Chapitre 7
❝Love is death.❞
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Le regard de Yerin s'était rapidement perdu par delà la fenêtre du couloir, une fois qu'elle était sortie du bureau de Jimin. Elle y avait passé un nombre d'heures qu'elle ne pourrait pas définir, tellement tout tournait dans sa tête pour la tourmenter encore et encore. Tout un tas de questions s'évanouissaient pour laisser place à d'autres, des visions chimériques de destins hypothétiques se bousculaient pour affoler son coeur. Ce que lui avait appris le Juge, sur leur condition à toutes, ici, l'avait chamboulé. Et seule la vision du grand jardin extérieur était en mesure de la calmer, à cet instant précis. La jeune femme prit une grande inspiration en serrant ses mains autour du livre rigide que lui avait donné son professeur. Elle refusait de trembler autant, elle voulait être forte, ne pas se plier à ce destin qu'on voulait lui donner. Mais elle n'était pas exceptionnelle, elle n'avait pas un avenir qui l'était et finalement, Yerin se dit que c'était peut-être bien là le seul et unique chemin qui se présentera à elle.
— Votre leçon est-elle terminée pour que vous flâniez là ?
Yerin sursauta et tourna un regard effrayé vers Cassandre qui haussa un sourcil à la vue de tant de panique. La brune déglutit et hocha doucement la tête, sa voix coincée dans sa gorge. La rousse était tellement impressionnante. Elle, elle avait la carrure de quelqu'un d'important. De quelqu'un qui pourrait s'en sortir entre ces murs. Ça devait d'ailleurs être pour ça que les Juges lui faisaient autant confiance. Plongée dans ses pensées tumultueuses, Yerin baissa un peu les yeux jusqu'à ce que Cassandre se mette à passer deux doigts le long de sa mâchoire jusqu'à son menton, l'obligeant à relever la tête.
— Suis-moi.
Sans un mot de plus, la rousse fit volt-face, n'attendant même pas de réponse ou de protestation. Mais ce qui surprit surtout Yerin, c'était le fait que la jeune femme venait pour la première fois de la tutoyer. Et étrangement, cette simple familiarité lui réchauffa légèrement le coeur. Dans le silence, elle se mit à suivre son aînée qui passait parmi les autres jeunes femmes qui peuplaient le couloir. Toutes semblaient avoir un profond respect pour Cassandre qui répondait à leurs salutations par un bref signe de tête. Finalement, les deux descendirent de grands escaliers avant de se diriger vers la terrasse extérieure menant au jardin. Quand la rousse ouvrit grand les portes vitrées et que l'air chaud de l'après-midi caressa le visage de Yerin, une odeur fleurie ravivant son âme, la brune ne put s'empêcher d'esquisser un sourire tout en avançant en direction de l'herbe fraîche. Sous les yeux attentifs de Cassandre, elle prit une grande inspiration et ferma les yeux, se laissant bercer par les rayons du soleil. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas mis un pied dehors. La dernière fois, c'était à la sortie de ce camion, quand ce cauchemar avait commencé.
— Viens te balader avec moi, nous allons discuter.
Pourquoi sa voix était-elle plus douce qu'à l'accoutumée ? Cassandre avait toujours eu cet air froid et distant, comme un professeur qui s'attendait à ce que ses élèves soient sages. Mais là, c'était différent. Quand Yerin la voyait dans la lumière du jour, à marcher parmi les plantes et le vent faisant balancer sa chevelure de flamme, Cassandre redevenait une jeune femme de son âge. Sur leur chemin, elles croisèrent d'autres étudiantes, réunies dans les jardins en petit groupe tout en rigolant de tout et de rien. Si l'on ne connaissait pas la dure vérité derrière cette immonde bâtisse, l'on pourrait presque croire qu'il s'agissait d'une simple académie où les jeunes femmes s'épanouissaient au fil de leur vie académique. Et pourtant... Pourtant tout ça n'était qu'une façade.
Après quelques instants, Cassandre et Yerin arrivèrent au pied d'un cerisier. Du moins, c'était ce que sembla reconnaître Yerin, puisque l'arbre n'était pas encore en fleur et attendait patiemment son heure. La rousse posa doucement sa main contre le tronc et eut un bref sourire qui n'échappa pas à Yerin. C'était la première fois qu'elle voyait un rictus sur ses lèvres.
— Yerin.
— O-oui ?
— Je suppose que Maître Jimin t'a fait part de la raison pour laquelle nous sommes toutes ici.
— E-en effet...
Sa conversation avec le blond revint prendre toute la place dans son esprit, comme si elle ne l'avait jamais quitté. Comme si elle venait de les entendre, les paroles de Jimin fouettèrent une nouvelle fois son âme submergée par la peur. Par réflexe, sa main s'apposa tout contre son coeur, comme si ce geste allait réussi à le calmer. En vain. Cassandre se tourna vers elle, la jaugeant un moment avant de reprendre d'un ton calme.
— T'a-t-on déjà parlé de ce que représentent ces roses que nous portons à la poitrine ?
— Non, pas vraiment... Tu m'avais dit qu'il s'agissait d'un cadeau du Maître, seulement.
— En effet. Un cadeau du Maître Taehyung, plus exactement.
A l'évocation de ce prénom, Yerin se rappela du blond, comment sa décision à elle seule avait permis de la sauver des griffes des autres Juges qui réclamaient son élimination. Bien que d'autres étaient pour la garder, il était indéniable que c'était les paroles de Taehyung qui avaient fini par faire pencher la balance en sa faveur. Puis, elle se rappela ensuite de ses mots.
"Je vais prendre grand plaisir à voler cette innocence que tu t'obstines tant à garder."
Il était comme les autres et en même temps différent. A y réfléchir, il ressemblait à Jungkook. Joueur.
— Maître Taehyung n'est pas le plus âgé des sept frères mais il est celui que l'on écoute et que l'on respecte dans la fratrie. Tu apprendras plus tard pourquoi mais en attendant...
La rousse pointa du doigt la fleur arc-en-ciel accrochée à la poitrine de Yerin, un air sérieux sur le visage.
— Tu dois apprendre ce que signifie ceci.
— Cela est si important ?
— Tu n'as pas idée.
A ces mots, Cassandre posa son regard sur sa propre rose, de couleur blanche. Elle caressa les pétales du bout du doigt.
— Chaque couleur de rose possède une signification particulière et indique à chaque jeune femme sa position aux yeux du Maître.
— Quelle est la signification de la rose blanche pour le Maître ? demanda Yerin qui commençait à être intriguée par ce système de roses.
— Aux yeux du Maître, la rose blanche est le symbole de fidélité. Tu as bien remarqué qu'ils me font confiance, quand de nouvelles étudiantes arrivent ici. Quant à la rose arc-en-ciel, c'est une récompense.
Yerin fronça les sourcils. Une récompense ? Mais de quoi avait-elle était récompensée ? La jeune femme se creusa un peu la tête avant d'en arriver à une étrange conclusion. Peut-être que Taehyung la félicitait tout simplement d'avoir échappé à la mort, par son audace. Elle ne voyait que ça.
— Il y a d'autres roses, pas vrai ?
— Oui, six autres. La rose jaune est symbole d'amitié et d'une réussite acquise par des méthodes douteuses. Ce n'est pas une très bonne rose à avoir à sa poitrine. Tu dois bien le savoir, pour survivre ici, nous avons besoin d'amie, sinon la folie nous guette. Cette rose est un avertissement pour les autres femmes ici. Une rose qui informe que sa propriétaire est prête à faire n'importe quoi pour réussir.
— Quoi d'autre ? demanda Yerin, subjuguée et curieuse.
— La rose orange. L'amour charnel.
— ... Oh.
Cassandre eut un petit rire puis haussa un sourcil en direction de Yerin qui, sans même le vouloir, rougissait légèrement à l'idée.
— Les... les Maîtres ont... ?
— Oui, ils ont quelques relations. Pas tous, mais certains, oui. La rose orange est symbole d'une faveur physique donnée à certaines d'entre nous. Puis vient la rose lilas. Une rose symbole d'admiration secrète et de douceur. Elle est donnée lorsqu'une jeune femme intrigue et suscite une affection encore non dévoilée.
— Les Maîtres peuvent développer une affection pour nous ? Je veux dire... J'ai toujours cru comprendre que nous étions comme... comme des animaux à leurs yeux...
— C'est vrai. Mais dans leur tour d'ivoire, il y a des jours où les Maîtres ont besoin d'une épaule sur qui se reposer et il arrive que parfois, une jeune femme fasse l'affaire. Mais ça ne dure jamais bien longtemps. Mais si cela perdure, alors la rose rose prend la place de celle couleur lilas. Elle est symbole romantisme et de sensualité.
— Je vois...
— Puis tu as la rose rouge.
Cassandre se tourna vers les étudiantes qui riaient un peu plus loin, allongées ou assises dans l'herbe. Yerin suivit son regard et vit de nombreuses roses, mais aucune ne portait la fameuse rose rouge qui venait d'être évoquée.
— Une rose très importante. Celle de la passion mais aussi un hommage à une grande beauté. Celles qui ont déjà eu cette rose à leur poitrine sont très rares ici et ce n'est pas plus mal. C'est une rose qui symbolise de grandes attentes de la part du Maître.
Yerin hocha doucement la tête puis se mit à compter sur ses doigts avant de comprendre qu'il en manquait une. Mais Cassandre, l'air pensif, semblait avoir du mal à en venir à cette dernière rose, alors la brune se décida à l'y pousser un peu, trop curieuse.
— Tu as dit qu'il y avait six autres roses. Quelle est la dernière ?
— ... La rose noire. La rose de l'amour à son état le plus pur mais aussi la rose de la mort.
La jeune femme écarquilla les yeux. C'était une symbolique extrêmement forte. Cassandre plissa les yeux et se tourna vers Yerin, reprenant son air sévère.
— Tu comprends ce que cela veut dire ? Si un Maître tombe un jour amoureux de toi, tout ce qui t'attendra, ce sera la mort.
— Cassandre... souffla Yerin, sentant ses mains trembler de nouveau. Pourquoi tu me dis tout ça ?
— J'ai vu de nombreuses filles arriver ici et je vous traite toutes comme si vous étiez de ma famille. Je suis sévère car les Maîtres ne le seront pas moins. La seule façon de perdurer ici sans finir par être vendue, c'est leur être utile. Que ce soit de façon charnelle ou psychologique, avoir leurs faveurs est toujours une sortie de secours au terrible destin qui nous attend. Mais comme je te l'ai dit, prend garde à ne pas emprisonner le coeur de l'un d'entre eux entre tes mains. Car ici, l'amour d'un Maître est une peine capitale et rien ne pourra te sauver de cela.
Yerin hocha doucement la tête, bouche bée. Cassandre plongea ses yeux dans les siens pendant plusieurs secondes, et ainsi, elle pouvait voir à quel point la rousse était soucieuse du destin de chacune d'entre elles. Quand elle fut assurée de que la brune avait compris ses propos, elle soupira.
— Pense à te changer avant le dîner de ce soir. Ce sera tout.
La rousse retourna en direction de la bâtisse, munie de son éternelle élégance alors que Yerin la regardait s'en aller, le coeur battant. Il y avait une issue ici, mais elle était dangereuse et semée d'embûches.
— Jamais je n'aurais pensé que Cassandre serait aussi bavarde.
Yerin sursauta et regarda autour d'elle sans comprendre d'où venait cette voix qui lui était familière. Finalement, elle leva le nez avant d'écarquiller les yeux, croisant le regard perçant de Jungkook qui était perché sur une branche du grand cerisier. Le vent flattait sa chevelure alors qu'un t-shirt blanc très simple moulait son torse.
— Elle a raison, mon chat. Une seule fille ici a déjà reçu la rose fatale. Le lendemain, la pauvre était morte dans son lit, son sang maculant l'entièreté de ses draps.
— Quoi... ? Mais... Qu'est-ce qui l'a tué... ?
— Taehyung, bien sûr ! s'amusa le Juge en riant aux éclats.
La jeune femme blêmit. Si l'on suivait les explications de Cassandre, c'était lui qui donnait les roses, donc c'était lui qui avait fait don de la rose noire... pour ensuite la tuer ?
— Je ne comprends pas... S'il l'aimait, pourquoi la tuer ?
— Oh mon chat... tu comprendras bien assez tôt qu'ici, la moindre faiblesse doit être éliminée. C'est dans notre nature.
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