- 𝑖𝑛𝑦𝑒𝑜𝑛










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Deux âmes-sœurs se retrouvent toujours

1955 - 1962

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« Jimin était jaloux. Jimin était possessif. Jimin était violent. Jimin tenait toujours ses promesses. »

의심

« Bien plus terrifiante qu'une plante carnivore... Mais il la maintenait en son sein, car il était encore capable de la contrôler. »

인연*

Trouble

Trouble

Trouble

Ses cris inconsolables








« Âmes-sœurs* ;
nos sentiments les plus forts »





인연

Jimin était jaloux. Terriblement jaloux.
Il était possessif, aussi. Terriblement possessif.
Tant que Taehyung ne savait plus comment se détacher de ses serres acérées...

Jour après jour, les deux meilleurs amis entretenaient leur lien étroit. Un lien pas encore assez ferme, selon Jimin. Un lien étouffant, étranglant, selon Taehyung. Mais il n'en disait mot. Car nul n'osait confronter la colère de Jimin. Alors il acceptait, le souffle court, cette amitié qui le faisait peu à peu suffoquer.

Tout avait commencé dans leur jeunesse. Les deux garçons s'étaient connus très tôt, grâce à l'amitié de leurs parents respectifs. Par ce lien presque fraternel, ils se voyaient presque toutes les semaines. Ils devinrent vite  les meilleurs amis du monde.

« Des âmes sœurs », disaient leurs parents.

Tout était sain, au début. Jimin aimait Taehyung, Taehyung aimait Jimin. Ils riaient ensemble, ils jouaient ensemble, ils pleuraient ensemble. Ils vivaient ensemble. Jamais Taehyung ne se doutait de la tournure qu'allait prendre leur relation.

Alors quand tout ça commença-t-il à déraper ? Un seul événement causa la lente destruction de ce duo : le jour où Taehyung eût sa première petite-amie, le 17 janvier 1955...

Ils avaient quatorze ans. Ils étaient encore au collège. Jimin sortait de classe, Taehyung l'attendait devant le portail de l'établissement. Jimin rejoignait son meilleur ami, comme tous les soirs, ravi de passer la soirée en sa compagnie. Or ce soir-là, Taehyung n'accompagna pas Jimin jusqu'à chez lui. Non, il le salua simplement avec tendresse, face au portail rouillé de leur collège en petite forme. Puis il tourna les talons pour rejoindre une fille de leur âge qui l'attendait devant le collège. Elle faisait tout juste la taille de Jimin. Elle était légèrement plus petite que Taehyung. Elle avait de beaux cheveux noirs, une belle crinière qui ondulait jusqu'à sa taille. Elle s'appelait Emma ; elle était étrangère.

Jimin ne l'avait jamais vue. C'était normal ; elle était scolarisée dans un collège pour filles, eux dans un collège pour garçons. Jimin ne l'avait jamais vue, mais il ne l'aimait pas. Il ne l'aimait pas, parce que pour la première fois de sa vie, il ne put rentrer avec son meilleur ami pour déguster comme tous les soirs le délectable goûter que sa mère leur avait préparé. Il ne l'aimait pas parce qu'il mangerait ce goûter seul, ce soir. Il ne l'aimait pas parce que pour la première fois, il sentait que l'attention de son meilleur ami était focalisée sur une autre personne.

Jimin ne le supportait pas. Jimin voulait être le seul. Le seul qui compterait aux yeux de Taehyung, le seul que Taehyung regarderait à tout jamais. Alors Jimin se mit à haïr Emma. A la haïr du plus profond de son âme, et à nourrir cette haine tous les jours, comme on nourrit une plante carnivore d'insectes et d'engrais pour la faire grandir et la rendre plus terrifiante encore.
La haine de Jimin était terrifiante. Bien plus terrifiante qu'une plante carnivore. Mais il la maintenait en son sein, car il était encore capable de la contrôler. En 1955, la haine de Jimin n'était encore que l'embryon d'une folie dévastatrice. En 1955, Taehyung n'avait pas encore conscience de la menace qui planait au-dessus de son être tout entier.

En 1956 non plus, d'ailleurs. Parce qu'il s'était séparé d'Emma, cette année-là. Ce n'était qu'un amour de collège. Il n'était pas aussi solide que l'amitié de Jimin et Taehyung, évidemment. Rien n'était aussi solide que leur amitié. Que ce lien qu'ils entretenaient. Ce lien qui, à l'époque, était encore un nœud lâche autour de son poignet.
Jimin se satisfaisait de la rupture de Taehyung. Il retrouvait son meilleur ami, le seul qui comptait à ses yeux. Son âme-sœur, le seul qui le comprenait, le seul qu'il comprenait. Alors sa haine s'était estompée, lentement, à mesure qu'il éloignait quiconque osait tisser de nouveau liens avec Taehyung. Sa langue acérée coupait ces fils si fins, pour ne garder autour du poignet de Taehyung que cette corde qui se resserrait chaque jour un peu plus.

En 1957, ils avaient seize ans. L'âge où chacun commençait à désirer plus de liberté, à découvrir l'amour, à expérimenter de nouvelles relations. L'âge où Taehyung se plut à faire de nouvelles rencontres et à se dégager, involontairement, de l'emprise de Jimin. L'âge où la haine de Jimin refit surface, dévorant tout insecte qui osait s'approcher de son territoire. Peu à peu, l'entourage de Taehyung se réduisait, jusqu'à ne laisser que Jimin.

Jimin, seul. Uniquement Jimin. Jimin. Jimin. Toujours Jimin.

En 1957, la corde autour du poignet de Taehyung commençait déjà à laisser quelques hématomes sur sa peau devenue fragile. Pourtant, elle n'était pas encore assez serrée. Jimin devait encore resserrer ce lien. Ne faire plus qu'un avec Taehyung.

Alors en 1958, alors que Taehyung découvrait les joies du plaisir charnel en charmante compagnie, la haine de Jimin atteignit le point de non-retour. Comme tous les soirs, Jimin attendait un appel de Taehyung, à la cabine téléphonique proche de chez lui. Comme tous les soirs, Jimin se satisfaisait de ces échanges qu'ils ne rataient pour rien au monde. Mais ce soir-là, Taehyung n'avait pas mis de pièce dans la cabine. Ce soir-là, Taehyung n'avait pas appelé Jimin. Parce qu'il avait mieux à faire, avec quelqu'un d'autre, selon Jimin. Parce qu'il souhaitait simplement respirer, le temps d'un instant, selon lui-même.
Alors Jimin s'était rendu chez Taehyung. S'il ne pouvait entendre sa voix à travers le combiné, alors il l'entendrait de ses propres oreilles. Et il éliminerait dans le même temps toute personne proche de Taehyung à l'instant où il le verrait.

Jimin était jaloux. Jimin était possessif. Jimin était aussi violent. Car Jimin tenait toujours ses promesses.

Taehyung était allongé sur son lit, torse nu. Se tenait face à lui une belle jeune femme, probablement légèrement plus âgée que lui. Elle avait déjà ôté son haut et était prête à partir à l'assaut de ses lèvres. Taehyung n'attendait que ça. Il patientait, prêt à accueillir les lèvres charnues de la jeune femme.

Mais il ne les accueillit jamais. Car Jimin fit irruption dans la pièce à cet instant précis. Ses yeux se posèrent sur son meilleur ami, puis sur celle qui lui faisait face. Ses yeux étaient injectés de sang. Jimin ne la connaissait pas. Il s'en fichait. Elle n'était rien d'autre qu'un autre insecte qu'il dévorerait en quelques secondes, protégeant l'être qui lui était cher.

Face à celle qui avait volé le temps de son meilleur ami, le sang de Jimin ne fit qu'un tour. Puis tout se passa très vite. Il s'empara du poignet de la jeune femme, puis tira dessus de toutes ses forces pour l'éloigner de son meilleur ami. Mais à ce moment, ce n'était pas pour Taehyung qu'il s'assit sur elle, se pencha au-dessus de son visage et leva le poing. Non, c'était uniquement pour lui. C'était pour satisfaire ses propres pulsions qu'il abattit son poing sur le visage en pleurs de cette pauvre femme. C'était pour ressentir sa propre satisfaction qu'il enchaîna les coups, martelant le visage couvert d'hématomes.

Ses sens étaient brouillés. Il ne voyait que le sang qu'il faisait verser. Il n'entendait que les battements frénétiques de son cœur. Il ne sentait sur sa langue que le goût amer de la vengeance. Il ne respirait que l'odeur de parfum immonde dont cette femme s'était embaumée. Il ne ressentait sur sa peau que le choc des pommettes féminines contre ses phalanges. Il n'entendait pas les cris effrayés et effroyables de Taehyung. Il ne voyait pas les larmes qui coulaient à flots sur les joues de la femme. Il ne voyait et n'entendait que lui.
Taehyung, lui, était paralysé. Pris d'une terreur telle qu'il était incapable de faire le moindre mouvement. Il savait Jimin perturbé. Jamais il ne l'avait imaginé capable d'une telle violence. D'une telle sauvagerie. Jimin était un animal sauvage qu'il était impossible de dompter. Et Taehyung en fit l'effroyable découverte ce jour-ci.
Lorsqu'il revint à lui, Taehyung appela au secours. Mais il n'agit pas de lui-même. Il était incapable de toucher Jimin. Incapable de le raisonner. Car il n'avait jamais été capable de le raisonner. Alors il cria au secours, la voix déchirée, les yeux brûlants de larmes.
Des tiers ne tardèrent pas à s'immiscer entre la victime et l'agresseur pour les éloigner. La première était inconsciente. Le second était dans un état proche de la démence.

Jimin était devenu incontrôlable. Il regardait partout et nulle part à la fois. Ses yeux se posaient sur Taehyung, mais il ne le regardait pas. Nul ne sait ce qu'il regardait. Le regard fou, les mouvements saccadés, il fut envoyé au commissariat pour coups et blessures sur autrui, tandis que la victime fut envoyée en urgence à l'hôpital. Mais le cas fut vite mis de côté, justifié comme un simple accès de colère dû à une dispute.

Ce jour-là, Taehyung sentit pour la première fois la pression de la corde sur son corps. Mais cette fois, cette pression ne s'exerçait pas sur son poignet. Il la sentait sur son cou. Légère, mais bien présente.

Ce jour-là, Taehyung prit conscience de Jimin. Il prit conscience de qui il était. Des troubles qui habitaient son âme. De l'influence qu'ils avaient sur sa personnalité. Sur son comportement. De ce qu'il était capable de faire. Et il prit peur. Jimin ne voyait pas le mal dans ses actes. Et c'était ce qui effraya le plus Taehyung.
Le lendemain, Taehyung tenta de raisonner Jimin. Mais il n'avait jamais été capable de le raisonner. Jimin n'en avait que faire. Il avait encore gagné. Car un jour de plus, il avait réussi à garder le monopole de son meilleur ami. Un jour de plus, il possédait le contrôle total de son être.
Jimin n'avait jamais été violent avec Taehyung. Il n'avait jamais été violent, tout simplement. Pourtant, la veille, il avait frappé quelqu'un jusqu'à l'inconscience. Et ce jour-ci, il craignait que les coups ne s'abattissent sur lui. Car désormais, il ne savait plus jusqu'où Jimin était capable d'aller.

L'idée de mettre un terme à leur amitié lui était venue. Mais à peine traversa-t-elle son esprit qu'il fut pris d'un grand frisson. Un frisson de manque, parce qu'il aimait Jimin. Un frisson de regret, aussi, parce qu'il ne souhaitait pas se séparer de son âme-sœur. Mais surtout un frisson d'effroi, car il ne savait pas ce qui pourrait lui arriver, s'il avait le malheur de s'éloigner de Jimin.

Alors Taehyung continua, malgré ses craintes qu'il savait nombreuses, de rester au plus près de Jimin. Car un Jimin heureux était un Jimin contrôlé. Et un Jimin heureux était un Jimin entouré de son Taehyung.

Deux ans durèrent ainsi. La pression autour du cou de Taehyung se faisait constante, il finit par s'y habituer. Il finit par la trouver normale. Presque rassurante. C'était vrai, après tout. Jimin lui avait toujours dit qu'ils n'avaient besoin que de l'autre pour vivre. N'est-ce pas ? Taehyung n'avait pas besoin de qui que ce soit d'autre que Jimin, pas vrai ?

Alors oui, Taehyung s'attachait à ce lien qu'il entretenait avec Jimin. Car ils n'avaient pas besoin des autres. Ils étaient bien, tous les deux.
Puis vint l'année 1960. Ils avaient dix-neuf ans. Taehyung quitta le domicile familial pour étudier dans une ville lointaine. Il s'éloigna de ses parents, de Jimin.

Jimin lui avait assuré pouvoir supporter la distance qui les séparerait. Il pensait contrôler ces pulsions maladives qui le hantaient. Il se voilait la face, et il s'en rendit compte bien assez vite. Une semaine passa, puis une seconde. Le quinzième jour venu, il ne se sentait déjà plus que l'ombre de lui-même. Il devait voir Taehyung. Passer du temps avec lui. Rester avec lui. Pour toujours.

Taehyung, lui, sentait enfin l'étau se desserrer. Il sentait enfin l'oxygène circuler normalement dans son organisme. Il sentait enfin la liberté qu'il ne pensait pas un jour retrouver. Pourtant, cette liberté avait un goût amer. Mais il ne sut déterminer quelle était la cause de cette amertume.

Le 23 septembre 1960.

La sonnette du dortoir de Taehyung résonna. Mais personne n'ouvrit. La sonnette résonna de nouveau. Toujours aucune réponse.
Valise en main, Jimin s'impatientait. Il ne parvenait plus à se contenir. Il souffrait de ce manque qui l'oppressait. Constamment. Alors il sonna, encore.

Aucune réponse ne vint. Mais cette fois, il entendit un bruit provenant de l'intérieur de la chambre. Une voix, plus précisément. Une fois féminine.

Le sang de Jimin commençait déjà à bouillir. Mais pour confirmer ses pires inquiétudes, il colla son oreille contre le bois de la porte, tout ouïe.

Le bruit n'était pas une voix. Non, c'était un soupir. Des soupirs de plaisir, plus être plus précis. Et ces soupirs étaient bien poussés par une femme, aucun doute là-dessus. Ce n'était pas la voix de Taehyung.

En un infime instant, la haine de Jimin refit surface.

Non.

Elle ne refit pas surface.

Elle n'avait jamais cessé d'être à la surface.

Elle attendait seulement le moment opportun pour grandir et former une immense vague.

Mais cette fois-ci, ce ne fut pas une vague.

Ce fut un véritable tsunami qui détruisit tout sur son passage.

Taehyung. La femme. Leur amitié. Jimin lui-même.

Son esprit ne répondait plus de rien. Son corps agissait de lui-même. Les coups s'enchaînèrent sur la porte du la chambre de Taehyung. Jimin martelait le bois jusqu'à pouvoir entrer dans cette pièce où la passion était la cause de sa fureur. Il martelait le bois jusqu'à écorcher ses phalanges, mais il ne sentait aucunement la douleur. La seule douleur qu'il ressentait était celle de son cœur consumé par le feu de la haine qui l'habitait.

La porte ne mit plus longtemps à s'ouvrir. Face à lui, un Taehyung torse-nu, l'air visiblement frustré d'avoir été interrompu dans son moment intime. Mais les traits de son visage changèrent du tout au tout lorsqu'il reconnut le visage de son nouvel invité. Ils se radoucirent, d'abord. Puis ils se tendirent à nouveau. La peur s'empara de nouveau de chacun de ses nerfs, le souvenir de la dernière fois remontant rapidement dans son esprit.

Mais à peine eut-il le temps de prononcer la moindre excuse que le poing de Jimin s'écrasa contre son visage. Puis un second suivit. Puis un troisième. Et un quatrième. Les coups s'enchaînèrent, les uns après les autres, sous les plaintes effrayées de Taehyung. Après cette pauvre porte en bois, ce fut au tour de Taehyung de subir la colère de Jimin.

Jimin n'avait pourtant jamais porté la main sur Taehyung. Il était violent, oui. Mais jamais avec Taehyung.

Le 23 septembre 1960, Taehyung comprit qu'il ne fallait jamais dire « jamais ».

Face à cette scène d'horreur, la femme qui accompagnait Taehyung tenta de s'échapper pour appeler du secours. Jamais elle ne passa la porte de la chambre. Du moins, pas de ses deux jambes.

A peine Jimin prit conscience de la présence d'une troisième personne dans la pièce qu'il lui lança un regard contenant toute la haine qu'il avait emmagasinée durant ses vingt-et-une années d'existence. Une haine impitoyable. Presque inhumaine.

La femme fut pétrifiée. Elle ne bougea pas d'un cil. Même pas lorsque Jimin se retira du corps inerte de Taehyung, les mains habillées du sang mêlé des deux meilleurs amis. Non plus lorsqu'il s'approcha lentement d'elle, prêt à lui faire subir le même sort. Elle ne bougea pas non plus lorsqu'il l'attrapa par la gorge, déterminé à se débarrasser d'elle à tout jamais.

Pourtant, Jimin n'était pas un meurtrier. C'était ce que Taehyung souhaitait encore croire, à cet instant. Jimin était jaloux. Jimin était possessif. Jimin était malade, aussi. Mais surtout, Jimin était violent. Il était violent avec les autres, et aussi avec Taehyung. Mais il n'était pas un meurtrier.

Taehyung s'était toujours voilé la face. A cet instant, il se la voilait encore. Jimin n'était peut-être pas un meurtrier. Mais sa jalousie n'avait aucune limite. Jimin aurait peut-être été un meurtrier, ce jour-là, si le voisin de palier de Taehyung n'avait pas été alarmé par le bruit des coups contre la porte et contre le corps de Taehyung. Jimin aurait peut-être été un meurtrier si cet homme n'était pas intervenu, appelant police et secours.

Encore une fois, Jimin fut mis en garde à vue pour coups et blessures. Encore une fois, il fut libéré rapidement, faute de charges permettant une quelconque condamnation. Encore une fois, sa victime avait été emmenée à l'hôpital. Mais cette fois, la victime n'était pas seule. Taehyung fut lui aussi séparé de son agresseur, son meilleur ami.

A l'instant même où Jimin fut libéré du poste de police, il s'empressa de rejoindre le chevet de Taehyung. A la vue de son meilleur ami défiguré et inconscient, son sang ne fit qu'un tour. Les larmes dévalèrent ses joues.

Il était désolé. Désolé pour Taehyung. Désolé qu'il se soit retrouvé dans cet état.

Mais tout ça n'était pas la faute de Jimin, non. Tout ça était la faute de ces filles qui osaient s'octroyer le précieux temps de Taehyung. Jimin ne faisait que lui rendre justice. Taehyung n'était qu'un dommage collatéral de ses propres erreurs. S'il était resté aux côtés de Jimin, rien de tout cela ne serait arrivé. S'il n'avait pas invité cette femme chez lui, jamais Jimin n'aurait levé la main sur lui.

Après tout, Jimin ne voulait que le meilleur pour Taehyung, n'est-ce pas ?

Depuis ce jour, Taehyung n'eut plus jamais de petite amie. Il n'eut plus jamais de relations, d'ailleurs. Pas parce qu'il ne le voulait pas, non. Il ne le pouvait pas. Parce qu'il sentait l'étau se resserrer encore autour de sa gorge. Il sentait que s'il tirait un peu trop, il finirait par s'étouffer.

Le 23 septembre 1960, Taehyung sentit pour la première fois l'ampleur de la menace qui se profilait au-dessus de lui.

Deux nouvelles années passèrent. Jimin avait autorisé Taehyung à continuer ses études. Mais Jimin avait déménagé avec lui. Il voulait toujours rester avec lui. Il voulait profiter de ce meilleur ami qu'il aimait tant, et qui l'aimait tant.
Taehyung en était satisfait. Du moins, il s'en persuadait. Il se persuadait que Jimin faisait tout cela par amour. Il se persuadait que Jimin savait ce qu'il y avait de mieux pour lui. Mais il ne se sentait pas à l'aise. La pression de la corde autour de son cou commençait à devenir suffocante.
1962 fut l'acmé de leur relation. Taehyung était en troisième année d'études, et Jimin avait tout abandonné pour rester à ses côtés. Mais Taehyung s'inquiétait de l'influence que la présence de Jimin exerçait sur sa vie.
Il observait. Il voyait, autour de lui, les autres étudiants échanger, partager, sortir, parfois. Lui n'échangeait pas, il ne partageait pas, il ne sortait pas, jamais. Il se rendait en cours, puis rentrait pour retrouver Jimin, toujours.

Les autres étudiants vivaient pour eux. Lui, vivait pour Jimin. Sa vie défilait devant ses yeux : toute sa vie, il n'avait vécu que pour Jimin. Durant ses vingt-trois années de vie, Taehyung n'avait toujours vécu que pour Jimin. Lorsque cette réalisation le frappa, une autre le heurta de plein fouet : il était devenu incapable de vivre sans Jimin. Il prit alors pleinement conscience de la relation qui le liait à Jimin. Il prit pleinement conscience de cette corde qui s'était d'abord enroulée autour de son poignet, pour finir par étreindre sa gorge si intensément.

Il avait peur. Il suffoquait. Il étouffait.

Il devait à tout prix se libérer de ces liens. Par n'importe quel moyen. Mais il lui était devenu impossible de les couper. Alors il ne voyait qu'une issue : laisser ces liens avoir raison de lui. Il priait chaque soir les dieux de le libérer de ce qu'il voyait maintenant comme une immense prison émotionnelle.

Le 30 décembre 1962, Taehyung fêta ses 23 ans.
Comme à chacun de ses anniversaires, Jimin était à ses côtés pour le célébrer. Comme depuis deux ans, Jimin était le seul à ses côtés pour le célébrer. Ce fut l'anniversaire de trop. Taehyung décida de détruire cet étau qui le maintenant prisonnier. Le 30 décembre 1962, à vingt-et-une heures et cinquante-deux minutes, Taehyung s'enferma dans les toilettes de sa chambre pour s'isoler un instant.

Le 30 décembre 1962, à vingt-deux heures et sept minutes, Jimin toqua à la porte des toilettes, inquiet du silence de son meilleur ami depuis une quinzaine de minutes. Le 30 décembre 1962, à vingt-deux heures et douze minutes, Jimin découvrit le corps inerte de Taehyung sur le sol, victime du désespoir qui le hantait depuis tant d'années. Libéré de cette peur qui tourmentait son cœur et son esprit depuis qu'il en prit conscience.

Le 30 décembre 1962, ce ne fut pas un chant d'anniversaire que l'on entendit depuis la chambre de Taehyung. Ce furent les cris inconsolables de Jimin qui pleurait sans relâche le pantin sans vie qu'était devenu son meilleur ami.

Jimin pleurait. Il pleurait sincèrement, de toutes les larmes qu'il possédait. Il pleurait, il criait, il hurlait à s'en arracher la voix.

Les dieux avaient libéré Taehyung de l'emprise de Jimin. Et les dieux avaient rendu à Jimin les dégâts qu'il avait causés tout au long de sa vie. Ils l'avaient privé de la cause des maux qu'il a infligés au monde entier : Taehyung lui-même.

Les dieux étaient sadiques. Et tout-puissants. Mais les dieux rendaient toujours justice.
Depuis le jour où Jimin posa la main sur Taehyung, leur ombre s'était installée au-dessus de lui. Et chaque jour, à mesure que sa haine grandissait, l'ombre planait un peu plus sur sa tête. Jusqu'à ce 30 décembre, où la menace finit par être exécutée.

Jimin avait tué Taehyung. Pas de ses mains, non. Par sa folie. Et parce que les dieux rendaient toujours justice, Jimin devait payer le prix de cette folie. La Vengeance, la Haine, l'Implacabilité du Destin. Face au corps sans vie de son meilleur ami, Jimin sentait la colère des Dieux grandir avec la propre détresse.

Jimin ne pouvait vivre sans Taehyung. Alors si Taehyung n'était plus à ses côtés, il devait le rejoindre, coûte que coûte. Sans hésiter une seule seconde, il s'empara de la plaquette que la main de Taehyung tenait encore faiblement. La plaquette fut vidée en quelques instants. Si Taehyung quittait Jimin, Jimin le retrouverait toujours. C'était ainsi qu'étaient faites les âmes-sœurs.

Les dieux furent témoins du départ de Taehyung. Et les dieux furent aussi témoins du départ de Jimin, tout juste vingt minutes après le dernier battement de cœur de son meilleur ami.

C'était ainsi qu'étaient faites les âmes-sœurs.

Elles étaient inséparables.

Dans la vie et dans la mort.































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par Zephi_r

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