples de son fils.
Quoique, actuellement, le problème le plus évident de Hoseok ne fût pas le fait que Jungkook pose de plus en plus de questions sur sa mère, mais plutôt la présence de Jimin aux fourneaux. Ou devant le micro-ondes, en l'occurrence. Pour une raison qu'il ignorait, lorsque Jimin lui avait annoncé que Jungkook était chez son meilleur ami, la bouche de Hoseok l'avait pris en traître.
Sans se contrôler ni réfléchir, il avait demandé à Jimin s'il souhaitait rester manger un bout en sa compagnie. En ayant avisé la mine surprise de Jimin, il avait mordu sa langue, comme pour se punir. Mais lorsque le lumineux sourire dont seul l'argenté en détenait le secret lui avait été adressé, Hoseok s'était senti terriblement rassuré.
Il avait craint d'avoir dépassé une limite, ou d'avoir offensé Jimin.
Désormais, bien qu'il soit profondément heureux de sa présence, Hoseok se retrouvait comme un imbécile debout devant le comptoir, sans Jungkook pour faire rempart entre eux, sans possibilité de rejoindre sa chambre pour se cacher, car Jimin irait le chercher aussitôt pour l'en sortir. Car d'après lui, se réfugier dans sa chambre comme une cachette secrète pour échapper aux tourments du monde n'était pas la solution. Jungkook posait des questions, il fallait lui répondre.
Jimin l'intriguait... Il supposait qu'il devait comprendre pourquoi.
Sans se cacher.
« La dernière fois que l'on a fait du pop-corn, Roseanne a failli faire exploser le micro-ondes. Il y en avait partout », raconta-t-il abruptement, les yeux dans le vague au souvenir.
Jimin se figea, le dos tourné à Hoseok. Celui-ci ne comprit pas tout de suite pourquoi Jimin ne bougeait plus. Soudain, il prit conscience de ses propos.
Et du petit sourire qu'il sentait sur ses propres lèvres.
Réalisant cela, un sentiment de trahison le prit soudainement à la gorge. Pourquoi parler d'elle ne lui faisait-il plus aussi mal ? Quand est-ce que cela avait changé ? Il était sûr de ne même pas avoir prononcé son prénom depuis presque trois ans.
« C'était à quelle occasion ? », demanda doucement Jimin en se remettant en mouvement.
Hoseok le regarda verser le pop-corn dans un saladier, essayant de savoir en même temps s'il pouvait lui répondre sans que sa voix tremble.
« Pour l'anniversaire de notre rencontre. Il y avait son film préféré à la télé, alors on avait décidé de se faire du pop-corn et de se caler dans le canapé.
— Quel était son film préféré ?
— Titanic. Elle n'a jamais pu en voir la fin, rit-il en se passant une main dans les cheveux. Mais elle insistait toujours pour le voir, décrétant que cette fois elle pourrait arriver au bout. Le souci est que même ce soir-là, elle était partie se réfugier dans la chambre avant la fin, rit-il légèrement.
— Elle avait une drôle de conception de son film préféré, sourit Jimin, amusé par cette anecdote.
— Plus c'était étrange et plus ça lui plaisait. Un jour, elle a vu une émission sur les colorations pour cheveux. Le lendemain, elle est revenue avec la tête rose.
— Rose ? s'exclama Jimin en laissant échapper léger un rire.
— Oui, en lien avec son surnom, qu'elle disait. Je l'appelais Rosé. Le pire c'est que la couleur a mis plus de six mois à partir. Elle était même prête à faire un procès à la marque. Mais, un jour, toutes les gamines du quartier se sont mises à se teindre les cheveux en rose ou bleu. Même en violet. Ça l'avait tellement fait rire qu'elle a abandonné son idée. Je dois encore avoir des photos quelque part, je te les monterai.
— C'était un sacré bout de femme ! », murmura l'argenté.
Hoseok posa la tête sur ses bras, sur le comptoir. Il suivait des yeux Jimin qui s'affairait dans la cuisine comme s'il était chez lui. Cette idée ne le perturba guère. Au contraire, elle lui plut.
« La première fois que l'on s'est vu, elle m'a engueulé en me traitant du pire des clients parce que je ne lui avais pas donné de pourboire, pouffa le brun à ce souvenir.
— Vraiment ? pouffa Jimin. Elle était serveuse ?
— Oui, au Green Buttercup* pas très loin de la société. Elle n'a jamais été intéressée par mon argent, elle me trouvait carrément antipathique et n'avait qu'une envie, me renverser mon café sur la tête chaque fois que je venais.
— Comment en êtes-vous venus à vous fréquenter ? », demanda Jimin après avoir lâché un doux rire.
Jimin croisa son regard, cherchant certainement dans ses yeux une approbation pour continuer. Il espérait ne pas être allé trop loin, de ne pas s'être aventuré au-delà de ce qu'il lui était possible de demander. Pourtant, étrangement, cela faisait du bien à Hoseok de parler de sa feue fiancée, alors il poursuivit, rassurant Jimin du regard.
« Elle m'a tellement énervée à me hurler dessus que je lui ai proposé de régler ça en dînant. »
Les yeux dans le vague, les réminiscences défilant devant ses prunelles charbon, Hoseok se mit à rire, ses yeux se plissant tandis que ses traits se détendaient sous la pression de ses lèvres.
« J'avais réservé une table au Sand Pearls, mais elle est arrivée avec une robe d'été tellement indécente et si inappropriée pour le lieu que l'on s'est retrouvé dans un fast-food. Je n'ai appris que plusieurs mois plus tard qu'elle l'avait fait exprès. Elle n'aimait pas manger en faisant des manières et elle n'aurait pas pu hurler tout son soûl dans un tel restaurant sans qu'on la sorte de force. »
Jimin pouffa avant d'éclater d'un rire franc.
« J'aurais aimé la connaître.
— Et je sais qu'elle t'aurait beaucoup aimé », avoua Hoseok, certain de ses propos.
Jimin eut un sourire vérace qui illumina ses yeux bleus de milliers d'étoiles. C'était la première fois que Hoseok lui voyait ce regard si pur, si franc, qu'il resta un moment silencieux, contemplant la splendeur de ses yeux. Ce fut sa voix rauque, mais douce comme le miel qui le tira de ses songes.
« On y va ? »
Ils s'installèrent confortablement dans le canapé, riant encore d'anecdotes saugrenues, cette fois sur la vie de Jimin. Après avoir autant parlé de Roseanne depuis trois ans, Hoseok se sentait encore mal à l'aise de ne pas avoir ressenti le besoin de se cacher dans sa chambre derrière sa collection de chaussures pour expier ses fautes.
Jimin lui fit part de toutes les farces qu'il avait fait au collège et au lycée. Il lui parla de ses amis en Corée, qu'il avait été pressé de revoir, mais qu'il avait retrouvé enchaînés à une vie de famille et un boulot. Shuzo, qui avait encore deux ans à l'école vétérinaire, mais qui était déjà fiancé à une belle jeune femme. Seokjin qui était devenu le patron de son propre restaurant et qui avait deux jolies petites filles. Nattawin, qui passait tellement de temps dans les fouilles archéologiques qu'il n'avait de temps libre pour personne. Lalisa et Bogum qui vivaient une parfaite vie de famille, professeur de chant pour l'une et professeur de sport pour l'autre.
Ils se voyaient encore de temps en temps, se prenant un verre plus que sortant faire la fête. Pour Jimin qui sortait de neuf ans d'études de médecine, il avait un besoin impératif de changer d'air. S'occuper de Jungkook lui plaisait. Il aimait passer du temps avec le petit garçon, l'emmener découvrir la ville et le monde. Et il aimait encore plus passer du temps avec Hoseok.
En entendant sa dernière phrase, Hoseok décrocha totalement du film – qu'ils suivaient déjà à peine – pour se tourner vers lui. Jimin l'observait de ses grands yeux bleus innocents. Il lui fallut un moment pour trouver quoi répondre.
« Vraiment ? » demanda le brun en avisant son visage afin de s'assurer de la véracité de ses propos.
Ce n'était pas exactement ce à quoi il pensait comme réponse.
Jimin haussa les épaules avant de replonger la main dans le saladier de pop-corn. Toutes les lumières étaient éteintes et seule la télé les éclairait. Mais c'était suffisant pour voir qu'il paraissait un peu gêné.
« Je t'aime bien, consentit enfin à répondre Jimin.
— Oh... », souffla Hoseok, intérieurement bouleversé par ces simples mots.
Hoseok prit conscience de leurs cuisses qui se touchaient et de leurs épaules qui s'effleuraient chaque fois qu'ils tendaient la main vers le saladier posé sur leurs genoux. Ce n'était pas dérangeant, plutôt fort agréable.
« Moi aussi », répondit le brun d'une voix timide.
Jimin se tourna vers lui et lui sourit. Ce n'était pas le grand sourire illuminé qu'il avait vu plus tôt, mais il aimait bien celui-ci. Discret. Rassuré.
« Heureux de le savoir », souffla-t-il.
L'argenté se cala confortablement et ce faisant, s'appuya un peu plus contre Hoseok qui n'y voyait aucun inconvénient. Au contraire, il se cala également contre lui. Ainsi rapprochés, ils se reconcentrèrent sur le film dans une ambiance détendue. C'était agréable d'être là, simplement. Après ces trois dernières années difficiles, Hoseok appréciait ce moment plus qu'un autre.
Trente-deux mois ; et le monde se construisait brique par brique.
꧁•⊹•꧂
« Qu'est-ce que c'est que ça ? »
Attablés dans la cuisine en train de dessiner, Jimin et Jungkook se tournèrent vers lui en affichant leur bouille innocente. Effet gâché par l'énorme œil au beurre noir qu'arborait l'aîné. D'abord choqué par cette trace inhabituelle, Hoseok sentit une colère sourde monter en lui. Une colère comme cela faisait longtemps qu'il n'en avait pas ressenti.
Quelqu'un avait osé poser sa marque sur le visage de Jimin et cela était inadmissible.
« Oh, ça. Ce n'est rien », répondit Jimin après avoir remarqué son regard fixé sur son bleu, avant de se replonger dans son dessin.
Lui et Jungkook crayonnaient sur des feuilles blanches, dessinant ce qui ressemblait à un parc et des enfants avec leurs parents. Du moins, c'est ce qu'il pouvait voir sur le dessin du plus grand, car Jungkook en était encore au stade des traits simples et des gribouillis.
« Ce "rien" fait la taille d'une pomme et est visible depuis l'entrée. Qu'est-ce que c'est ?
— Un œil au beurre noir », railla Jimin.
Hoseok n'aima pas du tout son humour.
« Qui te l'a fait ? »
Sa voix était ferme, faisant se crisper les doigts de l'argenté autour de son crayon. La fureur monta en Hoseok, au point d'inquiéter Jungkook qui se ratatina sur sa chaise.
Jimin posa le crayon, jeta un coup d'œil à Jungkook qui affichait une moue terrifiée. Il posa une main douce sur sa joue, souhaitant que l'enfant le regarde. Ce qu'il fit, ses grands yeux le fixant. Lorsque Jimin y lut un tant soit peu de sérénité, son sourire fonctionnant toujours sur le plus petit, il se leva pour faire face à Hoseok.
« De toute façon, il fallait bien que je te le dise.
— Que tu me dises quoi ? Cesse de tourner autour du pot et dis-moi avant que je balance mon poing dans quelque chose ! » grogna-t-il, les dents serrées.
Jimin avisa ledit poing serré et lança un regard torve au brun. Comme il était légèrement plus petit que lui, l'argenté leva le menton pour se faire entendre.
« Est-ce que tu serais en colère parce que mon magnifique faciès a été abîmé ?
— Tu vas parler, oui ? », gronda Hoseok.
Jimin soupira pour bien lui montrer ce que lui inspirait son attitude puis parla.
« On est allés au parc, comme d'habitude. J'étais assis sur un banc tandis que Jungkook jouait avec d'autres enfants dans le bac à sable. Je ne le quittais pas du regard, OK ? se vit-il obligé de préciser. Un homme est arrivé et a commencé à lui parler. Je...
— Quoi ? », fit Hoseok d'une voix tonitruante.
Il était si en colère que ses mains le démangeaient. Il voulait le nom de ce type pour lui écraser la face contre le sol et lui marcher dessus. Lui rendre au centuple ce qu'il avait osé abîmer celui de Jimin. Le broyer et lui faire cracher ses tripes pour avoir osé approcher son fils.
« Je me suis levé et interposé. Il n'a pas franchement été d'accord d'autant plus que ça se voyait que je n'étais pas le père de Jungkook. Il s'est fâché, il m'a balancé son poing dans la figure, je l'ai éjecté du bac à sable pour ne pas blesser les enfants et, au moment où je m'apprêtais à lui envoyer le revers de sa vie, une femme est arrivée en prévenant qu'elle avait appelé la police.
— C'est moi qui l'ai dit à la madame ! s'exclama fièrement Jungkook derrière Jimin, s'étant levé pour les rejoindre, tout de même partiellement caché derrière les jambes de l'argenté.
— C'est vrai, approuva Jimin en posant sa main sur la tête de l'enfant, en lui souriant tendrement. Il a été très brave. Il est allé chercher une maman pour lui montrer ce qui se passait. Par chance, on la croise souvent et elle sait que je m'occupe de Jungkook. En fin de compte, ce n'était pas si grave. »
Bien qu'un tantinet rassuré, ses mains le démangeaient toujours. Il s'imagina un instant ce qui aurait pu se passer si Jimin s'était évanoui ou n'avait pu répliquer au coup de poing. L'homme aurait certainement emmené Jungkook avec lui. Face à ces pensées fort alarmantes, la fureur qui secouait le brun et inquiétait son fils le déserta. Il fit quelques pas, s'accroupit et ouvrit ses bras, invitant son enfant à s'y blottir, ce que ce dernier fit immédiatement, s'y jetant. Le père le serra contre lui le plus fort qu'il pouvait sans l'étouffer.
« Je suis fort, papa !
— C'est bien, mon lapin, c'est bien, souffla-t-il, la voix chargée de trémolos vibrants dus à sa frayeur.
— Il n'a même pas pleuré », dit Jimin d'une voix douce.
Jungkook gazouilla puis se tortilla pour échapper aux bras de son père. Oubliant ce moment inquiétant, il remonta sur sa chaise pour finir son dessin en chantonnant de sa jolie voix fluette. Hoseok se redressa sur ses jambes et se tourna vers Jimin, près de lui. Maintenant que sa colère était redescendue, sa blessure ne lui semblait plus aussi énorme. Il tendit une main et effleura sa pommette bleuie. Jimin laissa échapper un sifflement, mais ne se déroba pas, les yeux rivés dans les siens.
Ce fut Jungkook qui les ramena à la réalité en scandant sa façon de voir le monde, heureux.
« Moi j'ai deux papas ! »
Ils sursautèrent de concert, s'éloignant l'un de l'autre.
« Quoi ? dirent-ils en même temps, en fixant l'enfant, incrédules.
— Ben, j'ai deux papas ! », répéta Jungkook tout fier de lui.
Il fallut un moment à Jimin et Hoseok pour se remettre de leurs émotions puis, aussi gênés l'un que l'autre, ils finirent par se sourire d'un air amusé. Jungkook leur en faisait vraiment voir de toutes les couleurs.
« Tu as soigné ta blessure ? demanda Hoseok.
— Oh. Eh bien non, je n'y pensais plus.
— Viens avec moi. »
Hoseok attrapa Jungkook qui se mit à crier après ses crayons que Jimin prit avec lui, puis ils le déposèrent dans son parc au salon avant de se diriger vers la salle de bains.
Trente mois ; et son enfant les surprenait toujours.
꧁•⊹•꧂
Hoseok esquissa un sourire derrière sa tasse de café. Confortablement installé dans le grand fauteuil en cuir qui sentait encore l'odeur de Roseanne par endroits, il regardait son fils crapahuter dans le jardin. Ils avaient ouvert toutes les fenêtres pour laisser aérer la maison, profitant du beau soleil et de la chaleur. Pour un mois d'avril, ils étaient gâtés.
Jimin se tenait debout au milieu, vêtu d'un jean qu'il avait pu enfiler à la hâte et d'une chemise ouverte. Jungkook l'avait tiré de son lit en hurlant que le lapin de Pâques était passé et qu'il fallait aller chercher les œufs. C'était bien évidemment Hoseok qui les avait cachés avant qu'il se réveille. Il s'était levé plus tôt, sachant qu'une fois la terreur réveillée, il n'aurait pas le temps de s'habiller ni de se laver. La preuve en image avec Jimin qui bâillait à s'en décrocher la mâchoire.
Jungkook était comme un petit fou. Il bondissait d'un côté à l'autre du petit jardin, se trainant à quatre pattes ou même en rampant, grattant la terre pour chercher les œufs. Hoseok avait beau lui avoir dit qu'ils n'étaient pas enterrés, il n'y avait rien à faire. Il assemblait les œufs dans un panier que tenait Jimin qui avait pour ordre de ne pas bouger d'où il était. Le seul qui cherchait les œufs ici, c'était Jungkook et personne d'autre !
Alors que l'enfant passait devant la baie vitrée à toute vitesse, son père l'arrêta.
« Tu as ramassé beaucoup d'œufs, Jungkook ? »
Le petit garçon se tourna vers lui avec un grand sourire, son visage maculé de boue.
« Plein ! Au moins cent ! »
Sachant qu'il n'en avait dissimulé que vingt, c'était hautement improbable. Mais il félicita son fils en riant qui repartit à fond de train. Jimin s'ennuyait ferme au milieu de la pelouse et finit par s'asseoir, bâillant toujours. Sans se départir de son sourire, Hoseok se leva, posant sa tasse sur la table basse avant de le rejoindre. Il se fit arrêter en chemin par Jungkook qui vérifia bien qu'il n'écrasait pas d'œufs sous ses pieds, même si Hoseok était persuadé que rien ne se cachait sous le gazon de trois centimètres de haut.
« Dur réveil ? demanda-t-il en s'asseyant à même le sol, s'appuyant sur ses avant-bras.
— Comment un homme aussi flegme que toi a pu avoir donné naissance à un être aussi énergique ? râla Jimin. Si j'ose appeler ça de l'énergie. À quoi tu l'alimentes, sérieux ?
— Je crois qu'il tient tout de sa mère, concéda Hoseok après avoir lâché un rire franc, fort amusé par un Jimin manquant de sommeil. À peine réveillée et elle était déjà en forme.
— Mais qui se lève un dimanche matin à six heures pour chercher des œufs ? Et depuis quand il fait aussi beau aussi tôt ?
— Ne t'en fais pas, gros bébé, tu pourras faire la sieste avec Jungkook cet après-midi, railla le brun.
— C'est moi que tu viens de qualifier de bébé ? siffla Jimin, les yeux plissés, affichant une moue faussement vexée.
— Tu t'entends râler ? Un enfant. Même Jungkook ne râle pas autant », se gaussa le brun, les yeux pétillant de malice.
Jimin pouffa et se laissa tomber en arrière dans l'herbe, les yeux fermés sous la caresse du doux soleil. Un cri outré le fit sursauter avant même qu'il s'assoupisse et soupire d'aise. Jungkook venait de débarquer, lui hurlant dessus de tenir son panier bien droit, sinon il allait renverser les œufs. Et surtout, qu'il ne les mange pas !
Puis la petite tornade repartit aussi vite qu'elle était venue.
« Je crois que je me suis trompé de voie, marmonna Jimin.
— Ou alors c'est juste Jungkook qui est hyperactif.
— Pauvre de toi, je te plains, vraiment.
— Je le vis plutôt bien, c'est toi que je plains.
— À combien d'œufs est-il ? lui demanda l'argenté, la moue suppliante.
— Dix-huit, je crois. Et ça fait une heure qu'on est là.
— Il en manque deux alors.
— Misère », râla Jimin en refermant les yeux.
Il fallut encore une demi-heure à Jungkook pour trouver les deux derniers œufs et au moins cinq minutes pour réveiller Jimin qui s'était assoupi. Après cela, il fallut aller se laver, surtout pour le petit garçon surexcité qui ressemblait à un gnome plein de terre, puis ils prirent le petit-déjeuner ensemble tandis que l'enfant comptait tous ses œufs sans jamais arriver au bon chiffre.
« Il y en a vingt, mon lapin.
— Non ! Cent !
— Qui est allé à l'école ici ? C'est toi ou moi ?
— C'est papa ! Mais ça fait longtemps que papa il est grand, alors il va plus à l'école ! Il a oublié ! Cent œufs ! »
Jimin éclata de rire, manquant s'étouffer avec ses tartines alors que, tout fier de lui, Jungkook rangeait les œufs dans son panier. Accoudé au comptoir, Hoseok le fixait d'un air mi-las, mi-amusé, se demandant sérieusement s'il les lui cacherait l'année suivante ou non. Jimin avait raison, comment avait-il pu avoir un fils aussi hyperactif ?
Trente-quatre mois ; et la vie dans cette maison n'était plus aussi insipide.
꧁•⊹•꧂
Hoseok referma le dernier tiroir en douceur. Dans son dos, il sentait la chaleur de Jimin. Plus loin, les rires enfantins de Jungkook résonnaient dans la maison.
« Je n'ai pas tout donné, dit enfin Hoseok en s'appuyant contre la commode.
— Je sais, chuchota Jimin.
— Elle me manque », souffla-t-il en regardant le cadre photo devant lui.
Il contenait une photo de lui et Roseanne, enlacés dans leur canapé. C'était Jisoo qui avait pris cette photo, presque deux semaines avant l'accouchement. Roseanne resplendissait de bonheur avec ses joues rondes et son ventre énorme. Dans son dos, Hoseok souriait, portant sur elle un regard tendre. Cette photo avait une place importante dans son cœur ; il l'aimait. C'était la dernière qu'il avait d'elle.
« Je sais », chuchota de nouveau l'argenté.
Une main se posa contre son dos et Hoseok ferma les yeux. Ce jour-là, Jimin et lui avaient sorti les vêtements de Roseanne et les avaient rangés dans des cartons. Étonnamment, la présence du jeune homme ne l'avait pas gêné ni troublé. Au contraire, il lui sut gré qu'il soit là dans ce moment. Seul, il aurait eu peur de renoncer. Alors, l'avoir à ses côtés lui donnait de la force.
Il avait fait deux types de cartons, ceux qu'il voulait envoyer aux parents de Roseanne et ceux qu'il donnerait aux œuvres caritatives. Pour les grands-parents du petit qui ne s'étaient toujours pas décidés à venir voir leur petit-fils, ils avaient emballé quelques vêtements, du nécessaire à maquillage, quelques photos, ses vieux bouquins et des babioles auxquelles elle tenait particulièrement.
Pour le reste, ils avaient emballé tous ses vêtements.
Sa collection de chaussures revenait de droit à Jisoo qui en aurait pleuré si Jungkook ne lui avait pas dit, avec une adorable moue dégoûtée, que c'était un cadeau que lui n'aurait pas aimé avoir. Pour sa part, Hoseok gardait un tiroir dans sa penderie avec son pull préféré, la robe qu'elle portait le jour où il l'avait rencontrée et la robe de chambre qu'elle mettait lorsqu'elle était étreinte par la paresse de s'habiller ou lorsqu'elle était enceinte de Jungkook.
Dans la maison, trainaient encore les objets qu'elle avait ramenés des brocantes et il n'avait pas décroché les cadres du couloir. Roseanne avait fait partie de cette maison et de sa vie. Trois ans après, il pouvait enfin penser à elle sans qu'il ait l'impression qu'on lui implante un tison ardent dans le cœur, mais ce n'était pas une raison pour la faire disparaître. Il l'aimait encore et cela ne changerait jamais.
« On y va ? », demanda l'argenté.
Hoseok hocha la tête et se tourna, prêt à sortir. En se dirigeant vers la porte, il croisa le regard de Jimin et, comme chaque fois qu'il les croisait, il fut fasciné par la couleur des gemmes. Il ne l'avait jamais vu avec ce visage grave et ses yeux aux multiples nuances de cobalt étaient sombres. La main entre ses omoplates n'avait pas bougé. Elle était apaisante, chaude, rassurante. Tout ce qu'il était pour lui et son fils.
C'était grâce à lui que Jungkook était un petit garçon équilibré, grâce à lui que le brun n'avait pas encore sombré et qu'il avait su trouver les mots justes pour parler de Roseanne à son petit garçon sans faillir.
C'était grâce à lui qu'il réussissait dans son rôle de père.
Il attrapa sa main dans la sienne, sourit à ses yeux bleus de Prusse, puis ils s'engagèrent dans le couloir à la rencontre de la petite terreur.
Trente-cinq mois ; et il pensait à elle en souriant.
꧁•⊹•꧂
« Oh mon Dieu ! Je veux le même bébé ! s'exclama Jisoo en faisant tournoyer Jungkook dans les airs.
Yoongi s'étouffa dans son verre sous les rires de l'enfant, celui doux et communicatif de Jimin et celui moqueur de Namjoon. Hoseok lui tapa dans le dos, se rapprochant de l'oreille de son ami pour se faire attendre par-dessus le brouhaha.
« Dis-moi, toi. Ça ne fait pas déjà deux ans et demi que tu es avec Jisoo ?
— Enfoiré, gronda Yoongi en s'affaissant dans le canapé. Ne me le rappelle pas, elle a déjà envahi la penderie de mon appartement et elle ne cesse de parler au pluriel comme si j'étais toujours d'accord avec elle...
— Il est peut-être temps de te passer la corde au cou », glissa Hoseok, amusé.
Yoongi se tourna vers lui pour lui lancer un regard torve, s'attirant un nouvel éclat de rire de la part de Jimin assis non loin. Soudain, une ombre se pencha au-dessus d'eux. Jisoo se tenait debout, Jungkook bien accroché à son cou, resplendissante dans sa robe crème. Elle avait attaché ses cheveux en une queue-de-cheval haute, dévoilant de grandes créoles argentées qui amusaient beaucoup Jungkook qui les faisait doucement tinter. À ses pieds, Hoseok reconnut l'une des paires Moschino de Roseanne et cela le fit sourire.
« Yoongi, s'il te plaît, je veux le même bébé.
— Tu plaisantes ? Va t'en acheter un dans une animalerie, ça fera le même effet, grogna-t-il.
— Hé ! s'offusquèrent Hoseok et Jisoo simultanément, les sourcils froncés tandis que Jimin et Namjoon riaient à gorge déployée.
— Allez, chaton ! Il n'est pas adorable ? Je veux un bébé, chouina-t-elle.
— Oui, eh bien pas moi. Et ne m'appelle pas ainsi devant eux ! » siffla-t-il, quelques rougeurs naissant sur sa peau à la carnation pâle.
Hoseok pouffa, Jimin n'en finissait plus de rire. Jisoo gonfla les joues pour bouder. Jungkook trouva ce geste si drôle qu'il le reproduisit à son tour, rendant la situation comique au possible.
« Très bien, reprit Jisoo, d'une voix hautaine. Dans ce cas, je vais arrêter dès aujourd'hui la pilule et on verra bien combien de temps tu pourras tenir sans sauter sur mon corps sublime.
— Jisoo, pas devant Jungkook ! gronda Hoseok.
— Mais quoi ? Yoongi est vraiment un petit copain horrible, pleurnicha-t-elle, faisant rire l'enfant dans ses bras.
— Il est surtout en train de virer au vert », fit remarquer Namjoon en se retenant d'éclater de rire, installé à côté du jeune homme.
Tout le monde se tourna vers Yoongi qui perdait peu à peu ses couleurs.
« Le pauvre... », gloussa Hoseok, une main devant sa bouche, loin de compatir.
La punition de Jisoo faisait visiblement son effet. La jeune femme releva le menton, fière de son coup, puis partit en direction de la cuisine en roucoulant avec Jungkook qui ne pouvait s'empêcher de gazouiller, adorant la jeune femme.
Hoseok s'installa dans le canapé à côté de Jimin, leurs cuisses collées l'une à l'autre comme ils en avaient l'habitude. Au fur et à mesure des jours, Jimin restait dormir de plus en plus souvent, partageant même leurs week-ends.
Le mois dernier, ils avaient eu une dispute.
Leur première dispute qui avait terrorisé Jungkook au point qu'il se mette à pleurer. Il leur avait fallu des heures pour le calmer et pour lui assurer que Jimin ne s'en irait pas. Le sujet de leur querelle était pourtant l'argent que lui versait Hoseok pour son rôle de baby-sitter. Jimin n'en voulait plus. Ce n'était plus un job qu'il faisait, il était là pour un ami et pour son fils. La question était encore en suspens et ni l'un ni l'autre n'osait aborder le sujet devant Jungkook de peur de l'inquiéter davantage.
« C'est l'heure du gâteau ! », cria Jisoo depuis la cuisine.
La jeune femme ressortit lourdement chargée de l'énorme gâteau qu'elle et Yoongi avaient acheté le matin même pour l'occasion. Jungkook courait sur ses petites jambes, pressé de plonger ses doigts dans cette épaisse chantilly blanche. Lorsqu'il fut à sa hauteur, Hoseok chaparda le petit monstre et l'installa sur ses genoux afin qu'il se tienne tranquille.
Après cet énorme gâteau qui rassasia le petit garçon en quatre bouchées, il fallut ouvrir les cadeaux. Encore une fois, il fut gâté comme un prince. Le jouet qu'il préféra fut le cheval à bascule offert par Namjoon et il passa le reste de l'après-midi à faire du bruit en essayant de le faire avancer dans la maison.
À vingt heures tapantes, tout le monde partit après le repas. Hoseok lava Jungkook qui ne cessait de gigoter, toujours aussi énergique, tandis que Jimin rangeait la cuisine en chantonnant.
« Je suis grand maintenant, papa !
— Oui, mon lapin, sourit-il tendrement en le regardant s'extasier tout seul.
— J'ai trois ans !
— Tu sais ce que ça signifie, mon fils ?
— Non ?
— Eh bien, mon grand garçon rentrera bientôt à l'école. »
Le petit s'assit au fond de la baignoire, regardant son père de ses grands yeux de biche verts qui lui rappelaient tant ceux de sa mère. En avisant son visage, il se demanda vaguement pourquoi son fils était soudainement triste.
« Ça veut dire que Minie, il va partir ? »
Oh.
« Non, mon lapin. Minie reste avec nous.
— Vrai ?
— Vrai de vrai.
— Trop génial ! » lâcha-t-il en faisant pouffer le brun qui secoua la tête, dépité par cette repartie qui ne le quittait plus. Merci, Jimin.
Et il recommença à éclabousser son père jusqu'à mouiller le sol.
« Mais tiens-toi tranquille deux secondes, enfin... », soupira-t-il, malgré lui amusé par l'entrain de Jungkook.
Une fois séché et habillé, le petit monstre hyperactif insista pour faire un bisou à Jimin avant d'aller se coucher. Cela fait, il courut jusqu'à sa chambre, son père sur les talons de peur qu'il trébuche et se cogne. Le border ne fut pas long, Jungkook ayant été suffisamment épuisé pendant la journée. Une fois qu'il eut pris sa peluche dans ses bras, il s'endormit presque aussitôt.
« Nuit 'pa, lâcha l'enfant en regardant son père les yeux brillants de fatigue, mais heureux.
— Bonne nuit, mon lapin », souffla-t-il, le cœur en émoi devant ses prunelles émeraude qui le détaillaient un instant avant de se refermer lentement.
Hoseok le regarda dormir un moment, apaisé par la vision qui s'offrait à lui. En le voyant aujourd'hui, il n'arrivait pas à croire que, lors des quinze premiers mois de la vie de Jungkook, il l'ait considéré comme une chose abjecte. Encore une fois, Roseanne avait eu raison. Il n'avait jamais aimé les enfants, mais il avait appris à aimer celui-ci parce que c'était le sien. Le leur. Il vouerait sa vie à le protéger et à le soutenir.
Il était là pour ça, pour qu'il grandisse et découvre le monde.
Pour qu'il aime et fonde une famille à son tour.
« Il dort ? », chuchota une voix.
Il se tourna vers la porte, croisant le regard de Jimin appuyé contre le chambranle de la porte.
« Tout juste », répondit-il sur le même ton en se redressant doucement du lit, veillant à ne pas le réveiller.
Il le rejoignit pour fermer derrière eux et ils se retrouvèrent dans le couloir, plongés dans une douce obscurité. Jimin avait déjà dû ouvrir les volets de la chambre d'ami, car une douce lueur lunaire venait éclairer son visage. Ses yeux bleu-saphir paraissaient briller de mille feux, tel l'océan se parant des reflets du ciel nocturne.
« Jungkook a peur que tu t'en ailles lorsqu'il ira à l'école », souffla Hoseok sans ambages.
Le sujet déconcerta un moment Jimin, le brun le vit dans ses yeux firmaments. Puis l'argenté se reprit, haussant les épaules avec désinvolture.
« La rentrée n'est pas avant mars prochain, ce n'est pas pressé. Et il sera temps pour moi aussi de me trouver un travail.
— Oh », lâcha le brun d'une petite voix, soudainement anxieux.
Hoseok savait parfaitement pourquoi il était aussi angoissé à l'idée du départ de Jimin. Parce qu'il partirait en Europe, à l'autre bout de la terre ; que Jungkook et lui seraient de nouveau seuls. Même s'ils avaient passé le pire et trouvé leur rythme, la disparition de Jimin après tout ce temps les blesserait autant l'un que l'autre.
« J'ai une proposition d'embauche pour les prochaines vacances. L'hôpital de la ville va me prendre à l'essai pour le mois. Si je suis qualifié, ils me rappelleront à la rentrée prochaine », lui apprit Jimin en lui souriant doucement, heureux de cette nouvelle.
Hoseok ne put retenir le soupir de soulagement qui le traversa, ce qui fit agrandir le sourire de l'argenté.
« Alors, tu ne repars pas en Europe ? demanda le brun en voulant s'en assurer.
— Parce que tu penses sérieusement que j'aurais pu vous laisser ici, toi et Jungkook ? demanda malicieusement Jimin en s'appuyant d'une épaule contre le mur en plongeant ses mains dans les poches de son survêtement.
— Jungkook t'aurait peut-être dégoûté des petits Coréens. »
Jimin pouffa, se mordant la lèvre pour ne pas réveiller l'intéressé. Ses yeux bleus pétillaient d'amusement, exactement comme ceux de Jungkook lorsqu'il faisait une bêtise.
« Je peux t'assurer que ce n'est pas le cas. Et si tous les petits Coréens sont aussi adorables que lui, je crois que je n'oserais même plus quitter mon travail pour rentrer chez moi.
— Tu as un chez-toi ? »
Jimin leva les yeux au ciel, sidéré par l'attitude de Hoseok.
« En un an et demi, tu ne t'es jamais demandé où je dormais ?
— Eh bien, les six derniers mois tu dormais ici, donc, non, gloussa-t-il.
— Je n'ai pas vraiment de chez-moi, concéda Jimin en haussant les épaules. Je squatte la chambre d'ami chez mon meilleur ami. J'espère pouvoir trouver quelque chose avant la rentrée prochaine.
— Viens ici », proposa-t-il d'une voix sûre.
La surprise se peignit sur ses traits et Hoseok ne put détacher ses yeux de son regard bleu-turquoise à la lueur lunaire.
« Vraiment ?
— Puisque je te le propose ! », rit-il.
Jimin se décolla du mur, faisant face à Hoseok. Ils ne se touchaient pas, mais le brun sentait sur son menton le souffle de l'argenté. Encore une fois, les mots étaient sortis trop vite pour qu'il les arrête, mais maintenant qu'il y réfléchissait, cela ne le dérangeait pas plus que cela. Jimin faisait partie de leur vie. Il y était entré tel un tourbillon argenté serti de deux saphirs envoûtants, faisant entrer le rire et la joie dans leur petite maison qui avait jusqu'alors perdu tout son charme. Il avait su trouver les mots justes pour lui comme pour Jungkook. Il méritait de vivre ici, pas simplement comme un baby-sitter.
Et il devait avouer qu'il ne l'était plus depuis longtemps.
On ne laissait pas un baby-sitter utiliser la chambre d'amis pendant presque six mois. On ne lui permettait pas de rester pour la chasse aux œufs le dimanche de Pâques. Il ne restait pas avec vous parce que votre fils était chez votre frère pour la nuit. On ne le laissait pas mélanger vos lessives aux siennes. Ce n'était pas le premier vers lequel se diriger pour raconter combien le fait de vivre après le décès de votre fiancée avait été difficile. Il n'était pas celui qui croyait en vous et qui vous soutenait, sans jamais éprouver une quelconque pitié, mais parce que c'était ainsi.
Parce qu'il y avait quelque chose dans l'air.
Parce que cette tension se sentait.
« OK, je reste, souffla Jimin en affichant un sourire chaleureux, heureux par cette proposition qu'il avait secrètement osé espérer.
— Trop génial », lâcha Hoseok d'une voix aiguë en imitant Jungkook.
Jimin éclata de rire, emplissant toute la maison de sa bonne humeur. Mais Jungkook dormait juste à côté. Admirant le visage gai de l'argenté et sentant son cœur rater un battement, Hoseok, sans rien contrôler, se pencha en avant et cueillit les lèvres charnues et invitantes d'un baiser possessif. Ils restèrent un moment ainsi immobiles, liés uniquement par leurs lèvres. Puis, Jimin soupira contre lui et sortit ses mains de ses poches. Il fit un pas en avant en entamant une lente danse sensuelle, mais chaste, à laquelle le brun répondit par un grognement appréciateur, faisant frissonner l'argenté en réponse.
Ce simple baiser les transcenda. Ils avaient la nette sensation que leurs âmes fusionnaient en même temps que ses lèvres s'épousaient.
Lentement, ils se détachèrent, se regardant dans les yeux alors que seuls leurs bassins et leurs torses qui se soulevaient rapidement se touchaient. Jimin leva la main et, de ses doigts, effleura la pommette de Hoseok. Sous la caresse, celui-ci ferma les yeux. Un frisson chaud descendit le long de sa colonne vertébrale, s'enroulant aux creux de ses reins comme un chat paresseux.
Cela faisait tellement longtemps que personne ne l'avait caressé ainsi avec désir et sensualité.
Les yeux toujours clos, Hoseok sentit les lèvres de Jimin contre les siennes, d'abord timides puis plus franches. Il se laissa guider, appréciant leur douceur et le fait qu'elles soient si pleines, puis crocheta sa taille de ses bras. Aussitôt, Jimin enroula les siens autour de son cou pour se maintenir en équilibre et se tenir contre Hoseok.
Leur baiser les surprit. Il était si agréable, chargé d'une passion surprenante. Leurs lèvres se mouvaient avec une aisance saisissante. Leurs sentiments éclatèrent enfin, ayant longtemps été réfrénés, cachés après avoir été partiellement dévoilés par des regards éloquents chaque jour qui passait.
Pour le brun, sentir le corps chaud et masculin de l'argenté contre le sien le fit hésiter un moment dans son baiser, l'image de sa fiancée s'imprimant dans son esprit. Une hésitation que Jimin ne manqua pas. Il voulut se dégager.
Le sentant se reculer, Hoseok l'en empêcha en faisant un pas en avant, le plaquant contre le mur tout en se collant davantage à lui. Il ne voulait pas le laisser partir. Peu importe que Jimin ne ressemble pas à l'idéal féminin. Après tout, il n'imaginait personne d'autre dans ce rôle que Roseanne. La seule chose qui comptait dans l'instant était sa chaleur.
Le souffle court, leurs lèvres se détachèrent. Enlacés, ils s'admirèrent, leurs prunelles brillant d'une myriade d'émotions. Ils s'observèrent comme s'ils tentaient de graver les traits de l'autre, d'apprendre chaque imperfection, de retenir chaque grain de beauté.
Lentement, à reculons, Jimin conduisit Hoseok jusqu'à la chambre d'ami. Les volets ouverts laissaient voir le ciel nocturne piqué d'étoiles scintillantes. Ils s'écroulèrent plus qu'ils ne se posèrent sur le lit, leur tirant un rire amusé et discret. L'argenté surplomba le brun, le fixant avec admiration. Il se pencha de nouveau et scella leurs lèvres. Passionnément.
Encore. Répétant les doux gestes allégeant leur âme. Encore. Ressentant avec un éveil terrifiant les sentiments qui voyageaient entre eux, manifestés par leur contact. Encore. Comme s'ils étaient faits pour se donner corps et âme. Encore. Prenant conscience qu'ils vivaient là ce qu'ils attendaient secrètement depuis quelques mois, déjà. Encore. Passionnément. Avidement.
Oui. Ils avaient attendu trop longtemps.
Après un énième baiser, quelques rires, quelques mots doux soufflés entre deux fusions parfois tendres, parfois passionnées, Jimin, la respiration chaotique cueillit une dernière fois les lèvres dont il ne pouvait guère se lasser.
Avec un soupir de complaisance à la limite de l'indécence, faisant se mordre la lèvre de l'argenté, Hoseok se laissa avachir sur son lit et Jimin vint immédiatement se glisser contre lui, calant sa tête dans le creux de son épaule pour observer les étoiles.
Une main dans les cheveux argentés, l'autre sur une hanche dénudée, Hoseok clôt les paupières. C'était bon de simplement tenir quelqu'un dans ses bras, d'être conscient de l'être collé à soi. D'apprécier sa chaleur contre la sienne. De sentir sa poitrine se soulever contre soi. De sentir le souffle doux et chaud d'une respiration contre son épiderme. De sentir les battements de cœur là où ce palpitant avouait mille et une choses. D'apprécier des caresses que nous prodiguait l'autre, nous apaisant davantage.
Ce geste lui avait manqué et le fait qu'il s'adonne de nouveau à ce moment intime avec Jimin lui semblait si naturel, si évident.
« Je dors nu, normalement », prononça Jimin d'une voix basse et douce, avec un soupçon de raillerie.
Hoseok ouvrit les yeux pour tomber dans deux lagons saphir. Il resta un moment à le contempler avant de cligner plusieurs fois des yeux. Jimin le regarda en souriant avant de pouffer face à son regard mi-amusé, mi-suspicieux, avec une pointe d'intérêt dansant dans ses orbes abyssaux et envoûtants.
« Mais je vais faire une exception pour cette nuit, n'est-ce pas... rit-il sobrement.
— Il vaut mieux, oui », approuva Hoseok, tout sourire.
Lui, avait l'habitude de dormir avec un bas de pyjama et il savait que Jimin ne portait le sien qu'à l'extérieur de la chambre, afin de ne pas se promener nu dans toute la maison. Néanmoins, ce soir-là, Jimin attrapa la couverture à leurs pieds et les en revêtit. Il se cala paresseusement contre le brun, caressant du bout des doigts la courbe de son épaule sans détacher son regard des étoiles.
« Je suis sûr que ma mère et Roseanne sont ensemble dans les étoiles », chuchota Jimin, rêveur.
Hoseok tourna son regard vers le ciel nocturne sans ôter sa main qui caressait doucement les cheveux argentés de son compagnon, le faisant presque ronronner contre lui. Petit à petit, il sentit sa respiration s'apaiser et bientôt, le plus jeune s'endormant contre lui.
Resté seul face aux étoiles, Hoseok se surprit à sourire.
« Est-ce que tu nous regardes, Rosé ? », murmura-t-il.
Une étoile filante fusa dans le ciel.
Trente-six mois ; et le monde de Hoseok se reconstruisait avec des bases plus solides.
꧁༺ 𝐓𝐇𝐄 𝐄𝐍𝐃 ༻꧂
𝐸𝑚𝑒𝑟𝑎𝑙𝑑 & 𝑆𝑎𝑝𝑝𝘩𝑖𝑟𝑒, 𝟸𝟽 𝑓𝑒́𝑣𝑟𝑖𝑒𝑟 𝟸𝟶𝟸𝟹
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* Buttercup : renoncule, fleur de naissance de Hobi, mois de février (comme mon petit sucre Purple-ILY )
Voilà pour le couple HopeMin !
Comment tu as trouvé cette petite histoire ?
Sans surprise, je me suis éclatée à l'écrire et j'ai très vite été inspirée par ce couple trop cute, à mes yeux. Merci à toi, mon petit sucre, d'être venue me voir pour commander ce cadeau d'anniversaire.
Je suis ravie de pouvoir te l'offrir !
J'espère qu'il t'a plu, et bon anniversaire ! 😘✨
Merci pour ta confiance 🖤
𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤
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