chapitre treize
AUJOURD'HUI EST UNE JOURNÉE CENSÉE ÊTRE merveilleuse. Charles en a pleinement conscience. Durant deux jours, il est de séjour à Paris, la capitale de la mode et de l'amour, pour la fashion week et ses dizaines de défilés tous plus extraordinaires et décalés les uns des autres. Mais surtout, il se retrouve aujourd'hui pour un évènement exceptionnel qu'il va partager avec les deux autres francophones de la grille de formule un : voir un match de la NBA, à l'accor arena, ici, à Paris.
Charles n'a qu'une seule hâte : retrouver son meilleur ami avec qui il a prévu de passer la journée entière, qui est chargée. Lorsqu'à huit heures du matin, il le retrouve pour une séance d'entraînement, il ne prend pas en compte le réveil à l'aurore auquel il n'est plus tellement habitué depuis le début de la trêve hivernale. Il est juste impatient de revoir le français qu'il n'a plus vu depuis le gala organisé par la FIA il y a de cela maintenant un mois et demi. En tenue de sport, le monégasque quitte la chambre d'hôtel dans laquelle il séjourne pour regagner la salle de sport où Pierre l'attend. Toujours en retard, c'est une tradition.
En le voyant arriver comme une fleur avec un gros quart d'heure de retard, le rouennais ne peut s'empêcher de rire avant de lui serrer la main et de lui faire une brève accolade ; une vieille habitude entre eux.
— Alors calamar, on est en retard ?
— Tout naturellement !
Pierre ricane et les deux amis commencent leur séance d'entraînement. Charles est déçu, il avait imaginé de meilleures retrouvailles, peut-être est-ce le nombre de personnes présentes dans la pièce qui changent la donne, ou peut-être que quelque chose s'est cassé entre eux. Le brun s'imagine toujours des milliers de scenari différents lorsque les agissements de quelqu'un à son égard semblent différents de d'habitude. Aujourd'hui, le français paraît plus distant, sûrement due à la concentration pour cet entraînement, mais le pilote de la Scuderia s'attendait à mieux.
Pensif, il se contente de continuer sa partie d'entraînement qui est loin d'être similaire à celle de Pierre. Comme son propre entraîneur n'est pas présent, il ne peut pas se permettre d'effectuer tout ce qu'il veut, et l'entraîneur du rouennais ne peut pas forcément s'occuper de deux séances en une. Alors il reste dans le classique, attendant d'avoir terminé pour enfin, peut-être, passer du temps esseulé avec son meilleur ami sans que quiconque ne vienne les déranger ou écouter des conversations trop privées sans leur consentement.
Lorsque Charles comprend que la séance est enfin terminée, cela sonne comme une délivrance, et encore plus quand le français lui propose d'aller faire un tour dans la capitale avant d'aller manger avec toute l'équipe de la journée.
Après s'être douchés et avoir troqué leurs vêtements de sport pour des vêtements plus adéquats, les voici en plein milieu de Paris, en train de découvrir l'arrondissement dans lequel ils se trouvent. Bonnets ou casquettes sur la tête pour plus de discrétion, les deux amis parcourent les rues de la capitale sans objectif précis, et tout de suite, Charles se sent mieux, même si, pour le moment, ils ne font qu'échanger des banalités.
— Tu vois toujours Willow ?
Cette question le fait froncer des sourcils, le perturbant plus qu'autre chose sachant que quelques secondes auparavant, ils se demandaient si les fêtes de fin d'années avaient été sympathiques ou non.
— Hmm oui, je retourne à Londres demain soir avant d'aller aux Dolomites. Comment tu te souviens de son prénom ?
— Kika n'a que son prénom et celui de sa pote à la bouche, elle a même fait un aller-retour en Angleterre il y a dix jours juste pour aller voir ses nouvelles meilleures amies.
— Je savais pas qu'elles étaient si proches.
— Quand un gala de la FIA est ennuyant, on sympathise rapidement avec n'importe qui, il rigole, et Charles acquiesce.
— Toi tu dois aller à l'usine en Angleterre ou à Viry-Chatillon ?
— J'ai tellement de choses à faire avec Alpine, c'est fou. Dans les prochaines semaines je dois aller aux deux usines, puis retourner en Normandie avec Esteban là où on a fait du karting pour la première fois, ça va être chargé et le launch va arriver bientôt. Toi tu vas à Maranello à partir de début février ?
— Après les Dolomites je fais un saut à Londres, puis Monaco, et Maranello. J'ai acheté un pied-à-terre là-bas récemment pour éviter les allers-retours. Enfin, j'ai vendu l'ancien pour prendre un nouveau.
— Carlos m'en avait parlé aussi.
Charles se demande quand est-ce qu'ils arrêteront de dire des banalités. Après, aucune conversation n'a l'obligation de reposer sur le fait de parler de problèmes récurrents. Peut-être que parler d'autres sujets ferait diminuer au monégasque son envie pressante de consommer de l'alcool. Il se sent retomber dans ses travers et pourtant, il ne parvient pas à s'en défaire.
Tel est le soucis d'une addiction. La liqueur lui permet de faire le vide dans sa tête, pourtant dès que les effets disparaissent, les pensées sombres l'assaillent de manière plus violente encore. Chaque seconde semble pire que la précédente et c'est ainsi que le brun se perd dans ses songes, n'écoutant plus Pierre déblatérer des anecdotes qu'il a déjà dû entendre des dizaines de fois. Comme déconnecté de la réalité, il se contente de sillonner les rues de Paris, tête baissée.
— Je parle dans le vide, non ?
Charles meurt d'envie de sentir l'alcool lui brûler l'œsophage. Meurt d'envie de ressentir ce goût amer sur ses papilles gustatives qui réclament le goût de l'interdit.
— Charles ?
Il a hâte que la journée se termine. Dans sa chambre d'hôtel, une bouteille l'attend.
— Charles !
— Oui ? Excuse-moi, j'étais ailleurs.
— J'ai cru comprendre, je t'appelle depuis quelques minutes. Qu'est-ce qui ne va pas ?
Il n'a qu'une demie-seconde pour réfléchir à une réponse concise. Dire la vérité ? Mentir ? Le mensonge est tellement plus confortable, tellement plus rassurant mais le jour où Pierre découvrira, il culpabilisera. Pourtant, en répondant, il ne pense pas au lendemain. Juste à l'instant présent.
— Rien, ça va.
— Okay, on bifurque à droite, allez !
Le rouennais le prend par les épaules afin de le faire entrer dans un bar de l'arrondissement, qui semble peu fréquenté puisqu'ils arrivent bien loins des heures de pointe. Têtes baissées, ils regagnent le fond de l'établissement et s'attablent. Les serveurs semblent faire des messes basses et Pierre devine qu'ils ont été reconnus, pourtant il n'a pas la force de quitter la chaleur de la salle pour le moment. Ils se font servir tous deux un chocolat chaud après que le français l'ait demandé.
Il n'a plus besoin de questionner le monégasque, il connaît parfaitement ses goûts. D'un regard bienveillant, il l'incite à parler et Charles a l'impression de faire un bond dans le temps de quelques semaines, lorsqu'ils s'étaient retrouvés dans une situation similaire, dans ce pub londonien.
— Allez, crache le morceau, je te connais quand même.
Charles est tiraillé entre la vérité et le mensonge, il s'en veut amèrement et ses mains se crispent sur le bol brûlant renfermant son chocolat chaud. Peut-être que tout s'arrangera, après avoir dévoilé son secret.
— J'ai recommencé, Pierre.
Et voir son visage se décomposer était sans nul doute la pire hypothèse qu'il avait pu imaginer. Il avait pu songer à des dizaines et des dizaines de réactions, mais de loin, celle-ci est la pire. Observer, impuissant, la déception orner ses traits est un crève-cœur si puissant que le monégasque a mal. Pourtant il ne peut pas s'empêcher d'être soulagé de l'avoir dit, comme si en parler soulagerait les maux. Charles attend les paroles du français, attend la sentence qu'il va subir en vue des mains qui serrent fortement le bol rempli à ras bord.
— Je ne sais pas quoi te dire. Putain...
Le brun ne s'attendait pas à cette phrase. Évidemment, il ne s'attendait pas à ce que le rouennais saute de joie face à cette annonce, mais il avait imaginé tant de scenari dans lesquels Pierre lui dirait seulement que tout irait bien, qu'à présent, il ne sait plus de quelle manière réagir.
— Je pensais que tout serait derrière toi et que rien ne pourrait te faire retomber et ça me fait tellement de mal de savoir que tu as recommencé, je... je suis déçu.
Et ces paroles lui font l'effet d'un couteau se plantant dans son abdomen. À chaque respiration, il a un peu plus de mal à inspirer à plein poumons, l'air lui manque et ses pensées se détériore. Il a déçu Pierre. Il aurait préféré qu'il ait une haine puissante plutôt que de la déception. Puis, sa culpabilité se transforme en colère. Une frustration plutôt. Il a tellement de questions. Pourquoi est-il si déçu ? Pourquoi devrait-il s'excuser de retomber si violemment ? Devrait-il se rejeter la faute ? Se jeter la première pierre ?
— Tu crois que j'ai fait exprès ? il grogne tout en essayant de murmurer, face aux oreilles indiscrètes.
— Je n'ai pas dit ça et tu le sais parfaitement bien, n'essaie pas de retourner la situation Charles. J'ai juste pensé que tout ça était ancré dans le passé.
— Eh bien non, qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
— Je ne peux pas te laisser comme ça, je vais devoir prévenir Pascale, je lui avais promis.
— Pierre c'est à moi de lui dire. Laisse-moi le temps, je vais arrêter je te jure, c'est juste une phase, tout ira mieux pour le début du championnat.
Le rouennais pèse le pour et le contre, faisant battre le cœur du monégasque de manière irrégulière tant la panique le gagne dans l'attente d'une quelconque réponse. Voir de nouveau la douleur dans le regard de sa mère est inconcevable.
— Je te laisse jusqu'au début du championnat pour soit avoir avoué, soit avoir arrêté. Je le fais pour toi alors je t'en supplie, fais de ton mieux et appelle-moi dès que tu as envie de boire, je répondrai à n'importe quelle heure.
Charles ferme les yeux en hochant la tête, signe de promesse qu'il ne tiendra pas, il le sait d'avance. Mais décevoir Pierre ou sa famille une énième fois est trop douloureux pour qu'il saisisse cette opportunité. Alors il va se taire et encaisser, encore plus en voyant le regard du français s'apaiser et ses membres se détendre. Il semble avoir encaissé le choc, et semble avoir cru au mensonge du pilote : faire croire qu'il va arrêter ? Tellement simple.
Après avoir terminé leurs boissons, Pierre l'entraîne à l'arrière du bar afin de faire une surprise à la totalité des serveurs et du patron les ayant reconnu. Un sourire ne quitte pas le visage du brun, il sait que le rouennais adore faire plaisir aux fans de sport automobile. Après quelques minutes de discussions, de mots échangés et de photographies effectuées, les deux pilotes quittent l'établissement, tête baissée. Il est l'heure de retrouver l'équipe avec laquelle ils vont passer le reste de la journée qui est plutôt chargée.
Charles a un poids sur les épaules qui ne le quitte plus à présent. La honte. Pourtant, le voici en train de rire innocemment avec celui qu'il a l'impression de trahir.
Tout est d'une complexité sans nom.
□□□
hello, j'espère que vous allez bien ! je poste depuis ma destination de vacances, je suis contente :) (c'est faux j'ai amené mes cours pour réviser mes partiels, quel échec)
j'espère que vous avez aimé le chapitre ! à jeudi <3
-alcools
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top