C H A P I T R E 3

Trois jours avant le transfert...

Mes paupières clignent pour chasser la fatigue. À présent que je suis consciente, je contemple l'homme qui m'a assommé ainsi que les deux loups qui m'ont poursuivi. L'un d'eux recommande de me laisser au sol pour ne pas empester les fauteuils et autres meubles raffinés de ce bâtiment au style byzantin.

Mon odeur intempestive me trahit et suite à mon passage, plusieurs têtes interloquées se sont tournées. Il faut dire que je leur ai donné pas mal de fil à retordre. Lâchée comme une vulgaire poupée de chiffon sur le carrelage froid, je peine à me redresser en sentant un filet de sang séché barrer la moitié de mon visage. Du bout des doigts, j'effleure la plaie qui est maintenant cicatrisée en attendant avec appréhension la suite.

— Calysta Karev, articule une voix caverneuse.

Les traqueurs autour de moi se tendent, le regard rivé vers le nouvel arrivant qui émerge dans le grand salon. Mes cheveux poisseux et partiellement collés sur ma figure ne me permettent pas tout de suite de distinguer une paire de ranger à mes côtés. Je ne prends pas la peine de faire face à mon interlocuteur, terrorisée à l'idée de pouvoir placer un visage sur un nom scandé par tous avec peur.

L'Alpha.

Son odeur est différente par rapport à celles des traqueurs. Son aura et bien plus forte et m'enveloppe dès l'instant où il se plante face à moi. Je tente de calmer mes palpitations cardiaques en sachant très bien qu'il les écoute avec attention.

— Sais-tu qui je suis ? poursuit le mâle dominant d'un ton plus rude.

Je perçois les grondements bestiaux des traqueurs dans mon dos qui percent dans le silence suite à mon mutisme irrespectueux envers le maître des lieux. Un acte qui n'a rien de volontaire. Mon corps refuse simplement de répondre par effroi. Ma louve semble s'être tassée dans un coin de mon esprit, domptée par la force supérieure qui s'abat sur nous.

Il s'accroupit avec patience face à moi, ne faisant que conforter cette mauvaise impression qui grandit de plus en plus en moi. L'une de ses mains agrippe avec puissance mon menton pour le relever pour la première fois vers lui. Aucune expression humaine ou chaleureuse ne perce de son apparence. Sa barbe encadre une mâchoire crispée et un faciès durcit par le mépris. Je me perds quelques secondes dans son regard, un véritable puits de ténèbres qui ne laisse aucune lumière filtrer. Mes mains s'accrochent à son manteau noir qui est ouvert sur une chemise blanche maintenant maculée par la substance terreuse au bout de mes ongles. Il me soulève sans peine pour m'installer sur l'une des chaises sous les airs attentifs de ses chiens de garde. Une personne approche à pas de velours pour lui tendre un tissu en satin. Le principal concerné passe son doigt sur ses lèvres humides où pointe le bout de sa langue pour effacer une partie de la traînée de sang sur mon visage. Ses mouvements sont précis et il ne me laisse pas d'autre possibilité que de rester assise à le laisser faire pendant que, pour je ne sais quelle raison, il nettoie ma peau.

— Tu as été difficile à attraper de ce que je sens. Tu t'es bien battue, mais pas assez pour échapper aux règles, prononce l'Alpha.

Il frotte sans délicatesse la soie contre mon épiderme abimé sans desserrer son emprise.

— Sais-tu pourquoi tu es ici, Calysta ? me questionne-t-il avec pression dans le but de me faire réagir.

— J'ai enfreint une loi.

— Une règle qui met notre monde en danger. La plus importante de toutes. Cependant, ce n'est pas la seule chose de mal que tu as faite. Tu as désobéi à mes représentants, ce qui signifie qu'indirectement, c'est à ma personne que tu as fait affront.

Un faible souffle exaspéré s'échappe de mes narines.

— C'est ce qu'on appelle l'instinct de survie, grincé-je. Un comportement typique des loups.

— Nous sommes aussi des créatures obéissantes. Nous sommes capables de nous soumettre à notre dirigeant parce que nous formons un ordre hiérarchique, un équilibre parfait. Les espèces de mi-niveau comme toi connaissent ce genre de détails.

D'un geste brusque, il jette le tissu usagé sur le sol en me contournant à pas lents. Immobile, je sens ses mains s'appuyer fermement sur le dossier de ma chaise. Il se penche si près de moi que sa barbe effleure mon oreille droite. Suite à ce contact électrisant, ma louve semble être plus agitée. Son approche ne me laisse plus aussi insensible.

— Es-tu capable de te soumettre, Calysta ?

Ma mâchoire se crispe suite à ses propos. Je me revois tapie dans l'ombre toutes ces années à craindre la vague de peur qu'ils propagent sur leur chemin. J'ai été séparée de ma famille, exclue des miens pour suivre leur règle. Tout ce que j'ai pu accomplir dans ma putain de vie était uniquement pour cet homme qui se tient face à moi.

— Oui, frémis-je.

— Pourquoi m'avoir défié dans ce cas ?

— Pour vivre, répété-je sans me démonter.

Ses mains crochètent ma nuque en griffant par la même occasion mes mèches bleu nuit. Je me crispe sous ce contact, prise d'un haut-le-cœur lorsque le traumatisme lié à cette partie de mon corps me heurte de plein fouet. Mes ongles s'enfoncent dans la chaise.

— Qui te dit que je compte te tuer pour punir tes actes ? susurre-t-il sans se douter de quoi que ce soit.

Il relâche son emprise au moment où un traqueur entre dans la salle en déposant sur la table un porte-document. De là où je suis, je repère le logo de l'aéroport sur l'un des papiers qu'il sort de la pile. Je perçois plusieurs éléments concernant un « transfert de prêt ». Toutes mes informations personnelles sont réunies et classées dans un dossier confidentiel jaune. Je dévie de ma position quelques secondes avant de soupirer en me rendant compte que les loups qui m'ont pourchassé, détaillent chacun de mes mouvements. Les deux hommes ne manqueront pas de me neutraliser si je tente quoi que ce soit, surtout au vu du mauvais moment que je leur ai fait passer. L'inconfort de ma position m'oblige à me tortiller sur mon assise. Sans compter ma nervosité qui grimpe en flèche puisqu'une seule question réside dans mes pensées.

Que vont-ils faire de moi ?

J'ai entendu parler du châtiment, bien sûr, mais évidemment je n'ai eu aucun témoignage fiable pour en avoir le cœur net. Des choses se racontent concernant une expédition dans un terrain froid appelé la terre des bannis. J'ai intégré cette menace dès mon enfance sans jamais la prendre au sérieux puisque je pensais bien être la dernière à désobéir aux règles pour me faire remarquer. Cependant, je n'ai pas pensé à l'éventualité que mes gestes pourraient résulter d'un accident et non d'une démarche volontaire.

L'Alpha me fait de nouveau face après avoir réglé les détails sur cette affaire mystère qui semble dorénavant close. Je tressaille en percevant le son des pas des personnes présentes dans la salle se rapprocher comme s'ils s'apprêtaient tous à fondre sur moi.

— Je crois que je me souviens de toi, déclare-t-il après un long silence. Bien que ta mémoire me concernant a été effacée.

Mes sourcils se froncent suite à son annonce. J'ignorais jusqu'à présent qu'il était capable de manipuler notre mémoire. Chaque Alpha possède sa propre particularité. J'ai beau fouiller dans mon esprit, il a raison. Je ne parviens pas à le replacer dans un quelconque souvenir. Je sais que j'ai déjà confronté ses sbires avant d'arriver ici, mais durant tout ce temps où j'étais persuadée d'avoir été prise en main par eux, j'étais loin de m'imaginer qu'il s'était lui-même occupé de moi. Son regard s'attarde sur mes cheveux, un geste qui ne m'échappe pas.

Mes paupières se ferment lentement en sachant ce qu'il s'apprête à me dire. J'étais terrorisée à cette époque à l'idée d'être arrachée de mes proches, mais cette peur ne s'est pas calmée au vu du sort que j'ai subi en arpentant les rues de cette ville que je découvrais seule pour la première fois.

— Ils étaient plus longs auparavant, mais je n'ai pas oublié cette couleur atypique pour autant.

— Pourquoi avoir tout effacé ? Qu'est-ce que ça peut changer que vous vous soyez vous-même occupé de mon transfert dans cette ville ? lâché-je.

Notre discussion commence peu à peu à reprendre son cours, si bien que je me demande s'il éprouve véritablement une quelconque colère envers ce que j'ai fait. Même s'il demeure impressionnant, voire menaçant, notre face à face n'est pas qu'un simple test de confiance.

— Parce qu'aujourd'hui, c'est toi mon plan B, Calysta, me révèle-t-il. Tu ne t'es jamais demandé pourquoi tu étais seule à arpenter ce lieu reculé ?

Je me recroqueville un peu plus contre le dossier de mon assise lorsqu'il s'accroupit face à moi.

— Tu vas à présent réussir où tous les autres ont échoué, affirme-t-il avec confiance. Je peux alléger ta peine en l'échange d'un service.

— Qu'est-ce qui vous fait croire que je suis disposée à vous aider ? surenchéris-je avec méfiance.

— Tu vas être expédiée sur une terre froide, hostile avec des criminels qui, pour certains, ont commis des crimes bien plus graves que se transformer. Crois-moi, tu vas détester cet endroit. Ce que je t'offre est bien plus qu'un échange de bon procédé. C'est ta planche de salut.

— Cela ne répond pas à la totalité de ma question, lui fais-je remarquer.

Un premier sourire s'étire sur ses lèvres.

— Je me suis moi-même occupé des transferts de ta ville pour une seule raison. Vos familles me sont redevables. Vous n'êtes qu'un moyen pour payer les dettes qu'elles me doivent.

La gorge sèche, je peine à digérer cette information. Impossible. Ils ne m'auraient jamais vendu ainsi. J'ai été exilée ici parce que c'est la règle. Les regroupements sont interdits. Je lutte pour ne pas me laisser déstabiliser par ses propos, persuadée qu'il ne s'agit que d'un mensonge pour me manipuler.

— Envoyez-moi là-bas sans contrepartie. Je ne ferais rien pour vous, tranché-je sans exprimer la moindre émotion.

Ses doigts s'ancrent sur les accoudoirs pendant qu'il se penche au-dessus de moi dans le but de dompter la lutte à laquelle je suis intérieurement en proie. Ma louve s'incline, sous l'emprise du mâle face à moi qui exerce une pression naturelle de par sa position dans la meute. Cependant, c'est mon côté humain qui résiste.

— C'est ce qu'on verra, tu vas très vite changer d'avis.

Il semble persuadé et cette phrase résonne davantage comme un constat entre ses lèvres. J'ignore si d'autres loups sont passés par là, mais s'il compte bel et bien m'envoyer dans le fin fond du monde avec une mission, c'est qu'il a l'intention de m'utiliser comme un Cheval de Troie. Je ne m'associerai pas à mon bourreau.

— Maintenez-la, annonce-t-il en interpellant ses hommes.

Je quitte brusquement ma chaise avant d'être de nouveau clouée dessus lorsque plusieurs mains puissantes s'abattent sur mes épaules pour me stabiliser. Je me débats de toutes mes forces, mais pas suffisamment pour parvenir à faire face à cinq êtres surnaturels.

— Qu'est-ce que vous faites ? hurlé-je avec panique.

— Je vais te donner ta mission, puis bloquer tes souvenirs jusqu'à ce que tu sois toi-même décidée à les retrouver. J'ai beau contrôler ton esprit, mais je n'ai pas une emprise sur tout. Cette partie ne dépend que de toi.

Il contourne l'un de ses hommes en disparaissant de mon champ de vision tout en retroussant les manches de sa chemise après s'être débarrassé de son long manteau noir.

— Ce que je te révèle, tu t'en souviendras. Tout comme ces moments passés depuis que tu es arrivée ici. En revanche pour ce qui va suivre... poursuit-il sans cacher son rictus cynique.

Mon coude heurte un visage lorsque je tente de me défaire de plus belle de leurs poignes. Plaquée contre le dossier, j'entends les pas du principal concerné s'aventurer dans mon dos pendant que ma tête est maintenue droite. Mon rythme cardiaque s'accélère si bien que, sous la peur, une douleur fulgurante parcourt mon corps, signe que ma transformation est imminente. Un souffle chaud caresse ma nuque. Le son d'une voix rauque perce parmi mes plaintes comme un écho qui se loge au plus profond de mon être.

— Lâchez-moi ! hurlé-je.

Un silence profond ne tarde pas à s'installer jusqu'à ce que mon air se coupe. Plusieurs éléments tranchants semblables à des griffes se plantent dans ma moelle épinière et m'arrachent une longue plainte de douleur. Immobile, mon corps se fige suite à cette intrusion enflammante qui me secoue jusqu'à atteindre la partie la plus pure qui me constitue. Mon âme.

***

Retour au présent...

— Tu te souviens uniquement de ça ? De t'être fait enlever puis emmenée de force dans un camion vers Moscou ? m'assène ma compagne de voyage.

— Tout me revient par bribes, mentis-je.

Nous nous tenons debout dans le couloir du train face à la rangée de surfaces vitreuses. Elle ne cesse de me poser des questions, alors que de mon côté, je cache précieusement chacune des réponses. J'ai espoir de pouvoir reconstituer les pièces du puzzle, mais mon entrevue avec l'Alpha demeure encore assez floue. Tout comme ces longs jours où j'ai été traînée jusqu'à être enfermée dans ce train.

Par réflexe, je touche ma nuque après avoir dégagé mes cheveux pour effleurer ma peau à la recherche d'une quelconque trace qu'aurait pu me laisser le mâle dominant de la meute.

— Peu importe, ce qui nous attend ne pourra pas être pire que ce que l'on a vécu, continue-t-elle d'un ton las.

Je ne prononce pas un mot, silencieusement appuyée contre le rebord de la fenêtre afin de contempler le paysage extérieur qui défile à toute vitesse.

— Ils sont entrés dans nos têtes, qui sait ce qu'ils ont pu faire d'autre pendant que nous étions inconscientes, soupire-t-elle en analysant le bouchon de la fiole qu'elle a ingurgité.

— Là, tout de suite, ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus, réagis-je en redoutant le moment où le train va s'arrêter.

— J'ai entendu des rumeurs sur les loups d'Alaska.

— J'imagine à peine la solitude que doivent ressentir ceux qui y sont depuis des années.

Cette dernière rit amèrement suite à ma remarque.

— Bien au contraire, ils ne sont pas isolés chacun dans leur coin. Apparemment, il y aurait des regroupements qui ont lieu au sein même du territoire des bannis, me contredit Karen.

— T'es en train de me dire qu'ils se sont créés leur propre meute ? rigolé-je peu convaincue par cette éventualité.

— Tu ne comprends pas. Ils sont tous enfermés, retenus sur un terrain où aucun des chefs de meute ne peut mettre les pieds.

— Enfermés ? Et comment au juste ? ricané-je.

Elle me désigne de son index quelque chose au loin, je dévie lentement la tête en direction de la cabine suivante. Les yeux plissés, j'efface la buée sur la vitre en contemplant une structure se dresser parmi cet épais manteau blanc qui recouvre les lieux. Je cligne plusieurs fois des paupières sous le choc en m'apercevant que ce qu'elle me montre n'est autre qu'un mur. Une idée me traverse brusquement l'esprit pendant que je me tourne vers elle.

— On pourrait sauter avant de le traverser, non ?

— Oh, excellent, je me demande bien pourquoi personne n'y a pensé avant, pouffe-t-elle.

Je ne comprends pas tout de suite sa réaction. Au loin, cette masse bétonnée haute de facilement quinze mètres se rapproche de plus en plus. Sans demander mon reste, je cavale en direction de la porte du wagon en entendant les pas de course de ma voisine sur mes talons. Certes, la température était glaciale à cause de la vitesse du train, mais il suffirait d'un effort pour que je saute et ce froid s'estomperait une fois que j'aurais touché la terre ferme. Je pourrais ensuite muter.

Une main s'abat sur la mienne à la seconde où je m'apprête à mettre mon plan à exécution en retirant mon manteau.

— Il doit forcément y avoir un piège pour que personne ne l'ait fait, déduit-elle.

Je me débarrasse de sa poigne puis laisse tomber mon manteau au sol en l'entendant soupirer. Je me force à activer ma mutation. Décidée tout autant que moi à quitter cet endroit de malheur avant qu'il n'ait raison de moi, la prédatrice en moi embrasse à son tour la douleur lorsque mon corps se plie aussitôt, secoué par un puissant spasme. Je ne pense plus à rien d'autre. Il est hors de question que je reste docile surtout après avoir entendu les paroles de Karen et de mon Alpha. Il a dit lui-même que je ne tiendrai pas et je n'ai pas l'intention de le découvrir.

Les muscles de mes épaules roulent jusqu'à ce que mon corps humain ne fasse qu'un avec ma morphologie bestiale. Un grondement s'échappe de mes babines pendant que je secoue ma tête en laissant une nouvelle fois mon alter ego prendre le contrôle.

« Tu flaires quelque chose ? », lui demandé-je.

Je marque une courte pause.

« À part la merde de cheval, tu veux dire ? », rétorque ma louve.

— Tu te fatigues pour rien, m'interpelle Karen qui n'a pas changé son apparence.

En voyant que je gratte la porte de ma patte, la métamorphe s'approche en soupirant après avoir contemplé les résidus de bois coincés entre mes griffes. Ma source de convoitise s'ouvre. Une bourrasque pénètre dans notre refuge, mais cette fois, je possède moins de difficulté à le supporter. Près de moi, je l'observe retirer ses vêtements à son tour après avoir contemplé ma résistance. J'entends ses os craquer dans mon dos et ses râles de douleurs muter en des sons inhumains. Son pelage effleure le mien lorsqu'elle se positionne enfin à mes côtés en s'adaptant à sa nouvelle forme.

Une patte après l'autre, je m'aventure sur le ponton à sa suite. Cette dernière hume l'air avant de s'arrêter sur le rebord en remuant les oreilles avec nervosité. Tapie contre le bois, elle se prépare à sauter en constatant que je m'immobilise à ses côtés après avoir contemplé l'horizon. Karen saute en disparaissant dans la neige après avoir atterri lourdement.

La prédatrice roule puis se stabilise difficilement tout en me regardant m'éloigner. Au moment où je me positionne pour la rejoindre, un violent coup de feu retentit durant lequel mes griffes se cramponnent péniblement au rebord.

Mes crocs se plongent dans la barrière près de moi pour m'aider à me maintenir en équilibre pendant que la silhouette de Karen s'écroule au loin dans la neige, inerte. La queue coincée entre mes pattes arrière, je recule, le poil hérissé en prononçant un léger couinement.

« C'était quoi ça ! », hurlé-je intérieurement.

Une fois rentrée à l'abri, mon alter ego secoue son pelage dans le but de se débarrasser de la neige qui s'y incrustée. Rapidement, sa peur submerge notre espace psychique commun. Un moment durant lequel elle me laisse reprendre le contrôle. Je retrouve mon apparence humaine sans parvenir à me retirer de l'esprit ce que je viens de voir. Elle a été abattue par quelqu'un dans le train.

— Je croyais qu'il n'y avait personne à part nous et un éventuel conducteur dans ce train ! paniqué-je en pressant mes tempes.

« Ouais, et bien, il faut croire qu'elle n'avait pas un si bon odorat que ça. »

— Elle est morte ! articulé-je.

« Elle avait quand même un bon argument. Si personne n'a pu éviter de finir là-bas, c'est pour une raison. »

Avec tout ce que j'ai pu entendre sur cette terre, la dernière once de calme qu'il me restait vient de fondre comme neige au soleil. Je ne veux pas y aller. Je ne veux pas errer dans cet endroit. J'ai besoin de rentrer chez moi.

— Tu te souviens ce qu'a dit l'Alpha au sujet des loups qui y sont ? Karen a laissé entendre qu'ils ont créé leur propre hiérarchie. Tu imagines, toi, des psychopathes, des tueurs réunis tous ensemble, main dans la main ?

« C'est vrai que ça a l'air terrible, dit comme ça », affirme-t-elle.

Un son semblable à de la frustration s'échappe de ma bouche pendant que je m'accroupis vers les vêtements que je ramasse soudainement, rattrapée par la dure réalité de la température.

« Tu vas vraiment t'habiller avec ses fringues ? », me questionne le fauve qui habite mes pensées.

— Ce n'est pas comme s'ils allaient lui servir, maintenant, me lamenté-je tout en enfilant son haut.

Une ombre plane brusquement en renforçant l'obscurité présente dans le wagon. Je ne me suis pas rendu compte à quel point le train a subitement accéléré suite à notre tentative d'évasion. Je m'appuie contre le mur en entendant le frottement du mécanisme. Le mur est là, plus qu'à quelques mètres de nous et pourtant, nous ne freinons pas. Je ferme les yeux en attendant l'impact, le cœur battant à la chamade. Le paysage extérieur est bientôt englouti par la noirceur. Un cri de surprise s'échappe de mes lèvres lorsque je suis coupée de toute lumière. Cependant le train continue d'avancer. Nous n'avons pas percuté le mur.

Nous sommes en train de le traverser

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