Où Conan convoite la place de Conor
- Tu as survécu, Conan. Je suis heureux.
Ils étaient réunis, liés comme avant, dans une salle blanche.
- Tu n'avais pas à faire cela. Nous serions partis loin. Ensemble. Maintenant je suis gravement blessé, et je dois vivre sans toi. Prends moi dans tes bras, s'il te plaît.
Conor lui rendit un sourire un peu triste, et lui ouvrit ses bras.
- Oui. Bien sûr.
- Debout, Conan. Réveille-toi.
Une autre étreinte, moins forte, le tira des limbes. Des bras le saisirent, le faisant grogner de douleur.
- Pardon. Il faut verser de l'alcool, tu te souviens ? Cela fait une semaine. Tu dois poursuivre. Le traitement, et ta vie. Mes condoléances, une nouvelle fois.
Falcon l'aida à se redresser et l'autorisa à se servir de lui comme d'une canne.
- Tu devras réapprendre à marcher, poursuivit-il.
- S'il te plaît. Falcon, laisse-moi dormir. Juste un peu, encore.
- Il faut que tu manges, que tu boives, que tu voies du monde. Je ne compte pas te laisser le rejoindre. Tu as le droit d'être endeuillé. Tu as le droit de pleurer. Mais, je t'en conjure, ne te laisse pas mourir.
- Tu ne comprends pas.
Falcon posa la tête rousse de Conan contre son épaule, et, bientôt, ils furent rejoints par Elijah, qui s'assit tout près d'eux.
- Nous comprenons la peine de perdre un ami. Pas celle de perdre un frère, en effet.
- Ce n'est pas ça. Pendant toute ma vie, je n'ai jamais cessé de lui chercher des noises. Je ne lui ai jamais dit qu'il comptait pour moi, jamais. J'ai douté de lui jusqu'à sa mort. J'ai même cru qu'il me tuerait pour pouvoir vivre.
Falcon entrouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais la referma dans un léger claquement, rougissant.
- Il sera mis en terre dans six jours. Par conséquent, tu es excusé par Giulian, et tu peux manquer la représentation du soir, l'informa Elijah.
- Quelle amabilité. Je le hais. Je me hais de ne pas avoir fui le jour où il nous a recueillis. Je hais Conor de m'avoir abandonné et je jure de tuer de mes mains le comédien qui a proposé l'idée de la Commedia della Morte. C'est horrible. Tout bonnement horrible.
Il fondit en larmes, cachant son visage dans ses mains comme s'il en avait honte.
Falcon quitta la pièce, le teint pâli.
Si les autres savaient. Si les autres savaient que lui, Falcon le solaire, l'empathique, était à l'origine de tous leurs maux...
Il se haïssait, lui aussi. Sa tentative de redresser un théâtre s'était changée en scène d'horreur, et lui la regardait virer au rouge sans pouvoir agir.
Il était responsable du traumatisme d'Elijah, des coucheries d'Amore, du désespoir de Conan. Non sans sarcasme, il se demanda quand viendrait le moment où il briserait aussi la douce Victoria, et lui-même. Il quitta le théâtre, la vision brouillée. Devait-il avouer ?
Son secret était trop lourd à supporter pour lui. Il avait sur la conscience la mort et la douleur, à vingt ans. Il se dit que, peut-être, sa culpabilité l'avait-elle déjà brisé.
Il chercha sa propre image dans la vitrine d'une boutique de l'allée Corvo, et lorsqu'il la trouva, il fut comme projeté deux ans et demi en arrière : une deuxième fois, Falcon Gallo vit rouge.
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