Chapitre un. ༄

𝟣𝟫𝟫𝟪, 𝘨𝘢𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘒𝘪𝘯𝘨'𝘴 𝘊𝘳𝘰𝘴𝘴.

𝕷𝖊 ciel était orageux ce matin-là. De gros nuages gris et noirs planaient, bas, semblant menacer la foule qui devait leur sembler être un amas de fourmis. Les gens pressaient le pas afin de rentrer le plus vite possible dans King's Cross, et cela donnait lieu à maintes insultes éphémères et de nombreuses bousculades. La majorité de ces gens se rendaient probablement sur une voie à chiffre rond, pour rentrer dans le plus banal, grisâtre et ennuyeux des trains. Mais pas tous. Bien que minoritaires, au milieu des nombreux sorciers et sorcières faisant partie de la cohue, quelques voyageurs se rendaient voie 7 ½ pour voir de la famille en Europe occidentale. Les familles restantes, profitant de l'agitation matinale pour passer inaperçues, se dirigeaient droit vers le mur séparant les voies 9 et 10 afin de se rendre sur la 9 ¾, d'où devait partir le Poudlard Express à onze heures précises.

À dix heures vingt-huit, voyant le passage devant le mur de briques libre, une sorcière aux cheveux bruns avoisinant les dix-huit ans fonça dedans, puis, sans aucun problème, passa de l'autre côté. Poussant son chariot où ronflait un gros chat roux aux poils ébouriffés, elle fit quelques pas avant de se retourner. La gare était agitée, elle espérait que le passage entre les deux monde se déroulerait sans heurt pour les personnes qui l'accompagnaient. Quelque part derrière elle, un homme âgé d'une trentaine d'année à peine riait à gorge déployée avec un petit garçon qui semblait tout impressionné du lieu dans lequel il se trouvait. Rien d'étonnant, nous parlions du quai 9 ¾ de King's Cross ! Les lumières semblaient inonder la salle, et le train fumant avait des allures d'illusion onirique pour qui le voyait pour la première fois.

Hermione pesta intérieurement en remarquant le bout de la longue chevelure de Millicent Bulstrode voler derrière la tête un peu trop enflée de sa propriétaire, puis se retourna vers le mur duquel elle était sortie. Quelques secondes après seulement, une silhouette se découpa dans la façade puis se dirigea vers elle, pressant le pas de manière nerveuse. Les deux étudiantes se sourirent, et eurent à peine le temps de se décaler de quelques centimètres que deux jeunes hommes se ressemblant comme deux gouttes d'eau arrivèrent en courant, accompagnés de leur mère et leur père - ce dernier semblait nerveux.

⸺ Fred ! George ! scanda la petite femme replète d'un air furieux. Vous avez vingt ans mais vous êtes plus immatures que Ronald lorsqu'il avait dix ans ! Ce n'est pas peu dire. Ne pouvez-vous pas vous tenir quelques instants ?

Les deux rouquins se retournèrent, scandalisés.

⸺ Vous osez nous comparer à cet absurde personnage, madame ? Mais quelle insulte ! Quelle offense ! Tu entends ça, Gred ?

⸺ Je me demande comment nous avons survécu aussi longtemps avec une personne pensant autant de mal de nous. Notre propre mère ! Je n'en reviens pas, Forge.

Ils secouèrent leurs têtes, désabusés. Hermione laissa échapper un petit rire, ce qui lui valut un clin d'œil complice de George. Étonnamment, elle avait toujours été la seule à savoir différencier les jumeaux. Même leurs propres parents s'y trompaient parfois ! Ginny leva les yeux au ciel.

⸺ Vous êtes ridicules.

Fred lui adressa une révérence profonde, accompagnée d'un sourire moqueur.

⸺ Nous ne sommes pas ridicules, nous avons un comportement burlesque, petite sœur. Après tant d'années à vivre sous le même toit que nous, tu devrais avoir acquis un sens de la précision en ce qui concerne la manière de qualifier notre comportement.

Ginevra décida de laisser tomber d'office la discussion, et adressa à son aîné un regard courroucé. Soupirant de manière bien trop bruyante pour être subtile, Arthur Weasley frappa dans ses mains.

⸺ Avez-vous fini votre cirque ? Bien. Les filles, vous n'avez rien oublié ? Non ? Parfait. On se revoit aux prochaines vacances, hein ? Passez une bonne première partie d'année scolaire.

⸺ Merci p'pa. Mamaaaan ! Lâche-moi ! Je n'ai plus trois ans ! Il ne va rien m'arriver, à Poudlard. La Guerre est finie.

Molly recula, un sourire en coin accroché au faciès. Les souvenirs de la Guerre étaient encore présents dans toutes les mémoires, fragiles, comme une plaie à peine cicatrisée pouvant se rouvrir à tout moment. Après la mort du Seigneur des Ténèbres, nombre de familles avaient décidé de passer à autre chose, ne souhaitant pas plonger dans une tristesse irrémédiable et mal venue pour la construction d'un futur meilleur. Mais la famille Weasley était passée très – trop – près du drame. Durant la Bataille, tous avaient cru que Fred était passé de vie à trépas. Ils n'avaient pas été les seuls, d'ailleurs ; le jeune homme avait failli finir enterré aux côtés des Héros de Guerre. Mais à la morgue, le vieux croque-mort chargé de l'habiller d'un costume noir impersonnel, indigne du jumeau de George, avait cru le voir bouger. Personne n'avait voulu l'écouter sur le moment. Puis le même phénomène s'était répété. Malgré le refus catégorique de ses parents qui ne voulaient pas se faire de faux espoirs, il était entré dans l'unité de Soins Intensifs de St Mangouste, et les médecins avaient découvert que son corps avait simplement cessé de fonctionner en attendant que l'infime part du Sortilège de la Mort, qui l'avait simplement frôlé, disparaisse de son corps. On ne savait pas s'il s'en tirerait, mais, après trois semaines de coma, il était revenu à la vie. On ne se débarrasse pas d'un Weasley comme ça, avait dit le jeune homme après avoir complètement guéri. Aujourd'hui, il avait repris son travail auprès de son frère, dans son magasin de Farces et Attrapes sur le Chemin de Traverse, en parfaite santé. Malgré de vigoureuses protestations, il était suivi de près par des médecins.

Molly embrassa chaleureusement Hermione. Les derniers aurevoirs se firent, et les deux filles montèrent dans le train à la recherche d'un compartiment vide. En avance par rapport aux autres étudiants, elles ne mirent pas longtemps avant d'en repérer un ne contenant pas âme qui vive au travers d'une vitre quelque peu poussiéreuse. Posant prestement la main sur la poignée de la porte en bois, Ginevra s'amusa à prendre tout son temps pour tirer l'ouverture grinçante. Riant faiblement, la brune la poussa amicalement pour se jeter sur la banquette de droite dans un soupir rieur. La cadette Weasley s'installa en face d'elle, le regard mi-amusé, mi-désespéré. La belle Granger ne tenait pas en place.

⸺ Tu te rends compte, Gin' ? Je vais retourner à Poudlard ! Oh, c'est vraiment magique !

Elle sourit.

⸺ Sans mauvais jeux de mots, bien sûr.

La jeune Hermione regarda dehors et constata avec amusement qu'une foule compacte se formait au fur et à mesure devant l'entrée de la voie. Les autres étudiants arrivaient.

⸺ C'est quand même dommage qu'Harry et mon frère ne reviennent pas pour cette année.

La brune haussa les épaules après avoir achevé d'écouter Ginny.

⸺ C'est leur choix. Mais après tout, je comprends. Voir Harry dans un endroit public donnerait lieu à un tapage médiatique dont il n'a pas besoin, et Ronald est son meilleur ami, il le soutient. Et puis, je ne pense pas qu'il avait très envie de continuer ses études. Il n'a jamais montré de grand intérêt pour ses cours et ses devoirs de toute manière, termina-t-elle avec un embryon de sourire, se remémorant toutes ces soirées où elle avait presque dû harceler ses deux meilleurs amis afin qu'ils travaillent ne serait-ce qu'un tout petit peu. Elle pensait - à raison, avouons-le-nous - qu'elle avait dû les agacer, parfois, mais qu'importe ? Il leur fallait bien un minimum d'érudition pour obtenir leurs examens ! Comment se seraient-ils débrouillés, sans elle ? Parfois, elle se posait la question et n'y trouvait pas de réponse. C'était incroyablement prétentieux, mais, d'un autre côté... ça restait pragmatique vis-à-vis de la réalité.

Elle se mit à rire doucement. C'était presque comme un murmure. Un doux murmure. La jeune Weasley acquiesça, le regard vague.

⸺ N'empêche, Harry va me manquer. Encore un an avant de pouvoir vivre en paix, juste tous les deux... oui, il va réellement me manquer, durant cette année.

⸺ Dis-toi que ce n'est plus qu'un an. C'est plus positif qu'encore un an, pour ce qui te concerne. Quels sont vos projets, après ? Vous prendrez un appartement ?

La jeune Weasley haussa les épaules, faisant onduler sa longue chevelure rousse et brillante.

⸺ Il est un peu tôt pour penser à cela maintenant, tu ne crois pas ? Voyons d'abord ce que cette année va nous réserver. Nous avons tout le temps d'y réfléchir, Harry et moi. Nous sommes encore jeunes. Et toi, tu as quelque chose en tête ?

⸺ Pas vraiment. Je pensais prendre une maison en campagne avec Ron, mais disons que notre rupture a changé mes plans. Oh, ne fais pas cette tête-là, Ginny, je ne suis pas malheureuse. Ton frère et moi étions seulement de grands amis. Je l'ai aimé, réellement aimé. Mais nous nous sommes rendu compte que ça ne pouvait pas marcher. C'est tout.

Elle marqua une pause devant le regard taquin de Ginevra, puis reprit avec enthousiasme :

⸺ Mais enfin, comme tu dis, nous verrons bien ce que nous réservera l'avenir !