Chapitre 3


❝Time to change.❞


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Cela faisait maintenant quarante-huit heures que Yerin était arrivée au château en compagnie de ses camarades. Quarante-huit heures qu'elles avaient été lâchées ici, dans ce dortoir immense aux allures de palace, un morceau de paradis nacré sur la terre ferme. 

Plus le temps passait plus Yerin se rendait compte que les jeunes femmes qui l'accompagnaient semblaient peu à peu oublier ce qu'elles avaient dû endurer pour arriver jusqu'ici. Comme si ce parcours du combattant était une épreuve à passer avant d'atteindre le Graal, cette demeure de rêve où on les nourrissait et logeait sans aucune demande en retour. 

Pour l'instant. 

Alors que la brune se baignait dans le grand bassin à l'eau fumante, ses longs cheveux sombres flottant légèrement à la surface et son coude appuyé sur le rebord, elle observait les plus jeunes de leur groupe courir en tous sens dans le dortoir en riant, lançant parfois des oreillers alors que leurs robes couleur pêche voletaient. 

Yerin n'aimait pas ça. Elle n'aimait pas que, peu à peu, l'immonde réalité parvienne à être éclipsée par cet éventail de richesse. 

— Tu fais peur.

La brune ferma un instant ses yeux en soupirant avant de se tourner vers la jeune femme à ses côtés qui observait la même scène qu'elle. Ses cheveux blonds étaient redressés en un chignon décoiffé alors que sa peau lisse était légèrement rougie par la chaleur du bassin. 

Daeun et elle avaient fait connaissance le lendemain de leur arrivée. Toutes deux s'étaient découvertes des points communs, notamment cette méfiance maladive envers cet endroit qui cachait encore beaucoup de mystères. La première fois, Yerin avait été époustouflée par l'assurance et la beauté de cette femme qui était plus âgée qu'elle de deux ans. Elle imposait le respect et cachait un caractère de feu muselé par des rênes de sagesse. 

Yerin soupira et reposa ses yeux vers les petites qui se cachaient maintenant derrière les lits. 

— Je ne peux pas m'empêcher de me dire que ces rires ne sont pas là pour longtemps. 

— Et tu as sûrement raison. 

— Cassandre ne nous a rien dit. 

— Ca ne va pas tarder. 

La blonde se leva du bassin, faisant basculer l'eau chaude qui glissa le long de son corps. Sans aucune pudeur, elle marcha jusqu'au petit escalier et sortit, attrapant un peignoir blanc qu'elle enfila sans attendre. 

En vivant ainsi toutes ensemble, il n'était pas question d'être pudique de toute façon. 

Yerin soupira puis se retourna vers le bord, y posant ses deux bras avant d'y appuyer sa tête, laissant son regard passer à l'extérieur, par delà les grandes vitres du dortoir qui donnaient sur une partie de l'immense jardin. De loin, une roseraie semblait emprunter une grande partie de l'espace. La jeune femme arrivait à percevoir quelques couleurs diverses mais quelque chose lui disait qu'il y avait encore bien des surprises, cachées derrière ces buissons. 

— Mesdemoiselles. 

Yerin sursauta et redressa la tête avant de constater que Cassandre était entrée, toujours aussi fraîche qu'au premier jour. La brune pesta presque et sortit du bassin rapidement, enfilant un peignoir à son tour après s'être essorée les cheveux. Malgré sa tenue très légère, elle s'avança vers le groupe pour écouter ce qu'avait à dire la rousse qui attendait patiemment. 

Cependant, ses yeux passaient sur chacun de leur visage, comme si dans sa tête, elle faisait un appel silencieux. 

— Votre apprentissage commencera demain. Je compte sur vous pour faire preuve d'une assiduité sans faille. Vous pourrez ainsi rencontrer les autres dans quelques jours. 

— Les... Les autres ? demanda une jeune fille d'une voix hésitante. 

La rousse hocha la tête avec un air aimable, inébranlable. Yerin se fit la réflexion que si une tempête survenait d'un seul coup, Cassandre resterait sûrement immobile à braver les méandres du chaos. Comme un pilier dans l'agitation. 

— C'est exact. Vous n'êtes pas encore sevrées mais quand ce sera le cas, vous pourrez sortir. 

Les paupières de Yerin papillonnèrent au mot "sevrées" et sans qu'elle ne puisse s'en empêcher, ses yeux vinrent chercher ceux de Daeun qui la fixait déjà, l'air de dire "je te l'avais dit". La blonde avait vu juste, les choses allaient commencer à bouger. Mais ce mot faisait froid dans le dos de la brune. Sevrées de quoi au juste ? 

Par ailleurs, elle ne semblait pas être la seule à avoir tiqué sur ce mot puisque quelques murmures flottèrent dans les rangs. Cassandre était parfaitement consciente de ce qu'elle avait provoqué par ses mots, mais elle n'apporta aucune précision, leur souriant simplement. 

— Je vous dis à demain. Faites en sorte d'être présentables. 

Et elle quitta le dortoir, laissant dans son dos des dizaines de questions. 


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Le réveil avait sonné à six heures du matin. 

Le gong des grandes horloges dispatchées dans le dortoir avait arraché de leur sommeil la plupart des occupantes qui grommelèrent face à ce bruit désagréable et pénétrant. Aucune d'entre elles s'était levée tôt ces derniers jours, c'était aujourd'hui une torture que de se lever à une heure pareille. 

Yerin grogna un peu et se redressa. A l'extérieur, le soleil s'accrochait à l'horizon pour commencer à s'élever, mais il n'était pas encore visible, seuls ses rayons éclairant le ciel encore sombre. Aujourd'hui commençait l'apprentissage et la brune avait un mauvais pressentiment quant à celui-ci. 

Notamment quand elle aperçut au pied de son lit, sur le petit banc rembourré, une robe vert pomme aux dentelles noires. 

La brune glissa sa main sous son oreiller et en sortit un petit objet qu'elle contempla avec le peu de lumière disponible. La perle de la robe de Byeol roulait délicatement contre sa peau, intacte. Yerin n'avait pas pu se résoudre à la laisser partir avec ses anciens vêtements qui n'étaient jamais revenus après que des hommes habillés tout de blanc soient venus les prendre. 

Par ailleurs, eux non plus ne s'étaient permis aucun regard en direction des femmes présentes ici. 

— Yerin, dépêches-toi, souffla Daeun, déjà habillée. Cassandre ne va pas tarder. 

L'interpellée hocha la tête puis reposa la perle sous son oreiller avant de se préparer. Il fallut d'ailleurs en aider certaines, plus jeunes, à se lever. Ce fut finalement une demi-heure plus tard seulement que les grandes portes s'ouvrirent sur la rouquine dont les talons claquèrent contre le marbre comme un signal de rassemblement. 

Quelques secondes et tout le groupe était autour d'elle. 

Cassandre les observa tour à tour, comme la veille. Cependant, elle ne se contenta pas d'observer leur visage mais elle vérifia également leur tenue ou encore la façon dont étaient arrangés leurs cheveux. A la fin de son inspection, elle fronça un peu le nez. 

— Vos mines sont affreuses mesdemoiselles. 

Elle baissa un peu le regard, l'air contrarié. 

— Dire que Maître Jungkook se faisait un plaisir de vous rencontrer... 

Yerin haussa un sourcil. Alors elles allaient faire la rencontre d'un nouveau Juge ? Maintenant qu'elle y pensait, Seokjin avait bel et bien dit qu'ils étaient sept. Curieuse, la brune regarda les visages autour d'elles : ses camarades et sûrement elle également, avaient toutes un visage tiré par la fatigue, peu habitué à un réveil aussi matinal. Seule Daeun semblait encore faire bonne figure, maquillée à la perfection et ne laissant rien transparaître.

Cassandre observa sa montre avant de soupirer. 

— Nous n'avons plus le temps. Suivez-moi. 

Sans plus de cérémonie, elle sortit du dortoir, suivie du groupe. Yerin trottina un peu pour s'approcher de Daeun qui marchait avec assurance. Juchée sur ses talons, elle ne semblait pas du tout gênée par cette nouvelle hauteur alors que la brune, au contraire, avait l'impression qu'elle allait tomber d'un instant à l'autre. 

— Daeun. Ce Jungkook, tu penses qu'il sera comme Maître Seokjin ? 

— Tu veux dire nonchalant, séducteur et beau ? 

Yerin écarquilla les yeux, encore plus quand un sourire étira les lèvres de la blonde qui pour la première fois avait pris le temps de détendre l'atmosphère. La brune se permit un léger rire avant d'hausser les épaules, ne faisant même pas attention aux directions qu'elles empruntaient. 

— Peut-être. 

— Je ne sais pas Yerin. Les hommes de pouvoir ne sont jamais recommandables, à mon humble avis. D'autant plus quand ils kidnappent des femmes pour les amener dans leur demeure et se font appeler Maître ou Juge à une époque où l'esclavage est interdit. 

Le coeur de la brune cogna dans sa poitrine. La peur, elle était de nouveau là, soufflant tout contre sa nuque. Daeun sembla remarquer les effets de ses mots car d'une main douce, elle rangea une des mèches à Yerin derrière son oreille. 

— Ca va aller. S'ils voulaient nous tuer, on le serait déjà. 

Yerin hocha la tête bien que ses pensées étaient parties loin, bien loin. Comme si son cerveau était déconnecté, ses pas continuaient de suivre Cassandre en pilote automatique alors que la jeune femme se posait des tas de questions en compagnie de la peur, cette fameuse peur qui ne voulait pas la lâcher. 

Yerin avait un mauvais pressentiment. 

Cassandre ouvrit alors les portes d'une grande salle en les invitant à entrer. Dans les tons rouges, une cheminée brûlait et une étrange odeur flottait dans l'air. C'était sucré, très sucré, tellement entêtant que Yerin commençait déjà à avoir mal à la tête rien qu'en en respirant quelques bouffées. Cela ressemblait à une sorte de grand salon, où de grand canapé de velour bordeaux attendaient patiemment pour qu'on s'y asseye. 

Cassandre se tourna vers le groupe.

— Je vais vous appeler et une à une, vous passerez par cette porte. 

D'un geste, elle désigna une porte au bois travaillé et à la poignée d'or. 

— Une fois que vous avez fini ce que vous avez à y faire, vous ressortez et la prochaine pourra entrer. 

— Q-qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur ? demanda une petite. 

— Vous le saurez en entrant. 

Daeun et Yerin échangèrent un regard. La peur prenait de plus en plus de place, compressait sa poitrine et les prénoms commencèrent à défiler. En attente du leur, plusieurs avaient décidé de s'asseoir sur les canapés mais Yerin ne pouvait tout simplement pas rester en place, fixant la porte alors que la première avait pénétré dans cette pièce mystérieuse. Daeun se tenait à ses côtés, fixant la même chose. 

— Ca ne me dit rien qui vaille, chuchota Yerin. 

— Je suis bien d'accord.

Soudain, la première sortit. 

Yerin écarquilla yeux, tout comme la blonde qui se précipita vers la jeune femme qui s'écroula brutalement. L'assemblée sursauta en entendant le bruit sourd du corps cogner le sol, Daeun n'ayant pas assez de force pour la retenir. Yerin s'avança à son tour, s'agenouillant près de la dénommée Haru qui était d'une pâleur effrayante. 

Mais la brune ne pouvait surtout pas effacer de sa mémoire l'horreur qu'elle avait eu sur son visage en ressortant de cette pièce. 

Comme si de rien n'était, Cassandre appela le prochain nom. Personne ne s'avança et un soupir lui échappa. 

— Je ne me répèterai pas. Mari ! 

Yerin se retourna et aperçut une petite sursauter. Elle ne devait pas être beaucoup plus âgée que Byeol et quand elle se leva pour entrer, la brune eut un pincement au coeur. Une fois que la porte s'était refermée dans son dos, Cassandre se détourna et s'approcha du petit groupe formé autour d'Haru qui était toujours inconsciente. 

— Aidez-moi à la mettre sur le divan. 

Sans répondre, elles s'exécutèrent et déposèrent la jeune femme, allongée. La rousse posa sa main sur son front et avec délicatesse, laissa ses doigts glisser le long de sa mâchoire jusqu'à les passer sur ses lèvres brûlantes. Cassandre eut soudainement un petit sourire puis elle se redressa. 

— Ca ira. Ce sont des choses qui arrivent mais elle s'en remettra. 

Puis elle s'éloigna. 

Yerin vit Daeun serrer les poings mais elle ne fit aucune remarque. 

Cela mit du temps avant que n'arrive le tour de la blonde. Il n'y avait pas eu d'autres malaises mais toutes avaient eu ce regard horrifié et de plus, personne n'osait parler de ce qu'il se passait à l'intérieur, comme si un traumatisme les empêchait de dire quoique ce soit. Avec inquiétude, la brune regarda Daeun disparaître derrière la porte. 

Entre temps, Haru se réveilla. 

— Est-ce que ça va ? lui demanda doucement Yerin. 

— O-oui... 

Mais son visage hurlait le contraire. 

La porte s'ouvrit alors, laissant sortir Daeun, impassible. Yerin mais également Cassandre furent toutes deux surprises par le manque de réaction de la jeune femme mais également par le peu de temps qu'elle avait passé à l'intérieur et sans un mot, la blonde s'assit, croisant ses jambes avant de lancer un regard vers son amie. Cependant elle n'eut pas le temps de dire quoique ce soit. 

— Yerin ! appela la rousse. 

C'était son tour. 


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