9-

Chapitre 9

Deux ans s'étaient écoulés depuis la dernière fois que Mikie avait eu l'espoir de retrouver le Kenji qu'elle avait épousé. Les jours s’étaient transformés en une routine morne, chaque minute s’étirant dans un silence accablant. Elle avait appris à vivre avec l’ombre de l’homme qu’elle avait aimé, ce fantôme qui errait dans leur appartement, occupé à s'enfoncer dans une dépression dévorante.

Les murs de leur foyer, jadis remplis de rires et de promesses, résonnaient maintenant d'une solitude écrasante. Mikie était devenue vide d’émotions, une coquille de son ancien moi. Chaque jour, elle se réveillait avec la même question : qu'est-il arrivé à leur vie ? Qu'est-il arrivé à Kenji ?

Kenji était devenu une créature ambulante, un démon sur patte. Ses yeux, autrefois brillants de vie, étaient désormais vides, comme des fenêtres donnant sur un abîme. Il ne parlait presque plus, ne bougeait que pour se diriger vers le réfrigérateur ou le canapé, et sa présence, bien que physique, était presque fantomatique. La plupart du temps, il restait accroupi dans son coin, perdu dans des pensées sombres qu'elle n'arrivait pas à atteindre. Elle ne le reconnaissait plus, mais elle restait à ses côtés, fidèle à un amour qui semblait avoir disparu dans le néant.

Sa famille était devenue un souvenir lointain. Mikie avait coupé tous les liens, ne pouvant supporter leur jugement silencieux. Ils ne comprenaient pas, ils ne pouvaient pas comprendre ce qu’elle vivait. Leurs appels avaient cessé, et leur absence ne la dérangeait même plus. De même, la belle-famille de Kenji avait abandonné tout espoir de l'aider, incapable de faire face à l'ombre qui avait englouti leur fils.

Erica, sa meilleure amie, avait été la dernière à tenter de briser ce cycle. Mais après des mois de promesses non tenues et de silences pesants, elle avait pris la décision de quitter le Japon pour s'installer aux États-Unis avec son mari et son enfant. Cette séparation avait laissé un vide immense dans la vie de Mikie. Les visites d’Erica, les rires qu'elles partageaient, tout cela avait disparu, comme si un chapitre de sa vie s'était brutalement refermé sans qu'elle n'ait eu la chance de dire au revoir.

Elle se retrouvait désormais seule, le cœur lourd de l'absence de sa meilleure amie. Elle ne pouvait pas lui en vouloir ; Erica avait sa propre vie à mener, et Mikie avait finalement réalisé qu’elle était devenue une source de douleur pour ceux qui l'entouraient. Elle avait essayé d'appeler plusieurs fois, mais la voix d’Erica au téléphone lui faisait trop de mal. Chaque conversation devenait un rappel brutal de sa solitude et de sa souffrance.

Chaque jour se mélangeait au suivant dans une monotonie insupportable. Mikie passait des heures à se promener dans leur appartement, à s'occuper des tâches ménagères, mais son esprit était ailleurs. Elle regardait souvent par la fenêtre, observant les passants, ces gens qui semblaient mener des vies normales, sans drame ni tragédie. Elle se demandait ce qu’ils penseraient d’elle si jamais ils découvraient son secret. Que penseraient-ils d'une femme qui restait avec un homme devenu une ombre de lui-même ?

Dans ses moments les plus sombres, elle se surprenait à rêver d’un avenir qu’elle savait inaccessible. Elle s'imaginait souriante, entourée d’amis, de famille, d'un Kenji guéri, riant avec leurs enfants. Mais ces rêves étaient vite noyés par la réalité, par le poids du présent qui lui pesait tant.

Elle avait souvent tenté de l’aider, de le sortir de cette spirale infernale. Mais Kenji était devenu un mur de résistance, refusant toute forme de soutien. Elle avait essayé de l'emmener chez un thérapeute, mais il avait ri, un ricanement amer et désespéré qui l'avait blessée. Il avait rejeté ses tentatives, préférant s’enfermer dans son cocon de douleur.

Alors, elle avait cessé de se battre. Mikie avait décidé de vivre avec le vide, d’accepter son sort. Elle passait ses journées à la dérive, se noyant dans un océan de pensées noires, mais elle ne pouvait pas se résoudre à le quitter. Il était toujours son mari, et quelque part, au fond d'elle-même, elle croyait encore qu’il restait une part de lui, un éclat de lumière dans cet océan d’obscurité.

Mais au fond de son cœur, elle savait que cette lumière s'éteignait lentement, et le poids de cette réalité pesait sur elle comme une pierre. Les jours se succédaient, chacun marquant un peu plus la fin d'un rêve, et elle se demandait jusqu’où elle pourrait aller avant de perdre complètement son humanité.

Dans ce monde devenu hostile, Mikie devait trouver un moyen de survivre, de maintenir l’étincelle de l’espoir vivante, même si cela signifiait vivre aux côtés d'un homme qu'elle ne reconnaissait plus.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top