chapitre vingt-cinq
CHARLES EST EXTÉNUÉ PAR le voyage retour et malgré tout, arrivé au milieu de la matinée, le voici devant l'appartement de sa mère à hésiter à toquer durant de longues minutes qui lui semblent tout bonnement interminables. Il redoute amèrement cette discussion même s'il sait que tout avouer lui fera un bien fou.
En prenant une grande inspiration, il toque et patiente quelques instants avant que Pascale n'apparaisse dans l'entrebaillement avec un immense sourire aux lèvres. Charles a toujours été admiratif de cette femme, sa guerrière. Malgré tout ce qu'elle a traversé, jamais elle n'a baissé les bras et jamais elle n'a défailli et le monégasque se demande comment. Si lui a perdu son père, elle a perdu son époux. Il n'imagine pas la douleur.
Ses bras protecteurs se referment sur lui et cette étreinte lui rappelle celles de son enfance lorsqu'il s'y sentait en sécurité à chaque instant. Une profonde expiration le prend et ce câlin a un effet revigorant.
— Un café ? Tu dois être fatigué.
— Je veux bien oui.
La mère de famille disparaît automatiquement dans la cuisine alors que le brun retire ses chaussures. Ses yeux s'attardent sur les cadres disposés dans l'entrée, tantôt des photographies de son père, tantôt des clichés de Lorenzo, Arthur et lui-même, sérieux ou immatures, cela dépendait des jours. Cette époque semble lointaine et cela le rend nostalgique, presque mélancolique. Il sourit brièvement avant de regagner la cuisine en entendant la machine à café se mettre en marche.
Aussitôt dit, aussitôt fait, il se retrouve avec une tasse fumante dans les mains après qu'il ait remercié Pascale pour celle-ci.
— Tu es rentré dans le même vol qu'Arthur et Lorenzo ?
— Oui, on a pris l'avion ensemble.
— Arthur ne m'a pas prévenu s'il était bien rentré, elle grogne.
— Tu le connais... je l'ai ramené chez Carla, et vu l'heure et son niveau de fatigue dans l'avion, je suis persuadé qu'il dort comme un bébé.
Pascale sourit, connaissant bien le tempérament de son dernier fils en se demandant ce qu'elle a fait pour avoir une tête en l'air pareille. Son regard s'attarde sur son cadet qui souffle momentanément sur le liquide présent dans sa tasse alors que son regard est fuyant.
Sa bienveillance se dégage de son être et soudainement, elle change de sujet.
— Allez, déballe tout à ta mère.
— J'ai recommencé après Abu Dhabi en novembre dernier. La saison a été très difficile, et avec Charlotte qui m'a annoncé partir pour l'Australie, j'avais la sensation de crouler sous les mauvaises nouvelles et les mauvais jours.
— Pourquoi tu ne nous l'as pas dit plus tôt ?
— J'avais honte sûrement. Ensuite le mois de décembre a été particulier, j'ai quitté Charlotte et quelques jours après j'ai rencontré quelqu'un, ce n'était rien de bien sérieux à l'époque puis je ne le voulais pas.
— Tu me caches bien des choses, dis-moi.
Le brun se gratte l'arrière de la nuque, soudainement pris par la gêne. Bien que cela soit sa mère et qu'il peut tout lui avouer, il ne sait pas si TOUT dire est une solution... pourtant, il se décide à sauter dans l'inconnu.
— Je continuais à aller mal à cause d'Eric aussi, en fait... il hésite à continuer. Il me reproche la mort de Jules. Enfin, il me reproche le fait que moi, je sois encore en vie, et donc que je sois obligé de faire mieux que lui sinon mon existence est inutile.
— Pardon ? Charles, il faut que tu cesses de le voir immédiatement, c'est ce qui te bouffe.
— J'ai besoin de lui maman, malgré tout il était proche de Jules et de papa, ça me rappelle des souvenirs...
— Des souvenirs qui deviendront néfastes au fil du temps ! Éloigne-toi de lui le plus rapidement possible, il est sûrement la source principale de ta rechute.
— Laisse-moi au moins jusqu'à la trêve internationale.
— Pas un jour de plus, elle abdique. Je ne cautionne pas ta demande.
— Merci. Courant janvier j'ai eu des moments difficiles avec Éric, puis je continuais de voir cette fille avec qui ce n'était pas important, et j'ai décidé de couper les ponts avec elle, je me renfermais. Puis au mois de février il s'est passé quelque chose.
— J'ai peur de ce que tu vas m'avouer.
— Cette fille était enceinte et elle a fait une fausse couche, sa voix se brise. Je ne pensais pas que ça m'atteindrait autant, et pendant cette période c'est là que j'ai le plus... bu. Puis après Bahreïn, Arthur m'a quelque peu pris en flagrant délit, si tu savais comme je m'en suis voulu, de lui avoir fait subir ce qu'il avait déjà subi il y a six ans.
— Je parlerai avec lui mais je suis certain qu'il ne t'en veut pas.
— Après Bahreïn je suis retourné à Londres pour passer du temps avec elle, se soutenir dans cette épreuve parce qu'apprendre ça c'est difficile, plus que l'on ne puisse s'imaginer. Et en fait on s'est énormément rapprochés, ce soir-là elle m'a racontée des événements terribles de sa vie, je ne rentrerai pas dans les détails. Ça m'a bouleversé et cette même nuit, j'ai vrillé. J'ai recommencé et c'était tellement fort cette nuit-là.
— Oh mon grand... elle presse doucement sa main.
— Elle m'a vue. Je ne me souviens pas très bien de la discussion que l'on a eu, mais je crois que c'est à ce moment-là que j'ai pris conscience qu'elle m'empêchait de penser de manière négative. Depuis ce moment, à chaque fois que j'ai envie de recommencer, je pense à elle, ou alors je l'appelle, et je parviens à ne plus vouloir recommencer. Elle a eu un effet tellement positif sur moi et je crois que ça me fait du bien autant que ça m'effraie.
— Et je pourrais avoir le prénom de cette jeune fille qui fait battre ton cœur ?
— Willow. Elle s'appelle Willow. Je crois que je l'aime vraiment bien, pourtant j'ai l'impression que c'est trop tôt.
— Cela dépend de ton ressenti mon grand, et de ce coup de foudre que tu as eu. Si elle te plaît, laisse-toi porter et vois où est-ce que ça te mène, sans te précipiter. En tout cas je suis très contente que tu te sois confié.
— Est-ce que tu penses que c'est une bonne idée si je l'invite à Monaco durant le mois d'avril ?
— C'est une excellente idée, tu pourrais lui faire visiter la ville, lui présenter tes amis... pas forcément ta famille, ne va pas la traumatiser tout de suite, cette remarque lui arrache un rire, mais ça te permettra aussi d'en apprendre plus sur la nature de votre relation.
— Merci maman.
— Je suis fière de toi mon fils, j'espère que tu le sais. Je serai toujours présente pour te conseiller.
— Je sais, j'aurais dû te parler de tout ça plus tôt.
— Tu l'as fait à présent et c'est le principal. Comment est-ce qu'elle se sent à la suite de cette fausse couche ? Et toi ?
— Elle se sent de mieux en mieux, les trois premières semaines étaient difficiles mais elle commence à digérer, vraiment petit à petit. Moi aussi, mais à chaque fois que j'y pense jai cette boule au ventre qui ne veut pas partir, je me demande ce qu'il se serait passé si ça n'était pas arrivé.
— Si, si, si... malheureusement c'est arrivé et tu n'y peux rien, tu ne peux pas revenir en arrière. Je sais que c'est douloureux mais je suis certaine que tu arriveras à surmonter tout ce que tu traverses.
— Merci de m'avoir écouté.
— Je t'écouterai toujours. Demain, tu viens déjeuner avec tes frères à la maison, d'accord ?
— C'est promis. Je pense que je vais rentrer maman, je suis lessivé par le vol et le week-end a vraiment été difficile, il attrape ses chaussures qu'il enfile.
— Tu m'envoies un message quand tu es rentré, et ne fais pas comme ton frère !
— Oui ne t'en fais pas, merci encore.
Il la prend dans ses bras un long moment, appréciant ce réconfort et à contrecœur il se dégage avant de quitter l'appartement, le cœur bien plus léger qu'à l'arrivée.
Le trajet jusque son domicile lui semble interminable et arrivé à celui-ci, il songe de nouveaux aux paroles prononcées, aux mots égarés et tout le bénéfice de cette discussion semble avoir disparu en un clin d'œil.
Essayant de faire abstraction de ses pensées qui divaguent, il se prépare à aller se coucher, du moins faire une sieste puisque la nuit est encore loin de tomber. Le monégasque ferme ses volets et laisse entrer l'obscurité, aussi bien dans la pièce que dans son âme. Demain, il reprendra les entraînements avec Éric à Monaco et il n'a guère envie subir une nouvelle fois. Il n'aura pas la force de subir ces propos terribles qui restent bloqués dans son crâne et martèlent son cœur à chaque instant.
Il meurt d'envie de recommencer, de sentir ce goût amer remplir sa trachée et de se laisser tomber sur le canapé afin d'échapper à ses pensées.
Une notification sur son téléphone le fait grogner, lui qui a cru avoir mis celui-ci en silencieux afin de se reposer et éviter de penser au fait de s'adonner à une liqueur trop amer pour appauvrir ses songes machiavéliques. Willow. Un simple message.
- ce matin je n'ai pas fait grand chose, j'ai essayé de ranger un peu mon appartement en perdition depuis des semaines, mon père m'a appelé je n'ai pas osé répondre. parfois c'est des phases plus difficiles que d'autres, je crois en la balance. tout reviendra comme avant mais je ne sais pas si j'ai la foi de patienter.
Charles sourit. Il s'apprête à répondre toutefois, un second message l'arrête.
- je sais que tu n'es pas fier, donc je me suis dit que j'allais te raconter n'importe quoi pour te changer les idées. tout d'abord je hais les tomates, je ne sais pas pourquoi. ensuite j'ai toujours eu un don pour les sciences, pourtant je n'ai jamais suivi ce parcours, mes parents étaient déçus. j'ai fait du saxophone pendant cinq ans parce que j'avais une obsession pour lisa simpson. j'adore les tulipes orange, ce sont mes fleurs préférées. j'ai un tatouage à la hanche, un petit T. je ne suis forte dans aucun sport, je crois que le sport me déteste. petite je voulais devenir pilote à cause du film TOP GUN.
Le monégasque a un sourire que nul ne pourrait effacer alors qu'il relit plusieurs fois le message afin d'assimiler tout ce qu'a dit la jeune femme. Il se met à écrire à son tour, oubliant ce à quoi il songeait, simplement grâce à deux messages envoyés au bon moment.
- je sais jouer du piano et j'ai appris tout seul, je déteste les mathématiques et quand mes ingénieurs m'expliquent certaines données sur les graphiques je fais semblant de comprendre. quand j'étais petit je voulais raser mes cheveux pour ressembler à eminem. je déteste les champignons, je trouve cet aliment inutile. je suis facilement distrait par n'importe quoi, pourtant c'est tout l'inverse en formule un. je me suis fait un piercing à l'oreille pour paraître stylé à quinze ans et quand ma mère l'a découvert elle m'a forcé à arrêter tout de suite, on voit toujours l'endroit où le trou a été fait d'ailleurs, si on s'y attarde. et contrairement à toi, j'excelle dans tous les sports. sauf le football. mon frère m'appelle chacha et je déteste parce que je trouve ça nul comme surnom.
Le brun appuie sur 'envoyer' et patiente. Il s'étonne, son cœur bat la chamade et cela fait longtemps qu'il n'a pas connu telle sensation en dehors d'une monoplace –pour cause ; l'adrénaline et l'effort physique–.
— go on, chacha, relève la tête vers ton prochain objectif ;)
Et Charles rit bêtement devant l'écran de son téléphone face à cette réponse. Il commence à regretter ce dernier secret dévoilé.
— motif de rupture amicale
— tu m'as tendue la perche !
— il est vrai que...
Le brun éteint son téléphone, estimant que la conversation ne reprendra pas. De toute manière, il est bien trop épuisé afin de tenir le coup. Il s'endort le cœur bien plus léger que quelques minutes auparavant, grâce au remède miracle de Willow qui, de son côté, sourit sans répondre à ce message, ne sachant que dire ensuite. Un immense sourire trône sur ses lèvres, elle est persuadée qu'elle l'a aidé et elle n'en est pas peu fière.
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hello, petite journée de retard mais j'avais une bonne excuse, j'étais à disney donc c'est totalement fou, y'a trois jours je ne savais même pas que j'y allais donc j'ai été prise au dépourvu mais me voici !
on se retrouve jeudi en reprenant nos bonnes vieilles habitudes <3
-alcools
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