- 𝑙'𝑎𝑛𝑡𝑟𝑒
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Under the influence
2000
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« Tu ne sais pas ce que tu m'as fait... Ton corps me parle »
동굴
« Je te ferai pleurer comme un bébé. »
동굴*
L'Antre*
L'Antre
L'Antre
Où la Conscience est le Chaos des Chimères
« Le début
d'une nouvelle ère... »
동굴
— Père, je suis fin prêt.
Agenouillé devant ce caractère à l'allure effrayante, je prononçais pour la énième fois ces mots en priant pour que cette fois soit la bonne.
Je sentais presque les gouttes de sueur perler sur mon front, chose qui s'avérait être complètement impossible au vu du lieu où je séjournais.
J'attendis ainsi, longtemps. Peut-être même des heures durant. Après tout, qu'était le temps ? Ici il ne pouvait exister, il n'existait nulle part. Encore une invention de ces humains aux attributs si peu attirants...
Je ressentais dans chacun de mes pores, le défi. Le défi que m'envoyait mon paternel. Il cherchait à savoir si j'allais avoir la patience à laquelle il s'attendait, cette fois.
La position chevalier servant commençait à m'épuiser. Si on respectait la hiérarchie, j'étais l'une des personnes les mieux placées sur l'échelle, en-dessous de mon géniteur qui occupait la place suprême.
— Jungkook, lève-toi.
Je m'exécutai.
Et j'attendais.
— Tu es prêt, fils. Tu iras sur Terre exaucer ton vœu le plus cher.
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Le jour J arrivait à grands pas. Très grands pas.
J'avais hâte. J'avais peur.
Un mélange des deux, sûrement.
Mes sentiments étaient sens dessus-dessous.
Si paradoxales.
Si contradictoire.
Impatience et inquiétude.
Patience et quiétude.
— Fils, il est l'heure pour toi de rencontrer Min Yoongi.
Je ne reçus aucune autre instruction. Juste ces quelques mots en guise d'adieu.
Père, je reviendrais entier dans une vie humaine.
Et d'un battement d'ailes, je partis vers la surface, m'enfuyant par cette brèche qui ne s'ouvrait qu'une paire de fois par siècle.
J'allais découvrir un monde nouveau. J'allais respirer un air nouveau.
C'était le début d'une nouvelle ère.
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Je marchais sur cette plateforme blanche dont les murs étaient composés de nuages aux allures de marshmallow. Je me baladais, mes ailes d'un noir profond contrastaient avec cette couleur aux allures si pures que je n'avais d'une envie, la dépouiller de cette innocence perverse. Faire des tâches là où toute ma vie, je n'avais connu que le noir et le rouge.
Et qu'en étais-je reconnaissant.
N'ayant pas d'instructions plus précises, j'attendais.
Personne ne partageait son expérience à la surface, non.
Il s'agissait d'un sujet tabou.
Victorieux ou non.
Alors je n'avais qu'une chose à faire. Attendre.
J'étais doté d'une infinité d'éternités. Alors je pouvais bien me permettre d'en sacrifier une, maintenant. Maintenant ou dans dix ans. Cela ne changerait rien.
Je posai mon arrière-train sur ce sol aux délimitations floues. J'allongeai mon dos et posai ma tête avant de rejoindre les mondes de l'ombre. Je m'étais endormi. Au pire moment. Au meilleur moment. Mais ce n'était pas grave, rien ne l'était finalement. Il n'y avait pas de règles, il n'y avait pas de codes. Il n'y avait pas de lois. Quoi qu'il en soit, nous étions au-dessus. Toujours.
Je savais que d'ici quelques minces périodes, je rencontrerais enfin mon humain...
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Min Yoongi... Enchanté, petit ange. Enfin, tout était relatif.
Me voilà dans une charmante maison en ville. Un fils unique, des parents fortement occupés. Cela ne me semblait pas être un pari difficile à prendre. Et quand ce petit être si fragile s'endormirait, je jouerais enfin de mes charmes pour pimenter ce jeu aux allures bien trop fades à mon goût. Il paraissait que les bébés dormaient presque dix huit heures par jour. Alors cela me laisserait entièrement le temps de me divertir.
J'avais hâte.
Parce que j'avais entendu dire que l'ange attribué au démon de la luxure n'était autre que le dieu soleil, le fameux...
J'avais hâte de commencer, le jeu promettait d'être intéressant. Car nous étions deux et qu'il ne pouvait y avoir qu'un gagnant.
Mais qu'est-ce que cet humain avait-il de si important, pour que des divinités aussi importantes lui soient attribuées ?
Hélios, ou bien Kim Taehyung, es-tu prêt à m'affronter ?
Aussi chaud que la braise, j'étais. Parviendrais-tu, de ta fraîcheur, à me refroidir ?
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Personne n'avait daigné me dire que cette première journée allait être si harassante. Mon costume sombre ne me laissait aucunement me sentir bien.
J'étais ennuyé. J'étais étouffé.
J'avais hâte d'en finir alors que j'avais eu tant de hâte à me rendre en ces lieux.
— Bon, là... Il s'en va bientôt dormir ce gosse ? bougonnai-je en donnant un coup de pied à l'une de ces pierres au bord de la route.
Pierre qui me passa au travers puisque je n'étais pas réel. J'en avais assez alors que ce n'était que le premier jour d'une longue série.
J'avais juste hâte que Min Yoongi grandisse.
Que Min Yoongi parle.
Que Min Yoongi devienne méchant.
Redoutable.
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Il dormait, enfin.
Après ses longs pleurs.
Ces faux espoirs qu'il m'avait donnés.
Je pouvais enfin voir de mes yeux de démons à quoi ressemblait Kim Taehyung. Un homme dont le rang était similaire au mien. Que s'avérait être un adversaire redoutable, m'arrivant à la cheville donc amusant. Je ne voulais que le voir maintenant, dans ce monde onirique qui s'apparentait à un rêve et que je parviendrais si simplement à transformer en un terrifiant cauchemar. J'observais, totalement ignorant des lieux qui se trouvaient autour de moi. Je pensais à quelque chose de bien plus ennuyeux que cela, mais, il y avait des ruisseaux et des montagnes, une plaine et une prairie.
Je ne savais pas que je me retrouverais dans les véritables rêves.
Trèves de plaisanteries, il fallait que je trouve ce fameux petit ange. Que je me ferais un plaisir de rendre diabolique.
J'arpentais les divers couloirs aux nuances si limitées. Je traversais ce que je pensais être des routes. Je zigzagais au milieu des vagues de peur, de joie, de tristesse et de colère. Mais des torrents de frustration m'attaquaient de tous les côtés.
Je n'étais pas frustré, enfin si, mais pas autant. Cette frustration ne venait pas de moi. Elle venait de Min Yoongi. De ce que j'avais pu observer aujourd'hui, ses parents, de riches entrepreneurs, ne parvenaient pas à libérer du temps pour lui.
N'arrivait pas à le mettre en haut de la liste des priorités. Au lieu de cela, ils firent appel à une gouvernante. La meilleure paraissait-il. Il paraissait même qu'ils avaient eu à débourser une fortune. Une misérable fortune parce qu'ils n'étaient pas capables d'assumer un gosse.
Parce qu'ils avaient décidé de rendre leur amour concret mais de ne pas s'en occuper convenablement.
Mais un enfant qui grandissait sans l'amour de ses parents, n'était-il pas pareil à un amour sans entretien ?
Une plante survivait sans eau et lumière, de manière limitée, mais sans amour, prendrait-elle la peine de devenir grande ? De devenir belle ? Pourquoi ?
Il en était de même pour un enfant. Sans eau et sans nourriture cela était faisable, rattrapable selon le laps de temps.
Mais un enfant qui n'eût jamais connu l'amour, que deviendrait-il ?
Je n'avais aucune envie de le savoir. Il était inévitable que je le sache. Que je ressorte vainqueur de cet affrontement.
Kim Taehyung, je vais te laminer.
Il n'était encore qu'un enfant, à l'avenir tout tracé. Il n'était qu'un enfant, fier mais torturé. Un bébé qui à peine avait-il vu le jour, n'aurait pas eu la chance de vivre. Qui, au travers de ses larmes, chantait sa frustration. Ses hurlements sempiternels, qui passaient pour des caprices. Ses cris de désespoir qui le faisaient passer pour un enfant trop gâté. Un enfant en manque d'amour qui ne serait jamais plus capable de donner l'amour qu'il n'avait pas eu.
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Je continuais, en vain.
Jamais il ne se présenta à moi. N'était-ce pas malpoli de ne daigner me saluer ?
Kim Taehyung, tu ne m'échapperas pas.
Je rejoignis mon alcôve pour la première fois. Je n'y avais pas encore mis les pieds. Pourquoi y en avait-il tant ? J'avançais pour en toucher les barreaux du bout des doigts.
« Tu es trop curieux, Jungkook ».
La voix de père résonnait dans le creux de mon oreille.
« Cesse de vouloir t'intéresser à tout, Jungkook. Tu ne peux être bon que dans un seul domaine ».
Je marchais dans ces couloirs, je laissais ces pensées intrusives au sol.
Père, me voyiez-vous ?
Non, je restais persuadé que non. Enfermé dans ses cellules, des bébés, des enfants, des adolescents, des adultes, des vieillards. Tous dormaient à poings fermés, tout le visage tourné vers le mur, toutes ces personnes partageaient une caractéristique. Elles avaient toutes des cheveux noirs et un corps longiligne. J'avais désormais fait le tour. Une seule alcôve n'avait pas été scellée. Quand soudain, autour de moi, l'air se chargea en électricité. L'air se chargea en tout. Il y avait là, un flot de je-ne-savais quoi. Un regroupement, un engrangement, un embouteillage. Il fallait que je m'échappe. L'air était bien trop chargé d'inconnus pour moi.
Et voilà Jungkook, à vouloir tout savoir, tu te mets dans des états pas possibles.
Père, s'il-vous-plaît, juste, fermez la.
Oui, je détestais reconnaître mes torts. Oui, j'étais bourré de défauts. Mais n'étais-je pas un démon ? Un démon était-il censé avoir des qualités ?
Le corps lourd, j'atteignis je-ne-savais comment mon alcôve dans laquelle mes affaires y avaient déjà été entreposées. Je n'avais pourtant rien fait de spécial aujourd'hui. Mais je tombais tout de même sur la couchette, en proie à une fatigue démesurée.
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Au réveil, j'étais perdu.
Paumé et pas là où je m'étais endormi. Non.
J'étais sorti de cette bulle. J'étais désormais face au monde. Face au monde que je me devais d'accepter pour les quelques décennies. J'en venais presque à vouloir la mort de mon hôte pour retourner dans mon trou. Et oui, il n'y avait pas que les humains qui tenaient en horreur le changement. Bon comme mauvais, chaque entité dotée d'une conscience savait se répugner de toutes choses sortant de l'ordinaire.
Je ne voulais qu'une chose, rentrer.
Et comme pour me punir, le temps passa si lentement, que je crus que j'allais y laisser ma peau avant qu'on ne me libère de ce calvaire.
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Quand enfin, ce garnement se décida à aller se coucher, je pus enfin retrouver le confort de mon alcôve.
Enfin mon alcôve...
Tout était autour de moi, aussi pareil que différent de la veille. Tout était autour de moi, si blanc à l'odeur aseptisée que je me crus réellement à l'hôpital. Mais cette pureté contenue dans cette couleur me rassura. Elle me consolait par son air de déjà-vu. Je n'avais jamais autant eu de hâte à retrouver cette couleur blanche qui piquait mes iris sensibles aux couleurs trop lumineuses. Je n'avais jamais eu tant de hâte de me retrouver seul.
J'avais pour habitude de toujours être entouré de cris, pleurs, hurlements des âmes perdues. De ces démons qui ne m'appartenaient pas. Mais au moins je les connaissais. Au moins, je savais qu'à tout moment, je pourrais les arrêter. Ceux qui se déchainaient dans mon cerveau, dansaient à en perdre haleine dans ma boîte crânienne. Sans que la moindre possibilité de les arrêter ne me soit proposée.
Je me devais de m'asseoir sur mon lit, prendre ma tête entre mes deux mains pour réfléchir posément.
Tout fusait à une telle vitesse dans mon crâne.
Je n'aurais jamais pensé que cela se passerait ainsi, que ce serait si difficile de guider un humain vers la voie que l'on souhaitait.
Que cela me demanderait tant d'efforts.
« Jungkook... relève toi ».
J'entendais la voix des déesses infernales dans ma tête. Elles n'avaient jamais été si présentes depuis que j'étais parti.
Elles n'avaient jamais été si présentes tout court.
Alecto, Megaire et Tisiphone. Haine, Jalousie et Vengeance. Trois femmes que nous avions appris à idolâtrer dès le plus jeune âge. Trois femmes que j'avais appris contre mon gré à respecter et à chérir. Trois valeurs que je me devais d'avoir dans mon sang. Je me relevais avec la force de ces voix. Celles que me dictaient ma colère profonde de ne pas réussir à me voir savourer ce moment que j'avais si longtemps attendu. Celles que me dictaient ma jalousie maladive de voir d'autres personnes réussir là où j'échouais. Celles que me dictaient ma violence destructrice que je peinais de plus en plus à contenir.
— Putain...
Je me relevai de ma blanquette. Il fallait que je trouve cet ange, pour m'assurer qu'il ne soit pas en meilleur état que moi.
Parce que... Parce que je devais être le meilleur. Quoi qu'il m'en coûte.
Kim Taehyung, tu ne paies rien pour attendre.
« Mon garçon, nous sommes si fières de toi. Là où tu t'es écroulé, bien des gens n'auraient pas accepté de continuer. Toi, tu as pu te relever à la simple force de ta volonté ».
Encouragé par ces voix qui m'avaient jusqu'à maintenant bercé, je partis à la recherche de ce fameux Kim Taehyung.
Chaque couloir débouchait sur un autre d'autant plus profond et semblable que le précédent. J'avançai mais ces efforts demeureraient forcément vains. Or, au détour de l'un d'eux, je sentis à nouveau cette électricité dans l'air, cette tension à en faire hurler un muet, à en éblouir un aveugle, à en faire rougir un vampire... Alors, inconsciemment, je sus qu'il se trouvait là, à quelques mètres de moi.
J'avançai prudemment sur ce sol uniforme, m'attendant à ce qu'il s'écroule à chaque pas que je faisais. Aucun bruit ne régnait. Aucun mouvement ne fendait l'air. Rien ne me certifiait que je m'approchais de lui pourtant la certitude me prenait aux tripes.
Cette excitation nouvelle provoqua chez moi des réactions inconnues. Je ressentais une hâte, encore. Et un je-ne-savais-quoi qui ébranlait tout dans mon être.
Mes démons me quittèrent soudainement, chassés par la proximité de cet ange.
— Bon... Bonsoir ? Jungkook, je présume... parvint une voix à mon oreille.
Elle était d'une niaiserie à m'en percer les tympans. Elle était d'une douceur à éteindre les flammes de l'enfer. Elle était d'une musicalité déconcertante, presque non convenable. Et son propriétaire était d'autant plus renversant.
Il était vêtu d'un ensemble aussi ennuyeux que ces lieux. Il n'y avait aucune touche de sombre. Je ne m'interdisais, cependant, pas de le détailler de haut en bas.
Ses cheveux blonds platines, sa peau basanée, dénuée de toute trace d'encre. Silhouette fine et musclée, taille appropriée...
— Je vous dérange, peut-être ?
— Oui, je préfère quand tu la fermes.
Naturellement, je répondis de manière acerbe, presque inconvenable. Je sentais en mon sein que ce n'était pas une manière de parler. Mais j'avais été éduqué de la sorte.
— Kim Taehyung, n'est-ce pas ? On se rencontre enfin.
— Jeon Jungkook... me répondit-il en se tournant face à moi. Que me vaut ce plaisir ?
— Je voulais juste savoir à quoi tu ressembles. Pas de quoi en faire un drame.
— Alors ? Satisfait ?
— Non.
— Que vous manque-t-il ? Non pas que je veuille ressembler à votre idéal.
— Des tatouages.
— Alors je ne me ferai jamais tatouer.
— Ne jamais dire jamais, petit ange. Ce n'est pas ce que l'on vous apprend en haut ?
Il ne répondit pas, comme c'était étonnant. J'avais eu raison de trouver tous ces êtres d'un ennui inquiétant.
Jungkook, maintenant dis-lui ce que tu étais venu lui dire initialement.
— Tae, tu permets que je t'appelle comme ça hein... Je suis venu jusqu'à toi pour te dire de ne pas perdre ton énergie. Je compte bien gagner alors sois mignon, ne me complique pas la tâche.
Je n'attendis pas de réponse, à quoi cela servirait-il de toute façon ? Je tournai simplement les talons et m'en allai. Je crus entendre un faible « Dans vos rêves » mais je n'en étais pas sûr.
Serait-ce possible que ce petit ange soit moins barbant que prévu ? Si c'était réellement le cas, j'avais hâte de relever ce défi. Ce défi avec une pointe de jeu qui n'ajouterait que du piment à la partie car après tout, plus on était de fous... Plus on riait.
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De retour sur mon matelas dur, je réfléchissais à ce qui allait désormais se passer maintenant que les dés étaient joués. Je refusais de perdre le moindre tour que j'avais en avance. C'était inconcevable. La balle était dans mon camp. Et je comptais jouer chaque tour avec tout le soin que je pouvais. J'avais réfléchi toute la nuit et tout le jour qui avait suivi à ce que j'allais bien pouvoir faire.
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Yoongi grandissait un peu mais sa croissance restait si lente.
Ne pouvait-il pas simplement faire comme les démons ? Penser à grandir pour que cela se produise l'instant d'après ? Était-ce trop compliqué pour lui ? Apparemment, oui. De jour en jour, il apprenait à se déplacer de manière autonome, grâce à Taehyung alors en contrepartie, je lui faisais faire des bêtises.
Je jubilais à l'idée d'inquiéter les parents du petit. Je jurai que c'était la chose la plus fantastique que j'avais pu faire de toute ma vie.
Le cacher sous un carton, tétine dans la bouche en entendant les parents fouiller à droite et à gauche, désespérés de ne pouvoir mettre la main sur un bébé. Surtout, j'adorais entendre les râles provenir de l'alcôve attenante à la mienne. Parce que dorénavant, nos places étaient devenues fixes et dangereusement proches. Je devais cohabiter avec cette tortueuse tension qui naissait à chaque fois que je souhaitais me reposer. Mais jamais ces démons ne revinrent me déranger. Sans compter que m'habituer à cette électricité n'était pas bien difficile.
Je me réjouissais de semer les maux à mon passage. Je m'en réjouissais mais il y avait toujours ce sentiment, cette culpabilité que je ressentais en moi et que je ne devrais pas avoir. Qui ne devrait même pas exister puisqu'elle n'était pas censée être inscriptible dans les lignes ADN des démons.
Alors, pourquoi étais-je ainsi ?
Je ressentais à nouveau cette forte angoisse monter de mon estomac à mon œsophage. Plus forte, plus virulente, elle brûlait mes tripes, rendait mes repères flous. Elle tiraillait chacun de mes mœurs et allait à l'encontre de tout ce que j'avais toujours connu. Si mes démons m'avaient laissé tranquille, je ne compris que maintenant que ce n'était que provisoire. Qu'ils étaient partis pour revenir plus forts encore.
Qu'ils reviendraient...
Pour assombrir mes idées obscures.
Pour créer davantage de chaos dans ma tête.
Pour flouter mes limites et mes sens.
Tout.
Rien.
Je savais tout, mais que savais-je en réalité ? Je me pensais démon mais étais-je réellement digne de ce titre ? Père, qui est mère ? Pourquoi n'avez-vous jamais daigné me le dire ? Je ne savais désormais plus différencier mes pensées de la réalité. Je me savais en train d'hurler à la mort dans mon fort intérieur, mais était-ce le cas dans la vraie vie ?
Je poussais un cri ardent, à m'en rompre les tympans. A en rompre tous les tympans. Mais...
Mais...Qu'en était-il de ceux des autres ? Qu'en était-il de ceux qui n'étaient pas moi ? Ma vision brouillée par mes larmes m'empêchaient de voir clair de ce monde aux allures insalubres. Mes sens floutés par ce capharnaüm qui beuglait dans ma boîte crânienne. Mes idées se colorant de noir à chaque seconde qui passait.
— Jeon Jungkook... entendis-je faiblement contre mon oreille. Vous allez bien ?
Un souffle sur ma carotide, une pression sur mon épaule.
— Jungkook, respire... concentre-toi sur ma voix...
Je ne connaissais pas l'origine de cette voix, son propriétaire. Étonnamment, je fis ce qu'elle me dicta. Je remplissai à nouveau mes poumons de cet air indispensable et me rendis compte que j'avais retenu ma respiration.
Depuis quand avais-je le besoin de respirer ?
— Chut... Tout va bien se passer. Allonge-toi et dors, demain est un jour nouveau...
Encore une fois, je m'exécutai. Et le calme revint. Le brouillard se leva. Tout redevint comme avant. Limpide. Clair. Suffisant. Du moins, ça l'était suffisamment pour que je rejoignis les bras de Morphée.
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Je ne me souvenais pas de grand chose de la veille.
Je ne me souvenais plus de comment je m'étais retrouvé allongé dans mon lit, la couette remontée au niveau de mon menton. Je ne me souvenais pas de comment cet oreiller était parvenu à rester derrière ma tête, et non pas au sol ou à l'autre bout du lit.
Moi qui avais l'habitude de laisser transparaître mon chaos intérieur, j'avais pu passer une nuit calme, sans la moindre agitation. Je ne me sentais pas le moins du monde reposé, mais au moins, j'étais apaisé.
Libéré. Mais pour combien de temps ?
J'avais la putain d'impression que la journée d'aujourd'hui ne serait qu'en tous points la même que celle de la veille.
Yoongi, ne peux-tu pas m'épargner tes gazouillis incessants qui résonnent toute la journée dans mon cerveau ?
Ce job allait me détruire bien plus qu'il allait m'apporter.
Je n'avais fait qu'accélérer l'inévitable.
Je n'avais fait que quémander l'insupportable. Alors je devais désormais assumer l'inconcevable. A longueur de journées, j'observais Yoongi en train de ramper, piailler et chier.
J'avais même les odeurs. Quelle vie de merde.
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Comme j'avais pu le prédire, il ne se passa rien de plus que la veille. Je n'aurais su dire si du côté de Taehyung ça avait été la même chose, mais du mien, rien n'avait changé.
Yoongi commençait tout juste à avoir quelques poils qui lui poussaient sur le crâne en guise de cheveux. A s'apercevoir que ses bras n'étaient pas comestibles mais qu'ils pouvaient bien lui servir à faire des choses plutôt qu'attendre que d'autres les fassent pour lui.
Yoongi grandissait, mais ce n'était pas suffisamment rapide...
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Quelques années plus tard -Yoongi soufflait ses quatorze bougies-
J'avais passé ces quatorze années à le voir réussir tout ce qu'il entreprenait. Littéralement tout le réussissait.
J'attendais avec impatience la période de la puberté pour le voir se ridiculiser avec un appareil dentaire et de l'acné plein le front. Mais ce ne fut pas quelque chose qui arriva.
Non, Yoongi avait été épargné.
Même s'il n'était pas de ces jeunes extravagants qui ne tenaient qu'à leur apparence physique, il y faisait juste attention pour s'assurer une peau lisse, pour rester au plus loin des moqueries incessantes. Yoongi était discret et intelligent.
Yoongi avait des amis et des prétendants dans tous les sens.
Mais selon ses dires, il n'avait pas le temps pour cela.
A la place, il coupait court à toutes ses relations sociales à la sortie des cours. Si vous pensiez que c'était pour travailler, vous vous trompez sur toute la ligne. Yoongi n'ouvrait jamais son sac à la maison. Il préférait se terrer dans la bibliothèque, seul, et plonger dans un de ses nombreux bouquins. Ma seule satisfaction étant qu'il s'agissait là de romans policiers dans lesquels il se reconnaissait dans le rôle de l'antagoniste. C'était dans ces moments-là que je me disais que tout n'était pas perdu. Qu'il n'allait jamais être cet être manichéen dont les manies ne pouvaient qu'être bonté infinie. Même s'il n'allait probablement pas être foncièrement méchant, je ne m'en préoccupais pas. Il était généralement vingt et une heure lorsque Yoongi décidait qu'il en avait assez, il se frottait les yeux comme s'il venait de passer les dix dernières heures à dormir et s'en allait dans sa chambre.
En fin de compte, Yoongi ne souffla pas ses quatorze bougies et passa cette journée seul, la faisant se perdre dans le tas monotone qu'était sa vie.
Yoongi était seul dans son existence qu'il avait l'air de trouver aussi insipide que moi. Alors je lui soufflais qu'il avait besoin de piment. Qu'il avait besoin de plonger dans l'inconnu. Dans l'incertain. J'en profitais pour faire germer dans son cerveau, l'idée de rejoindre le côté obscur de la force.
« C'est bien mon enfant » , m'avait répété Tisiphone à plusieurs reprises.
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Yoongi n'avait jamais été un enfant comme les autres. Il savait suffisamment prendre soin de lui-même, ayant lui-même refusé la présence d'une gouvernante à l'âge de huit ans. Cela faisait donc presque six ans qu'il vivait seul.
Ses parents avaient commencé à peu à peu s'effacer de sa vie après qu'ils aient estimé qu'il se développerait sans son aide.
Et je me reconnus cruellement en ce jeune garçon que je peinais à ne pas aimer.
Il me semblait qu'en mon sein s'éveillait une sorte de... culpabilité. Une culpabilité qui me faisait presque pleurer de frustration chaque nuit. J'espérais secrètement qu'il revienne prendre soin de moi à chaque fois. Mais ce n'était pas arrivé depuis belle lurette. Ce n'était pas arrivé depuis quatre mille huit cent nuits. Quatre mille huit cent jours depuis cet instant. Quatre mille huit cent nuits durant lesquelles je côtoyais Taehyung durant quelques secondes uniquement. Notre relation se résumait à cet accord tacite. A cette promesse silencieuse. A cette chose que nous empêchions de grandir entre nous. Cette chose dont nous ignorions tout. Cette chose qui nous paraissait hors d'atteinte...
Et ce fut la même chose cette nuit là.
J'étais sur mon lit, dur, et encore une fois, je me demandais ce qu'il adviendrait de l'avenir de Yoongi. S'il aurait la force de finir de se construire seul. S'il passerait ses nuits, plongé dans ses bouquins, jusqu'à la fin de ses jours.
J'avais beau me rouler dans mon lit, encore et encore, Morphée ne venait pas à moi, mes pensées bien trop préoccupées.
Désordonnées.
Inexploitables.
Je décidai de sortir prendre l'air, enfin me dégourdir les jambes, comme j'en avais l'habitude.
Je ne m'éloignais que rarement de mon alcôve, mais j'avais cette fois, décidé de retourner voir ces mystérieuses cellules que j'avais pu voir au tout début de ma mission. Si j'avais été déplacé il y a bien longtemps, quatre mille huit cent jours auparavant pour être précis. Cent quinze mille deux cent heures pour l'être davantage. Je me souvenais du chemin comme si j'y allais régulièrement. Rien n'avait bougé mais tout avait changé.
Il n'y avait plus ces barreaux sur quelques unes de ces alcôves. Et je reconnus dans celles-ci Yoongi. A travers son évolution. Il y en avait quatorze, une pour chaque année. D'abord bébé Yoongi qui dormait à poings fermés. Ils dormaient tous en fait. Mais ce qui changeait de la dernière fois était que leur visage était tourné vers moi. Je savais qu'il s'agissait de Yoongi, à chaque fois devant mes yeux. Mais alors, pourquoi me voyais-je moi ? Pourquoi est-ce que j'y voyais un moyen de changer mon passé ? Il était passé de toute manière, oui il pouvait blesser mais on ne pourrait jamais le réparer. Il laissait des traces, temporaires sur nos peaux, indélébiles dans nos cœurs. Alors, pourquoi je me voyais courir vers le Yoongi de quatre ans dans les bras pour lui dire de ne jamais grandir ? Vers le Yoongi de deux ans pour lui rappeler que ce serait la période la plus joyeuse de sa vie ? Vers le Yoongi de dix ans pour le supplier de ne pas vouloir grandir trop vite ? Y existait-il une tendance chez les jeunes à ainsi vouloir ressembler aux moins jeunes ? Etaient-ils nombreux dans ce même cas ? Parce que si la réponse s'avérait positive, je ne saurais comment le prendre. Mal, probablement.
Je ne m'attardais pas sur chacune de ces étapes. Je ne savais plus exactement ce que je ressentais.
De la compassion ?
De la culpabilité ?
De l'espoir ?
Trois sentiments qui ne devraient évidemment pas se trouver dans mon ADN mais ce devait au final être le cas.
Je le plaignais, ressentais de la pitié car ainsi allait la vie et qu'aucun être n'aurait dû vivre ainsi sans recevoir l'amour de ses parents.
Je culpabilisais aussi d'avoir été désigné pour être son petit diable. Moi qui ne parvenais pas à trouver une certaine stabilité au sein de ma propre existence devait tenter d'en trouver dans la sienne ? Je culpabilisais aussi du fait de mon esprit de compétition accru qui ne donnait sens à rien au final, si ce n'était à une victoire sans laquelle je serais devenu fou.
Je ne supporte pas de perdre, m'entends-tu petit ange ?
Et enfin l'espoir. Ce satané espoir qui empoisonnait mon existence. Il empoisonnait toute existence par sa simple présence. Il faisait croire à un futur meilleur. A une possibilité de rédemption. Mais non. Il n'y avait point de possibilité pour qu'un démon, même le plus bon, finisse au paradis tout comme il n'y avait point de possibilité qu'un ange, même le plus susceptible d'être condamné, se retrouve en enfers.
Alors qu'espérais-je ?
Espérais-je avoir la poigne suffisante pour faire bouger les choses que le destin lui-même avait décidé ? Espérais-je lui épargner toutes ces choses que j'avais jadis vécues ? N'était-ce pas la tâche des habitants de là-haut ?
Tout n'était que méli-mélo dans mon esprit.
Pourquoi avais-je soudainement dû m'être rabaissé à une condition humaine ? D'avoir ingéré leur alcool ? De tituber sans pouvoir marcher droit, même avec toute la volonté du monde ?
N'y avait-il pas aucune place pour cela dans ma vie ?
— Aide-moi, m'entendis-je prononcer avant que tout ne devienne noir.
༺ - ༻
Cette nuit, j'avais rêvé de mon bel ange.
Je sentais les effluves de son parfum même après m'être débarrassé de toutes traces de sommeil. J'ébouriffais quelques peu mes cheveux afin de les remettre en ordre. Et je me levais. Je regardais l'heure : neuf heures quarante. Min Yoongi dormait encore. Un mercredi matin.
Se risquait-il en ce moment même de manquer les cours au profit de son sommeil ?
Etrange, pensai-je.
Comment cela pouvait-il arriver ? Le pire ? Je ne pouvais rien y faire.
Mes sens, mes mouvements, ma zone de pouvoir diminuaient considérablement lorsque Yoongi dormait. Il n'y avait aucune possibilité pour moi, là, maintenant, de le secouer. Pourtant, la chose la plus bizarre était que, Yoongi, s'était couché à l'heure habituelle et avait eu le droit à son quota d'heures.
— Toi aussi, tu trouves ça étrange ? me questionna soudainement une voix.
Je ne pus m'empêcher d'être méchant, enfin. Vous comprenez ce que je veux dire par là.
— Qu'est-ce qui te fait dire que ça me préoccupe de quelque manière qui soit ? lançai-je.
Œil pour œil, dent pour dent.
Je me sentais toujours obligé d'être sur la défensive. Attaqué, menacé. C'était épuisant...
— Jungkook, je t'entends penser depuis ma chambre. Si cela n'avait pas été impossible, j'aurais facilement pu penser que tu étais en train de copuler, me répondit Taehyung, l'air de rien.
Toujours était-il qu'entendre sa bouche prononcer ces mots ne me fit pas aucun effet. Pensais-je si fort ? En ce moment, mes pensées étaient si troubles que je ne parvenais pas à saisir leur réelle essence. Y parvenait-il ?
— Ah oui ? Et tu voudrais que je pense à toi, plutôt qu'à d'autres ?
— Je... se mit-il à rougir furieusement.
Si facilement déstabilisable. Un jeu d'enfant.
Je me sentis soudainement troublé, je sortais de mon corps.
Yoongi se réveillait.
Il n'avait pas l'air de se souvenir d'où il était. Qu'avait-il pu se produire la veille ? Je me savais distrait. Mais je ne savais pas réellement ce que s'était passé en fin de compte. Je me promenais un tout petit peu dans la tête de Yoongi encore avant de me diriger vers l'extérieur. Sa tête était encore plus brouillonne que la mienne.
Ses idées étaient cachées, masquées par un voile.
Il avait décidé de boire ? Ce n'était sûrement pas le cas.
Je n'aimais pas particulièrement rester lors de ses sessions lecture, alors je restais en retrait.
Etait-ce ainsi que je n'avais pas vu qu'il était malade ?
La fièvre avait pris possession de sa tête.
Et les tremblements de son corps.
Je n'osais pas m'approcher de peur de fauter.
Mais il éveilla de nouveau en moi ce sentiment de peine.
Cet enfant, ce grand enfant fragile.
Seul dans sa maladie.
Comme moi.
Il n'y avait rien qui allait.
Et en cet instant, il n'y avait qu'à Taehyung que je souhaitais parler. Lui demander, non, le supplier de faire quelque chose afin de lui venir en aide.
De sauver cet enfant.
Parce que je savais que je ne pourrais rien faire.
Qu'un être aussi instable que moi ne parviendrait jamais à assurer la stabilité d'un autre.
Taehyung, je t'en prie. Aide-le. Aide le pour qu'au moins l'un de nous soit sauf.
Je pensais aussi fort que je le pouvais. Et espérais qu'il m'entende. Qu'il entende les supplications de mon enfant intérieur. Cette fois, je ne me laissais plus distraire, je ne pouvais pas. Alors j'observais. En attendant qu'une force inconnue ne vienne changer les choses.
Yoongi reniflait toujours faiblement dans son lit, les bras fermement accrochés à sa couverture. Il le cachait mais même une personne lambda verrait ses soubresauts au travers de la couverture.
— Yoongi ? entendis-je de l'autre côté de la porte close.
N'entendant pas de réponse, la propriétaire de cette voix se permit de déverrouiller la pièce.
C'était une femme d'une vingtaine d'années que j'avais pu voir à plusieurs reprises durant son enfance. La plus petite sœur de la mère de Yoongi. Cependant elles avaient coupé les ponts à cause d'un nombre de différends entre elles qui était juste trop important. Eun-kyung était vêtue d'une robe qu'elle s'était probablement offerte lors que l'un de ses nombreux voyages et ses frêles épaules étaient couvertes d'une fourrure blanche. Eun-kyung était journaliste de guerre. Son emploi contrastait avec son apparence mais son caractère ne demeurait pas moins ardent. Il ne fallait pas se frotter à elle.
— Yoongi, s'écria-t-elle en me coupant de mon analyse.
Elle en fit même tomber ses courses.
Elle se précipita d'un pas inquiet au pied du lit, ses mains prirent de suite le visage de son neveu en coupe.
— Que t'arrive-t-il mon chéri ?
Et sans que personne ne comprenne d'où lui sortait cet élan de douceur, elle se releva abruptement en plantant ses poings dans ses hanches.
— Je ne suis pas venue te regarder dormir. Je vais te préparer de quoi te remettre sur pied. Dors mon chéri, tata viendra te chercher.
— Mmh, gémit le concerné, probablement à demi inconscient.
Sans plus de cérémonie, elle s'en alla vers la cuisine sans oublier de ramasser ses courses. Et Yoongi s'endormit. Je me rendis dans ma chambre, dans un état encore plus piteux que le matin même. La tête dans le creux de mes mains, j'entendis une voix qui parvins à mes oreilles.
— Je t'ai entendu, tu sais ?
— De quoi tu parles ?
— Ton appel, tu sais, tu peux tout me dire Jungkook. Rien ne fuitera, tout restera à jamais entre nous. En plus, Jimin dit que je suis une bonne oreille attentive, déclara l'ange en riant légèrement.
Quel son mélodieux, ne pus-je m'empêcher de penser.
— Taehyung, l'apostrophai-je en relevant mon visage. Tu sais qu'on n'est pas censés s'aimer et puis, je suis odieux avec toi depuis le début. Pourquoi t'obstines-tu ?
— Je.. Euh... Je ne sais pas. Tu as l'air d'avoir besoin d'aide.
— J'ai surtout besoin de baiser, il n'y a pas un trou de libre ici.
Le silence tomba à nouveau entre nous. J'avais trouvé la méthode parfaite pour lui fermer sa magnifique bouche. Il me suffisait d'être cru. Ce que je savais parfaitement faire. Alors que je réfléchissais, je sentis un poids sur mon épaule. La tête de Taehyung venait d'y tomber et ses cheveux blonds chatouillaient mes clavicules.Venait-il de tomber de fatigue ? Je devrais m'énerver et le dégager en lui hurlant que je n'étais pas un putain d'oreiller. Alors pourquoi je ne fis-je pas ? Pourquoi à la place je me levais délicatement et l'allongeais dans mon lit en rabattant la couverture sur son corps afin qu'il ne prenne pas froid ?
Merde.
Père, je vous jure que je ne comprends pas ce qu'il m'arrive.
Je repris place dans ma position précédente pour réfléchir, encore. Assis en bord du lit, mes fesses au niveau de son bassin, je pensais.
Yoongi, que puis-je faire pour toi ?
Je sentis une paire de bras m'agripper par la taille.
Bordel.
Qu'est ce que je pouvais détester les contacts physiques. Alors pourquoi le sien ne me révulsait-il pas ?
J'inclinais ma tête en arrière et vis que mon petit ange dormait encore. Etait-il au courant que ce geste était tout sauf pur ? Qu'il portait en son sein plusieurs sens, et que celui que je lui donnais n'allait pas lui plaire. Je mourrais d'envie de voir jusqu'où il irait ce soir. Alors je dégageais délicatement ses mains et je m'allongeai à ses côtés. Je ne lui avais pas menti, j'avais une putain d'envie de baiser. Et le savoir si vulnérable et si proche de moi ne m'aidait pas. Sur le dos, j'observais le plafond, stoïque. Mais mon stoïcisme me laissa tomber lorsque je sentis son souffle s'échouer sur mon cou et l'une de ses jambes passer sur les miennes.
Putain.
Sa main, quant à elle, vint se loger dans mes cheveux et ses paupières étaient toujours closes.
— Jungkook, que me faites-vous faire, prononça-t-il de sa voix endormie.
Et il retourna, me privant de son contact de manière si brutale.
Il m'offrit à la place une vue surplombante sur son dos. J'aurais pu rester ainsi des heures durant, à l'observer, encore et encore. Encore et toujours. Mais ce fut sans compter sur cette Eun-kyung qui éleva sa voix dans la chambre. Nous extirpant de notre bulle aussi violemment qu'elle le fit avec le sommeil de son neveu. Las et fatigué, il se leva tout de même pour aller goûter ce que sa chère tante lui avait préparé.
Et je ressentis par-dessus tout ce gribouillis de sentiments que quelque chose réchauffa tout de même son cœur. Me prouvant par l'existence que toute chaleur ne l'avait pas quitté, qu'il pouvait encore être sauvé.
C'était donc ça, l'espoir ?
L'espoir tragique dont l'issue était bien plus qu'incertaine.
༺ - ༻
Eun-kyung partit après avoir passé quelques heures ici. Elle s'était assurée que Yoongi ne manquait de rien et y parvint presque. Il ne lui manquait rien, si ce n'était de la tendresse et de l'amour qu'il aurait pu recevoir de ses parents.
Malheureusement, ou heureusement je ne savais s'il s'agissait d'une malédiction ou d'une bénédiction mais sa tante, ou même n'importe qui aurait pu combler cet enfant. Cependant, parce qu'il y en existait toujours un, Yoongi n'avait personne d'autre qui aurait pu lui apporter cette affection, ses parents ayant caché leur enfant du monde, sauf à la plus jeune sœur qui découvrit son existence par inadvertance. Elle aurait pu jouer ce rôle, m'auriez-vous dit. C'était ce que je m'étais dit aussi, mais elle vivait loin de la demeure des Min et était souvent, voire tout le temps, en déplacement.
Ainsi était construite sa vie. Malheur sur malheur. Il n'y avait aucune place pour une once de bonheur. C'en était désolant, même pour moi.
Seigneur, si quelque part vous existez, sauvez-le... Par pitié.
༺ - ༻
Pourquoi ne me reconnaissais-je plus ? Pourquoi étais-je si étranger à moi-même ? N'y avait-il pas une raison à un tel chamboulement ? Juste, pourquoi ? Pourquoi je ne parvenais plus à dormir sans que d'horribles flashbacks ne viennent saturer mon cerveau ? Pourquoi je ne parvenais plus à faire taire ces voix dans ma boîte crânienne, surpassant même celles d'Alecto, de Tisiphone et de Megaire ? Comment cela était-il possible ?
Et la dernière question qui me ratatinait la cervelle. Enfin, la dernière qui me paraissait claire.
Qui avait fait en sorte que cet être qu'était Taehyung ait tant d'emprise sur ma personne ? Et me voici encore en train de réfléchir. J'avais l'impression de ne faire que cela depuis que j'étais là. Que je perdais conscience de tout ce qui se passait autour de moi lorsque mes pensées prenaient le dessus sur le reste.
Qu'il n'y avait qu'un voile opaque qui me séparait de la réalité. Mais qu'il était si difficile à extraire de mon cerveau que je ne m'y risquais pas pour ne pas me blesser davantage. J'ouvris soudainement les paupières après avoir senti une présence près de la porte.
Taehyung.
Le bras appuyé contre le chambranle de la porte, le reste de son corps en équilibre sur ce point de pression. Mais surtout, le regard pointé vers moi. Sondait-il mon âme ? Me lavait-il de mes péchés comme le bon petit ange qu'il était ? Parce que si c'était le cas, il en aurait du boulot.
— Ca fait lontemps que tu m'observes ?
— Assez pour te savoir torturé.
— Qu'est-ce que ça peut bien te faire ?
— Jungkook, tu m'empêches de dormir.
Je pensais que la dernière fois, il était venu pour m'aider. Mais je m'étais trompé. Pourquoi l'aurait-il fait de tout façon ? Je n'en valais pas la peine...
— Je ne t'ai pas demandé de rôder aux alentours de ma chambre à ce que je sache. Et puis, les bouchons d'oreilles existent, tu sais ?
Je le fixais, lui, toujours débout contre l'encadrement de ma porte. Moi, assis sur mon lit. J'avais une vue en contre plongée sur lui. Il paraissait si grand face à moi.
— Tu le fais exprès, n'est-ce pas Jungkook... affirma-t-il d'une voix exaspérée en se pinçant l'arrête de son nez.
— Exprès de ?
— Bon, laisse tomber. Tâche juste de faire moins de bruit à l'avenir.
J'aurais juré avoir vu un point de brillance au coin de ses yeux. Une larme ? Un éclair de lucidité ? Je n'en savais trop rien. Il n'y avait aucune excuse pour que je le retienne. Alors je le laissai partir. Contre mon gré. Au fond, même si j'avais le choix, qu'aurais-je fait ?
Aurais-je choisi de le garder auprès de moi ? Certainement pas. Pour quelle sombre raison j'aurais fait cela ? Je ne pouvais pas avoir développé tant d'attaches pour lui en si peu de temps, si ?
Je ne savais pas.
Je ne savais plus.
Tout ce que je savais à cet instant était que mes yeux avaient d'abord préféré rester sur son dos, puis ne s'étaient pas détachés, non. Ils avaient suivi son ombre, et n'avaient daigné se détourner même lorsque l'écho de ses pas ne me parvenaient plus.
Jungkook, tu es putain de pathétique.
Lamentable.
Pitoyable.
Sérieusement ? Un ange ?
Ma voix intérieure se mélangeaient à d'autres. C'était horrible, insoutenable. Une torture à supporter. Ces derniers temps je n'avais qu'une envie, m'arracher la peau de crâne, utiliser des vis, des clous ou n'importe quoi qui pourrait extraire cette essence vicieuse de mon cerveau.
Je n'en voulais plus.
Alors si quelqu'un en voulait, j'étais prêt à en payer le prix fort. Jusqu'à ma vie. De toute façon, j'étais déjà mort. Mort et enterré. Cela ne me coûterait pas grand chose. Je ris jaune à mes propres bêtises.
༺ - ༻
Les jours et les nuits qui suivirent ne se passèrent pas mieux. Et ce, durant des années.
Le jour, je voyais Yoongi, de moins en moins apte. De plus en plus seul. Avec la pression de dix hommes sur les épaules. Il marchait en trainant à sa suite un boulet dont lui seul avait conscience de l'existence. Il suivait une routine de manière mécanique. Se levait parce qu'il n'avait pas d'autres choix. Ne travaillait plus. Lisait à peine. A la place, il dormait, énormément. Ce qui faisait que je passais de plus en plus de temps seul.
Enfin seul.
Si on ne comptait pas mes démons. Si on ne comptait pas Mégère, Alecto et Tisiphone. Si on ne comptait pas Taehyung. Cet ange duquel je me rapprochais de plus en plus chaque nuit, imperceptiblement. Je priai chaque fois, avec de moins en moins de conviction pour que je puisse reculer. Retourner en arrière. Mais cela ne s'exauça jamais.
Je regrettais pour la première fois.
Père, ce n'était en fin de compte pas mon vœu le plus cher...
Je regrettais toutes ces fois où j'avais supplié mon paternel de me confier une de ces missions sacrées.
J'en regrettais chaque minute, chaque seconde. Ce sentiment était... horripilant. Je ne le supportais pas non plus.
Que pouvais-je supporter au final ?
༺ - ༻
Dix-sept bougies.
Cela y était, Yoongi avait dix-sept ans. Mille huit cent vingt cinq jours supplémentaires s'étaient écoulés. Ou cinq ans pour les non-matheux.
Et rien n'avait changé.
Enfin.
Si.
Tout avait changé.
J'avais changé, de bout en bout. Taehyung avait changé, il ne venait plus me voir au milieu de la nuit. Et je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais souhaité, où je m'étais retenu de me lever pour me rendre dans son alcôve. Je m'étais tellement retenu que si j'avais pu, j'aurais saigné, tellement je plantais mes ongles dans mes paumes. Tellement je serrais les dents. Yoongi aussi avait changé. Il me laissait la victoire, je le sentais. Je le sentais peu à peu basculer dans le mal.
« Nous sommes fières de toi, Jungkook », avais-je entendu une fois que j'avais commencé à prendre conscience de cela.
Mais je n'avais aucun foutu mérite.
Je n'avais fait que me recroqueviller sur moi-même.
Pour pleurer.
Pour crier.
Pour hurler en silence chaque nuit.
Yoongi, pourquoi as-tu changé ?
Je l'observais en train de prendre lassement ses cours en note. Manger à la cafétaria. Boire de temps à autres une liqueur étrange de son thermos. Et ce soir-là, pour la première fois, Yoongi ne rentra pas chez lui. Il fit un détour que je crus naïvement bref. Il s'était rendu dans un stade désaffecté. Il n'était jamais venu ici.
J'étais cuieux. Fortement curieux. Si j'en croyais ce qui se passait dans sa tête, ces lieux avaient en leur sein, une forte odeur d'alcool.
Une atmosphère malsaine y régnait.
Yoongi, fais demi-tour. Tout de suite.
— Bonsoir, Yoongi. Ravi d'enfin faire ta connaissance.
Cette voix, je la reconnaissais... Père.
— Bonsoir... Comment connaissez-vous mon nom ?
Putain, Yoongi, fuis. Tu as affaire au roi de l'enfer en personne. Ne reste pas là.
Je regrettais qu'il ne puisse pas m'entendre. Qu'il ne puisse plus m'entendre. Il semblerait que père n'ait pas apprécié que je lui souffle certaines choses. Que je ne le pousse plus à devenir mauvais. Mais qu'inconsciemment, j'avais décidé de faire comme Taehyung, le mener dans les voies sacrées.
— Tu le sauras bien assez tôt. Mais je suppose que si tu es venu me voir, c'est dans un but précis.
— Oui, je pense... enfin. Je ne sais pas exactement ce qui m'a fait me rendre jusqu'ici.
Je levai mon bras gauche afin de me frapper le front de ma main.
Qu'est-ce que c'est que ce cirque encore ?
Cela ne pouvait de toute façon qu'être l'œuvre des Erinyes. Qui d'autres seraient à ce point fourbes ?
— Donc, si je comprends bien Yoongi, tu t'es rendu jusqu'à moi pour une raison que toi-même ne saisis pas ?
Père, arrêtez cette comédie.
Il avait le regard vissé sur le visage de Yoongi que je sentais tendu. Terriblement tendu. Il n'avait, à ma connaissance, jamais été à ce point tendu. Je le sentais se liquéfier.
Père, ce n'est qu'un gamin. Ne vous ai-je pas suffi ?
« Fils, je suis en train de t'aider. Sois reconnaissant au lieu d'être condescendant. Ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas, puisque tu n'es pas capable d'accomplir la tâche la plus simple qui soit . Tu me déçois. »
Tu me déçois.
Tu me déçois.
Tu me déçois.
Il savait que j'avais ces trois mots en horreur. Il me les avait tant répété. Je le décevais ? Je pouvais tout encaisser alors pourquoi sa déception à mon égard me mettait dans cet état ?
Père, que devrais-je faire ?
Et c'était ainsi. Tous les efforts que j'avais fait en son absence venaient d'être détruits à cause de ces simples mots.
Tous.
Sans exception.
Merde.
Yoongi, sois plus fort que moi.
— Alors, mon cher Yoongi. Parle-moi un peu de toi, de ce que tu recherches ?
— Monsieur, apprenez-moi à devenir indépendant. Faites-moi changer de vie, je n'en peux plus de celle-ci. Faites-moi devenir quelqu'un. Aidez-moi à ne plus être tout le monde.
— Tu vois, c'est ce que je souhaitais entendre. Suis-moi, mon enfant.
Etais-je obligé d'assister à ce spectacle désobligeant ?
Que quelqu'un me donne la formule du sommeil éternel, je vous en serais redevable. Mais non, le corps de Yoongi suivit Hadès lorsque celui-ci lui fit visiter les locaux. Il lui expliqua les différents trafics qui existaient. Armes, drogues, femmes et hommes. Alors les démons n'étaient bels et biens pas les pires créatures du monde. Les Hommes l'étaient. Mais ils étaient surtout des créatures issus du divin. Alors que s'était-elle passé pour que l'humanité ait à ce point déchu ? Qu'elle en vienne à s'entre utiliser pour le bien d'un marché ?
La bile me montait à la gorge et je ne pouvais rien laisser échapper. Les larmes me montaient aux yeux mais je devais les contenir dans mes tempes.
— Bien, maintenant que tu sais à peu près ce qu'il se passe ici. Je vais te laisser le choix de devenir l'un des nôtres ou bien je te conseille de bien te cacher si tu tiens à rester en vie.
Tu parles d'un choix.
— Merci Monsieur, lui répondit Yoongi d'une voix reconnaissante.
C'est un gosse, il n'a que 17 ans. Et Yoongi, je suis navré mais que tu décides de rentrer dans ce milieu ou non, ta fin a été signée au moment même où tu as posé un pied dans ce putain de stade.
Il n'était même pas répertorié dans cette putain de ville.
Père, comment avez-vous pu réunir tous les péchés des hommes dans un seul et même endroit ?
Quel sketch.
Quel cirque.
Quelle putain de comédie.
༺ - ༻
Ce soir-là, je vis la facette d'un nouveau Yoongi.
Plus excité.
Plus extatique.
Plus vivant que jamais.
Il avait décidé après cette simple rencontre à s'entraîner devant son miroir à faire un sourire plus dur, malicieux. A bander ses muscles pour les mettre en valeur. A customiser chacun de ses vêtements afin de devenir l'un des délinquants de ses bouquins à l'eau de rose. Oui, de la même catégorie que ceux qui ne se faisaient jamais attraper.
J'aurais bien souhaité que cette naïveté ne le quitte jamais, la veille encore. Mais désormais, il était impensable. Il devait s'en séparer au plus vite.
Cette nuit-là, puisqu'il se savait seul, comme à son habitude. Il pénétra dans les caves pour prendre quelques bouteilles d'alcool. Il fit venir des gens de sa nouvelle fac avec qui il avait échangé le numéro. Et aux alentours de minuit, sa maison fut remplie.
D'inconnus.
De fumeurs.
D'hommes.
De femmes.
Tous avaient un point commun ou deux. Ils étaient tous plus vieux que Yoongi, de deux, trois, quatre voire cinq ans. Tous étaient fêtards. Et seules les personnes les plus louches avaient accepté l'invitation. Alors ce qui devait arriver arriva.
Yoongi n'avait jamais bu.
Yoongi n'avait jamais fumé.
Yoongi n'avait jamais baisé.
Et cette nuit-là, il fit tout cela, en grande quantité.
En trop grande quantité.
Avec ou contre son gré.
Yoongi dut subir.
Même moi, je ne sus plus à quel moment il était lucide ou non. Je bataillais pour rester mais quand je voyais l'horreur de ces événements je voulais fermer les yeux.
Yoongi...
Il ne méritait absolument pas cela. Mais si je m'écoutais, je saurais qu'il l'avait cherché. Bien sûr qu'il l'avait cherché. Mais il commençait à peine à vivre. Je laissais quelques larmes couler. J'étais comme un hologramme à cet instant. Incapable de rester éveillé tant Yoongi peinait à ne pas s'endormir à cause de l'alcool et des substances illicites.
༺ - ༻
Quand Yoongi s'endormit enfin, je ne savais pas si je regrettais où non l'instant où j'étais conscient de ce qu'il se passait. J'étais certes horrifié à en devenir malade. Mais au moins, je savais ce qu'il se passait. Je mesurais un tant soit peu la situation.
Là.
Là, c'était horrible.
Un trop plein d'émotions.
Les larmes remontaient mais je n'avais plus à les bloquer avec la lisières de mes cils. La bile se manifestait à nouveau mais je parvenais encore à la garder dans mon estomac, pour l'instant.
— Putain, Jeon Jungkook. Je pensais qu'on commençait à bien s'entendre, me reprocha Taehyung d'une voix plus froide et tranchante qu'un stalactite. Je pensais réellement t'avoir cerné, que tu t'étais vraiment rangé de mon côté. Que tu avais cessé de te comporter en connard arrogant qui pète plus haut que son cul.
Taehyung était énervé. Je ne l'avais jamais entendu me parler de la sorte, je ne savais même pas que c'était possible en fait. Un rire m'échappa, sans joie ni tristesse. Un rire vide, un rire creux, un rire que j'avais appris à manipuler à ma guise.
— En plus tu te permets de te foutre de ma gueule. C'est tout ce que tu mérites, me dit-il avant d'envoyer le plat de sa main en direction de mon visage.
Je l'avais vu partir, mais je savais que je le méritais. Alors je décidai de subir. De me prendre son coup en pleine tronche. De laisser la force de sa colère m'atteindre. Je ne savais pas si c'était lui ou moi, mais je tombais. Je m'écroulais dans tous les sens du terme. Les larmes dévalaient en cascade sur mes joues. Les reniflements bien que silencieux ne masquaient pas les soubresauts. C'était horrible.
J'avais honte de me montrer si vulnérable.
— Jeon Jungkook, tu as encore les couilles de pleurer pour ça ? Tu as envoyé un gamin à la morgue en faisant ce que tu as fait, tu le sais ? Il n'a que dix-sept ans, il était censé avoir toute sa vie devant lui. Pourquoi as-tu fait ça ? Merde...
Je le regardais, les yeux larmoyants. Je n'arrivais pas à stopper ce liquide lacrymal. Je n'en avais pas la force. Pas quand la seule personne qui semblait me connaître m'accusait de ces torts pour lesquels je versais des larmes en ce moment même. Mais il était tout à fait légitime pour lui de penser ainsi. Il ne connaissait ni Megaire, ni Alecto, ni Tisiphone. Il ne connaissait pas non plus mon père.
Comment aurait-il pu savoir ?
Comment pourrait-il s'en douter ?
Je ne lui avais jamais fait part de ma bizarrerie après tout. Que je ressentais des choses qu'il ne fallait pas. Merde.
— Tu as tué un enfant, Jungkook. J'espère que tu es fier au moins.
Ce fut la phrase de trop, qu'il avait prononcé avant de tourner les talons. Je percevais tout le poison dans sa voix. Je me levais d'un bond. Et je ne sus pas ce qui me prit mais mon poing se renferma autour de son poignet. Fermement. Je le tenais comme si ma vie en dépendait.
— Taehyung, je te jure que ce n'est pas de ma faute.
— Tu voulais quoi, alors ? Abîmer un enfant sans détruire sa vie ? Ça reste un être-humain, pas une marionnette ou un jouet que tu peux manipuler à ta guise. Tu es peut-être une créature de l'enfer, Jungkook, mais il n'y a pas que les êtres les plus proches du Soleil qui peuvent se brûler les ailes. Et les tiennes semblent avoir été réduites en cendre.
— Taehyung... arrête, je t'en prie...
— Je te croyais différent, Jungkook. Je te pensais être l'exception à la règle. Mais ta sournoiserie est bien pire que celle de tous les autres. Jungkook, tu m'as volé mon cœur, tu l'as émietté et tu n'as même pas souhaité me rendre ce qu'il en reste.
Je ne savais pas quoi dire, j'étais bien une créature infernale et il venait de me placer dans le même panier que tous les autres. Comme je l'avais toujours souhaité. Alors pourquoi n'en étais-je pas fier ? Pourquoi ?
J'avais déçu mon père.
J'avais déçu Taehyung.
Ce n'était plus qu'une question de temps avant que je ne déçoive tout le monde.
Ma prise se desserra.
— Va-t-en, prononçai-je doucement, faiblement.
Tu n'as pas que détruit mon cœur.
Pourquoi me rendais-je compte que je possédais un cœur que lorsque l'on me l'avait dérobé ?
Il ne devait pas y avoir de logique particulière.
Aucune. Je ne restais pas sur le pas de la porte pour le regarder disparaître.
Non.
A la seconde même où j'avais prononcé cette phrase, je détournai mon regard et tentai de me changer les idées. A l'instant même où je n'entendis plus ses pas, je fus pris de remords. De profonds remords. Je résistais à l'envie d'aller m'excuser. Fortement. Je réussis un instant seulement. Peut-être une heure ou deux. Mais je ne tenais plus et marchais jusqu'à mon alcôve voisine. Que je trouvais vide. Où était-il parti ? Qu'avais-je fait ?
J'étais triste et en colère.
Je ne savais plus où donner de la tête.
J'avais envie de noyer mes idées.
De me détruire.
D'effacer chaque trace de mon existence.
De rester à tout jamais en sécurité dans les bras de Taehyung.
Mais comment le pouvais-je si je n'étais plus capable de lui mettre la main dessus ?
Je tentais de ne pas avoir l'air stressé lorsque je marchais dans les allées. Il n'y avait pas tant d'endroits qui nous étaient libres d'accès. Une sorte de cuisine quand bien même nous n'avions pas besoin de manger. Un salon si nous pouvions appeler cela ainsi, avec quelques sofas et fauteuils et des bouquins, que je n'avais jamais ouvert de ma vie. Et enfin, une salle de bain.
La pièce dans laquelle je passais le plus de temps après ma chambre.
Le loquet était ouvert, il avait rapidement cédé lorsque j'avais tenté d'y pénétrer. On pouvait entendre le bruit de l'eau qui coulait dans la baignoire. On pouvait entendre les gouttes d'eau frapper par endroit les parois. On pouvait, si on tendait l'oreille, entendre de légers reniflements. En écho aux miens. Je pleurais encore. J'étais vulnérable et faible.
— Jungkook, sors.
Sa voix était tranchante. Elle avait ricoché sur mon épiderme. Elle me fit un mal fou et presque autant de bien.
Je l'avais mérité.
— Jungkook, sors, répéta-t-il quand il ne m'entendit pas sortir.
Cette fois, elle n'était pas aussi assurée. Elle était empreinte d'une profonde douleur. me-sœur de la mienne.
Pourquoi souffres-tu mon ange ?
Le Jungkook du passé se foutrait grandement de ma gueule s'il me voyait m'inquiéter pour Taehyung de la sorte.
— Tu as perdu tes capacités cérébrales, Jungkook ?
Je l'entendais prononcer mon prénom. Il l'avait fait trois fois. Pourquoi y accordais-je tant d'importance ? Pourquoi me repassais-je en boucle la manière dont il le faisait rouler sur sa langue ? La manière dont elle sonnait si bien, calquée sur sa voix ? Ce n'était rien. La fatigue et les émotions accumulées. Je n'avais aucune envie de parler. Juste agir. Parfois un seul geste valait mille mots. J'ôtai seulement mon t-shirt, préférant garder le bas de mon corps vêtu. Et j'enjambai la baignoire.
— Qu'est-ce que tu fais ? Je t'ai dit de parti- commença Taehyung, nu et légèrement paniqué.
Je l'interrompis de mon doigt sur ses lippes. J'ancrai mes yeux dans les siens. Il était rare que nous nous retrouvions face à face ainsi. Nous faisions exactement la même taille et il suffisait que je fasse un pauvre pas dans sa direction pour que nous lèvres soient scellées.
— Pas ce soir, mon ange. Enterrons la hache de guerre, juste pour ce soir au moins. Laisse-moi rafistoler ce petit cœur que j'ai apparemment brisé. Je te promets que ce n'était pas volontaire. Si j'avais été conscient d'avoir en ma possession un tel trésor, je me serais appliqué à t'honorer plutôt que l'inverse.
— Jungkook... souffla-t-il simplement.
— Putain, j'adore quand tu prononces mon prénom.
— Jungkook, répéta-t-il, comme pour me provoquer.
Je ne manquais pas cette fausse innocence dans son regard. Dans son œil, une lueur larmoyante que je ne supportais plus de voir.
— Jungkook, fais quelque chose. Baise-moi ou casse-toi. N'importe quoi mais juste fais quelque chose.
— Non, mon ange. Prends cette autorité que je t'offre et fais en ce que tu veux. Tu es le maître du jeu ce soir alors laisse-moi être ce pion au service de ton plaisir.
Il ne fallut apparemment pas le lui répéter deux fois. Sa main agrippa avec force ma mâchoire tandis que d'un habile mouvement de son corps, il parvint à me plaquer contre les parois de la douche. La collision entre mon crâne et le mur fut brutale. Mais je m'en fichais. Je prendrais de lui tout ce qu'il accepterait de me donner.
Mais à part cela, il ne faisait rien. Il continuait de me maintenir par la mâchoire mais n'opérait pas le moindre geste. Ses lèvres continuaient de frôler les miennes sans jamais engager le moindre contact. Je sentais son souffle sur mes lippes, dans mon corps.
Je voulais que sa main descende, qu'elle enserre ma jugulaire. Qu'elle contrôle jusqu'à la quantité d'air qui pouvait entrer dans mon organisme.
Taehyung, montre-moi ce que c'est que d'être dans une position de faiblesse.
J'avais toujours dans mon regard cet air de défi que je savais inséparable de moi. Il sondait son regard, le challengeant de me faire dépasser mes limites.
— Fais. Quelque. Chose. Taehyung, tu vas me rendre fou, affirmais-je.
Je craquais.
Complètement.
Lui, approcha lentement ses lèvres de mon lobe. Il laissa traîner son souffle contre ma veine jugulaire. Il y approcha ses dents avant de la mordiller.
— Et si je décidai de ne rien faire ? Après tout, j'ai les commandes, non ? me défia-t-il à son tour de sa voix grave directement contre mes tympans.
Depuis quand était-il ainsi ? Mon petit ange s'était dévergondé.
Mon Dieu, si quelque part tu existes, viens-moi en aide.
— Alors j'en mourrais.
— Tu peux mourir alors, Jungkook, me répondit-il en insistant sur mon prénom.
Sans plus d'artifices, il sortit de la baignoire, me laissant pantelant, encore désireux de son contact. Je peinais à reprendre mon souffle.
Que venait-il de se passer ? Etait-ce un rêve ?
Venait-il réellement de m'allumer comme un professionnel sans me laisser la moindre occasion d'être satisfait ? Il fallait croire que oui. Depuis quand un ange méritait-il tant le titre de démon de la luxure ? Si en arrivant j'avais la terrible envie de le prendre dans mes bras. Là, je n'avais qu'une envie, le posséder entièrement.
Parce que, putain, qu'il était bandant.
Il avait disparu bien loin devant moi.
Il ne valait mieux pas que je le suive. Je risquais de ne plus être maître de mes émotions.
༺ - ༻
Le lendemain, Yoongi se réveilla bien tardivement. Je remarquais les maux qui tambourinaient dans son cerveau. Il avait trop bu, bien trop bu. Mais il était toujours aussi déterminé à se rendre auprès d'Hadès pour le suivre dans ses plans. Et c'était tout sauf une bonne idée. Que pouvais-je y faire ? Absolument rien. Je ne pouvais que rester à mon poste. Las. Je ris seul lorsque je pensais à Taehyung. Lui aussi devait désespérer. Ou bien, était-il en colère ? Je ne lui avais toujours rien dit concernant ma non-implication dans cette histoire.
Quel beau fils de pute je faisais.
M'enfin. Pour l'être, fallait-il encore que je connaisse ma mère.
Fallait-il qu'elle ne me laisse pas à la naissance entre les mains d'un homme qui ne savait même pas s'occuper de lui-même. Mais qui préférait péter plus haut que son cul.
Yoongi semblait déterminé. Il traçait son chemin. Les yeux rivés sur son but qu'il effleurait du bout des doigts. Quand la porte fut face à lui. Il leva le poing pour l'abaisser trois fort. Ce mec était bien trop poli pour entrer dans ce monde sombre.
— Bonjour monsieur,, Yoongi salua Hadès un peu trop formellement.
Mais contrairement à ce que je pensais de lui, inconformément à l'image que je m'étais faite de lui, il lui serra la main.
Il lui avait serré la main.
Ma surprise ne fut que plus grande quand, à la suite de l'accord de Yoongi pour entrer dans sa « secte », celui-ci le prit dans ses bras.
Il l'avait pris dans ses bras.
Il ne m'avait jamais pris dans ses bras.
Je ne savais plus depuis combien de temps je le connaissais mais je savais fort bien que ses bras ne m'avaient jamais entourés de sorte en me faire une étreinte.
Jamais.
Alors, je ressentis cela comme une trahison.
Un coup de poignard dans le dos.
De la colère, une profonde et pure colère se mélangea à ma tristesse intense.
Yoongi.
Il n'était peut-être pas question de le sauver au final. N'avait-il pas trouvé sa place en fin de compte ? Il n'y avait pas le moindre doute. Il avait sa place dans ses bras. Cette place que j'avais toujours convoitée. Alors que je n'avais jamais eue. Si je pensais que j'avais encore une chance de récupérer mon paternel. J'avais dorénavant la confirmation que je l'avais définitivement perdu.
Un vide se créa en moi.
Un vide se créa dans mon cœur.
Comme un membre à part entière qui se détachait de moi.
Dieu que c'était douloureux.
Je ressentis de nouveau cette envie de pleurer. Cette envie de vomir. Ajouter à cela, une envie de frapper, de tuer. D'éliminer ou de disparaître.
Il fallait que quelqu'un prenne ma colère en pleine tronche.Ou alors c'était moi que j'auto-détruirai. Et je n'avais pas la moindre envie d'écourter mon existence. Je me rendais compte de l'horreur de mes pensées quand l'image de Taehyung y apparut comme la victime parfaite.
Mais ma décision fut prise quand je vis mon père -Hadès- poser une main rassurante sur la tête de Yoongi pour le conforter dans sa décision.
— Allez mon garçon, rentre chez toi. Tu peux aller chercher tes affaires, tu séjourneras directement ici à partir de demain.
— Oui, monsieur. Merci de me laisser une chance, répondit Yoongi en s'inclinant.
Trop poli, mec. Si tu continues comme ça, tu ne survivras pas bien longtemps.
— Allez, oust. Demain, sept heures précises. Je ne tolérerai aucun retard, alors je te conseille de dormir tôt ce soir.
En lui accordant une dernière accolade, Yoongi partit, encore plus heureux que lorsqu'il était arrivé. Je sentais qu'il n'avait pas encore évacué tout l'alcool de son organisme. Alors il allait avoir besoin de sommeil. Pour une fois, je lui en étais reconnaissant.
Quand il déverrouilla sa porte d'entrée, il remarqua enfin le désordre qu'il avait causé chez lui. Le salon, la cuisine, la salle à manger avaient été mis sens dessus dessous. Le Yoongi d'il y a quelques semaines aurait été horrifié. Profondément choqué. Et aurait tout rangé dans l'heure qui suivait. Mais celui-ci, que je ne reconnus pas, alla directement à sa chambre.
Il réunit quelques vêtements dans un sac de sport et partit se coucher. Directement. L'épiderme plein de l'odeur d'alcool de la veille.
De l'alcool et d'autres choses.
Et Taehyung ne le poussa pas à aller à la douche non plus. Aucun de nous ne tentait d'accomplir sa mission. Lui comme moi étions spectateur de la scène.
Cette scène si peu édifiante.
༺ - ༻
Me revoilà dans sa tête, seul. Enfin, seul avec Taehyung. Je ne me promenais pas. Je me couchais simplement sur mon lit, un sourire aux lèvres. Je fixais le plafond d'un œil satisfait. Dans ma tête je n'avais pas dû le laisser de marbre non plus.
— A te voir sourire ainsi, tu n'as pas l'air d'être tant pris de remords que cela, Jungkook, entendis-je résonner dans ma chambre.
Il utilisait encore ce fichu prénom qui me donnait des putains de frissons.
— Vas-tu arrêter d'utiliser mon prénom ?
— Tu semblais pourtant apprécier, hier.
— Aujourd'hui est un nouveau jour.
Je me redressais sans pour autant me lever. Je me contentais de me poser sur le bord du matelas, une jambe posée sur sa jumelle.
— Que vas-tu faire aujourd'hui, petit ange déchu ? le questionnai-je.
— Je veux que tu me dises pourquoi tu as poussé Yoongi dans les bras de ton père.
— Et si je n'en ai pas l'envie ?
— Je ne te laisse pas le choix.
— Attends, laisse-moi réfléchir, dis-je en maintenant mon menton de mes deux doigts et en laissant mes yeux se balader au plafond. Mmmmh, je ne te le dirai qu'à une seule condition.
— Laquelle ?
— Laisse moi te baiser. Fort. Sans aucune limite. Et si je suis satisfait de ton obéissance, je te dirais tout ce que tu as envie que je te dise.
Face à moi, Taehyung ouvrit grand les yeux.
Il ne devait pas savoir que j'avais grandi dans la section luxure des enfers.
— Alors qu'en dis-tu, Taehyung ? Hier, je t'ai laissé jouer avec moi mais tu n'en as pas profité. Aujourd'hui, c'est mon tour.
— ...
— Ne me dis pas que tu n'as jamais fait ce genre de choses !
Le rouge de ses joues se marqua davantage.
— Petit ange innocent, je ne peux pas te croire pur après tout ce que tu as fait hier.
— Je...
Je m'approchais de lui à pas de félin. Il n'y avait aucune hésitation dans mes pas. Pas même lorsque je me saisis de son menton que je redressais afin d'ancrer son regard dans le mien. Ses yeux brillaient de tant de choses. De la curiosité, beaucoup de curiosité. Les anges étaient connus pour leur curiosité et leur soif d'apprendre. Ils ne pouvaient pas résister au savoir. Cela ne m'étonnerait même pas de savoir que Taehyung était sapiosexuel.
— Alors ? Veux-tu savoir ?
Oui, je jouais avec cela. Ce n'était clairement pas vital pour lui de savoir que mon père m'avait toujours manipulé pour que je sois sa marionnette. Que je n'étais pas un réel démon. Que je ne savais même pas ce que j'étais précisément.
Il n'avait vraiment pas besoin de savoir.
Je continuais de le regarder dans les yeux, je tentais de le tester. De savoir ce qu'il manigançait, ce qui se tramait réellement dans ses deux yeux innocents.
— J'espère que tu as envie de moi alors, Jungkook, lâcha-t-il dans un souffle. Parce que je ne renoncerai pas à cette information.
Putain.
Je lui avais proposé cela, mais je n'avais pas spécialement d'idées derrière la tête. En me remémorant mes propres paroles, je me demandais si j'avais concrètement envie de le baiser « fort » comme j'avais pu le dire.
A la base, je voulais lui faire du mal.
Déverser ma haine, ma rage et ma tristesse sur lui.
Je le regardais se dévêtir. Sans que je ne lui donne la moindre indication. Il ôta en premier lieu son chandail, puis son pantalon. Si ses vêtements étaient blancs, sa peau halée m'apparaissait comme une toile vierge encore plus belle, plus propre, plus pure. Je voulais y laisser mon empreinte. A mon tour, je me débarrassai des vêtements qui me collaient encore à la peau mais gardai mon caleçon, comme lui.
— Petit ange, allonge-toi dans le lit, lui murmurai-je d'une voix qui se voulait profonde.
Je ne dus pas laisser place à la moindre opposition puisqu'il s'exécuta sans la moindre objection. J'observais chacun de ses mouvements. J'admirais chacun de ses mouvements. Je me délectais de chacun de ses mouvements. Et un détail m'atteignit. Il refusait inconsciemment, ou consciemment, de me montrer son dos. Il s'arrangeait pour toujours se montrer de face. Je pouvais laisser mes yeux se promener sur ses muscles pectoraux, sur ses biceps conséquent, sur ses abdominaux marqués. Mais son dos m'était refusé. Et ce qui me donna encore plus envie de le voir était la grimace peu masquée qu'il fit lorsque celui-ci se retrouva en contact avec le matelas.
— Retourne-toi, lui ordonnais-je d'une voix plus douce, sur le ventre.
Je craignais ce que je verrai à cet endroit. Mais je refusais de laisser mes yeux quitter cet endroit. Je refusais de le laisser seul dans cette première étape.
— T'as pas besoin de voir mon dos pour me baiser, Jungkook.
Putain, tu ne peux pas juste obéir ?
— Fais-le.
Je le fixai de mes iris sombres. Je tentai de percer les mystères de son âme. Mais rien. Il était fermé comme une huitre. Et alors que j'allais réitérer mon ordre, il se redressa sur ses coudes pour éviter que son dos ne se frotte contre les draps pendant son changement de position. Je restais là, à attendre patiemment qu'il s'exécute. Il n'y avait rien de pressé. Mais quand enfin je vis ce qui se trouvait là, dans son dos, mon souffle se bloqua dans ma gorge.
Je ne savais plus si je souhaitais ou non connaître la cause de l'existence de ces grandes plaies dans son dos. Comment avais-je pu les manquer la veille ? Il avait joué avec moi, nous étions face à face. Mais quand il était parti, il devait bien avoir dû se tourner de sorte que son dos soit face à moi, non ?
— Que s'est-il passé ? soufflais-je entre mes dents.
— Putain Jungkook, touche-moi juste, et ne pose pas de questions.
Je le vis cambrer sa taille pour élever son postérieur. Son visage était enfoncé dans l'oreiller, ses coudes dans le matelas. Le voir ainsi offert me rendait fou. Ne pas voir ses yeux seraient si simple pour lui prendre sa virginité sans le moindre remord. Mais je me sentais mal de devoir agir ainsi. Surtout quand j'entendais les larmes qu'il tentait d'étouffer.
— Petit ange, chuchotais-je à plusieurs reprises en laissant la pulpe de mes doigts se promener sur ces deux blessures. Raconte-moi ce qu'il s'est passé...
Pourquoi en avais-je quelque chose à faire ? Je continuais de laisser balader mes mains sur son dos exposé, de le couver de mon regard inquisiteur. Je m'assis sur ses cuisses.
De là où j'étais, je voyais nettement le tremblement de ses épaules. Sans réfléchir, je me penchais en avant pour poser mes lèvres sur ses muscles.
Et maladroitement, je tentais de masser ces boules de nerfs pour le détendre un minimum.
— Dis-moi ce qu'il s'est passé, répétai-je entre deux baisers.
Je continuais de tracer mon chemin, dans sa nuque, et je descendis sur sa colonne vertébrale.
Celle-ci représentait l'axe de symétrie entre ses deux cicatrices parfaitement semblables, qui s'étendaient du haut de son dos, jusqu'en bas.
Je sentis son souffle ralentir, les battements de son cœur, eux, s'accélérer.
— Taehyung, tu sens si bon, ne pus-je m'empêcher de laisser échapper.
Lorsqu'enfin chaque centimètre carré de sa peau eut été en contact avec mes lèvres, je me redressai et m'assit en tailleurs à ses côtés sur le lit. Je remarquais que l'envie de le faire souffrir s'était évaporé.
— Jungkook...
— Assieds-toi... Et dis-moi quel connard t'as fait ça, que j'aille lui arracher les yeux. Il n'y a que moi qui puisse abîmer cette jolie peau. Qui est le salopard qui a osé profaner ma belle toile censée être vierge juste pour moi ?
— Je ne sais pas si c'est une bonne idée que tu le saches, Jungkook.
— Ce n'est pas à toi d'en juger. Après tout, je suis le prince de l'enfer, c'est mon travail de punir les pécheurs.
— Jungkook, ces marques que j'ai là, m'ont été faites à cause de toi.
Je pensais que j'étais arrivé au bout de mes surprises, mais il semblerait que non.
— A cause de moi ?
— Oui.
Il avait attisé ma curiosité, là. J'avais commis tout un tas de choses dans ma vie mais, je n'avais aucun souvenir de cela. S'il y avait eu, même l'infime possibilité pour que je sois l'auteur de cet acte, je m'en serais souvenu.
— Enfin, pas directement...
J'étais hypnotisé par ses lèvres, je voulais lui soutirer chaque mot qu'il serait en possibilité d'avoir en ma possession. Et là, ce fut une sorte de drame. Chaque mot qui dépassait l'ouverture de ses lèvres existait pour me mettre davantage à terre. Taehyung détenait en son sein, le secret de mon existence. Qu'une poignée de personnes détenaient. Et je n'étais pas inclus.
Je ne connaissais rien de cette histoire de laquelle j'étais le protagoniste. Vous savez, celle dans laquelle "l'élu" devait à tout prix être protégé. Celle dans laquelle il ignorait tout de lui. Celle dans laquelle je n'avais le contrôle sur rien. Je ne pus rien faire d'autre que le prendre dans mes bras, avec force. Comme si je pouvais la lui donner, pour rembourser toutes les dettes que je lui devais. Alors que c'était une dette inestimable. Taehyung, n'était pas un ange, non. Il avait grandi parmi les anges mais était un hybride. C'était la raison pour laquelle il était le fils d'Hélios, tout comme j'étais le fils d'Hadès. Il n'y avait pas de raison rationnelle à cela. Ce stratagème avait pour but d'ensevelir la vérité, d'enterrer nos natures d'hybride de cacher notre impureté.
Alors, si nous avions été, lui et moi, sur cette mission, c'était que quelqu'un le commandait. Personne ne connaissait l'identité de cette personne, mais, je me doutais qu'il s'agissait d'une force plus grande, moins atteignable. Trop inaccessible pour nous autres.
— Taehyung, je suis si désolé que tu aies dû subir cela.
— Tu n'as absolument rien à te reprocher, tu n'étais qu'un nourrisson à l'époque.
— Il vaudrait mieux que nous arrêtions de nous voir...
— Quoi ? Pourquoi ?
— Je t'ai fait tant de mal, j'ai peur...
Et voilà comment cela devait se terminer. Nous agissions ainsi car nous étions tous les deux issus de relations conflictuelles, interdites et dites contre-nature. Je pouvais dire avec une assurance presque certaine que j'étais tombé amoureux de lui. J'espérais que ce n'était qu'en surface et qu'il n'était pas trop tard pour faire machine arrière. De toute façon, je ne devais plus le revoir, c'était pécher. Je ne voulais plus pécher.
Alors mon cher fruit interdit, je te prie de rester loin de moi.
Il ne pouvait pas me manquer, n'est-ce pas ? Non, il ne le pouvait pas. Nous n'avions rien fait ensemble si ce n'était que des taquineries. Rien de plus que des taquineries. Rien. Si l'on omettait les confessions, les larmes et la recherche du réconfort dans les bras de l'autre. Il ne s'était rien passé, strictement rien.
Rien du tout.
Du moins c'était ce dont j'essayais de me convaincre.
Parce que si on n'avait jamais goûté à une chose, il était impossible que nous en ressentions le manque. Etait-ce comme cela que ça fonctionnait ?
Je l'espérais fortement.
༺ - ༻
Yoongi marchait dans les rues encore plongées dans le sommeil. Il s'était levé de bonne heure ce matin, après une nuit reposante. Il avait pris une douche, probablement sous l'influence de
Taehyung.
Taehyung.
Ce nom faisait écho dans ma tête depuis la veille au soir alors qu'il était la dernière personne à laquelle je voulais penser. Ne pouvais-je pas penser à ma mère ? Dont l'identité avait été fraîchement découverte hier. J'avais du mal à réaliser que je descendais d'une déesse. Et du diable. J'étais un mélange entre le bien et le mal. J'avais toujours appris à mal me comporter.
Mais comme le disait Montaigne, la forme naturelle finissait toujours par ressurgir à un moment où un autre. Et il semblerait que je sois destiné à faire le bien. Mais pourquoi Taehyung finissait toujours par refaire irruption dans ma tête ?
Cette réflexion-ci, c'était lui qui m'en avait parlé durant notre dernière discussion. Je secouais la tête comme si cette simple action allait m'aider à ne plus m'attarder sur ces futilités mais plutôt allait les extraire de mon cerveau.
Je me concentrais de nouveau sur Yoongi, il avait entamé un footing. Il avait laissé son sac dans un buisson, il devait avoir confiance et en sa mémoire et au respect des autres qui ne le lui piquerait pas. Il partit seul dans les rues encore plus sombres, les lampadaires ne fonctionnaient pas pour la plupart. Seul un sur trois fonctionnait.
C'était lugubre.
Mais je ressentais de la joie au sein de Yoongi.
Il semblait heureux de la nouvelle vie dans laquelle il s'apprêtait à entrer. Je l'espérais pour lui, puisque ce ne serait qu'à sa mort qu'il en ressortirait.
3 kilomètres.
J'étais déjà essoufflé pour lui.
6 kilomètres.
Je frôlais la crise d'asthme.
Mais Yoongi tint bon, il semblait à peine atteint par cet effort. Pourtant, il ne courrait jamais. Il s'arrêta au bout de 20 kilomètres, le t-shirt qu'il portait était trempé et il respirait comme un bœuf. J'avais un instant cru que ce n'était pas un humain. Mais ç'aurait été légèrement trop. Et quelque peu comique, aussi.
— Bonjour monsieur, le salua Yoongi, à sept heures précises.
— Bonjour Yoongi, je vois que tu es ponctuel, parfaitement ponctuel même, lui répondit Hadès en jetant un coup d'œil à sa montre. C'est une qualité tout à fait respectable. Entre, je t'en prie.
Il entra, sans même remarquer que la porte fut fermée à clef derrière lui. Moi, j'avais parfaitement pris conscience que la serrure avait été enclenchée puis refermée à double-tour après le passage de Yoongi.
Cette journée n'était pas prête à se finir.
Yoongi, es-tu conscient, un minimum, de ce que tu es en train de faire ?
— Oui, et je suis parfaitement heureux.
C'était la première fois qu'il s'adressait directement à moi. Je me moquais un peu de lui puisqu'il ne semblait pas savoir qu'il pouvait simplement penser pour que je sache ce qu'il souhaitait me répondre. Hadès qui marchait devant, lui jeta un regard en biais, curieux.
D'accord, ne viens pas pleurer pour qu'on te sorte de là alors.
— Mais putain, je sais ce que je fais. Je veux juste faire mes propres choix alors tu vas te la boucler, s'énerva Yoongi en frappant sa tête de sa main.
Il n'y avait pas été de main morte.
— Tout va bien, Yoongi ? s'inquiéta faussement Hadès.
— Oui, oui monsieur tout va bien. Je suis désolé, continuons.
Je continuais de m'adresser à lui avec des commentaires destinés à la sortir de ses gonds. En espérant qu'ainsi Hadès le laisserait partir en le croyant complètement fou. Mais ce ne fut pas le cas, ç'aurait été bien trop simple.
— Je te présente ton camarade, Yoongi. Il est là depuis quelques mois alors il va pouvoir t'entraîner. Min Yoongi, je te présente Park Jimin. Ah et oui, j'ai fort à faire dans les prochains jours alors si tu ne me vois pas, ne t'inquiète pas.
Un jeune garçon à la corpulence similaire à celle de Yoongi se tenait devant lui. Il ne semblait pas si mal en point, seule sa musculature était plus importante.
Yoongi je pense que ton footing ne sera rien comparé à ce que tu vivras ici.
— M'en tape, répondit-il discrètement.
Bonne chance, gamin.
Il leva juste les yeux au ciel, et moins, je riais.
Ça n'allait peut-être pas être si horrible pour moi en fin de compte.
༺ - ༻
A la fin de la journée, Yoongi était éreinté. Il était vrai que Jimin n'y avait pas été de main morte avec lui. Ils avaient enchaîné plusieurs sports de combats. Tous plus complexes les un que les autres. Et il semblerait que ce n'était que le début puisque comme le blondinet l'eut dit « j'ai été gentil avec toi vu que c'était ton premier jour ».
Je n'étais pas complètement en adhésion avec ce programme très étrange, même pas du tout. Mais je devais avouer qu'ils se démerdaient plutôt pas mal pour entraîner leurs membres. Au moins, Yoongi ne mourrait pas tout de suite. Je l'espérais...
༺ - ༻
Deux ans plus tard.
Cela faisait bien trois nuits que j'étais coincé dans la tête de Yoongi. Qu'il ne me permettait plus de voir le monde à travers ses yeux. Tout ça parce qu'il n'avait pas fait attention. Il avait été inattentif et s'était jeté devant Jimin qui allait recevoir une balle. Résultat des courses, il se l'était prise dans les côtes, un peu trop proche du cœur. Elle avait éclaté quelques vaisseaux dans son corps et Yoongi avait échappé de peu à l'hémorragie létale. Il y serait probablement passé si Jimin n'avait pas eu la décence d'abattre l'ennemi d'un tir clair et précis dans la tête avant d'emmener son amant à l'hôpital.
Je supposais que Jimin restait au chevet le plus longtemps possible. Je supposais qu'Hadès n'en avait rien à battre. Je supposais qu'ils étaient dans une clinique privée. Je supposais beaucoup de choses mais je n'étais sûr de rien étant donné que je n'avais ni les yeux de Yoongi pour voir, ni ses oreilles pour écouter.
C'était compliqué. Ajouté à ce fait que j'étais seul.
Cela faisait deux ans que je refusais de le voir. Que je le repoussais chaque fois qu'il tentait de se rapprocher un peu plus de moi. Que s'il avançait d'un pas, j'en reculais de deux. Je ne voulais pas le contaminer de ma noirceur. Je ne voulais pas entâcher cette part de lumière qu'il avait durement acquise. Qu'il avait péniblement tenté de préserver de toute l'ombre qui existait en ce monde. Je refusais tout cela.
Mais en même temps, rester seul avec mes démons allait me rendre fou. Sauf que d'un autre côté, je n'avais personne avec qui parler.
Si ce n'était Taehyung...
Je ne savais plus quoi faire. J'avais tenu deux ans mais cela devenait de plus en plus dur de rester loin de lui. Je n'y avais pourtant même pas goûté.
Or, la texture de sa peau contre la mienne me manquait. Ma mâchoire brûlait d'envie de ressentir sa main, même si c'était pour se faire maltraiter. Même si c'était pour de nouveau sentir la morsure du froid dans mon dos.
Mais si j'avais une chose que je changerais dans ce moment, ce serait celui où je l'avais laissé s'en aller. Si c'était à refaire, je le retiendrais. Et je lui arracherais tout ce qu'il pouvait et même ce qu'il ne pouvait pas me donner.
Bordel.
Maintenant que je m'en étais rendu compte, je ressentais ce besoin de lui, plus fort que jamais. Il se caractérisait comme un manque à combler, une entité à recoupler, une tendance viscérale à suivre.
Il fallait que je le trouve.
Je ne savais pas ce que je lui dirais.
Je ne savais pas ce que je lui ferais.
Je ne savais pas comment je réagirais.
S'il voudrait de nouveau de moi, après ces nombreux rejets.
Me pensait-il toujours coupable de la fin prématurée de notre humain ? M'en voulait-il pour cela ? Probablement. C'était même sûr. Clair comme de l'eau de roche. Mais, ces conclusions n'étaient que miennes, j'espérais que les siennes seraient toutes autres. Qu'il pourrait me rassurer d'un regard et faire éclater toutes mes convictions. La seule qui m'animait était sienne. Je n'avais jamais laissé ce privilège à personne, mais il me l'avait dérobé sans le moindre effort. Son contact m'était vital. Je sentais ma peau brûler de toutes parts comme pour manifester son mécontentement. Elle me faisait comprendre que son incendie ne s'éteindrait pas seul. Que le seul extincteur qui fonctionnerait répondait au nom de Taehyung. Je n'avais qu'à sortir de mon alcôve. Et je tombais nez à nez avec lui.
Il était positionné devant ma porte, se préparant à faire je-ne-savais quoi. Mais nous étions ensemble, et c'était tout ce qui comptait.
— Tu m'as manqué, soufflai-je à bout de souffle alors que je n'avais parcouru qu'une faible distance.
Je tombais à genoux devant lui, mes jambes incapables de me soutenir.
— Je t'en supplie, pardonne-moi, le suppliai-je alors que je ne savais moi-même pas pourquoi je le faisais.
— Pourquoi ? me questionna-t-il en plaçant ses mains sous mes aisselles pour me relever. Ne t'abaisse plus jamais ainsi devant moi.
— Je suis désolé...
— Et ne t'excuse pas non plus, cela te ressembles trop peu. As-tu besoin que je te frappe à nouveau pour te remettre les idées en place, Jungkook ?
— Qui suis-je ? acceptai-je finalement de dire, les larmes au bord des yeux. Qui suis-je putain ?
Tout m'avait échappé maintenant que je me trouvais dans le creux de ses bras. Je savais qu'il me l'avait dit, mais je peinais à faire le lien.
— Tu es le fils d'Hadès et Persépho-
— Non, je ne veux pas juste être leur fils, Taehyung. Je veux juste savoir qui est Jungkook. Comment as-tu su qui était Taehyung ?
— Grâce à toi. Allons dans ta chambre, me proposa-t-il en relevant mon corps dans ses bras.
J'enfouis ma tête dans son cou tandis qu'il enroulait ses bras autour de mes jambes recroquevillées contre mon torse.
— Je suis désolé, Taehyung.
Je reçus un coup sur mon épaule gauche alors je levai mes yeux remplis d'incompréhension vers lui.
— Je t'ai déjà dit d'arrêter ça.
— Que dois-je faire alors ? T'es censé m'en vouloir pour Yoongi putain. Pas me cajoler de la sorte parce que je suis une putain de sous merde.
Il fit un sourire en coin que je ne lui connaissais pas, mais que j'avais plus l'habitude de voir sur moi.
— Ton masque se fissure lentement, petit ange aux ailes noires, émit-il à mon oreille. Tu es enfin toi-même, Jungkook.
— Faible, vulnérable et pitoyable ? A pleurer ainsi dans tes bras comme un putain de nourrisson ?
— Ce n'est pas ainsi que je te vois, Jungkook. Je ne te verrai jamais ainsi. Je te vois juste comme un être perdu en quête de savoir. Comme quelqu'un qui a grandi seul, sans famille ni ami. Qui aujourd'hui encore, se raccroche à ce qu'il peut pour se sortir de ce trou sans fond. Comme quelqu'un qui n'a pas abandonné là où quatre vingt dix neuf pour cent des gens l'auraient fait. Voilà comment je te vois, Jungkook. Tu n'es pas un nourrisson. Tu es une larve prête à prendre son envol. Il n'y a qu'à saisir le bon moment.
Je ne savais pas quoi dire.
— Frappe-moi, dis-je simplement. Secoue-moi. Fais juste quelque chose pour que j'arrête d'être ainsi.
Il ne sembla pas saisir le sérieux de mes propos. Il me fixa avec des yeux ronds. Remplis d'incompréhension.
— S'il te plaît, cédai-je.
Sans un mot, il se leva et partit dans une direction qui ne m'était pas connue. J'avais peur, je n'avais jamais eu aussi peur qu'il s'en aille. Qu'il ne revienne jamais. Mais il finit par revenir avec certaines choses dans les mains. Je fixai son visage, ses yeux, ses sourcils, son nez, ses pommettes et ses lèvres. Et je me demandais comment une telle harmonie parvenait à survivre chez un seul et même être.
— Qu'est-ce que tu as apporté ?
La curiosité avait pris le dessus.
— Je vais te détendre, Jungkook, j'espère que je parviendrai à te faire te sentir bien.
Je n'avais pas changé de position depuis qu'il était parti, toujours assis en plein milieu de mon lit, face au dosseret, la place devant moi, laissée vide à son départ. Je sentis le matelas s'affaisser derrière moi et une présence apparut dans mon dos. Une faible pression eut lieu sur mes épaules et je me sentis projeter vers l'avant.
— Chut, ne dis rien et détends-toi... me murmura-t-il à l'oreille. Enlève juste ton t-shirt.
Il ne m'avait jamais vu torse nu, et je repensais aux nombreux traits que je m'étais tracés sur la peau chaque fois qu'il me manquait. Voyant que je ne réagissais pas suite à sa demande, il souffla un petit coup et s'occupa lui-même de me dénuder la partie supérieure de mon corps. Il ne pouvait pas ne pas avoir vu ces traces, mais il n'avait rien dit, préférant ne pas me brusquer. Je me sentais si fatigué, comme si simplement relâcher tout ce que j'avais dans mon cœur m'avait demandé une énergie monstrueuse.
Lorsqu'enfin il m'offrit le contact de ses doigts sur mon épiderme, je fus détendu. Il s'appliqua à étaler cette huile avant de me masser partout où j'avais besoin de lui.
Se rendait-il compte qu'il était en train de nettoyer me peau de ses péchés ? Se rendait-il compte qu'il était le remède que j'avais si longtemps cherché ?
— Taehyung, arrête, je vais m'endormir.
Il continua.
— Alors endors-toi, je ne partirai pas.
Il ne m'en fallut pas plus pour que mes yeux lui obéissent. Je plongeai directement dans les bras de Morphée.
༺ - ༻
Je n'avais jamais si bien dormi.
Lorsque je sortis de mon sommeil, de mon plein gré et non pas parce que Yoongi s'était éveillé, je retrouvai Taehyung à mes côtés. Il avait la couverture remontée jusqu'à son menton. Il dormait à poings fermés. Ses bras, fermement entourés autour de ma taille. Je sentais son souffle léger sur mon torse. Comment avions-nous pu dormir à deux sur un si petit lit ? Je pris le temps d'observer ses traits, maintenant que je le pouvais. Il avait des traits si délicats, caractéristiques des anges. Il semblait pourtant porter tous les maux du monde sur les épaules.
Je me remémorais notre discussion d'il a y deux ans. Quand il m'apprit la scission de ses ailes pour trahison.
Je mesurais difficilement l'importance des ailes chez les anges. Mais il avait tenté de me l'expliquer. Il m'avait expliqué qu'il avait été puni pour des choses qu'il n'avait même pas commises. Il me l'avait clairement énoncé. Il avait accepté ce châtiment sans broncher, sans crier à l'injustice et aujourd'hui, il en gardait deux grosses marques indélébiles dans son dos.
Comme s'il suivait mes pensées, il se tourna inconsciemment et se retrouva dos à moi.
Distraitement, je relevai son t-shirt du bout des doigts et ceux-ci parcoururent avec attention ces marques que j'avais tant chéries deux années plus tôt.
Elles étaient belles ces marques... Elles faisaient parti de lui.
Je me souvins de la honte qu'il avait éprouvé lorsque je les avais vues. Et là, je le compris.
Je compris pourquoi il m'avait insulté alors que je me considérais comme une merde. Je compris que tout comme je voulais qu'il considère ses cicatrices comme une force, il n'avait voulu que la même chose chez moi. Pour moi. Et je ne l'avais pas compris de cette manière.
— Tae... prononçai-je lorsqu'il se déplaça pour se débarrasser de mon contact parasite.
Il se tourna à nouveau pour se remettre face à moi. Naturellement sa tête se lova dans mon cou. Comment cela se faisait-il qu'il bouge autant et que nous soyons tous les deux restés dans le lit tout au long de la nuit ? J'avais si peur de le réveiller. Que je préférais me rendormir. Et alors, dans le monde des songes, je le retrouvais. Nous étions dans un monde où aucune règle n'avait été dictée. Nous étions libre d'aimer qui nous voulions. Et alors que j'étais entouré de tout plein d'hommes et de femmes plus agréables aux yeux les uns que les autres. Je ne cherchais que Taehyung.
Et là, je compris autre chose.
Cet amour que je pensais superficiel était en fait bien plus incrusté dans mes pores. Je ne me voyais pas avec autrui, même dans le monde onirique.
༺ - ༻
Lors de mon second réveil, avant même d'ouvrir mes yeux, je palpais la place vide à mes côtés.
J'étais presque déçus de retrouver ce vide chaud plutôt que la présence de mon amant.
— Bien dormi ? entendis-je juste avant qu'un baiser ne se pose sur mon front.
— Ça va et toi ? Que sommes-nous, maintenant ?
— Pourquoi mettre une étiquette là où elle n'a pas lieu d'être ?
— Je ne sais pas.
Comment cela faisait-il que nous ayons pu rester si loin de l'autre alors que tout ce à quoi nous aspirions était d'être ensemble ? Si j'avais su qu'il me voulait autant que je le voulais lui, qu'attendais-je ?
— On fait quoi pour Yoongi ? m'entendis-je demander.
Il se tourna face à moi, ne s'attendant pas à ce que je le questionne à ce sujet aussi rapidement. Aussi directement.
— Je ne sais pas. Il avait voulu écouter cette envie et s'est retrouvé ainsi. Je pense que Jimin veille sur lui, mais je ne saurais dire si c'est suffisant.
— Yoongi est fort... je l'admire.
Il me fixa sans un mot, comme pour m'encourager à continuer.
— J'aimerais être comme lui, il a tellement vécu mais à tout de même réussi à faire ce qu'il a toujours voulu, finalement. Alors que moi, je restais dans les pattes de père. Dans ses filets.
— Jungkook, j'ai attendu que tu me le dises, mais tu n'es pas décidé. Je sais que le patron de Yoongi est ton père. Et j'ai compris que tu n'y étais pour rien dans le sort de Yoongi.
— Comment ?
— Tu n'es pas vraiment discret, tu sais ?
J'expirai, j'étais soulagé qu'il le sache. Je n'aurais pas su comment le lui annoncer sans qu'il ne me pense fou ou possédé.
— Je suis désolé.
— Arrête ça tout de suite.
— Oui, je... Pardon. Enfin non, pas pardon. Bref, tu m'as compris quoi.
Un blanc confortable s'installa entre nous.
Nous nous contentions de nous fixer l'un l'autre. Il n'y avait rien d'embarrassant là-dedans.
— Je suppose que nous sommes dans le flou, on ne peut rien faire pour savoir si Yoongi va s'en sortir, non ?
— Taehyung, il est fort. Je suis persuadé qu'il s'en sortira, il n'a pas le choix.
— Oui, il n'a pas bien le choix. Quand il le fera, je demanderai ma retraite. Ce boulot pompe mon énergie comme pas possible.
— Ptit vieux va.
Je ris légèrement à ma propre remarque et quand Taehyung me tourna le dos pour me partir avec une expression semblable à un « ta gueule », j'allais exploser de rire. Ce que je fis, sans qu'il ne puisse le voir. Il y eut bien longtemps que je n'avais pas ri de bon cœur.
Alors, j'explosai.
J'étais en train de lâcher tout ce qui se trouvait dans mon cœur, dans mon corps.
༺ - ༻
Les jours passèrent, ces jours durant lesquels il ne passait pas grand chose. Je croisais souvent Taehyung, j'aimais le taquiner. Apprendre à le connaître. Mais jamais plus, nous ne faisions d'allusions sexuelles. Oui, non, c'était bien trop dangereux pour nous deux. Cela nous inspirait la peur à tous les deux. Il avait peur de se lancer dans le processus, ce qui était compréhensible, et moi, j'avais peur de le briser. Il m'arrivait souvent que mon côté démon se fasse moins discret et que des envies de meurtres ne m'animent dans ces moments-là. Et je n'avais aucune envie de lui ôter la vie.
Pas à lui.
Alors nous évitions ce sujet comme s'il s'agissait de la peste noire. Mais cela ne voulait pas dire que je ne l'embêtais plus. Il y avait tant de choses que je pouvais faire pour qu'il sorte de ses gonds.
Nous adorions bomber le torse, l'un face à l'autre pour savoir lequel abandonnerait le premier.
Je n'acceptais que très rarement les défaites. Avec lui, elles passaient étonnamment crème.
J'étais celui qui faisait exprès de perdre juste pour entendre ces éclats de rire sortir de sa gorge.
J'étais ce genre de mecs avec lui, ouais.
J'étais surtout exaspérant.
༺ - ༻
— Imagine que Yoongi ne se réveille jamais. Que ferons-nous ? me questionna soudainement Taehyung alors que nous étions enlacés dans son lit.
Oui, depuis ce jours, je n'avais plus passé une seule nuit seul.
— Que veux-tu dire, mon ange ? lui répondis-je distraitement en jouant avec ses cheveux.
Etais-je devenu soft ? Possible. Mais j'adorais cela.
— Tu sais ce qui arrive si l'hôte ne se réveille jamais ?
— Non.
— Soit nous restons à jamais dans son esprit, soit nous sommes renvoyés chez nous. Il est plus fréquent que la seconde version se réalise mais il est fort probable aussi que nous ne nous revoyions jamais.
— Ah.
— Je sais...
— Je ne veux pas avoir à choisir entre mourir avec toi ou mourir sans toi, lui répondis-je en déposant un léger baiser sur ses lèvres.
— Alors il a intérêt à se réveiller, hm.
— Et s'il ne le fait pas, je le ressuscite pour le faire mourir d'une mort lente et douloureuse juste après.
— Je n'en doute pas, petit ange aux ailes sombres.
Les surnoms étaient quelque chose que j'apprenais à apprécier en sa compagnie. Il y avait bien des choses que je commençais enfin à comprendre grâce à lui. Je n'avais pas d'explication à y apporter. Il m'avait aidé à trouver qui j'étais, en partie. Et pour cela je lui serai éternellement reconnaissant. A jamais. La leçon la plus importante que j'eus appris avec lui était que dans la vie tout n'était pas à être vécu dans les extrêmes. Il m'avait appris l'existence des nuances. La possibilité d'un monde nuancé.
— Je crois que... je crois que je ne supporterai pas de te perdre, Taehyung, murmurai-je faiblement dans son cou.
— Moi aussi, Jungkook. Ne serre pas ma main si fort, il suffit d'une simple pression pour que je ne la lâche jamais.
— Désolé, réagis-je enfin quand je me rendis compte que je lui broyais littéralement les doigts.
— Ne t'excuse pas... Pas pour ça, bébé...
Pourquoi avait-il lancé ce sujet-ci ?
— Tu crois que Yoongi va se réveiller ? Je veux dire, je ne lui laisse pas le choix. Mais le peut-il ?
— Il le peut, mais les chances qu'il y passe ne sont pas minces. Son système cardiaque est au ralenti. Il peut s'arrêter à tout moment.
Taehyung avait l'habitude de se promener et de partir bien plus loin que je ne l'avais jamais été. Il avait cette capacité-ci, cette perspicacité que je n'avais pas. Il était du type observateur, il était la personnification de la phrase « il voit tout mais ne dit rien ». Quand je repensais à celui que j'étais à notre rencontre, je me rendais compte que j'avais fait un sacré chemin. J'étais parvenu à ne plus le détester parce qu'il avait su trouver la véritable source de mes accablements. Ma haine n'avait jamais été dirigée vers lui, tout cela n'était qu'un prétexte. Ceux que je haïssais le plus étaient Hadès, mon père, ainsi que les Erinyes, ceux avec qui j'avais grandi. Et à la place, il m'avait montré que j'étais capable d'amour et que j'en méritais comme chaque putain d'êtres-vivants.
L'écouter et le laisser s'enraciner en moi avait été la meilleure décision que j'aurais jamais pu prendre pour moi-même. J'adorais cela même si l'adrénaline de le faire souffrir n'avait pas disparu. Il avait simplement diminué au stade de petit point face au reste, et avait presque disparu.
Il ne m'importunait plus.
༺ - ༻
— Yoongi va se réveiller incessamment sous peu, m'informa Taehyung, une semaine après notre dernière discussion sur l'issue de tout cela.
— Comment tu sais ?
— Ecoute, ses fonctions vitales reprennent un rythme décent. Il est fort, et tu as toujours su le voir.
Il se réveillait ? Pour de vrai ? Alors cela devait aussi dire que je ne pourrais plus passer des journées entières avec lui, sans qu'aucune obligation ne nous importune. Que les nuits que nous passions ensemble allaient disparaître. Quelque part, j'étais dévasté.
Surtout parce que je savais que j'allais de nouveau devoir affronter Hadès, et subir ses châtiment à travers Yoongi. C'était cela, le pire...
J'aurais presque souhaité qu'il ne se réveille jamais. Officiellement parce qu'il allait de nouveau subir les foudres de mon paternel. Mais dans mon for intérieur, je savais que la raison était tout autre. Parce qu'officieusement, même si je ne l'avouerai jamais. Je m'étais attaché à Taehyung. Et cette simple attache pouvait mettre en péril tout ce dont pour quoi je m'étais cru être destiné.
— J'ai toujours raison, non ? Je savais bien qu'il allait se réveiller, affirmai-je.
— Je suppose que pour cette fois, je ne peux pas dire que tu as eu tort.
Je tendis l'oreille, et effectivement, en y accordant une attention particulière, je pouvais entendre un cœur battre. Faible mais régulier. Timide mais fort. Faiblement mais tout aussi férocement animé par une envie de vivre. Il allait se réveiller.
— Que devons-nous faire alors, Taehyung ?
— Comme on a toujours fait, conseiller Yoongi, le pousser dans les bras de Jimin pour qu'il vive sa meilleure vie, afin que nous, nous puissions partir pour vivre la nôtre.
Ma mâchoire avait manqué de se décrocher à l'entente de cette phrase, de ces phrases. Mais yeux avaient sûrement la forme de soucoupes volantes déduisis-je à la manière dont il me regardait.
— Tu ne savais pas pour Yoongi et Jimin ? Ça crève les yeux pourtant... et puis, je mettrais ma main à couper que Jimin a veillé sans interruption au chevet de Yoongi.
— Non, mais je savais ça, Taehyung... c'est la fin de ta phrase... tu veux vivre avec moi ? Un démon ? L'héritier démon ?
— Je... commença-t-il en rougissant. Je pensais après ce que nous nous étions dit la dernière fois et ce qu'il s'est passé ensuite que c'était réciproque... tu sais, Jungkook, je crois... Je crois que le « je t'aime » ne définit aucune relation.
— Non, pas du tout. Non, Taehyung, je... je tiens à toi comme je n'ai jamais tenu à quiconque. Je n'ai jamais voulu la compagnie de qui que ce soit d'autre comme je veux la tienne. Mais... ce que je veux dire c'est que je suis un démon. Comment peux-tu envisager quoi que ce soit avec moi ?
— Jungkook, tu n'es pas qu'un démon. Tu n'es pas que le fils d'Hadès. Tu es aussi le fils de Perséphone... et puis, ce n'est pas du « fils d'Hadès » ou du fils de je ne sais qui que je suis tombé amoureux, c'est de toi. Jeon Jungkook dans son entièreté. Jeon Jungkook avec ou sans ses ailes. Jeon Jungkook avec ou sans son père. Je me tape de tous les facteurs extérieurs, tant que je t'ai toi...
Je le regardais toujours avec le même étonnement dans le regard. J'étais comme figé, incapable de bouger. Je l'observais simplement, sous toutes ses coutures.
Pourquoi n'avais-je jamais vu ce grain de beauté qu'il portait si bien là, juste au bout du nez ? Ou celui qui décorait le dessous de sa lèvre ?
D'ailleurs en parlant de ses lèvres, je les voyais s'approcher des miennes si rapidement. Pourtant je ne bougeais pas, je restais juste planté là. Même quand de ses lippes, il se lia à moi pour une durée que j'aimerais éternelle.
Il prit possession de ma bouche durant quelques instants. Brefs, mais intenses.
Il laissa sur moi, un sentiment amer.
Son « au revoir » avait terriblement le goût d'un « adieu ».
— N'oublies pas que nous ne tenons pas ces rênes. N'oublies pas que nous ne pouvons rien faire d'autre que subir le destin, Jungkook. Nous passons nos existences entières sous l'influence d'autrui. Et même lorsque nous nous pensons maîtres de nos existences, il y aura toujours des choses qui échapperont à notre contrôle. Et nous devrons l'accepter, sans tenter de faire dévier quoi que ce soit, me dit-il avant de s'en aller.
Je l'observais s'éloigner de moi et avant même que l'idée de le suivre ne parvienne de mon cerveau à mes jambes, je fus téléporté ailleurs.
Yoongi s'est enfin réveillé.
J'étais heureux, enfin c'était ce que je pensais sur le moment.
Maintenant que je pouvais à nouveau voir à travers ses yeux, je me rendis compte de l'état dans lequel cette attaque l'avait mis. Il y avait des fils de partout, ça pendait de divers pieds à perfusion.
Yoongi avait toujours des difficultés à respirer. Un appareil l'aidait à le faire. Quand celui-ci tourna la tête, il remarqua que sa main était enfermée dans celle de Jimin. Taehyung avait donc raison quant à l'attraction qu'ils ressentaient l'un pour l'autre.
— Jimin ? s'exprima maladroitement Yoongi en passant faiblement son autre main dans les cheveux de celui qui dormait à ses côtés, assis sur la chaise, le dos plié dans un angle inconfortable.
Le dénommé se réveilla de suite, pris de panique, il en sauta presque de sa chaise. Mais se ravisa rapidement quand il se rendit compte que c'était Yoongi, et qu'il était enfin conscient.
— Oh mon dieu, Yoongi. Je n'y croyais plus ! Tu es bien réveillé, n'est-ce pas ? s'exclama Jimin en enfermant le visage de Yoongi entre ses deux mains, visiblement heureux.
Okay, je n'étais définitivement pas un démon à 100%.
Cette vue aurait inévitablement dégoûté un démon de pure souche comme on m'avait toute ma vie répété que j'étais. Je crois qu'en réalité, cette scène était parvenue à m'émouvoir... Après une accolade des plus particulières, le regard de Jimin s'assombrit. Yoongi le remarqua aussi mais ne dit rien. Je ne savais pas si c'était parce qu'il ne le voulait pas ou s'il n'y arrivait pas.
— Min Yoongi, comment as-tu osé t'interposer entre cette balle et moi ? Tu... Tu te rends compte que tu aurais pu mourir ?
Les humains étaient parfois difficiles à suivre.
— Je...
— Il n'y a pas de « je » qui tienne, Yoon, qu'aurais-je fait si tu ne t'étais pas réveillé ? J'étais en train de devenir fou, tu comprends ? Seul ton cœur battant m'aidait à garder les pieds sur terre.
— Mais...
— Laisse-moi terminer, Yoon. Tu sais bien que je ne peux pas rester énervé contre toi longtemps.
Cette fois, Yoongi garda le silence, je les observais toujours en essayant de ne pas déranger cette scène de retrouvailles. J'essayais de savoir si Taehyung pensait comme moi à ce moment, s'il se mettait à leur place pour savoir ce que nous, nous aurions fait.
A mon avis, j'aurais agi de l'exacte manière que l'avait fait Jimin, je n'aurais pas accepté qu'il donne presque sa vie pour la mienne. Ma vie perdait toute valeur s'il n'en faisait plus partie. Et là, je me rendis compte du fil de mes pensées. Et là, je me rendis compte réellement de l'impact qu'il avait sur ma vie. Et là, je me rendis compte que je ne pourrais plus jamais me passer de sa présence sans conséquence.
Jamais, ça faisait peur non ?
Jamais, c'était beaucoup.
Jamais, c'était longtemps...
Mais j'étais prêt à lui accorder mon « jamais ».
— Yoon, comprends que tu es mon éternité. Tu n'as peut-être pas été l'intégralité de mon passé mais tu es mon présent, tu bouffes toute la place et tu es aussi mon futur.
— Je t'aime Jimin...
Voyez-vous mon choc imprimé sur mes traits ? Parce que Yoongi ne s'était jamais, au grand jamais, ainsi adressé à qui que ce soit.
Personne.
Et Jimin était autant abasourdi que nous, il ne pipa mot et le prit dans ses bras.
— Dès que tu sortiras de l'hôpital, on s'casse. Loin.
— Et l'organisation ?
— On l'emmerde. Tu as failli y laisser ta peau, et je ne laisserai pas cela arriver de nouveau.
Je les observais d'un air désolé. Il fallait croire qu'ils ne savaient pas qu'en entrant dans ce monde, on n'en ressortait jamais.
Il n'y avait qu'une seule et unique façon.
༺ - ༻
On laissa Yoongi sortir de l'hôpital après une série d'examens. Il ne s'était pas de nouveau assoupi après son réveil alors je n'avais pas pu partager mes ressentis avec Taehyung. Mais je sentais que la fin était proche. Ces deux enfants avaient pu garder beaucoup d'argent de côté. Mon père ne veillait pas sur cette somme astronomique en étant persuadé qu'ils ne le quitteraient jamais.
Père, cette fois, c'est vous qui me décevez.
Alors, à partir de maintenant, Jimin et Yoongi vivait en cavale. Ils louèrent une caravane et partirent. Ils savaient tous les deux qu'ils ne vivraient pas longtemps. Qu'ils ne seraient jamais ce vieux couple avec des petits-enfants. Ils le savaient. Ils étaient des criminels.
Et même s'ils n'avaient jamais été repérés par les forces de l'ordre, mon père ne les laisserait jamais en paix.
༺ - ༻
Deux ans plus tard.
Ils avaient parcouru le monde en avion, en voiture, en train et en bateau. Ils étaient partis loin, autant que leur permettait le monde. Mais il n'avait fallu que d'une baisse de vigilance. Il n'avait fallu que d'un grain de naïveté pour penser qu'ils étaient partis depuis suffisamment longtemps pour être oubliés.
Mais, ce n'était pas si simple.
Alors c'était ainsi qu'ils furent pris en embuscade dans une ruelle sombre. Ils étaient pris au piège dans un cul-de-sac.
Ils avaient tout de même pris l'habitude de toujours garder un revolver sur eux. Ils le dégainèrent chacun leur tour mais leurs assaillants étaient bien trop nombreux et bien trop bien équipés pour eux.
Il ne leur avait pas fallu plus d'un mot pour se comprendre, un simple regard suffisait.
Et ils portèrent le bout de leur arme dans leur cavité buccale. Et partirent, main dans la main, réunis pour l'éternité.
༺ - ༻
C'était la fin. C'était leur fin.
Personne ne vivait selon ses désirs. Jimin et Yoongi auront eu leur histoire. Mais contrairement à ce qu'on nous pensons tout, il était possible de devenir maître de son destin, lorsque la passion et la volonté étaient suffisamment grandes. Il était possible.
Et c'était pourquoi après leur funeste mort, je pus vivre presque tranquillement mon amour avec Taehyung, au Paradis. Un jour, cela nous rattraperait probablement si ce n'était pas écrit ainsi. Mais ce moment n'était pas encore arrivé. Alors je profitais simplement de l'instant T. Taehyung avait su réveiller ma véritable nature.
Je lui en étais reconnaissant.
Et je n'oublierai jamais cet humble sacrifice de Jimin et Yoongi.
Jamais.
Aucune influence n'était suffisamment grande pour surpasser nos passions. Vivez de ce que vous aimez, de ce qui vous anime. Ne laissez l'avis de personne piétiner le vôtre.
Cependant, tout avait un prix, et la vie vous prendra peut-être ce que vous avez de plus précieux (ici cette essence unique qu'est la vie elle-même) mais au moins, vous aurez vécu.
« Mieux vaut vivre avec des remords qu'avec des regret ».
— Oscar Wilde
« Je préférerais mourir si je devais vivre sans aucune passion ».
— Jeon Jungkook
༺ - ༻
par @i_need_moon
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