Chapitre 4


❝Purity.❞


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Quand elle avait entendu Cassandre prononcer son nom d'une voix claire et forte, Yerin n'avait pas voulu y croire dans un premier temps. La peur revenait au galop dans son esprit, avant même qu'elle n'en voit l'objet. Tout devint subitement flou et seul le son des battements de son coeur lui parvenait aux oreilles. Mille et une questions se bousculèrent sous sa boîte crânienne : qu'est-ce qu'il se trouvait derrière cette porte ? Allait-elle s'évanouir ou bien ressortir indemne comme Daeun ? Pourquoi était-elle aussi impassible d'ailleurs ? Comment faisait-elle pour être si tranquille ? C'était à n'y rien comprendre et malheureusement, elle n'avait décidément pas le temps de réfléchir plus longtemps à tout ça.

— Yerin, ne le faites pas attendre. 

"Le" ? La brune redressa vivement la tête face à ce nouvel élément qui venait de faire tiquer son attention. Son regard se planta dans celui de Cassandre, inébranlable alors qu'elle tenait entre ses mains un cahier où se trouvaient tous leurs noms. Lentement, Yerin se leva et porta son attention sur la porte qui l'attendait. Quelque chose se dégageait de cette pièce mystérieuse, une aura prédatrice. Elle inspira profondément, se mordant la lèvre inférieure. Elle n'avait pas le choix, elle devait y entrer comme toutes l'avaient déjà fait. Elle ne pouvait pas essayer d'y échapper, par respect pour celles qui étaient maintenant tétanisées et qui avaient enduré elle ne savait quoi à l'intérieur. 

— Yerin, vous-

— Je vais entrer, fit-elle. J'y vais.

La brune inspira profondément, les poings serrés, et se dirigea vers la porte d'un pas qu'elle voulait assuré. Cependant, ce n'était que du bluff, un masque pour essayer de se convaincre elle-même qu'elle était courageuse. Pourtant, alors qu'elle posait sa main sur la poignée d'or, elle ne se sentait pas l'âme d'une battante. En vérité, elle était bel et bien prête à s'enfuir à tout moment ou bien même hurler à la moindre frayeur. Souris face au lion, elle n'avait pourtant pas le choix. 

La souris allait devoir se tenir droite et ne pas prendre ses jambes à son cou. 

Sans un regard en arrière, la jeune femme entra dans la pièce sombre. Aucune lumière n'éclairait l'endroit alors que cette odeur sucrée qu'elle avait déjà senti en arrivant dans la pièce précédente s'était maintenant accentuée. En vérité, Yerin était maintenant convaincue que cet endroit était la source de cette odeur entêtante. Posant une main contre son nez pour ne pas se laisser enivrer, elle regarda autour d'elle en essayant de capter une forme ou bien quelque chose. Mais tout était si sombre qu'il était impossible de percevoir quoique ce soit. 

C'est alors que délicatement, des lumières pourpres tamisées donnèrent un peu de clarté à la pièce qui se révéla être assez petite. Elle était également assez vide. Une bibliothèque prenait tout un pan de mur alors que sur la droite se tenait une cheminée où un feu brûlait. Un feu dont les flammes tiraient sur le violet. Soudain, Yerin fronça les sourcils : quand elle était entrée, il n'y avait pourtant aucun feu, comment avait-il été allumé ? 

— Je vois que nous avons affaire à une curieuse. 

La brune sursauta violemment en lâchant un couinement de stupeur, reculant rapidement jusqu'au mur qui allait être son seul allié dans cette confrontation. Au centre de la pièce se tenait assis un jeune homme dans un fauteuil de soie rouge, les jambes croisées et vêtu d'un élégant costume marron foncé, presque noir. Il portait sous sa veste de tailleur une chemise rouge sang déboutonnée jusqu'à la naissance de son torse albâtre. 

Maintenant Yerin se souvenait. C'était donc lui, la personne qu'avait mentionné Cassandre ? Elle n'avait pas besoin d'avoir peur pas vrai ? Que pourrait-il arriver ? Doucement, la jeune femme se redressa en tentant de reprendre le contrôle de sa respiration déjà rapide, la main sur son coeur affolé. De là où elle était et à cause de l'éclairage très faible de la pièce, elle ne pouvait pas du tout déterminer les traits de son interlocuteur qui se leva de son fauteuil avec une élégance féline. 

— Tu es bien silencieuse. Es-tu muette ? demanda la voix moqueuse de l'homme.

— ... Non. 

— Tu es ? 

Yerin fronça les sourcils, se demandant comment elle devait se présenter. Devait-elle décliner toute son identité ? Cassandre ne l'avait pourtant appelé que par son prénom. Quelque chose lui disait qu'ici, l'identité en question était un concept bien versatile. Alors, la brune décida d'aller au plus simple. 

— Yerin. 

Elle n'eut aucune réponse. Cependant, l'homme décida de s'approcher d'elle, ses mains dans les poches de son pantalon de feutre. Il ne faisait aucun bruit en marchant, comme s'il marchait sur coton qui absorbait chaque son. Pourtant, ils étaient sur du marbre, Yerin aurait dû au moins entendre ses chaussures claquer contre la pierre... 

— Je suis l'un des sept Juges, Jungkook. 

— C'est donc vous dont Cassandre parlait tout à l'heure... 

— Oh, Cass' a parlé de moi ? 

Avant même qu'elle ne le réalise, le noiraud était juste face à elle et cette fois-ci elle put parfaitement voir à quoi il ressemblait. Un air joueur sur un visage juvénile, quelques mèches légèrement ondulées retombaient sur son front lisse. Il était beau, tout comme Seokjin. De toute façon, ici, tout était une ode à la beauté d'après Daeun. 

— Elle a dit que vous aviez hâte de nous rencontrer. 

— Oh, elle a raison. J'adore recevoir de nouvelles arrivantes, vous êtes toutes si innocentes les premiers jours que ça en est grisant. 

— ... Pardon ? 

— Tu comprendras mon chat, tu comprendras. 

Yerin n'aimait pas du tout le tournant que prenait cette discussion. Ce Jungkook avait une attitude plus qu'audacieuse et des propos... choquants. C'était le mot. Doucement, elle baissa le regard, tombant sur la chemise de son interlocuteur sans vraiment faire attention. Il en profita alors pour sentir ses cheveux : en une inspiration, il sentait déjà la douce odeur de rose et de vanille du savon disposé dans le bain du dortoir. Un petit rire le secoua, sortant Yerin de sa torpeur qui réalisa qu'il était presque collé à elle, le nez dans sa chevelure. Comme électrocutée, la jeune femme se défit de cet étau, passant sur un côté avant de le contourner, reculant du corps du Juge. 

— Qu'est-ce que vous faites ?! 

— Tu es très résistante, dis moi. 

— Quoi... ? 

— Ne sens-tu pas ton corps faiblir ? 

Yerin papillonna des paupières, reculant de plus en plus jusqu'à ce que le fauteuil sur lequel était assis Jungkook quelques instants plus tôt ne la fauche, l'obligeant à s'assoir dessus. Elle n'avait même pas pu essayer de se rattraper et maintenant qu'il le disait, il était vrai que son corps semblait étrangement faible, petit à petit, comme un poison infiltrant son corps au fil du temps. Alors que Jungkook s'avançait vers elle en souriant simplement, la brune écarquilla les yeux. 

— Vous nous avez drogué ! 

— Oh ? 

— Cette odeur que l'on sent en arrivant ici... Voir même dans l'autre pièce... C'est une drogue pas vrai ? 

Jungkook eut un petit rire avant de s'appuyer sur les deux accoudoirs du fauteuil, penché au-dessus de Yerin qui était enfoncée contre le dossier. Son visage face au sien, il lui fit un clin d'oeil. 

— En effet. C'est une de mes petites concoctions que j'affectionne particulièrement. Tout ceci n'est qu'un test ma belle et si tu penses que je suis horrible, alors c'est que tu n'as encore rien vu du véritable Enfer. 

— Qu'est-ce que vous allez me faire ? 

— Rien de plus que du sevrage. 

Encore ce mot. N'était-ce pas un terme que l'on utilisait pour les animaux ? Un terme par ailleurs immonde quand on y pensait ? Le rythme cardiaque de la jeune femme s'accéléra pendant que ses poings se serraient sur ses cuisses à demi-découvertes par la robe qu'elle portait. Jungkook, lui, ne bougeait pas, préférant lire un instant la détresse dans les yeux de sa proie. 

— Est-ce que par hasard... Vous nous prenez pour du bétail ? 

Jungkook écarquilla les yeux avant d'éclater de rire. Surprise, Yerin ne bougeait pas d'un pouce, le regardant se fendre la poire comme jamais il ne l'avait fait avant. Finalement, il replanta son regard dans le sien, l'air extrêmement amusé. 

— Je n'ai jamais vu quelqu'un comprendre aussi vite ! Tu es très amusante Yerin ! 

— Je ne vois pas en quoi. Ca ne m'amuse pas, répondit-elle avec le peu d'assurance qu'elle avait en cet instant. 

— Oh mon chat... Tu n'as pas idée d'à quel point tes questions sont intéressantes... La plupart des filles qui entrent ici paniquent ou alors tombent en pâmoison devant moi. N'y voit pas ici un manque d'humilité, ce ne sont que les faits. 

— Quel est ce sevrage ? 

Le sourire de Jungkook changea imperceptiblement : il était plus carnassier, plus impatient et joueur. Avant qu'elle ne le réalise, il avait attrapé dans sa main son visage. Elle réalisa à quel point sa paume était grande mais elle ne le quitta pas des yeux, le souffle court. 

— Tu as mis les pieds dans un Enfer dont tu ne ressortiras jamais. Tu vas devoir t'y habituer Yerin, cependant dans ton état, tu ne tiendras pas. Tu es trop pure et si l'on te jetait dans les ténèbres qui vivent ici, tu te briserais. Tu ne nous servirais plus à rien. 

— Alors quoi ? Vous allez me salir ? 

— Tu comprends si vite... 

Jungkook approcha son visage du sien, les pupilles dilatées et une aura de prédateur émanant de lui. Il avait totalement l'ascendant sur elle et il le savait, tout comme Yerin qui tremblait de peur. Elle ferma alors les yeux et réunit tout son courage pour attraper brutalement le poignet de la main qui tenait son visage. 

— C'est hors de question ! 

Jungkook baissa les yeux vers la main qui le tenait : les ongles de la brune s'enfonçait dans le tissu de sa manche, dans une tentative désespérée. Curieux, il pencha la tête de côté puis attrapa son cou, la plaquant contre le fauteuil avec force. Yerin s'étouffa à moitié mais elle pouvait encore respirer, le but du Juge ne semblait pas être le meurtre. Par ailleurs, il n'y avait aucune animosité dans son regard, juste un profond intérêt. 

— Tu ne survivras pas dans ce monde sans être sevrée de cette innocence. 

— J'y arriverai ! Lâchez-moi ! 

— Tu y arriveras ? 

— Oui ! 

Yerin planta son regard dans le sien, déterminée. Elle allait y arriver. Si lui n'y croyait pas, elle, elle y croyait. S'il fallait qu'elle souffre plus que les autres pour garder ce qui lui appartenait, cette part d'humanité, alors elle irait au devant de cette douleur qui l'attendait le long de ce chemin inconnu qu'elle commençait à emprunter. Jungkook fronça les sourcils, pour la première fois un signe de contrariété froissa son visage lisse. Jamais on ne lui avait dit ça et à vrai dire, il ne savait pas comment réagir face à ces mots qui sonnaient délicieux à ses oreilles. Ne pas sevrer une apprentie et la lâcher là, dans ce monde violent et dangereux... Quel résultat cela allait-il donner ? 

— Tu penses pouvoir rester pure jusqu'à la fin ? demanda-t-il alors. 

— Oui. Si c'est ce qu'il faut faire pour rester vraie à moi-même, alors je le ferai. 

— Intéressant... 

Doucement, il la relâcha et Yerin put de nouveau respirer. Jungkook se redressa et recula de quelques pas, la couvant d'un regard étrange. Pour la première fois, il n'allait pas sevrer une nouvelle arrivante et c'était étrangement grisant : qu'allait-il advenir de cette jeune femme ? Allait-elle se briser ou bien au contraire, laisser cette innocence briller encore plus fort ? Ses six acolytes allaient sûrement le réprimander pour avoir pris un tel risque mais il s'en fichait. Il était le plus jeune mais un des plus forts ici. Une fois que Yerin sera sortie d'ici, ils ne pourront plus rien y faire. 

 — J'ai hâte de voir ce que tu nous réserves mon chat. Au plaisir de te revoir. 

Subitement, toutes les lumières s'éteignirent, le feu se volatilisa. Et à peine quelques secondes plus tard, un lustre au-dessus de la tête de la brune illumina la pièce, aveuglant Yerin qui par réflexe ferma les yeux. Doucement, elle s'habitua à ce nouvel éclairage sans trop comprendre ce qu'il venait de se passer et rouvrit les paupières. 

Jungkook n'était plus là. 


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