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Lilo fixe l'écran de son téléphone, il est plus de minuit. Angèle n'est toujours pas là.

Elle lit et relit le message de son père, il n'a même pas daigné la rappeler en retour.

Je suis désolé Lilo, je t'appelle bientôt et je passerai en ville pour te voir. Je t'aime, bisous, papa.

La jeune fille déteste ces mots, ils lui paraissent tellement futiles et sans fond, par comparaison au message audio qu'elle lui a laissé la nuit dernière. Elle lui avait de nouveau ouvert son cœur, ça lui avait fait du mal. Et maintenant, face à ce message, les seules choses que Lilo peut ressentir sont le rejet, la trahison et la déception.

Elle se sent tellement en colère, contre lui, contre elle. Elle se sent naïve, dépouillée de sa carapace de protection, celle qu'elle s'était créée il y six mois de cela, lors de son départ.

Pourquoi est-ce que les gens que l'on aime le plus sont toujours ceux qui nous font le plus de mal ?

L'amour est injuste. Lilo veut rétrécir son cœur jusqu'à ne plus rien ressentir. Le peu de confiance qui lui restait a été réduit à l'état de cendres par les mots maladroits de son père.

Elle entend des pas, Angèle arrive, pas trop tôt.

Malgré toute la rage qui sommeille en elle, Lilo descend pour la rejoindre. La blonde remarque sa mine peinée. Elle ne dit rien. Ça agace Lilo, la rage bouillonne à l'intérieur. Elle a subitement envie de remonter dans sa chambre, de laisser la blonde, avant qu'elle lui en veuille aussi.

Angèle ouvre la bouche pour parler. Lilo lui lance un regard froid et part en marchant précipitamment, sans avoir laissé la fille décrocher un seul mot.

Les poings et la mâchoire serrés, Lilo se met à courir. Elle a besoin que son cœur batte vite, pour se libérer la tête. Et plus elle pense au message de son père, plus la rage monte, et plus elle accélère. Elle a l'impression de ne plus toucher le sol. Elle court plus vite que jamais. Elle ne sait pas où et quand elle s'arrêtera.

Son cœur bat à mille à l'heure, il va sortir de sa poitrine. Son souffle est rauque et ne va plus tarder à devenir qu'un sifflement. Lilo est fatiguée, ses jambes vont lâcher, elle ne peut plus. La souffrance est trop grande.

Lilo s'arrête, elle pleure pour reprendre son souffle, elle se sent nauséeuse, son cœur est subitement remonté dans sa gorge. Elle s'écroule à genoux, sur le bitume froid d'une rue aux petites maisons bien alignées, et aux gazons bien tondus. Ses mains rencontrent le sol, toujours aussi glacé. Elle vomit, elle crache, son ventre est serré sa respiration est coupée, elle n'a jamais autant souffert.

C'était comme si toute la douleur qu'elle avait pu ressentir et dissimuler pendant des mois venait subitement d'exploser au grand jour. Elle pleure parce qu'elle a mal partout, mais surtout au cœur.

Lilo s'assoit sur le rebord du trottoir, son souffle est saccadé et secoué par ses propres sanglots. Elle se rappelle s'être toujours empêchée de crier. Mais ce soir, elle est au bord, au bord de la folie. Alors elle se laisse aller, et en prenant ses tempes entre ses mains, elle crie. Dans la nuit il n'y a pas de coussin pour étouffer sa détresse , alors son cri résonne dans tous les jardins.

Lilo soupire, elle s'allonge à même le sol, passe une main sur son visage, trempé de larmes et de sueur. Les étoiles l'appellent, elle laisse ses yeux se faire aspirer vers l'infini.

Quelques minutes passent, personne dans le voisinage n'a daigné pointer son nez dehors. Quelques uns ont regardé par leur fenêtre mais ont mesuré le problème comme sans importance par rapport à leurs préoccupations personnelles. Lilo ne s'en étonne pas, le monde est égoïste, son père est égoïste, elle est égoïste, sa mère est égoïste. Au pays de l'ignorance l'homme est roi.

Où est Angèle ?

Lilo ferme les yeux quelques secondes, là tout de suite, elle aimerait s'octroyer un peu de repos. Elle sent sa tête se faire soulever, quelqu'un lui caresse délicatement le front, sa mère avait l'habitude de le faire il y a bien longtemps, quand elles regardaient la télé toutes les deux.

Lilo n'a plus froid. On prend soin d'elle, elle aimerait rester dans ce rêve pour toujours. Elle ne reçoit jamais d'attention mais elle ne s'en est jamais plaint. En fait, elle ne pensait pas être le genre de personne à en avoir besoin. Mais à cet instant la jeune fille se rend compte qu'elle avait tout faux, et que ce n'étaient que la solitude et la peur qui l'avaient réconfortées dans ce présupposé. Tout le monde a besoin de se sentir aimé.

— Ce n'est pas un rêve. Chuchote Angèle, sa main sur le front de Lilo.

La brune ouvre les yeux, et la première chose qu'elle voit sont les yeux d'Angèle. Ils sont beaux, plus beaux que les étoiles, Lilo les admire. Elle tourne la tête sur le côté, ses yeux la font se sentir incroyablement mélancolique. Avant de rencontrer Angèle, elle n'aurait jamais pensé qu'autant de choses pouvaient simplement se lire dans le regard.

— Je le déteste, je le déteste tellement...

— C'est normal, mais tu m'as toujours moi...

Lilo ne peut s'empêcher de pouffer. Elle renifle, elle a le nez plein. Angèle ne peut pas dire ça.

— Je ne sais même pas d'où tu viens et qui tu es. Rien n'a de sens, et de toute façon tu partiras comme tout le monde, personne ne reste jamais.

— Tu sais très bien que c'est faux, et que je serai toujours là.

Lilo replonge son regard dans celui de la blonde. Elle ne lit que de la sincérité. De toute façon elle sait qu'elle ne ment pas, et une petite voix lui chuchote que toutes les deux c'est pour l'éternité.

— Allez viens on rentre. Lui dit la blonde en l'aidant à se relever.

Lilo était bien, sa tête reposant sur les genoux d'Angèle, mais elle la suit tout de même. Elles marchent dans un calme réconfortant, car parfois le silence est bien plus éloquent que les mots.

Cette nuit là dans la chambre de Lilo, Angèle a veillé. Elle a attendu que son amie s'endorme, et elle a chassé ses mauvais rêves. Avant de partir elle vérifie le carnet. Les larmes de la brune ont brouillé l'écriture mais elle parvient tout de même à lire :

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[ Jeudi pourquoi les étoiles ne brillent plus dans la nuit ?
Je ne veux pas me réveiller ce Vendredi ]