Chapitre 11
❝Better dead than alive.❞
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Il n'y avait pas un bruit dans les couloirs. A cette heure-ci, les jeunes filles étaient endormies, ne se souciant guère du lendemain qui les attendait. En cette nuit où le vent exceptionnellement glacé claquait contre les fenêtres, Yerin ne parvenait pas à trouver le sommeil. Le regard porté vers l'extérieur, sa main caressait du bout des doigts la marque qui s'était encrée dans sa peau. Cela l'avait tourmenté toute la journée. Toute la journée, elle avait émis plusieurs hypothèses sur cette chose qui semblait quelques fois se mouvoir comme une eau sombre. Elle savait que les Juges n'étaient pas comme tout le monde. Pas comme... les humains.
Yerin avait pensé à de nombreuses choses, même les plus impensables. Elle se surprenait à retomber dans ces livres improbables qu'elle lisait au lycée, mettant en scène d'innombrables créatures plus mystérieuses les unes que les autres. Mais rien ne collait et de toute façon, ces œuvres étaient loin d'être des références. Yerin doutait même que les auteurs de ces écrits n'aient pensé un jour que ce qu'ils décrivaient de leur plume pouvait bien exister.
Dans son dos, un rire. Un frisson chuta le long de sa colonne vertébrale et son cœur s'emballa. Une seule sonorité de ces hommes lui faisait comprendre qu'elle était la proie. Doucement, elle s'arracha à la contemplation du jardin et se retourna pour tomber nez à nez avec un des Juges. Lui, elle ne lui avait jamais vraiment parlé. Mais elle le connaissait car il était impossible pour elle d'oublier les visages de ceux qui avaient détruit sa vie.
— C'est toujours intéressant de voir l'œuvre de Taehyung sur nos jeunes étudiantes. Mais je dois dire que voir la marque... Cette marque sur toi, c'est d'autant plus surprenant.
— Que me voulez-vous ?
— Lasse, hm ?
Le rouquin lâcha un ricanement peu engageant. Il se décolla du mur sur lequel il était appuyé et traversa les ombres de la chambre pour engloutir les mètres qui les séparaient, en à peine une seconde. Cette rapidité surprit Yerin qui chancela et se raccrocha au bord de la fenêtre derrière elle pour ne pas tomber, les yeux ronds. Sans un mot, l'homme écarta ses cheveux pour mieux observer la marque. Une marque qui semblait être l'objet de bien des curiosités chez les Juges. Dans sa contemplation, il se remit à parler.
— Je suis Hoseok. J'espère que tu t'en souviendras.
— ... C'est quoi, cette marque ?
— Oh je vois bien que tu meurs d'envie de le savoir, souffla le dénommé Hoseok en souriant malicieusement. Cependant ce n'est pas mon rôle de t'informer sur le sujet.
— Qui alors ?
— Je suis sûr que tu as déjà ton idée.
Yerin pesta et détourna le regard, serrant ses doigts contre la pierre pour retenir des vulgarités. Oui, évidemment. Taehyung était sûrement le seul à pouvoir lui parler de cette chose. Mais après la nuit dernière, Yerin était terrifiée à l'idée de le revoir. Elle n'arrivait pas à prévoir ce qu'il pourrait se passer si elle le rencontrer de nouveau. Ces choses qu'elle avait dites... C'était comme si le Juge l'avait hypnotisé.
— Ne fais pas cette tête, Yerin. Si tu te comportes bien mon frère sera clément.
— Pourquoi vous êtes ici ? Pour vous moquer de moi ? Vous trouvez ma situation hilarante, peut-être ?
— C'est effectivement risible ! Mais ce n'est pas la raison de ma venue.
D'un geste délicat, il effleura sa joue du bout des doigts. Soudain, les yeux du rouquin s'illuminèrent d'un émeraude saisissant qui transperça la nuit. Son sourire s'élargit, il avait l'air un peu fou. Yerin voulut reculer mais elle n'y arrivait pas : son corps était pétrifié.
— Si tu as besoin d'aide, je peux te l'accorder.
— De l'aide ? Pour ?
— Pour te défaire de cet endroit. De Taehyung.
— Et pourquoi vous feriez ça ? articula difficilement Yerin.
Soudain Hoseok se recula d'un pas. Ce mètre entre eux permis à la jeune femme de respirer un peu plus.
— Je suis une âme charitable !
— Je ne vous crois pas.
— Crois ce que tu veux. Mais même si l'idée te répugne, tu auras besoin d'alliés, ici, si tu veux survivre dans les conditions dans lesquelles tu es.
— Et dans quelles conditions je suis, exactement ?
Le corps de l'homme commença alors à se fondre dans l'ombre, comme de la fumée. Ils ne se cachaient donc même plus ? La nausée commença à s'installer dans le creux de son estomac alors que seule une lueur verte témoignait encore de la présence d'Hoseok.
— Des conditions fort déplaisantes ma chère. Fort déplaisantes.
ׂׂׂׂૢ་༘࿐
— Yerin !
La brune sursauta. La lumière du jour lui picota les yeux alors qu'elle voyait une paire de jambes devant elle. En arrière plan, la porte de sa chambre grande ouverte et des étudiantes plantées dans le couloir, à observer la scène avec un masque de surprise. Yerin sentit un mal de crâne pointer le bout de son nez. Elle n'avait presque pas dormi. Hantée par les dernières paroles d'Hoseok, la jeune femme n'avait pu trouver la paix qu'aux premières lueurs du jour.
— Que vais-je faire de toi...
En reconnaissant cette voix, elle leva le nez et tomba sur Yoongi qui l'observait avec un visage contrarié. Ses sourcils froncés donnait à son visage félin un air féroce.
— Debout.
Yerin déglutit, la gorge sèche, et s'exécuta. C'est quand elle voulut se mettre sur ses deux pieds qu'elle réalisa que sa main était restée plaquée sur la marque pendant tout ce temps. Des courbatures la firent grommeler mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Le Juge la jaugea de la tête aux pieds, son regard s'attardant particulièrement sur ses yeux fatigués et la marque qu'elle s'évertuait à oublier, sans grand succès.
— Suis moi. Et vous autre, fit-il en direction des spectatrices, foutez le camp.
Dans de petits cris agités, le couloir se vida en quelques secondes et le silence revint. Yoongi soupira, semblant tout aussi fatigué que l'étudiante qu'il avait en face de lui. D'un geste, il lui demanda de la suivre, ce qu'elle fit sans broncher. Décidément, Yerin n'avait aucun répit. Chaque jour qui s'annonçait faisait naître dans son ventre la peur. La peur de la souffrance. De la mort. De l'inconnu.
A destination, Yerin reconnut le hibou aux yeux de quartz au-dessus de la porte. Ils entrèrent tous deux dans la chambre du Juge qui ne tarda pas à parler une fois la porte fermée.
— Assis toi. Je dois t'ausculter.
— Moi ? Mais pourquoi ? Je suis malade ?
— Ne discute pas.
Yerin pinça les lèvres. Elle essayait de récolter des informations mais visiblement il n'était pas décidé à lui en donner. Mais elle n'allait certainement pas abandonner maintenant. Elle commença par s'assoir sur le siège que Yoongi lui indiquait. Comme prévu, il l'ausculta. Tension, température, pouls, tout y passait. Quand il eut terminé, son regard s'attarda une nouvelle fois sur la marque à découvert et cette fois, la brune ne put s'empêcher de repartir à l'assaut.
— Dites-moi ce qui ne va pas. S'il vous plait. Je sais bien que vous ne m'auscultez pas par plaisir !
— Tu es fatiguée. Et fatigante, lâcha-t-il dans un soupir.
Avant qu'il ne se redresse, elle attrapa la manche de sa chemise blanche. Le Juge s'immobilisa immédiatement et la foudroya du regard, ne semblant pas apprécier cette familiarité. Mais Yerin était trop inquiète pour s'en formaliser.
— Cette marque, qu'est-ce que c'est ? Je vais mourir ?
— Tu ne vas pas mourir.
Il grommela et la fit lâcher son vêtement avant de passer sa main dans ses cheveux. Les yeux fermés, son visage se contractait, comme s'il réfléchissait à ses prochaines paroles minutieusement.
— Cette marque... ne devrait pas être sur quelqu'un qui n'a pas été sevré.
— Q-quoi ? Mais... Mais alors pourquoi...
— Parce que Taehyung en a décidé ainsi. Tu as clamé haut et fort que tu te fichais d'être battue ou morte, dans le bureau. Tu ne t'en souviens pas ?
— O-oui c'est vrai... Mais-
— Ce jour là tu as défié Taehyung. Tu l'as défié, lui et son autorité. Tu as ébranlé des années de travail. Alors aujourd'hui, il te défie à son tour.
Yerin sentit son souffle se couper. Sa peau pâlit alors que ses lèvres tremblaient, cherchant ses prochains mots. Mais que pouvait-elle dire ? C'était de sa faute. Elle avait agi en sachant pertinemment quels genre de personnes ils étaient. Et pourtant elle avait élevé la voix devant eux en voulant s'accrocher à ses principes.
— Alors... alors qu'est-ce que je vais devenir ? demanda-t-elle la tête basse.
— La marque frappe celle qui a été choisie comme réceptacle.
— Réceptacle ? De quoi ?
— Oh, il ne te le dira pas.
Yerin sursauta et aperçut à l'entrée le seul Juge dont elle ne connaissait pas encore le nom. Les cheveux gris, des yeux perçants et le visage froid, sa chemise noire était à moitié ouverte sur son torse dessiné. Claquant la porte derrière lui, il s'avança vers elle alors que Yoongi soupirait.
— Trop difficile de frapper avant d'entrer, Namjoon ?
— Épargne moi les leçons de politesse.
Sans accorder un regard à l'autre homme, le dénommé Namjoon s'accroupit en face de Yerin, le sourcil haussé.
— Arrête un peu de poser toutes ces questions. On ne te répondra plus.
— Mais-
Il plaqua sa main sur sa bouche, prenant sa mâchoire dans un étau puissant. Yerin écarquilla des yeux horrifiés alors que le regard de l'autre était sombre et n'autorisait aucune autre contestation.
— Nous n'avons pas le temps de jouer avec toi, humaine. Tu as eu beaucoup trop de privilèges jusqu'à présent. Tu peux peut-être te permettre de jouer au brave avec les autres mais ça ne prendra pas avec moi. Si tu oses couiner une seconde fois, je te brise la mâchoire.
Lentement, sa main se retira. Yerin ne bougeait plus, les yeux ronds comme des billes. Avec Seokjin, Namjoon était l'un des Juges dont il fallait qu'elle se méfie le plus. C'était la première fois qu'elle était tétanisée à ce point. Elle se voyait déjà la mâchoire fracturée, ne pouvant s'arrêter de pleurer à cause de sa souffrance. Seul le soupir de Yoongi la sortit de ce théâtre cauchemardesque qu'était son esprit.
— Ça suffit. Elle doit se reposer.
— Ne t'embêtes pas à la maintenir en vie, Yoon'. De toute façon, nous serons tous bien plus tranquilles quand elle sera morte.
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