Chapitre trente-deux. ༄

Salut, Drago. Depuis qu'on est sortis de l'infirmerie, j'ai l'impression que tu me fuis, et

Hermione prit sa feuille de brouillon et la déchira. Ce début donnait tout sauf envie de lire. Machinalement, elle prit de nouveau de quoi écrire.

Salut, Drago. Tu sais, j'ai beaucoup réfléchi, et je pense que

Hermione immobilisa sa main dans les airs alors qu'elle s'apprêtait à commencer un nouveau mot. Je pense que quoi ? Qu'est-ce que je pense ? La vérité, c'est que je ne pense qu'à moi. Je suis incapable de comprendre ce que lui pense ou ressent.

Salut, Drago. Tu sais, j'ai beaucoup réfléchi, et je pense que nous devrions parler. Se fuir encore et encore va nous faire plus de mal qu'autre chose.

Plus mélodramatique, tu peux pas. La jeune Granger froissa son parchemin.

⸺ Sérieux, elle était nulle, ton idée, Gin' ! Je ne vais jamais réussir à trouver quoi écrire !

Hermione se retourna, toisant sa camarade de chambre comme si elle l'avait vexée. Cette dernière, occupée à réparer le manche éraflé de son balai de Quidditch, ne leva même pas les yeux vers elle.

⸺ Premièrement, mon idée n'était pas nulle. Deuxièmement, c'est toi qui l'a acceptée. Troisièmement, maintenant que tu as commencé à réfléchir, tu vas aller jusqu'au bout et me rédiger cette lettre ! Ce n'est pas ton genre de ne pas terminer un devoir, je me trompe ?

⸺ C'est pas un devoir, Ginny.

⸺ Alors considère-le comme tel, répondit la belle Weasley en souriant. Après ça, ce sera mieux, tu verras.

Hermione secoua la tête et reposa sa plume sur son bureau.

⸺ Non mais vraiment, Hermione ! Vous êtes ridicules, tous les deux, à vous fuir et vous prendre la tête tous seuls pour rien. Je ne sais pas, oui, mais tu comprends, je ne peux pas, oui, mais je pense à toi jour et nuit, et tu comprends, je ne peux pas, ma famille, le regard des gens, mais on s'en fiche, je ne peux pas, après tout ce qu'on a vécu, ça me fait mal mais c'est nécessaire... argh ! Tu vas finir par me rendre folle ! Alors rédige ta lettre, donne-lui rendez-vous quelque part pour échanger avec lui, je ne sais pas, mais fais quelque chose ! Ça ne te ressemble pas, ce que tu fais !

Secouée par ce coup de sang, la jeune Granger cligna plusieurs fois des yeux.

⸺ Tu crois qu'avoir vécu et survécu à la Guerre, avoir été la meilleure amie de Harry Potter et Ron Weasley, les avoir suivis dans toutes leurs galères, les avoir soutenus pour tous leurs problèmes et avoir été enlevé par le dernier fragment de l'âme d'un psychopathe qui avait sombré dans la folie vont faire que je vais pouvoir vivre ma vie tranquillement ? Je ne peux pas me ressembler, Ginny. Je ne sais même pas qui je suis vraiment, tu comprends ? termina-t-elle avec une voix plus douce. Mais tu as raison. Je... je comprends ce que tu dis. Vraiment.

Elle fit la moue, tout en tentant de sourire. Le mélange donna une espèce de grimace assez comique, et Ginny tempéra ses propos.

⸺ Excuse-moi, j'ai été peut-être un petit peu dure. Mais il n'empêche que tu as intérêt à ne pas laisser gangréner votre histoire jusqu'à ce que ce soit trop tard pour recoller les morceaux. Vous avez eu la chance de vivre une épreuve l'un aux côtés de l'autre, et même si c'était un moment horrible, vous avez réussi à surmonter votre dégoût réciproque, à mettre de côté votre colère, et à vous allier pour avoir une chance de vous en sortir. Vrai ou pas vrai ?

⸺ Vrai, admit Hermione à contrecœur.

⸺ Votre histoire d'amour a certes commencé en étant forcée par de l'Amortencia aux effets inhabituels, mais tes sentiments ne se sont pas complètement effacés, même lorsque la potion a complètement déserté ton organisme. Vrai ou pas vrai ?

⸺ Vrai...

⸺ Malefoy et toi, vous vous êtes embrassés et il a reconnu sans vraiment le dire avoir des sentiments à ton égard, et quand tu as tenté de pouvoir discuter avec lui à tête reposée, il a décidé de te fuir. Vrai ou pas vrai ?

⸺ Vrai, mais...

⸺ Et depuis, tu tergiverses inutilement et le laisses fuir le choix qui l'attend au bout du chemin : vivre pleinement en sachant que la communauté sorcière risque de ne pas apprécier et vous mettra potentiellement en danger à un moment ou à un autre, ou se taire à jamais pour rentrer dans le moule en tentant de se faire oublier pour ne plus se faire haïr. Et fuir ce choix n'est pas une solution, Hermione. Pour lui comme pour toi. Alors tu vas me faire le plaisir d'aller mettre tout ça au clair avec lui, peu importe la réponse qu'il te fera, d'accord ? Je ne veux que le mieux pour toi, 'mione. Tu es ma meilleure amie, ajouta la jeune Weasley en lui prenant les mains. S'il décide de faire le premier choix, tant mieux pour vous j'ai envie de dire. S'il fait le second... c'est que tu mérites mieux.

La franchise violente de la Gryffondor ébranla Hermione.

⸺ Je vais lui donner rendez-vous dans la tour d'Astronomie ce soir. Il a intérêt à venir.

Sa conviction l'étonna elle-même. Elle hésita un peu avant d'ajouter :

⸺ Merci, Gin'.

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⸺ Granger. J'aurais dû me douter que ce mot venait de toi. Ce n'était pas signé.

⸺ Maintenant que tu es là, il est inutile de repartir, non ? répondit la courageuse Gryffondor sans se démonter. Drago, s'il te plaît. Chaque fois que je croise ton regard dans les couloirs, tu te détournes et pars en courant. Juste... pourquoi ?

Le jeune homme se braqua. Ses sourcils se froncèrent, il avança les épaules et dévisagea longuement Hermione.
Avant de relâcher tous ses muscles en soufflant.

⸺ Je n'arrive pas à te sortir de ma tête, Hermione. Et quand je te dis qu'il est mieux de ne plus se parler, je ne dis pas ça pour paraître dramatique. Je pense juste à ta sécurité. Moi, me faire passer à tabac parce que les gens m'accuseront de t'avoir manipulée, ça ne fera qu'un acte de violence de plus ou de moins. Je m'en fiche. Mais toi, on va t'accuser de trahir tout le monde, et si on décide de ne pas cacher ce qui est arrivé, tu vas être en réel danger. Vraiment. Tu le comprends ?

⸺ Non. Non, je ne le comprends pas. Je pense que tu es juste trop lâche et que tu préfères tâcher de te faire oublier plutôt que te faire regarder en mal encore une fois. Et pourtant... j'arrive à le concevoir. Au bout d'un moment, c'est trop pesant, d'évoluer dans un monde où partout où tu regardes, tu ne vois que de la haine. Mais tu sais ce que je pense, Drago ? Tu as trop subi pour abandonner et te replier simplement pour faire plaisir aux gens. Alors ouvre les yeux, par Merlin ! Arrête de fuir les obstacles et de ne voir que le négatif des choses ! Le monde est beau, Drago, même s'il n'est pas que ça. Mais il y a une part de beauté. Encore faut-il bien vouloir la voir. Et oui, c'est facile de dire ça, je le sais. Mais ne te laisse pas engloutir par ce qui n'est pas bon pour toi, c'est tout.

Hermione reprit son souffle après avoir débité son discours d'une traite. Paniquée, elle regarda la sol, les fenêtres, se mordit la langue. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Pourquoi avait-elle fait ça ? Elle n'allait que le faire fuir...

⸺ Arrête avec tes discours qui puent la bien-pensance, Granger. Arrête.

Le Serpentard souffla bruyamment puis passa ses des mains dans ses cheveux avant de les croiser derrière sa tête. Il ne savait pas vraiment quoi dire. Ça faisait des jours entiers qu'il réfléchissait à ce qu'il devait faire. Mais ce choix était compliqué, trop compliqué.

⸺ Alors tu préfères gâcher la seule vie que tu as à tenter de te faire oublier pour faire plaisir aux gens qui te maltraitent, te prennent de haut et parlent dans ton dos, tout ça parce que tu penses que ce que je te dis pue la bien-pensance ? s'indigna Hermione, outrée. Mais tu veux que je te dise ? Je crois que je n'avais pas compris que ta manière de penser n'avait pas évoluée depuis nos onze ans.

⸺ Qu'est-ce que tu veux, au juste, Hermione ? hurla à son tour le jeune Malefoy, sortant tout à coup de ses gonds. Que je nous mette en danger inutilement juste pour qu'on puisse vivre une petite histoire qui ne fait rien d'autre que nous faire foncer droit dans un mur ? Et c'est moi que tu traites d'immature ?

Il avait avancé durant ses paroles, se laissant prendre à la gorge par la colère, se laissant dépasser par la frustration. Aussi surprise qu'impressionnée par cet accès de rage, la Gryffondor tressaillit. Son menton trembla.

⸺ C'est ridicule, tout ça, Drago. Pourquoi est-ce qu'on se prend autant la tête ? Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas au moins tenter ? On n'est pas obligés de tout révéler publiquement...

⸺ Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas tenter ?

Un ricanement nerveux s'échappa des lèvres de Drago.

⸺ Tu me demandes pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas tenter ? Mais tu nous as regardés, Hermione ? Oui on s'aime, oui, ça devrait être plus simple, oui, si on était des gens normaux, avec une vie normale, on aurait peut-être pu vivre tout ça de manière normale. Mais est-ce que c'est le cas ? Non ! C'est simplement trop dangereux. Et je te fais confiance. Mais je sais juste que moi, je vais finir par tout casser, et je préfère ne pas risquer de faire ça.

⸺ C'est faux.

⸺ Pardon ?

⸺ Ce que tu dis est complètement faux. Tu te détestes. Tu te hais viscéralement, parce que le poids du regard des gens t'écrase depuis que tu es dans le ventre de ta mère, et ce peu importe ce que ce regard de foule pense. Tu te hais à en crever. Et tu ne veux pas vivre une histoire avec quelqu'un qui aime ce que tu détestes. Mais, par Merlin, Drago ! Réveille-toi ! Réveille-toi ! cria-t-elle sans oser s'approcher. Ce n'est pas parce que tu choisis de me fuir que la communauté sorcière va progressivement t'oublier et arrêter de te détester.

Cette réalité. Cette réalité qu'il n'avait jamais osé s'avouer. Hermione l'avait bien mieux cerné que lui-même. Et là, tout lui explosait à la figure. Le regard de Drago balaya la pièce, et s'arrêta à tour de rôle sur Hermione, puis sur la porte.

Alors il fit son choix. Peut-être était-ce le bon, peut-être était-ce le mauvais, nul doute que seul l'avenir pourrait le lui dire.

Enfin...

Le leur dire.

Ils constateraient ça main dans la main.