XVII
En rentrant chez lui, Minho n'y croyait toujours pas. Ils s'étaient embrassés. À chaque fois qu'il y pensait un petit sourire montait à ses lèvres, mais ne s'y maintenait jamais. Autre chose le dérangeait, un sentiment gênant qui l'empêchait d'être pleinement content de cette avancée. Puis plus il y pensait, plus ça se développait, et il finit en colère.
Le lendemain, il ne croisa pas Jisung. C'était naturel, le samedi étant le jour de repos des sports-études, mais il avait été surpris de constater qu'il avait été soulagé de ne pas le voir. Puis le dimanche venu, il l'avait bien croisé, et là seule la colère était montée. Il l'avait évité, et Jisung n'avait rien fait pour essayer d'aller vers lui. Alors jour après jour la colère avait effacé le reste, jusqu'à lui faire oublier le plaisir qu'il avait eu à l'embrasser.
Il avait pensé à confronter Jisung, pour voir si au moins il reconnaissait n'avoir pas été correct. Mais il y avait toujours quelque chose de plus important à faire avant, et puis le travail, les études... Au final, quand il y repensait il n'avait plus l'énergie d'avoir cette discussion.
Deux semaines passèrent. Jisung avait perdu la notion du temps. Il avait attendu, il ne savait trop quoi. Avec le temps, ses petites certitudes au sujet de Minho s'étaient effacées d'elles-mêmes, et il en revenait à un point zéro, point de départ d'où la personne de Minho lui était tout à fait opaque. Quand on pense si souvent à quelqu'un, on peut refaire des mondes en quelques jours, alors en plusieurs semaines...
Il le croisait assez régulièrement, mais bizarrement le hockeyeur regardait toujours ailleurs, et ne croisait presque jamais son chemin. Il ne savait plus ce qu'il attendait, il ne savait plus trop rien, la distance lui avait fait perdre sa confiance. Un jour, il attendit que tout le monde soit parti pour aller à sa rencontre, sachant qu'il serait bien là quelque part, pour le travail.
Il le trouva dans les vestiaires de hockey.
« Salut. »
Minho se retourna vers lui et paru surpris, mais il se remit à ses tâches tout de suite après.
« Salut. »
Il lui faisait dos. Jisung fut assez déstabilisé par le fait de ne pas pouvoir voir son visage.
« Ça fait longtemps, ça va ?
- Ça va, merci. »
Au moins il en avait la confirmation désormais, Minho n'était pas juste gêné, il était sec, distant.
« Je sais pas si tu m'évites, ou si c'est juste-
- Oui.
- Hein ?
- Oui, je t'évite.
- Ah. T'as honte ?
- Non, même pas. Il eut un petit rire, et se tourna enfin vers Jisung. Je sais que t'aimerais bien. Je resterais le mec qui a dit des trucs homophobes, qui a honte de ce qu'il aime et qui a tous les défauts. C'est plus facile, non ? De pas évoluer. De rester en colère jusqu'à humilier les autres. »
Jisung ne répondit pas. Il n'avait pas vraiment de réponse à apporter. Il observait la scène et dans ses pensées se faisait un lourd silence. Il ne pouvait être que spectateur.
« Je t'évite parce que je trouve que t'as été injuste, et même si je suis attiré par toi, j'ai pas envie de me sentir comme ça quand je suis avec toi.
- Je... suis désolé. »
Jisung ne chercha pas à voir sa réaction, il ne cherchait pas de réponse ou de pardon. Il rentra chez lui en repassant en boucle dans sa tête les événements. Les choses prenaient une autre teinte.
C'était plutôt ironique d'être en tort et d'être devenu tout simplement méchant, après avoir tant critiqué Minho pour avoir tenu ce rôle. Il avait tout de même réfléchi. Quand son monde s'était écroulé, ce garçon était venu lui proposer de le voir ailleurs, ce monde. De le construire autre part. Et il n'avait pas vu ce qu'il lui montrait mais ce qu'il était. Il avait vu Minho, se débattant désespérément contre son tempérament pour se faire pardonner et l'aider à aller de l'avant. Et il s'était convaincu qu'il ferait n'importe quoi, qu'il pouvait le pousser où il voulait et qu'il ne se plaindrait jamais. Il avait collé sur Minho l'image inhumaine d'un pilier sur lequel s'appuyer, du dernier roc stable, et il avait complètement négligé ses sentiments à lui.
Au reste, il devait sûrement se faire pardonner. Mais quand il y pensait, il était pris d'une fatigue accablante, et n'arrivait pas à penser une façon intelligente de montrer qu'il regrettait. 'Désolé' ne prend pas une signification plus forte quand on le répète, au contraire, il perd du signifiant. Jisung se fiait généralement plus aux actions pour révéler la volonté des gens, et c'était là qu'il bloquait. Il ne se voyait pas faire un geste qui sortirait de l'ordinaire, et il résolut que la meilleure chose était sûrement de laisser de l'espace à Minho.
Il parvint à redevenir régulier. Il ne ratait plus de cours et avait rattrapé son retard. Il allait à la patinoire tous les jours et faisait ce qu'on lui disait. Son regard sur son sport avait cependant nettement changé. Il était clair qu'il ne pouvait plus placer un quelconque espoir dedans, et il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il perdait son temps, à rester là. Mais c'était encore plus dur d'arrêter, de devoir expliquer à tout le monde et de partir. Pour faire quoi ? C'était la grande question qui le suivait partout. Novembre passait, jour après jour, et il répétait les mêmes déplacements, les mêmes actions, les mêmes gestes sans savoir où il allait. Au lycée, il observait ses amis pour voir un autre exemple. Mais eux, leur avenir, ils le voyaient simplement dans leur sport ou leur musique. Jisung avait besoin d'air, il avait besoin de sortir de cette routine, mais il n'avait aucune idée de comment faire.
Il eut l'impression d'avoir plus de temps libre. Sûrement parce qu'il faisait ses devoirs plus rapidement, ou que son esprit n'était plus autant occupé, ou peut-être c'était cette sensation de vide qui le suivait. Il se retrouvait souvent assis à son bureau à parcourir sa chambre du regard à la recherche d'une occupation. Quand il avait vraiment du temps, il finissait toujours par dormir.
Le mois de décembre arriva, et les choses devinrent plus effrayantes. Ses professeurs parlaient d'université, de choix, de résultats, et la tête de Jisung lui tournait. Il faisait plus de siestes, et se réveillait parfois la boule au ventre, en pensant à l'examen final et à ses conséquences. Il voulait tout oublier.
« Ce serait bien que certains d'entre vous aident aux préparatifs pour le gala de noël. C'est censé être uniquement des gens du club qui s'en occupent. Comme je peux pas être présente, j'ai demandé aux employés, mais si y en avait deux ou trois d'entre vous qui avaient du temps libre...
- Je peux aider. »
Minho se sentait beaucoup mieux. Il avait réussi à exprimer ce qui l'avait dérangé assez calmement, c'était comme si ses épaules étaient libérées d'un poids. Il s'attendait à ce que les choses s'améliorent après. Quand, quelques jours après, il n'avait toujours pas eu de nouvelles de Jisung, il s'était dit qu'il devait se senti coupable. Mais après une semaine, il n'en était plus si sûr. Et le temps s'allongeait et la distance s'étirait, et toujours rien. Il fut sincèrement déçu. Il ne se voyait pas retourner le voir et le confronter, s'il passait son temps à le confronter, il n'arriverait pas à grand chose.
Au début de la période d'examens, son responsable vint lui demander d'aider aux préparatifs du gala du club de patinage. Apparemment, l'entraîneuse principale ne pouvait être là, des élèves viendraient aider, mais il fallait au moins une personne qui connaissait bien le lieu au cas où ils aient besoin d'équipement. Ça tombait sur ses heures de travail, ça ne changeait pas grand chose pour lui, il accepta.
La veille du gala, il retrouva trois patineurs au bar de la patinoire, dont Jisung. Ils lui expliquèrent le genre de préparatifs nécessaires, du côté du bar, de la piste, des vestiaires. Il envoya les deux filles s'occuper des vestiaires et resta dans le bar, lui qui connaissait mieux la réserve.
Ils déplaçaient des bouteilles de sodas, des gobelets et des couverts d'une pièce à l'autre en échangeant simplement des 'merci' à peine articulés quand l'un tenait la porte à l'autre. Ils mirent en place tout le nécessaire dans un silence dérangeant, et au moment où ils s'apprêtaient à redescendre, Minho craqua.
« Pourquoi t'as fui ? »
Il n'était pas tant motivé par un résidu de colère, mais juste une sincère envie de comprendre.
« Hein ? J'ai fui ?
- T'es jamais revenu me parler, même pour parler de la pluie et du beau temps. T'as juste disparu.
- Je me suis dit que si tu t'étais senti humilié tu voulais pas forcément revoir la personne qui t'a fait te sentir comme ça ?
- Définitivement ? T'abandonnes à la première embrouille ?
- C'est pas que j'abandonne, mais enfin je savais pas quoi faire.
- Et si tu commençais par t'excuser ?
- Mais je me suis excusé !
- Mais... mais je sais pas t'as lâché trois petits mots en l'air sans même me regarder, j'ai aucune certitude que tu les penses ?
- Qu'est-ce que je suis censé faire d'autre ?
- Je sais pas moi, venir me demander si y a quelque chose que tu peux faire ? Pas disparaître comme ça, ça fait un mois je t'ai pas entendu ! C'est comme ça que tu gères les problèmes ? C'est pas comme ça dans le monde adulte, Jisung. »
Il descendit en premier. Jisung resta planté là. Il comprenait qu'ils avaient des définitions différentes du principe d'excuses, que ce qui était insupportable pour lui, Minho l'attendait de quelqu'un qui l'avait blessé. Ça, ce n'était pas très grave, il pouvait toujours en reparler avec le hockeyeur, ce qui l'embêtait c'était la dernière phrase.
Le soir, quand il était rentré chez lui après avoir fini, et qu'il avait l'esprit tranquille, il avait pu y réfléchir. Comment avait-il imaginé le monde adulte ? Il s'était imaginé qu'il ferait la même chose qu'il avait fait enfant, avec les mêmes personnes, juste plus aux mêmes endroits. Il n'avait pas envisagé devoir vivre une vie radicalement différente de tout ce qu'il avait connu , ni devoir changer d'habitudes. Et puis, devoir réfléchir de façon différente à ses relations, ça il y avait encore moins pensé. Il n'aurait pas pu s'imaginer qu'un hockeyeur aux cheveux gris débarquerait, et qu'ils n'arriveraient jamais à se mettre sur la même longueur d'ondes. Décidément, tout avait mal commencé. Il ne voyait pas comment rattraper toutes les erreurs qu'ils avaient faites, il fallait repartir sur une base plus saine, mais ça, Jisung était bien trop épuisé pour le faire.
Peut-être qu'il fuyait vraiment ce problème-là, mais s'il avait su comment le régler il aurait été content de le faire. En attendant, il ne pouvait que s'endormir de nouveau, en serrant sa peluche pingouin dans ses bras.
Patins, gants, tunique. Sinhyo ramène le maquillage. peut-être un peu de gel pour être sûr. Respire.
C'est qu'un gala.
Un dernier regard au miroir. Ça ira. Il avait deux passages prévus. Un numéro qu'il avait monté avec quelques patineurs de son groupe, et son programme. Le gala se divisait en deux grande parties : d'abord une présentation des programmes des meilleurs patineurs du groupe, puis les numéros montés spécifiquement pour le gala. Il devait donc arriver tôt pour se préparer et s'échauffer.
Arrivé, il laissa Sinhyo le maquiller un peu et se changea. C'était la première fois qu'il reportait sa tunique depuis Goyang. La sensation était étrange. Il se demanda s'il avait toujours été mal à l'aise dedans. Est-ce qu'il avait pris du poids ? De quelle façon son corps avait-il pu changer pour que ses sensations à l'intérieur d'un même vêtement changent ?
Il n'avait pas le temps d'y penser. Le temps passe toujours trop vite pendant les galas, et les six personnes qui passaient avant lui avaient déjà presque toutes terminées. Il s'avança, fit un tour, quelques pas, des éducatifs... et on appela son nom.
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je poste tellement souvent j'ai plus rien à dire
j'espère tout va bien de votre côté les bests 👊🏼
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