chapitre un

SE RÉVEILLER D'UNE ATROCE NUIT DE SOMMEIL n'est jamais une partie de plaisir pour un cœur en peine. Vos sens sont en éveil. Vos pensées prises en otage par vos démons emplis de merveilles, étrange phénomène. La sueur perlant sur son front est synonyme d'émois profonds. Son corps recouvert de frissons trahit ses songes machiavéliques qui lui hurlent des paroles cyniques à répétition.

Même cauchemar depuis plusieurs saisons.

D'un revers de main, elle fait disparaître les gouttelettes prêtes à venir s'échouer sur son matelas fin. Encore une nuit gâchée, c'est toujours le même refrain.

Son corps à présent dépourvu d'une couverture, ses pieds martèlent le sol gelé de l'appartement afin de la mener vers un châle pouvant recouvrir ses épaules alors que la porte-fenêtre de sa chambre s'ouvre sur la fraîcheur d'une nuit londonienne. Son paquet de cigarettes déposé sur la table de nuit est soudainement attirant, encore plus que lorsque les milliards et milliards d'astres sont cachés par la lueur du soleil.

Malgré le vent qui entremêle ses cheveux blonds, elle parvient à allumer sa cigarette et en inhaler la fumée néfaste brûlant ses poumons à une vitesse phénoménale. Son souhait serait de se procurer plus, afin d'oublier son tragique destin. Pourtant, le courage ne vient pas. Se contenter de fumer dans l'unique objectif de se détendre est bien assez. Toutefois, le compte à rebours est lancé. Elle ne se donne pas trois mois supplémentaires avant que la quantité à consumer soit insuffisante.

Pour le moment, elle s'en contente. Ses stupides vogues lui donnent l'air d'une riche fille à papa qui n'a besoin que de son argent pour vivre.

C'est ce qu'elle est, finalement.

Une vulgaire princesse aux allures de déesse, mais réellement brisée telle une diablesse en détresse.

Willow ne sait combien de temps elle reste avachie sur ce siège si confortable installé sur sa terrasse donnant un visuel sur les plus beaux et prisés quartiers de la capitale de l'Angleterre. Cependant, elle comprend que sa nuit aura été courte, puisqu'en décembre, le jour ne se lève que tardivement. Et la voici à observer la ville redevenir active.

Le temps est gris.

C'est ainsi qu'elle perçoit le monde également.

Peut-être qu'elle devrait faire quelque chose de sa vie, au lieu de rester cloîtrée entre quatre murs, sans aucun avenir. Pourtant elle reste observer les buildings alors que la pluie s'invite. La dernière cigarette de son paquet s'allume, se consume en quelques brèves minutes. Willow jure en comprenant que son stock s'est amenuisé en un temps record. La seule solution est de quitter ce cocon qui la berce tant, qui la protège du monde extérieur.

Willow essaie de se réjouir, de se dire que grâce à cette petite balade, elle prendra l'air et respirera à plein poumons la pollution londonienne... non, la blonde n'y voit aucun point positif. S'aventurer dans les rues de la capitale n'est qu'une nécessité à assouvir parmi tant d'autres. Enfilant un gros manteau, une écharpe et un bonnet afin de compléter sa tenue, elle est prête à affronter le froid polaire de l'hiver anglais.

Ses pas se font hésitant en traversant l'immense allée. Le tabac le plus proche est à cinq-cent mètres, cela lui suffit à observer dans la ville des comportements douteux et détestables. Un vieux qui louche sur ses fesses, une femme bien habillée qui la jauge du regard, des travailleurs en retard qui la bousculent en s'excusant à peine, des mamans qui essaient en vain de calmer les pleurs de leurs nouveaux-nés... sa vie est aussi morose que de vivre sur cette planète.

Aussitôt rentrée dans le tabac, elle fait entendre sa présence par le son d'une clochette qui sonne automatiquement lorsque la porte s'ouvre. Afficher son plus beau faux sourire est sa spécialité. Willow est habituée à manipuler pour arriver à ses fins, bien que le vendeur n'ait rien demandé, et que de toute façon, elle ne volerait rien. Alors pourquoi user de son talent ?

— Quelle belle journée, Willow ! Que me vaut ta visite en ce début du mois de décembre ?

— Je n'ai plus de clopes.

— Je m'en doutais, il ricane légèrement, son haleine fétide la répugne. des vogues pour la demoiselle ?

— Mets-en moi de toute sorte, j'en ai rien à foutre.

— C'est qu'elle grogne la petite aujourd'hui, allez je te mets ça. Par contre, ça sera pas donné avec les prix du tabac qui ne font qu'augmenter.

— J'ai les moyens de racheter trois fois ton commerce, en ayant un minimum de respect pour ton travail. Alors trois cartouches ne vont pas me ruiner.

— Trois cartouches... il ricane encore et Willow retient un soupire en payant la somme indiquée sur le terminal de paiement électronique. Et voici, belle journée à toi petite !

— À toi aussi.

Elle marmonne avant de quitter la boutique, le sac empli de ce qui sauve sa vie inintéressante. Elle déteste ce vendeur, qui de nombreuses fois a louché sur ses seins les fois précédentes.

Le froid lui glace les mains, sortir sans gants n'est pas l'idée du siècle, surtout cette saison. Ces cinq-cent mètres lui semblent durer une éternité, ses yeux se perdent sur des détails anodins, de touristes qui se prennent en photographie devant n'importe quel monument, de personnes qui lui quémandent de l'argent et, incapable de refuser, elle dépose quelques livres sterling dans un ou deux chapeaux, pour ceux qui n'ont pas l'aubaine de vivre dans de sublimes loft londoniens parfaitement hors de prix.

Arrivée dans son appartement, ce long soupir qu'elle contient depuis plusieurs minutes sort enfin. Puis, c'est toujours le même schéma comme à chaque sortie.

Déballer un des paquets et en sortir une cigarette qu'elle s'empresse d'allumer comme si ce bâtonnet cancérigène changerait le moindre petit détail à la situation dans laquelle elle se trouve, à ce qui a été détruit il y a maintenant un peu plus d'une année.

Ne sachant que faire, ses yeux se perdent sur la flamme du briquet, qui s'allume et s'éteint tandis qu'elle joue bêtement avec comme une enfant ne dépassant pas la dizaine d'années, tout au plus. Son regard s'arrête sur son téléphone. Cela fait longtemps qu'elle n'a pas donné de nouvelles à ses amis. Ils sont habitués à ses absences répétées et ne lui en tiennent pas rigueur, eux qui ont subi sa descente aux enfers l'année dernière.

Willow a besoin de sortir, faire la fête, se mettre minable quitte à ne plus se souvenir d'un quelconque lendemain. Toutefois, ses amis, ou connaissances, travaillent, et ne peuvent se permettre des futilités en cette période de l'année. Willow s'ennuie à mourir et elle jurerait avoir pratiquemment terminé le catalogue Netflix du Royaume-Uni. Peut-être faudrait-il s'aventurer dans les autres pays. Elle n'aurait aucun mal à ça, Willow est tout simplement une femme brillante qui s'est perdue en cours de route.

Pourtant le fait d'être trilingue a ses atouts, qu'elle ne met pas en évidence.

Néanmoins la volonté de quitter cet appartement, d'avoir une routine barbante et une vie d'adulte ne lui plaît pas. Elle ne devrait même pas être en vie, pour commencer. Sa vie s'est arrêtée il y a une année.

Son cellulaire vibre sur la table de la cuisine tandis qu'elle était retournée sur sa terrasse afin d'entamer son énième cigarette de la journée. Cela fait deux saisons qu'elle ne compte plus ce qu'elle consume. En observant celui qui la contacte, la blonde soupire. L'envie de lui parler semble lointaine, mais peut-être qu'il lui passera de l'argent alors toute opportunité est bonne à prendre.

— Allo papa, comment tu vas ?

N'importe quel comédien serait impressionné par son jeu d'acteur dans la tragédie qu'est sa vie. Cela fait plusieurs mois qu'elle pratique. Cette façade, cette caricature qui recouvre ses traits est si similaire à l'ancienne Willow, que tout le monde pourrait penser que tout va divinement mieux dans sa vie et qu'elle se relève de ce traumatisme immense. Foutaises.

— Bonjour ma fille, j'ai une superbe nouvelle à t'annoncer et je suis certain que tu seras heureuse ! amorce Harry, son père.

— Je m'attends au pire.

Elle roule des yeux, exaspérée d'avance par ce qu'il pourrait bien lui proposer. La blonde n'en a aucune idée mais son sixième sens lui dit qu'il faudrait sortir de cet appartement, et c'est actuellement son dernier souhait.

— La FIA organise un gala de charité demain soir, j'y suis convié et je t'emmène avec moi !

— La quoi ?

— La FIA, Willow. Dois-je te rappeler que depuis des années je sponsorise plusieurs de leurs événements ? Formule un, endurance, quelques rallyes...

— Je suis impressionnée, mais non merci.

— S'il te plaît, nous ne nous voyons plus souvent ces temps-ci, j'aimerais bien passer du temps avec ma fille.

Ses yeux se gorgent de larmes aussitôt ces mots prononcés par son paternel. Elle voudrait tant refuser mais ses désirs passent bien trop souvent après ceux des autres. Willow prend une profonde inspiration en écrasant sa clope dans le cendrier, avant de rentrer dans son salon et de fermer la porte-fenêtre afin de ne pas laisser entrer la fraîcheur londonienne.

— À une condition : Crystal a le droit de m'accompagner.

— Je vais pouvoir me débrouiller afin de te dégoter une place pour ton amie ma grande. J'ai hâte de te voir demain !

Son père raccroche et la jeune femme passe sa main sur son visage, submergée par cet appel qui pourtant semblait tellement anodin. Willow déteste passer du temps avec sa famille depuis quelques temps. Les éviter est tellement plus rassurant. Toutefois demain, la voici contrainte d'être présente pour un évènement auquel elle doit obligatoirement participer. Harry ne l'a pas forcément précisé à travers le combiné, mais il souhaiterait voir sa fille prendre les rênes de l'entreprise à sa retraite. Ce qui n'est absolument pas dans les plans de la blonde à l'heure actuelle.

Les tensions concernant ce désaccord sont insupportables, et Willow est soulagée que sa meilleure amie Crystal vienne afin de ne pas laisser la possibilité à son père de lui parler de ses projets. Enfin, encore faudrait-il qu'elle accepte. Willow s'empresse de lui envoyer un message.

- crystal viens à un gala demain soir avec moi je t'en supplie sauve mes fesses

- t'as de la chance que j'aie rien de prévu. si on finit en boîte je te tue

- tu me connais quand même

- justement

Un large sourire étire ses lèvres écorchées par l'angoisse. Willow se sent chanceuse d'avoir une amie telle que Crystal, qui la suivrait partout les yeux fermés. Grâce à elle, ce gala est moins perçu comme une fatalité. Peut-être qu'avec celui-ci, elle pourrait relancer les dés de sa vie détériorée.

Satisfaite de cette fin de journée, elle s'allume une cigarette, comme si elle avait un évenement important à fêter.

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j'espère que ce premier chapitre vous plaît ! comme vous le voyez, c'est différent de bruises et les thèmes sont différents, avec des chapitres beaucoup plus longs (1600-3200 mots)

à lundi prochain ici ! <3

-alcools

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