Chapitre 2


❝Like a piece of Heaven.❞


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Au bout du chemin de gravillons, au plus profond de la forêt recouverte du linceul peu rassurant de la nuit, trônait fièrement un château. Ses tours en pointe s'élevaient fièrement vers le ciel étoilé, transperçant le dôme de la lame obscure de leur ombre. Toutes puissantes, elles encadraient une bâtisse massive, à la fois élégante et puissante, dont les murs étaient parsemés de grandes vitres à double battants à chaque étage. En avant de celui-ci se tenait une majestueuse fontaine représentant des lions fous de rage, lacérant le corps d'une jeune femme s'étirant gracieusement vers le ciel. 

A cette vision, Yerin se stoppa dans sa marche et entrouvrit la bouche, fascinée par ce bijou d'architecture mais également par la richesse des lieux. A l'instant même où son regard avait croisé celui de la femme de marbre au centre de cette fontaine, la brune compris que ce monde était définitivement différent de celui qu'elle avait toujours habité jusqu'à maintenant. La bouche sèche, elle se décida finalement à rejoindre le groupe en trottinant alors qu'elles se dirigeaient vers la grande entrée, une grande porte de bois massif où attendaient deux hommes vêtus très sobrement, le torse bombé et le regard fixe. 

La rouquine gravit les marches qui les séparaient de la grande porte et à son approche, les hommes qui s'assimilaient à des gardes se mirent en mouvement, tirant chacun un battant pour ouvrir l'accès au château. Yerin remarqua qu'étrangement, aucun des deux ne s'autorisait à poser le regard sur elles, que ce soit sur la rousse ou bien sur les nouvelles venues. Sans leur accorder un regard non plus, leur guide tendit sa lanterne à l'un d'eux qui la saisit, puis elle fit signe à tout le monde d'entrer. 

En passant à côté des gardes, Yerin les dévisagea brièvement puis s'avança à son tour, la porte se refermant dans un bruit sourd dans son dos. 

— Mesdemoiselles. 

La rouquine se retourna alors vers l'assemblée, faisant gondoler ses boucles de feu sur sa peau pâle. Sa silhouette élancée et son menton fier et relevé imposait le respect et n'acceptait pas qu'on l'interrompe. 

— Laissez-moi me présenter. Je m'appelle Cassandre. Je vous souhaite la bienvenue parmi nous. 

La bienvenue, c'était bien étrange exposé ainsi. Yerin n'avait pas du tout l'impression d'avoir envie d'être bienvenue ici. La bienveillance de la dénommée Cassandre à leur égard semblait cacher une horreur bien plus sombre que tout ce qu'elle avait vu auparavant, elle en était certaine. La froideur dans les yeux de la rousse ne mentait pas, contrairement à ses paroles. 

Yerin s'approcha un peu, se mêlant au groupe. Elle n'aimait pas l'idée de rester à part en arrière, comme si des bras sortis de l'ombre allaient s'emparer de son corps pour la faire sombrer. 

La brune en profita pour scruter le grand hall d'entrée qui s'habillait tout de rouge et d'or. A droite, à gauche et face à elles se présentaient des escaliers très larges montant vers l'étage supérieur dont le balcon entourait tout le hall. Les colonnes tenaient bravement chaque étage qui était ouvert sur la grande salle où deux cheminées brûlaient paisiblement, réchauffant cet endroit aux allures glaciales. 

Yerin leva le nez et constata que ce n'était pas moins de trois étages qui s'articulaient autour de ce hall, laissant un grand puit de lumière au-dessus de leurs têtes. Le plafond n'était fait que de verre, permettant à la lumière lunaire de pénétrer dans le château. 

— Maître Seokjin ne va pas tarder à-

— Cassandre. 

La jeune femme sursauta et se retourna. Au sommet des marches de l'escalier central se tenait un homme debout et fier, les mains dans les poches d'un pantalon noir de flanelle qui ciselait parfaitement ses grandes jambes alors que son buste était recouvert d'une chemise de satin bleue royal. Ses cheveux noirs corbeau tombaient de manière calculée sur son front et recouvraient sa nuque alors que ses yeux sombres se baladaient sur les nouvelles arrivantes. 

Finalement un doux sourire étira ses lèvres pulpeuses et rosées. 

— Viens là. 

Alors qu'il descendait avec grâce les escaliers, Cassandre quitta le groupe pour s'approcher du jeune homme qui lui tendit la main avec décontraction, son autre main demeurant dans sa poche. Elégante, la rousse déposa sa paume contre la sienne et c'est ainsi que Yerin remarqua à quel point le noiraud était pâle par rapport à elle. Son pouce vint caresser le dos de sa main avec délice et ses lèvres se déposèrent ensuite sur son épiderme. 

 — Excellent travail. 

— C'est trop. 

Yerin fronça les sourcils. A quoi jouaient-ils tous les deux ? La brune pouvait deviner sans mal qu'elles étaient toutes tétanisées en se demandant quel allait être leur sort ici et voilà que ces deux là se mettaient à jouer les tourtereaux. La jeune femme devina rapidement que cet homme devait être "Maître Seokjin". Cependant Yerin n'avait pas rêvé : Cassandre avait bel et bien parlé des Juges, au pluriel. 

 — Mesdemoiselles, je vous souhaite la bienvenue, fit Seokjin, jovial alors qu'il avait relâché la main de la rousse. Que cela fait plaisir de voir des visages frais en ces lieux. 

Ses yeux observèrent le groupe de jeunes femmes qui s'offraient à lui puis soudain, sa mine se fit un peu moins convaincue alors qu'un rire moqueur s'échappa d'entre ses lèvres. 

— Enfin... Quand vous serez propres. 

Quelques jeunes femmes détournèrent le regard, d'autres tentèrent de se cacher derrière d'autres. Yerin, elle, ne cilla pas, fronçant ses sourcils. Elle était bien tentée de lui dire sa façon de penser. Comment pouvaient-elles être présentables après avoir passé elle ne savait combien de temps enfermées dans une camionnette pourrie ? 

La brune tiqua et s'humidifia les lèvres avant de regarder ailleurs, sur sa gauche plus exactement. 

Brutalement, elle se figea et entrouvrit la bouche de stupeur. 

Une ombre au sommet de l'escalier de gauche observait le groupe d'un air de prédateur. Et maintenant qu'elle l'avait repéré, les iris chaotiques se posèrent sur sa personne, ce qui provoqua un électrochoc dans son corps tout entier. L'ombre était à la fois si loin et si proche qu'elle n'arrivait pas à déterminer ses traits mais elle pouvait sentir sa présence comme si l'individu se tenait à côté d'elle. 

Sa gorge, prise dans un étau, ne lui permettait pas de respirer plus fort alors qu'elle semblait pourtant manquer d'oxygène à cet instant. Son coeur s'affola, soumis à la peur qui s'insinua une nouvelle fois dans ses veines. Elle n'était jamais loin, comme toujours. Alors quel n'arrivait tout simplement pas à s'arracher de ce regard de jais, une voix la sortit de ses pensées. 

— Mademoiselle ! fit la voix forte de Cassandre. 

Yerin sursauta et papillonna des paupières, réalisant que l'ombre n'était plus là. En une fraction de seconde, elle avait disparu, ne laissant derrière elle que confusion. 

Ebranlée, la brune se tourna vers la rousse et remarqua que l'assemblée la fixait avec curiosité et frayeur. Cassandre avait l'air outré et Seokjin, à ses côtés, l'observait sans vraiment d'émotions. Il avait cette espèce de nonchalance qui donnait l'impression que tout lui passait au-dessus de la tête. Yerin observa tour à tour les deux jeunes gens, les lèvres tremblantes alors qu'elle ne savait pas vraiment quoi faire. Elle ne voulait pas se faire remarquer comme ça. 

— E-excusez-moi, couina-t-elle, trop bas pour qu'on l'entende. 

— On ne t'a pas entendu, clama Seokjin en la fixant. 

— Excusez-moi, reprit-elle plus fort. 

Son regard fondit vers le sol alors qu'elle se mit à triturer ses mains, gênée d'être ainsi au centre de l'attention. Elle n'avait pas voulu que ça arrive mais cette ombre... Elle avait eu une telle emprise sur elle en à peine une seconde que ça avait été plus fort qu'elle, son cerveau s'était littéralement déconnectée de la voix du Maître. 

— Soyez attentive je vous prie, insista la rousse, l'air sévère. 

Yerin se contenta d'hocher la tête. 

— Nous sommes sept Juges, reprit Seokjin, pas le moins du monde déconcentré. Car si vous êtes ici mesdemoiselles, c'est pour être formées. Formées à quoi me direz-vous... 

Un sourire énigmatique s'inscrivit alors sur son visage. 

— Ca, vous le saurez bien assez tôt. 

Encore une fois, la brune tiqua. Elle ne comprenait pas. Elles allaient être formées et elles ne savaient même pas encore à quoi ? Cette atmosphère de secret, elle ne l'appréciait pas. Yerin avait toujours aimé le contrôle, savoir ce qui allait se passer et cela faisait plusieurs jours que le destin se moquait d'elle en la manipulant comme une petite marionnette entre ses doigts malicieux. 

Après cette annonce faite, Seokjin leur expliqua des choses plus logistiques. Il leur présenta le château en leur indiquant les principales pièces dans lesquelles elles allaient passer la plupart de leur temps. Bien entendu, Yerin était convaincue que beaucoup de choses leurs étaient cachées mais elle se garda bien de dire quoique ce soit, ne voulant certainement pas attirer l'attention plus qu'elle ne l'avait déjà fait. 

C'est ainsi que le groupe de jeunes femmes appris qu'elles allaient devoir toutes dormir dans un même dortoir, où elles allaient cohabiter pendant un certain temps. Cassandre était leur référante et devait être la seule personne à qui elles devaient parler si un problème se présentait. 

Mais quel genre de problème pouvait être plus grave que celui d'être kidnappée par des trafiquants d'humains ? Honnêtement, Yerin avait du mal à en trouver un et elle n'était pas sûre que ce problème en particulier plaise à la belle rousse guindée. 

Seokjin se stoppa dans ses explications d'un seul coup et jeta un coup d'oeil à sa montre. Son sourcil tressauta et finalement, il replongea ses mains dans ses poches. 

— Il se fait tard alors je vais vous laisser pour aujourd'hui. Vous serez amenées à rencontrer les autres Juges dans les jours qui suivent. Cassandre, amène-les à leur dortoir. 

— Oui Maître Seokjin. 

Avec un profond respect, la rousse s'inclina et sans plus de cérémonie, le noiraud remonta les escaliers sans un regard en arrière. Ses pas raisonnèrent dans le hall et une fois qu'il fut à l'étage, ils finirent par s'éloigner, permettant à chacun de se remettre à respirer. Même Yerin se détendit, se rendant compte qu'elle s'était crispée depuis que le Maître était là. Cassandre se redressa et soupira brièvement, rangeant une mèche de cheveux derrière son oreille avant de se tourner face au groupe, toujours le même sourire poli aux lèvres. 

— Mesdemoiselles, je vais désormais vous conduire à votre dortoir. Veuillez me suivre. 

La rousse emprunta l'escalier de droite, suivie du reste de groupe. Yerin s'apprêta à gravir la première marche quand elle se décida à se retourner vers l'autre escalier dans son dos, là où elle avait vu l'ombre. Quels genres de secrets cachait cet endroit ? Et qu'allait-il vraiment leur arriver ? Après avoir été emmenées aussi sauvagement, la brune était convaincue que cette fameuse formation n'augurait rien de bon. Les lèvres plissées, elle se résigna à suivre le reste de ses camarades dans les dédales de couloirs. 

Vraiment, Yerin ne savait pas si elle allait réussir à se repérer ici. Il y avait tellement de couloirs, de portes, que tout s'embrouillait dans sa tête jusqu'à former un méli-mélo de pseudos plans qui finalement ne correspondaient jamais à la réalité. Cassandre les guida comme un petit chef et ouvrit avec entrain une porte à double battant qui dévoila une immense pièce faite d'un blanc pur. 

Des exclamations de stupeur et d'émerveillements flottèrent parmi le groupe. 

C'était une véritable verrière puisque deux pans de murs qui s'étendaient sur des mètres et des mètres n'étaient faits que de verre, donnant sur un jardin sombre qui cachait mille et une surprises. Le reste de la pièce était blanc, le plafond présentant des arabesques très gothiques alors que trois lustres de cristal éclairaient la grande salle qui présentait toute une série de lits superposés. Ils étaient petits mais semblaient bien assez confortables. 

Tout au fond dans le coin droit était implanté dans le marbre nacré un grand bassin à l'eau claire et chaude, celle-ci étant versée par la statue d'une jeune femme penchant un vase. A proximité, des coiffeuses équipées en produits de beauté en tous genres n'attendaient qu'à être utilisées. 

Yerin avait l'impression que ses yeux allaient brûler tellement la blancheur de ce lieu qui semblait tout droit sorti d'un rêve l'interloquait. C'était si... décalé. 

Cassandre s'avança doucement, ses talons blancs claquant sur le marbre en quelques notes claires, puis elle se tourna vers le groupe. 

— Voici votre dortoir. Chacune de vous possède un lit à son nom, je vous laisse le trouver. Avant de vous coucher, prenez un bain dans le bassin. C'est ici que vous ferez votre toilette, chaque jour, alors faites en sorte d'être toujours présentables. Vous trouverez sur vos draps votre chemise de nuit. Demain matin, à votre réveil, vous trouverez votre tenue du jour. 

Il y avait tant d'informations. Tant de choses qui se bousculaient dans sa tête. Yerin en avait le tournis et le sourire de Cassandre n'arrangeait rien alors qu'elle se tenait là, impérieuse, ses cheveux flamboyants contrastant avec la blancheur des lieux. 

— Je vous souhaite une bonne nuit et à demain, mesdemoiselles. 


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