Chapitre vingt. ༄

𝕷𝖊 silence pesant n'était rompu que par le bruit régulier d'un tapotement de doigts sur le cadre en bois d'une fenêtre. L'air était frais mais l'atmosphère semblait aussi lourde que les pensées habitant un cœur brisé. Assise sur le rebord du minuscule balcon en pierre épaisse, Hermione observait, les sourcils froncés, le paysage qui s'offrait à elle. Cela faisait deux jours qu'elle avait été séparée de Drago, qu'elle se voyait forcée d'obéir à Jedusor, qui lui intimait pour le moment de rester enfermée dans son dortoir. Hermione se demandait d'ailleurs comment il s'était débrouillé pour la faire voyager jusqu'à la pièce exiguë habitée étonnamment uniquement par lui sans se faire voir d'autres résidents du château. Sa situation visiblement sans issue et les questions sans réponse qui lui tournaient incessamment dans la tête avaient le don de mettre la Gryffondor d'une humeur noire. Chaque fois qu'il revenait pour la voir, Jedusor lui répétait toujours les mêmes consignes sans jamais lui donner de nouvelles de Drago, lui promettant avec un sourire ironique qu'elle aurait bientôt un rôle à jouer dans ses plans. Et lorsqu'Hermione ouvrait la bouche pour le bombarder de questions, non seulement elle savait qu'elle s'escrimait en vain comme si elle avait voulu attraper de la fumée avec les mains, mais en plus elle ne recevait qu'un regard plein de venin en croisant les yeux rouges de Tom. Ce type était décidément bien plus effrayant qu'elle n'avait voulu le croire. À quoi jouait-il ? Quel était son but ?

Ce soir-là, c'était une soirée comme les autres, aussi grisâtre de pensées morbides que les nuits de pluie, et Hermione fixait le ciel parsemé d'étoiles sans oser se croire elle-même lorsqu'elle espéra pouvoir s'échapper un jour de cette réalité. Le silence aurait pu sembler grisant mais il était chargé de fureur ; la Gryffondor n'entendit pas entrer le jeune Jedusor. Ce dernier semblait épuisé, épuisé mais satisfait. Il posa son regard quelques secondes sur la silhouette d'Hermione avant de se racler la gorge pour manifester sa présence : un froncement de sourcils creusa son faciès gravement en constatant le souhait délibéré de la belle Granger de ne lui prêter aucune attention.

⸺ Bonsoir, Granger, finit-il par lancer avec amertume.

La jeune fille tourna à peine la tête vers lui. Elle semblait avoir froid et avait enfilé un des pulls d'uniforme scolaire d'hiver qui traînaient dans les placards de la pièce en tombant dessus après avoir cherché sans succès des indices ou des idées qui lui permettraient de s'en sortir.

⸺ Jedusor, fit-elle simplement d'une voix lasse.

Le Serpentard s'avança silencieusement vers elle, avant de poser ses mains sur les épaules épaissies par les différents tissus des habits de la jeune fille. Il approcha ses lèvres de son oreille, et, profitant de l'immobilité glacée d'angoisse d'Hermione, il chuchota d'un ton aigre :

⸺ Je tiens toujours mes promesses, Granger. Je t'avais promis que tu jouerais bientôt un rôle dans mes plans : ce soir, dans la salle commune de Serpentard, il y aura une réunion de ceux qui se déclarent être pour l'instant mes adeptes, et je compte bien te présenter à eux afin de renforcer l'emprise que je peux avoir sur leur volonté. Je t'ai d'ailleurs rapporté une robe que j'ai volée à une élève pour l'occasion ─ tu vois, je peux tout faire sans me faire voir. N'espère ne rien faire : personne ne pourra nous atteindre ou nous apercevoir. Avant le début des vacances d'hiver, je me suis assuré que tous les autres Serpentard rentrent chez eux. Ne me pose pas de questions : j'ai mes secrets. Je te laisse le loisir de refuser mon invitation, mais, qui sait, peut-être se pourrait-il que Drago Malefoy se retrouve lui aussi à cette petite fête...

Sans laisser le temps à la jeune fille de comprendre et d'assimiler toutes ses paroles, Tom s'évanouit dans les ténèbres sans un mot, ne laissant derrière lui qu'une excitation empreinte de frayeur, ainsi qu'une robe rouge pâle sur son matelas. Fallait-il le croire et entrer, en conséquence, dans son jeu ? Ce n'était certainement pas une bonne idée, mais... après tout, pourquoi ne pas saisir une bonne occasion de commencer à trouver un moyen de renverser le règne de cet impitoyable fou ?

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Au milieu du calme absent de soucis de Poudlard, une fête à la lumière pâle, sans musique, juste habitée par les murmures vicieux et les rires qui sonnaient faux, venait de débuter. Appuyée contre un mur, à demi cachée par l'ombre du mur, Hermione lançait des regards de tous les côtés en s'efforçant de ne pas penser à Drago : l'information ─ peut-être complètement fausse, après tout ─ de Jedusor sur la présence du jeune Malefoy à cette petite réunion de fanatiques dangereux et déterminés lui faisait monter un stress considérable au sein de ses pensées. Qu'allait-elle lui dire ? Qu'est-ce que le fait de l'apercevoir lui ferait dire comme paroles fabriquées de fausseté ? Jusqu'ici, même si ça lui en coûtait beaucoup, Hermione ne s'était pas encore fait submerger par la niaiserie aveugle que créait parfois une forte dose d'Amortencia. Et si Jedusor la sous-estimait ?

⸺ S'il vous plaît, s'il vous plaît, s'éleva une voix dans le petit groupe.

L'agitation cessa presque aussitôt, les commérages et discussions venimeuses stoppèrent instantanément. Toute l'attention semblait ridiculement monopolisée par Jedusor. Le jeune homme releva le menton, s'éclaircit la gorge.

⸺ Je vous ai mis au courant que j'étais en ce moment en train de travailler sur un plan qui pourrait considérablement m'aider. Je ne vous ai rien révélé et je vous sais gré de m'avoir obéi sans poser de questions lorsque je vous ai entraînés avec moi dans ce souvenir éternel de Magie Noire. Mais vous devez vous demander ce que je trafique : il est temps de vous le révéler.

Le silence était total. Les jeunes garçons faisaient rouler leurs épaules sans oser regarder Tom dans les yeux, comme pris d'un respect craintif pour leur Maître, et les jeunes filles semblaient suspendues aux lèvres du Serpentard, comme hypnotisées par son flot de paroles.

⸺ Laissez-moi vous présenter un nouveau membre. Il s'agit en réalité du petit-fils d'Abraxas Malefoy. Drago Malefoy.

Des cris murmurés de stupeur et d'incompréhension emplirent la pièce, et le petit groupe finit par se reculer pour mieux dévisager un sorcier qui ne semblait rien comprendre. Son regard était perdu dans le vide.

⸺ Comment... ? Mon petit-fils ?

Comme impatienté par la stupidité de ses interlocuteurs, Jedusor fit claquer sa langue.

⸺ Exactement, Abraxas. Ne me pensais-tu pas assez puissant pour me rendre dans le présent de ce jeune homme ? Je l'ai ramené ici afin de... lui donner une seconde chance.

De le faire plonger dans un bain de violence inconsidérée, oui.

Ponctuant sa phrase avec un sourire suffisant, le Serpentard ouvrit théâtralement les bras. Son uniforme trop grand semblait n'être là que pour masquer sa peau trop pâle, et ses yeux rouges miroitèrent quelques instants, assez pour donner la chair de poule à Hermione. Cette dernière en avait assez de n'être qu'au second plan, sans pouvoir rien faire d'autre qu'angoisser à l'idée du lendemain. Comment allait Drago ?

⸺ Approche, Drago, ordonna Tom d'une voix faussement doucereuse, sans appel.

La jeune Granger sursauta lorsqu'elle remarqua une silhouette faire bouger la pénombre qui l'entourait en allongeant ses longues jambes repliées. Le jeune Malefoy ne mit que quelques secondes pour rejoindre Jedusor, et pourtant le souffle coupé d'Hermione lui fit croire que ç'avaient été d'interminables heures. Le blond semblait amaigri et d'épaisses cernes noires lui creusaient le visage, mais sa posture droite et rigide traduisait sans mots sa peur dépassée et sa détermination à se sortir de là. Drago fusilla du regard le jeune homme qui avait son âge et qui n'était que son grand-père sans vraiment l'être, et Jedusor reprit son discours.

⸺ Dans ce qui est censé être notre futur, je pense que vous serez tous déçus d'apprendre que Drago nous a... trahis. Oui, Abraxas, tu as un traître pour descendant, c'est pour cela que je vais te demander de le parrainer pour lui faire retrouver le droit chemin idéologique. Après une longue discussion avec lui, j'ai eu la joie d'entendre de sa bouche qu'il était d'accord pour rejoindre nos rangs. Acceptes-tu ce que je te demande ?

Cet ordre masqué en question innocente pris le pauvre Abraxas de court. Le sorcier aux cheveux blancs ne semblait pas comprendre un seul traître mot de ce que Jedusor lui disait. Hermione avait oublié de respirer, et aucune information ne prenait forme dans son cerveau non plus. Oh, Drago, comment as-tu pu accepter cela ? Es-tu un traître fini ou une victime de la violence fanatique de Jedusor ? se répétait Hermione.

⸺ Oui, je... oui, j'accepte, Maître, finit par bredouiller Abraxas, encore sous le choc, sans vraiment comprendre l'ombre à couperet que Tom venait de faire planer au-dessus de sa tête.

Le jeune Jedusor hocha la tête.

⸺ Drago, comme tu l'as souhaité, tu fais désormais de nouveau partie de mes rangs, clama le Serpentard d'une voix trop calme.

Alors que son attention était monopolisée par l'angoisse de l'assistance, Hermione croisa le regard empli d'effroi de Drago. Celui-ci l'avait enfin remarquée, mais elle n'avait en aucun cas le droit de bouger. Au milieu du chaos qui se mettait en place dans son esprit, la jeune Granger put lire quelques mots sur les lèvres muettes du blond.

« Il ment. Attaquons. »