chapitre quarante-et-un
LORSQUE CHARLES DÉBARQUE À MONTRÉAL SANS WILLOW, un goût amer s'empare de ses papilles et ne fait que croître à mesure qu'il traverse le paddock, uniquement accompagné de Joris. Le brun lui a d'ailleurs fait part de l'altercation et son meilleur ami n'a pas pu s'empêcher de le traiter de bouffon. Ce qui ne l'a pas du tout fait rire, toutefois, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Cette soirée oubliée lui laisse un bien mauvais souvenir, se disant que tout ce conflit et ces paroles démesurées auraient pu largement être évitées.
Le visage fermé, le monégasque pénètre dans le paddock, essayant tout de même de sourire sur les clichés de quelques supporters passant par là. Au bout de quelques mètres, il se fait interpeller et même si converser ne le dérange pas, il aurait préféré éviter de croiser cette personne, maintenant, sur le paddock.
Kika est si curieuse qu'elle découvrira par n'importe quel moyen la raison de l'absence de Willow, si cette dernière ne lui en a pas déjà fait part. Charles n'a plus de nouvelles de sa compagne depuis quelques jours et il doit avouer que cela le blesse profondément. Même si la culpabilité le ronge puissamment.
- Comment ça va calamar ? demande Pierre en lui faisant une brève accolade.
- Ça va et vous ?
Le couple répond positivement avant de dévier sur divers sujets de conversation, ayant le temps avant les fameuses séances d'essais du vendredi. Le pilote est soulagé de voir que la portugaise ne s'investit pas tellement dans la conversation ; cela veut certainement dire qu'elle n'a pas la moindre idée de ce qu'il s'est passé, et ce n'est pas plus mal que cela ne s'ébruite pas, même uniquement dans son cercle d'amis proches.
- Charles, où est passée Willow ? Questionne Kika et le monégasque retient un soupir. Je croyais qu'elle venait ce week-end.
- Elle ne t'a pas expliqué la raison ?
- Elle ne répond à aucun des messages de Crystal ou des miens.
Charles se pince les lèvres, se demandant si tout va bien de son côté. Il est toujours effrayé lorsqu'elle se coupe brutalement du monde de cette façon, et de savoir qu'elle l'effectue alors qu'il est à l'autre bout du monde lui retourne littéralement les entrailles. Le brun déglutit difficilement devant une Kika qui semble attendre impatiemment sa réponse, tandis que Pierre essaie en vain de suivre cette discussion.
- On s'est pris la tête, elle m'a jeté son pass à la gueule en disant de venir ici tout seul. Après c'est de ma faute, il assume.
- Bien joué champion, dit Pierre ironiquement, ce qui lui vaut un regard noir de la part de sa compagne, et du brun. Qu'est-ce que tu as fait ?
- J'ai oublié la fête que son père organisait pour son départ à Milan, elle m'en veut énormément.
- C'était si important pour elle, râle la portugaise.
- Merci de me faire la morale Kika, geint le monégasque. Je suis conscient que j'ai fait une connerie.
- Tu la connais mieux que nous, laisse-lui le temps de digérer et fais-toi pardonner rapidement. Elle va ruminer encore et encore et ce n'est pas bon pour elle.
- Je sais, mais elle m'a jeté son pass à la figure avant de me dire de dégager donc... même si je laisse couler, je ne suis pas certain qu'elle veuille m'entendre.
Pierre pouffe de rire et parfois, le brun souhaiterait qu'il s'étouffe avec ses ricanements incessants lorsqu'il se moque de lui. Le châtain ne manque aucune occasion pour se faire un malin plaisir de se payer sa tête, et le pilote de la Scuderia en a pleinement conscience.
En attendant, il a réellement gâché la soirée et probablement la semaine si importante de Willow, et il lui faudra une éternité pour ne plus se sentir coupable.
□□□
Lorsque Willow pénètre dans la petite boutique, elle ressent un léger pincement au cœur. Le vieillard relève la tête vivement et sourit derrière sa moustache. Cela suffit à la jeune femme pour lui incorporer les derniers doutes quant à ce déménagement, à ce changement de vie.
— Ma petite Willow, que me vaut ta visite ?
— Je viens vous dire au-revoir, monsieur Sanchez.
— Tu pars vivre la grande aventure ?
— Je vais travailler en Italie, oui.
— Quel beau pays, j'y vais avec ma femme cet été, peut-être allons-nous nous croiser. Tu es solaire aujourd'hui, dis-moi. L'homme à la montre cassé a réussi son coup ?
Les joues de la blonde deviennent cramoisies et un rictus s'empare des lèvres du soixantenaire. Willow sait qu'il la taquine et il le réussit divinement bien.
— Je suis heureux pour toi ma petite, j'espère que tu es heureuse actuellement. Surtout, ne te prends plus la tête pour des sottises, laisse-toi guider et tu verras bien ce que la vie pourra te réserver.
— Merci pour tous vos conseils monsieur Sanchez, vous allez énormément me manquer. Je vais faire exprès de casser les montres de mon père afin qu'il vienne les faire réparer, sachez-le.
Le vieillard rit légèrement avant de lui ordonner de déguerpir rapidement, sous prétexte qu'il a énormément de travail. La blonde explose de rire avant de quitter la petite boutique, non sans laisser une larme s'échapper du coin de son œil, quitter sa vie londonienne n'est pas tâche facile, elle en était consciente, toutefois elle ne pensait pas sentir son cœur se serrer autant.
Elle ne pensait pas avoir un jour accordé autant d'importance à la ville de ses cauchemars.
La jeune femme continue sa balade jusqu'à la devanture du cimetière. Elle a l'amère sensation de tout abandonner en quittant l'Angleterre, dont quitter sa sœur toutefois, son inconscient sait pertinemment que c'est une solution afin de faire le deuil. Sereinement. Avec apaisement. Afin d'être enfin en paix avec elle-même.
Des fleurs à la main, elle traverse les allées jusqu'à parvenir à la tombe de sa sœur. Willow s'accroupit. Le ciel est grisé pourtant il ne pleut ni sur Londres, ni sur les joues de la jeune femme. Elle se surprend même à avoir un léger sourire aux lèvres en déposant avec soin les fleurs sur la tombe.
— Je pense que tu aurais voulu que je prenne ma vie en mains, c'est ce que je fais. J'espère que je te rends fière, ma vie a tellement changé ces derniers temps et c'est dur d'évoluer sans toi mais j'essaie de me dire que peu importe tu seras toujours là pour me guider. Je pars à Milan, une nouvelle vie s'offre à moi mais je reviendrai toujours à Londres, pour papa, et pour toi. J'ai rencontré quelqu'un avec qui j'ai commencé une relation, je pense que tu te retournes dans ta tombe actuellement, elle rit amèrement, il s'appelle Charles, tu l'aurais adoré... mais il est un peu maladroit. Je ne lui en tiens pas rigueur, je sais qu'il m'aime. Il me le dit mais surtout, son regard me le crie et j'ai l'impression de voir la relation que tu avais avec Mason. Tu me manques Taylor.
Willow imprime dans sa mémoire le souvenir de cette tombe qu'elle ne reverra certainement pas avant des mois. Willow se lève, puis part sans se retourner. Oui, c'est la solution. Elle en est persuadée. Accepter le décès de sa sœur, ce n'est pas oublier, non. C'est faire vivre en elle les souvenirs remplis de bonheur de leur enfance jusqu'aux derniers instants. Taylor est sa plus belle faille.
Londres n'est pas la ville de ses cauchemars, Londres est la ville de ses rêves nés de poussières d'étoile, Londres est la ville de ses souvenirs les plus fous, Londres est la ville de ses premières larmes, ses premiers rires, ses premiers amours. Londres aura toujours une place spéciale dans son cœur.
C'est certainement pour cette raison qu'elle ne pleure pas. Willow a appris à savourer le positif, ce qu'elle était incapable de faire quelques mois plus tôt. Willow est fière de son parcours, fière d'avoir éloigné de sa vie les choses néfastes, fière d'avoir arrêté partiellement de fumer, fière de ses quelques kilos supplémentaires, fière de son bras brûlé par cet incident. Willow s'aime.
Après des années dans l'obscurité.
À l'aéroport, Crystal ne peut contenir ses larmes contrairement à son amie. La blonde la serre avec force dans ses bras. L'unique personne qui la retient en Angleterre, puisque son père voyage constamment. La brune essuie ses petites larmes avec difficulté, reniflant comme une malpropre faisant rire la jeune femme qui se recule.
— Je déteste ce genre d'au-revoir comme dans les films. Dès mes prochains congés je prends un billet d'avion direction Milan.
— Je t'attends de pied ferme.
— Tu vas terriblement me manquer ma Willow, je suis tellement fière de ce que tu es devenue, je suis tellement fière de te savoir pratiquemment guérie.
— Ne me fais pas pleurer, j'ai tenu jusqu'ici alors ne fais pas n'importe quoi.
— Mon objectif c'est de te faire pleurer toutes les larmes de ton corps, d'accord ?
Les deux meilleures amies rient alors que l'heure fatidique du vol approche dangereusement. Crystal, égoïstement, la retient quelques petites minutes supplémentaires et un rictus se forme sur ses lèvres en voyant les yeux de Willow se gorger d'eau.
— J'ai réussi.
— Pétasse.
Crystal lui envoie un baiser volant et la blonde attrape sa valise avec difficulté. Quitter Londres est un crève-cœur véritable.
— Réconcilie-toi avec monsieur, sinon je viens te tirer les oreilles !
— J'attends qu'il revienne, elle dit simplement. Je ne gâcherai pas ma relation, ne t'en fais pas. Bisous Crystal, on s'appelle quand je descends.
Crystal lui fait un dernier signe de la main et Willow évite de se retourner afin de ne pas, pendant quelques secondes, regretter. Assise sur son siège, une fois l'avion dans les airs, la jeune femme fond en larmes. Ce n'est pas de la tristesse, non. C'est nostalgique. C'est un soulagement.
Willow est heureuse. Pas à cent pour cent, mais est assez heureuse pour qu'elle en soit comblée. Milan l'attend, telle est sa destinée.
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on sent la fin venir ????
c'est terrible comment j'adore cette histoire !! on se retrouve peut-être lundi, qui sait :)
-alcools
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