les presque amants
— Tu joues drôlement bien dis donc !
Il haussa les épaules.
Nagi ne s'était jamais considéré comme doué mais il retenait facilement les touches du piano avec sa mémoire photographique.
Mais en ce lundi, il se dit que sa mélodie rendait jolie quand Aeri posait sa voix dessus.
— Pas trop, je suis juste tes notes, déclara-t-elle.
— Je t'ai connu plus pédante. T'as l'âme d'artiste. Tu t'adaptes à la musique, analysa-t-il. Mais t'avais tort, j'aurai dû filmer, t'as pas l'air d'avoir conscience du potentiel en toi.
Et comme chaque nuit à ses côtés, la noiraude se permit de rire comme elle ne le ferait pas le jour.
Nagi c'était un peu un rêve, son échappatoire dans son monde bien trop paumé.
Pour Nagi, elle lui offrait plus la possibilité d'être terre à terre, de lever un peu ses yeux du 2D pour ressentir la vraie réalité.
Mais ça, ils ne se l'étaient jamais dit, mais en avait-il besoin ?
— Tu vas faire quoi après tes études ? S'enquit la chanteuse.
— Rien. Je vais vivre du chômage et des allocations, surement aussi de la paye de Reo.
Il n'avait même pas besoin de préciser qui était Reo car il avait déjà parler de lui, et de tous ses potes d'ailleurs. L'instinct lui disait qu'elle avait retenue tous ses dires, même les plus minimes et inutiles.
— T'as l'air bien sérieux, j'ose même pas te charrier.
— Car je le suis. Travailler, avoir un patron, bosser comme un clébard jusqu'à la soixantaine ? Honnêtement, flemme.
— Tu peux pas taffer dans la photographie ?
— C'est une passion. Je veux pas me l'imposer au risque de perdre mon engouement dessus, que ça devient mécanique, tu vois le truc ?
Bien sûr qu'elle voyait. Elle le vivait.
Le chant, la danse, c'était plus qu'une passion ou qu'un rêve. C'était sa raison de vivre.
Ce qui lui donnait un sens à son existence, qui faisait d'elle un être libre des choix de ses parents qui, au début, rejetait sans vergogne son affection pour le domaine artistique qui était bien loin des attendus politiques qu'ils espéraient d'elle.
En prenant cette vocation elle était certe devenue un cygne noir, mais son plumage importait peu tant qu'elle pouvait enfin gouter à la liberté qu'elle avait tant convoitée.
C'est ce qu'elle s'était dit.
Mais la réalité fut tout autre lorsque sa passion devient sa profession. Entre exploitation et détachement, passion et destruction, elle ne savait plus sur quel pied danser.
Elle continuait d'affectionner l'art qu'elle pratiquait, mais ce métier ne lui correspondait pas.
— C'est bateau et un peu embarrassant mais suit ce que ton cœur te dit. Si pour toi, ça va pas avec tes valeurs, force pas le truc car ils ne changeront pas. C'est toi qu'on changera si tu rentres pas dans le moule.
— T'as l'air de t'y connaître.
— Et pas qu'un peu... Je fais un métier absolument écoeurant avec des valeurs inexistantes et ça me rends pas forcément heureuse. Si je devais être mélodrame, j'aurais dit malheureuse même. J'ai suivi les choses que j'aime, mais je ne suis pas faite pour qu'on me les impose. On est comme ça, toi et moi.
— On pourrait devenir des travailleurs indépendants pour pas finir anhédonique..
— Ouais, qui travaille dans un pays différent tous les mois !
— Je te vois bien danseuse dans les rues de Venise.
— Tu me vois dans pleins de truc toi,
— Normal. T'es ma muse.
Les pommettes rosâtres de Aeri lui rappellent celle d'Isagi après chaque compliment de Bachira.
On disait que le bicolore n'avait pas de tact, mais il possédait juste un esprit trop grand et des sentiments démesurés qu'il devait exprimer pour ne pas finir submerger.
Seishiro comprit son ami quand il se tenait au côté de sa belle à qui il voulait énumérer ses innombrables atouts, qui l'attiraient plus que tout.
— Ça fait longtemps que t'as pas fumé en ma présence. Trois nuits d'affilée ?
Une semaine qu'ils s'étaient rencontrés et ils ne s'étaient pas quittés depuis.
— Mon esprit est serein, mon cœur nirvana. La nicotine c'est cool que pour oublier ses soucis. Mais j'y songe plus tellement ces derniers jours.
" Et c'est par ta présence ". Mais ça, elle ne lui avouera pas.
— Je sais pas si dire merci c'est un peu présomptueux, avoue-t-il en se grattant la nuque. Mais si toi t'as lâché ta clope, j'ai ressenti la même chose quand j'ai su que je pouvais me souvenir de nos moments sans les graver dans des appareils.
Leurs sorties vespéral, c'était un nouveau pilier qui s'était installé à une vitesse fulgurante dans le coeur des deux jeunes.
C'était comme pouvoir enfin sortir la tête de l'eau après que quelqu'un nous en ai empêché.
— Et tu ressens quoi, là, tout de suite, questionna-t-elle, la tête légèrement penchée en attente d'une réponse.
— Mon esprit est serein, mon cœur nirvana. Répéta-t-il.
La noiraude rayonna de la phrase du blanc et Nagi se dit qu'elle venait de volée les étoiles du ciel pour les mettres dans ses perles foncées, illuminant son visage de félicité.
— J'ai le droit de te toucher ? J'ai envie de t'enlacer. Demanda-t-elle devant la surprise peu visible de l'étudiant.
— Pourquoi tu demandes ? Esquissa-t-il devant le peu de timidité qu'elle affichait.
— Le consentement, c'est le béaba de toute relation.
Nagi opina, car rien n'était plus vrai selon lui. C'était ce que sa mère lui avait inculqué depuis petit après tout.
Le photographe ne répondit pas par des mots immédiatement, il préféra saisir l'avant bras de sa muse pour la ramener dans une étreinte majestueuse, contre son torse.
Aeri ferma automatiquement les yeux, profitant de ce qu'elle n'avait que très rarement vécu dans les bras tendres et affectueux de ce presque inconnu qu'elle semblait connaître depuis des années maintenant.
Cette nuit, ses yeux contenaient des gouttes d'eau qui ne tombèrent jamais mais dont le chagrin se noya dans l'étreinte protectrice de son presque amant.
Pourtant ce n'était pas de la tristesse, mais du soulagement de savoir qu'elle aussi, pouvait être un être aimé.
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