❝Wicked game❞

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— Quelle vision fort déplaisante.

Jimin fronça le nez, une grimace de dégoût menaçant à tout instant de s'inscrire sur son visage. Du bout de sa bottine noire, il donna un petit coup contre le mollet de Yerin qui était affalée dans un rosier, plongée dans un sommeil qu'elle ne semblait pas prête à quitter. Le blond soupira et regarda autour de lui. Le soleil était maintenant levé depuis quelques heures et la roseraie était déserte. A vrai dire, Jimin n'aimait pas venir ici, cette odeur florale l'écœurait. Mais quand Taehyung était venu lui ordonner d'aller chercher l'humaine, il n'avait pas eu le droit de refuser.

— Yerin. Lève toi.

Un gémissement capricieux fut la seule réponse qu'il reçut avant que la jeune femme ne se tourne. Les branches du rosier de roses noires étaient incroyablement résistantes et aucune ne craqua. Jimin se demanda d'ailleurs si Taehyung avait conscience que ses précieuses fleurs étaient en train d'être écrasées par le corps de son impertinente étudiante.

— Yerin. C'est un dernier avertissement. Je n'ai pas toute la journée.

— Encore une petite minute Cassandre...

Le regard de l'homme brûla d'une flamme bleue provoquée par la colère. Sans prendre de gants, il attrapa un arrosoir reposant dans l'allée et en vida le contenu sur Yerin qui sursauta en criant, trempée jusqu'aux os. Bouche bée, il lui fallut du temps avant de réaliser ce qu'il se passait. Figée, elle se regarda dans un premier temps : sans grande surprise, plus rien n'était sec sur elle. Ensuite, elle vit en face d'elle les jambes d'un homme et quand elle leva le nez, le visage de son professeur la fit glapir de peur. Il la toisait les bras croisés, ses yeux n'ayant toujours pas repris une couleur normale.

— Bien dormi ?

— Je... Euh...

Yerin comprit soudainement où elle se trouvait en voyant dans le dos du blond les grandes allées de rosiers de toutes les couleurs. Les rayons du soleil donnaient un tout autre aspect à cet endroit qui prenait un air si mystique le soir. Elle avait vraiment dormi ici ? La brune n'arrivait même pas à se souvenir de ce qu'il s'était passé après qu'elle ait prononcé le serment en compagnie de Taehyung. En constatant qu'elle avait littéralement passé sa nuit dans le rosier de roses noires, l'humaine se leva rapidement, espérant de tout cœur ne pas avoir abîmé les fleurs. Mais étrangement, elles semblaient se tenir à merveille.

— Partons. Tout de suite.

Yerin avait une sensation des plus étranges alors qu'ils se dirigeaient vers la sortie. Une sensation qui lui murmurait à l'oreille que ce qu'elle avait fait hier soir était d'une importance cruciale. Qu'après ça, plus rien n'allait être comme avant. Alors qu'ils dépassaient les grilles noires démarquant le territoire de Taehyung, Jimin se stoppa brutalement et se tourna vers la brune. Il la dévisagea longuement avant de finalement poser sa question.

— Où est ta rose ? 

— Je n'en ai pas reçu, répondit-elle, perplexe.

Le blond haussa alors un sourcil, défroissant son visage de poupée pour laisser la surprise y pointer son nez. Cependant il se reprit rapidement et lui tourna de nouveau le dos pour reprendre sa marche. Alors qu'elle le suivait, Yerin déposa sa main sur sa poitrine pour n'y rencontrer que le tissu de sa robe. On lui avait raconté qu'à l'issue du serment, on lui attribuerait une rose. Mais après ce qu'il s'était passé, ça n'avait pas pu avoir lieu. Alors la brune avait naturellement pensé qu'en allant dans la roseraie, le Juge allait enfin lui donner sa fleur.

Mais rien.

Prise de doute, elle ne put s'empêcher de perturber le silence et de s'adresser à Jimin.

— P-pourquoi je n'ai rien reçu ?

— Je n'en sais rien. C'est Taehyung que ça regarde.

— Cassandre m'a dit que les roses concernaient tous les Juges pourtant...

Jimin souffla d'agacement. Déjà qu'il n'avait pas été très joyeux à l'idée d'être commissionné au réveil de madame Yerin, il avait du mal à en plus supporter toutes ses questions. Il avait comme l'impression qu'un insecte bourdonnait autour de lui.

— La premier rose appartient à Taehyung. C'est la règle et personne n'y déroge. Jamais.

— ... Pourquoi ?

Le blond marqua de nouveau un arrêt.

— Pourquoi es-tu si inquiète de ne pas avoir de rose ?

Yerin se renfrogna.

— Ça ne se fait pas de répondre par une autre question.

Pour la première fois aujourd'hui, Jimin lâcha un rire et se tourna vers la brune. Son air supérieur et malicieux avait repris sa place sur ses traits. Il pencha sa tête sur le côté.

— Si je réponds à tes questions c'est pas pure charité, pas parce que j'y suis obligé. Et éventuellement parce que j'aimerais que tu la boucles.

— Je n'aime pas l'idée d'être à part des autres filles ici, répondit Yerin, peu impressionnée.

— A part ? Ça fait longtemps que tu l'es.

D'un pas confiant, il brûla les quelques mètres qui les séparaient à grands pas et de ses doigts glacés, écarta l'une des bretelles de la robe noire de Yerin. Surprise, son cœur cogna dans sa poitrine. Elle voulut s'écarter mais l'autre main du blond l'en empêcha en attrapant son épaule. De nouveau, ses yeux brillaient comme deux saphirs alors qu'il se penchait vers son oreille.

— Jungkook ne t'a pas sevré et alors que tu aurais dû être morte, tu as défié Jin et éveillé l'intérêt de Taehyung. Tu as eu la vie sauve une première fois.

Sa voix était hypnotisante et glaçante à la fois. Yerin se sentait, encore une fois, comme une proie à la merci du prédateur. Cette sensation commençait à bien trop faire partie de son quotidien.

— Par la suite j'ai décidé d'être ton professeur pour prouver à mes frères mécontents que rien ne doit être gâché. Lors de la cérémonie, tu as défié une seconde fois mon aîné en t'interposant. Et tu as finalement eu la vie sauve une seconde fois.

Le visage de Jimin s'avança dans le creux de son cou alors que ses lèvres frôlaient sa peau, provoquant une flopée de frissons qui descendirent le long du dos de Yerin qui n'osait pas bouger d'un millimètre, regardant droit devant elle en priant que ce moment s'achève rapidement.

— Penses-tu qu'une étudiante normale de cette endroit aurait pu survivre à tout ça ?

Finalement le blond se redressa, faisant face à l'humaine qui était pâle comme un linge. Cela fit sourire Jimin qui semblait se satisfaire pleinement de la situation. Cette peur qu'il percevait sur son visage le requinquait comme le verre d'un bon alcool. Ses mains sur ses épaules dénudées, il les lui frotta dans un geste faussement rassurant.

— C'est fini, Yerin. Tu ne peux plus être normale. Du moins... Quand je dis normale, tout est relatif, ici.

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Quand Yerin retrouva sa chambre après que Jimin l'ait laissé dans le couloir, sous les regards surpris de ses voisines, la brune s'écroula à genoux contre la porte, tremblante. Ce qu'avait fait Jimin, d'une façon, l'avait terrifié. Elle avait compris que malgré toute sa bonne volonté, elle n'allait jamais pouvoir rentrer dans le moule. Dans cet endroit isolé de tout, elle aurait voulu se faire plus d'amies et d'alliées, pour avoir quelque chose à quoi se raccrocher. Pour ne pas sombrer dans la peur et la folie, en songeant au destin qui l'attendait. Mais maintenant elle entrevoyait la vérité. Ses actes avaient déjà décidé de son avenir ici.

Elle n'allait pas pouvoir s'intégrer comme elle le désirait. Et cela lui rappelait des souvenirs peu amusants de sa vie d'avant.

Doucement, Yerin tenta de reprendre son souffle pour se calmer. Elle se leva, ses jambes la portant tant bien que mal jusqu'à la coiffeuse où elle entreprit de se coiffer, pour remettre de l'ordre dans ses cheveux.

C'est là qu'elle la vit.

— Qu'est-ce que... ?

La brosse tomba au sol alors que Yerin approchait son buste du miroir lui faisant face, reflétant sa mine horrifiée et ses yeux posés sur le creux de son cou. Ses doigts tremblants vinrent trouver sa peau sensible et effleurèrent la chose.

Une marque horrible, noire comme de l'encre, formant comme des volutes de fumées sur la nacre de sa peau.

Etait-ce Jimin qui avait fait ça ? Pourtant elle n'avait rien senti... Alors si ce n'était pas lui, cela ne pouvait être qu'une personne.

— Taehyung.

C'est ce qu'elle avait reçu hier soir, elle en était certaine. Ce n'était pas une rose qui ornait sa poitrine mais bien une marque diabolique qui s'était inscrite jusque dans sa peau. Mais quand ? Quand Taehyung avait-il fait une chose pareille ? Et que signifie cette marque ? Cassandre lui avait tout expliqué sur les roses mais elle n'avait jamais mentionné ce genre de faits. Perdue, Yerin ne se sentit plus l'envie de rien. Elle observait son reflet, son visage vide d'expression alors que ses pensées s'entrechoquaient jusqu'à former le néant. Elle ne pouvait plus réfléchir ou former de réflexion correcte, car elle n'avait plus l'envie de se questionner et de trouver des réponses.

Lentement, elle se leva du tabouret face à la coiffeuse et abaissa les bretelles de sa robe noire qui tomba au sol. Elle se dirigea ensuite vers son lit et s'y allongea. La fraîcheur des draps contre sa peau nue la fit frissonner. Mais étrangement, en ce moment, elle avait l'habitude du froid. Elle serra un oreiller contre sa poitrine et ferma les yeux, bercée par les rayons du soleil. Pour la première fois, Yerin n'avait plus envie de se battre contre quoique ce soit.

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Cette journée était magnifique. Du haut de sa tour d'ivoire, Taehyung observait de la fenêtre les étudiantes dans le jardin. Aucune ne se doutait qu'elles étaient surveillées de la sorte car dans cet havre de paix, cet extérieur qui leur donnait l'impression de vivre une vie normale, elles ne s'imaginaient pas partager ces lieux avec des êtres tels que les Juges. Une rose orange entre ses doigts fins et bagués, il ne se lassait pas de la vue et du soleil sur son visage. Jusqu'à ce que des mains impertinentes ne viennent se poser sur ses cuisses avant de remonter jusqu'à ses hanches. 

— Maître Taehyung, qu'est-ce qui vous plairait aujourd'hui ?

L'homme tourna son regard vers la femme agenouillée au sol entre ses jambes, vêtue d'une robe courte de satin qui ne cachait pas grand chose. Elle savait qu'il aimait ce genre d'accoutrement et elle faisait tout pour le satisfaire. Après tout, l'étudiante qui lui faisait face avait bien compris les jeux de pouvoirs entre les Juges et que Taehyung était à la tête des frères. L'idée d'avoir reçu une rose orange de sa part la gonflait de fierté, à un  point qu'elle avait fini par en oublier ses limites. Le blond se demanda s'il fallait lui rappeler qu'elle était sa place, surtout quand il voyait son regard vitreux. 

On aurait dit un mauvais film.

— Retires tes mains.

— O-oh...

Comme si elle venait de toucher quelque chose de brûlant, elle retira ses paumes et les cala entre ses cuisses alors que Taehyung jetait au sol la rose qu'il tenait jusqu'à présent. Posant ses coudes sur ses genoux, penché vers la jeune femme, il la jaugea d'un œil glacial avant de sourire doucement. Du bout du doigt, il la fit lever le menton.

— Je me lasse de ton visage. En vérité, tout me parait vraiment insipide depuis cette nuit, ne le prend pas personnellement mon ange.

L'étudiante ne sut pas trop comment réagir. Le surnom qu'il venait de lui donner avait comme effacé la première partie de son discours. Alors elle se leva un peu maladroitement et s'inclina avant de quitter la pièce. Elle croisa à la porte Jimin qui ne lui adressa même pas un regard. Taehyung ne fit qu'esquisser un sourire en voyant son frère.

— La traiter d'ange, tu es sans cœur.

— Elle ne sait même pas ce que ça veut dire.

Sans regret, il écrasa du talon la fleur. Il admira un instant son cadavre avant de se rappuyer dans son fauteuil, retournant à sa contemplation du jardin.

— Que puis-je faire pour toi ?

— Je l'ai vu. La marque.

Cette simple mention étira les lèvres de Taehyung. Même s'il lui tournait presque le dos, Jimin pouvait le voir. Il plissa les yeux, les bras croisés sur son torse. Il inspira avant de reprendre.

— Elle n'est pas sevrée.

— Je crois que je suis au courant.

— Nous ne marquons que les humains dont la force psychique peut résister à nos pouvoirs. Alors à quoi tu joues ?

Les doigts de l'interrogé se mirent à tapoter sur l'accoudoir de son fauteuil. Il réfléchissait, remettait de l'ordre dans ses idées. Pour dire la vérité, il agissait bien trop souvent par impulsion. Il en était conscient. Mais il adorait ça.

— Je ne connais pas le nom de ce jeu, mon frère, mais ce que je sais c'est qu'il est dangereux. Elle est dangereuse.

— Heureux de savoir que tu en es conscient.

Jimin s'approcha de son frère et attrapa le verre posé sur le rebord de la fenêtre pour le boire d'une seule traite. Par la suite, il s'appuya contre le mur, regardant lui aussi l'extérieur d'un œil las.

— Nous ne pouvons subsister que dans la stabilité. Alors ne fout pas tout en l'air.

— Si ça tourne mal je finirais par la tuer. Je n'ai aucun problème avec ça.

— Hm. Et pour sa rose ?

— Je n'ai pas encore décidé de ce que j'allais faire d'elle.

Jimin pinça les lèvres avant de couler un regard vers son frère.

— Dépêches toi Taehyung. J'en connais qui ont hâte de décider de son sort après toi. Et tu sais que la patience n'est pas l'un de nos points forts.

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