chapitre trente-trois
LORSQUE WILLOW SE RÉVEILLE, elle est tiraillée entre plusieurs émotions. L'excitation d'un nouvel anniversaire qui, elle le sent, sera bien différent des années précédentes, et le chagrin d'une deuxième année sans la présence de sa soeur lors de ce jour si spécial. A l'aube de ses vingt-quatre ans, son cœur est moins lourd, ses poumons plus consumés toutefois, et des pensées en voix de guérison. L'anglaise se défait des draps et se dirige vers son salon afin de se préparer un thé dans un silence qui l'angoisse légèrement moins.
La jeune femme a toujours cette boule au ventre d'observer le temps qui passe à une vitesse phénoménale. Cette affreuse sensation de se faire la réflexion qu'elle n'a pas eu le temps d'effectuer telle ou telle activité cette année et qu'elle ne sait pas quand est-ce que cela pourra se produire dans sa vie. Le pire ennemi d'un Homme est certainement le temps, et Willow en a parfaitement conscience. Pourtant cela ne l'empêche pas de le gâcher parfois, pour cause de songes qui la rongent, de doutes qui la déchirent irrémédiablement.
Soufflant sur le contenu de sa tasse, elle crie un simple 'entrez' en entendant la sonnette de son appartement retentir dans son domicile, lui provocant une grimace due à cette sensation désagréable aux tympans. Willow sait parfaitement qui se trouve derrière cette porte et il n'y a aucune nécessité de s'inquiéter, puisque Crystal et Harry débarquent sous les airs de la chanson de Stevie Wonder. La blonde pouffe de rire en posant sa tasse, admirant les deux protagonistes célébrer son anniversaire en cantonner les paroles qui se répètent bien trop de fois.
À l'issue de ce petit spectacle, elle vient étreindre sa meilleure amie et son père en les remerciant chaleureusement. Ses yeux pétillent de bonheur et Harry est satisfait de savoir sa fille aussi heureuse en ce jour si spécial. Celui-ci dépose un gâteau sur la table de la cuisine, attirant l'œil de sa fille qui semble intriguée par le contenu de la boîte.
- Un gâteau ? À dix heures du matin ?
- Il n'y a pas d'heures pour manger un gâteau, argumente-t-il simplement.
- Et avant le gâteau, il y a les cadeaux ! déclare Crystal avec impatience avant de lui tendre une enveloppe.
Willow lève les yeux au ciel avant d'accepter l'enveloppe avec réticence. L'anglaise n'apprécie pas forcément recevoir de tels présents. Ce pourquoi d'ailleurs son père est venu les mains vides, sachant parfaitement que sa fille trouve que les instants en famille ou avec des amis sont plus précieux qu'un cadeau qui sera finalement éphémère.
La blonde déchire l'enveloppe devant une Crystal excitée, se balançant sur sa jambe droite, puis sur sa jambe gauche sans discontinuer. Willow ne peut réprimer son sourire en posant ses yeux sur les billets pour certainement le concert de sa vie. Elle ne sait que faire à part prendre dans ses bras la brune qui s'auto-remercie de manière faussement dédaigneuse. La blonde pouffe de rire en fixant ces billets avant de se mordre la lèvre, ne pouvant rêver mieux et acceptant, pour une fois, volontiers ce cadeau.
- Coldplay.
- Bien sûr. Il y en a deux, et ce n'est pas moi que tu emmèneras, elle énonce alors.
‐ Crystal...
- Je ne veux rien entendre ! elle lui fait alors un clin d'œil.
Willow lève les yeux au ciel tout en rangeant soigneusement les billets dans l'enveloppe, préférant patienter avant de finalement en parler au principal concerné.
- Willow j'ai également une petite surprise pour toi, déclare alors Harry.
- Papa...
- Je te jure que cette fois-ci, ça en vaut la peine. Je dois t'annoncer quelque chose.
- Tu me fais peur, et encore plus quand je vois que Crystal semble au courant, elle pointe son amie du doigt qui mime le fait de fermer sa bouche et de jeter la clef dans la pièce.
- Tu m'avais demandé il y a quelques semaines de t'aider pour... reprendre un peu ta vie en main. Eh bien si j'étais en déplacement ces deux derniers jours, c'est parce que j'étais en négociation avec le directeur de l'entreprise implantée à Milan. Il accepte de te prendre en tant que stagiaire d'abord, puis en tant qu'employée avec possibilité de monter en grade.
— Milan ?
— Milan. Je sentais que tu avais grandement besoin de changement. Tu as les cartes en mains à présent.
Willow ne sait que prononcer. Une étreinte suffit à remercier son père, qui accepte volontiers en sentant les larmes de sa fille tremper son éternel costard bleu marine. Harry sourit à Crystal en l'invitant à cette étreinte à laquelle elle participe brièvement afin de ne pas casser cet instant si précieux.
La blonde n'apporte aucune réflexion. Sa décision est déjà prise. Quitter l'atmosphère étouffante de Londres est une opportunité unique, la promesse d'un nouveau départ et la jeune femme est heureuse.
Ce moment intense et riche en émotions est interrompu par l'interphone. La jeune femme sèche ses larmes tout en fuyant le torse de son père afin de demander à la personne de décliner son identité.
— Bonjour, j'ai un colis au nom de madame Davies.
L'anglaise fronce les sourcils en se prononçant, avant de laisser le livreur gravir les escaliers, tandis que Willow se tourne vers Crystal et Harry.
— Qu'est-ce que vous mijotez encore ?
— On est doué en surprise mais cette fois, on n'y est pour rien.
Elle soupire avant de se diriger vers la porte d'entrée pour ouvrir sans que le livreur n'ait à sonner. Celui-ci se présent avec un bouquet de fleurs d'une taille bien disproportionnée ainsi qu'une immense barquette de fraises. Willow remercie gentiment le livreur qui lui souhaite une bonne journée, alors que la jeune femme referme la porte. Willow prend la petite carte présente dans le bouquet, émerveillée par celui-ci.
La présence de Crystal et de son père n'a à présent pratiquemment plus aucune importance lorsque ses yeux se posent sur cette fameuse carte.
- les fleurs ne suffiront pas à combler la distance mais à ton retour je te préparerai les plus belles journées. joyeux anniversaire willow.
(doucement avec les fraises)
— C'est Charles, elle dit en souriant. Il n'a même pas signé cet idiot.
— Quel romantique ! souffle Crystal en débarrassant Willow de l'immense bouquet de fleurs.
L'anglaise se sent comblée et chanceuse d'être si bien entourée en ce jour si spécial. Il manque certainement sa mère aujourd'hui, toutefois leur relation est tellement délicate qu'il vaudrait mieux ne pas gâcher une telle journée inutilement. Pourtant, Willow sait qu'il faudra qu'elles entretiennent une discussion sérieuse un jour ou l'autre.
Mais certainement pas maintenant. L'anglaise préfère admirer son bouquet composé de tulipes, d'anémones et de pivoines qui embellit directement la pièce. Elle pique une ou deux fraises avant de proposer un bout de gâteau afin de bien débuter cette journée.
Harry et Crystal s'en vont après que treize heures ait sonné. La blonde s'habille plus décemment, prend le reste du gâteau présent dans la boîte dans ses bras ainsi que tout le nécessaire dans son sac et quitte son appartement en prenant soin de bien fermer celui-ci. Pour une fois, la ville est ensoleillée. Ses lunettes sont utiles quelques instants le temps de disparaître dans la bouche de métro. Les passants sont intrigués par ce gâteau qu'elle tient dans les mains toutefois, elle n'y prête pas attention.
Quelques stations plus tard, elle descend et marche quelques minutes supplémentaires avant de se poster devant ce portail toujours aussi sinistre. Willow déglutit avant de s'aventurer dans ces allées maussades et sombres. Ses pas l'arrêtent devant la tombe de sa sœur et, avec lenteur, elle s'accroupit devant celle-ci.
Machinalement, elle sort une part pré-découpée du gâteau, une bougie de son sac ainsi qu'un briquet. Sa bougie positionnée sur le gâteau et allumée, elle patiente quelques secondes pour faire un vœu, avant de souffler. Une larme solitaire dévale sa joue. Pourtant aujourd'hui, elle ne saurait dire si celle-ci est une larme de tristesse ou de joie. Ce deuxième anniversaire en l'absence de Taylor est une torture toutefois, cette journée a si bien démarré que la douleur semble être anesthésiée. Aujourd'hui, elle a moins mal. Peut-être est-ce une bonne nouvelle. Peut-être est-ce seulement une passe et que tout redeviendra comme avant dès demain.
Ce n'est pas ce qu'elle espère. Willow n'a pas la force de manger le gâteau. Elle se contente de sortir une clope de son paquet de cigarettes malgré sa volonté de diminuer sa consommation.
Willow malmène son cœur usé, à force de le recoudre sans se lasser. Malmène son corps brisé à force de le détruire sans discontinuer. Toutefois aujourd'hui, les blessures semblent s'apaiser.
— C'est le deuxième anniversaire que je fête sans toi et je n'ose pas imaginer les prochains. Pourtant j'essaie d'avancer. Je sens que ça va mieux. Je vais certainement déménager à Milan dans les prochains mois, Crystal et papa m'épaulent quoi qu'il arrive et... j'ai rencontré quelqu'un de super. J'ai changé avec lui. J'avais toujours eu ce côté rebelle, sarcastique et depuis qu'il est apparu, il m'a transformée. Je commence à aimer cette nouvelle facette que je ne connaissais pas. Je pense que tu l'aurais aimé. Il est patient, compréhensif, déterminé, fragile mais pas dans le sens péjoratif du terme, évidemment... elle ricane. il a énormément d'empathie ce qui contraste avec le sérieux de son travail. Oui, tu aurais adoré Charles.
Willow soupire en posant sa main sur la pierre tombale. L'inscription est toujours une pilule douloureuse à avaler, pourtant elle doit s'y habituer. Sans s'attarder plus longtemps, elle quitte le cimetière. Y passer trop de temps est négatif pour elle, alors elle préfère s'éclipser rapidement après s'être confiée.
Le message qu'elle reçoit lui fend le cœur même si un sourire bref prend place sur son visage.
- joyeux anniversaire willow, j'espère que tu vas bien.
Mason. Le compagnon de Taylor.
Willow se sent coupable de ne plus lui donner de nouvelles. Elle se jure qu'à un stade plus avancé de cette guérison, elle prendra le temps d'avoir une discussion avec lui. L'anglaise le remercie dans un long message dont elle ressent le besoin d'écrire, avant de retourner à son appartement.
La journée est loin d'être terminée pourtant, elle a l'impression que mille et une choses se sont déroulées.
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Comme à son habitude, Willow s'est emmitouflée sous un plaid pour regarder avec attention sa série préférée, Friends, qu'elle a toujours aimé regarder avec Taylor lors de son anniversaire. C'était une institution entre elles et la blonde ne peut pas ne pas respecter cette tradition. Cela serait faillir à cette promesse qu'elles se sont faites.
La jeune femme engloutit les fraises que Charles lui a offertes une à une en répétant un dialogue qu'elle connaît par cœur. Autrefois, Crystal lui aurait proposé de sortir se mettre minable comme lors de tous ses anniversaires, mais depuis que Taylor n'est plus là, le vingt-deux avril est devenue une date à bannir quand il est question d'une fête. Elle s'est automatiquement interdit de célébrer, comme si cela avait été la raison de son décès.
Il est dix-sept heures lorsque cette fois, la sonnette retentit au lieu de l'interphone. Willow râle en se demandant qui est-ce qui vient la déranger pendant ce moment si important dans l'épisode. Sûrement la voisine d'en dessous qui vient lui souhaiter son anniversaire.
En ouvrant la porte, elle s'attendait à tomber sur n'importe qui, sauf Charles, qui n'a jamais eu autant le sourire qu'en cet instant précis. Il est là, les bras ballants, devant une Willow complètement confuse et cette décision prise sur un coup de tête malgré son emploi du temps chargé a été la meilleure depuis plusieurs semaines.
Ses prunelles sombres vinrent percer ses prunelles bleutées et il la regardait sans prononcer un mot, seule le silence les accompagnant dans un premier temps.
Ses yeux étaient d'une obscurité sans fond pourtant, il pouvait y déceler toute la douceur du monde.
— Je pouvais pas rester à Monaco, à attendre désespérément comme un con le neuf mai. Surtout pas aujourd'hui-
Les lèvres de l'anglaise s'adonnent rapidement à une danse avec celles du brun qui soupire d'aise. Il oublie un instant l'épuisement du voyage, il n'y a que Willow et l'extase de retrouver cette sensation divine d'un baiser partagé.
La blonde se détache avant de plonger dans ses bras directement. Il entoure son petit corps avant de déposer un baiser sur le sommet de son crâne, comme pour se rappeler qu'elle était bien là, dans le creux de ses bras.
— J'ai fini toutes les fraises que tu m'as offertes.
Il ricane en resserrant son emprise. Ces deux semaines ont été affreusement longues et Charles a déjà le profond regret de lui cacher ce qu'il s'est passé un peu plus tôt dans la semaine. Cependant, sa dernière volonté est de l'inquiéter, ou de gâcher son anniversaire alors il se contente de sourire, de tenter d'oublier et de profiter de l'instant unique qu'ils sont en train de vivre.
— Joyeux anniversaire.
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salut chapitre tardif je regarde zen au zénith
j'espère vous avez kiffé ! il reste environ 10 chapitres sachez-le :)
-alcools
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