♡ 𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐨𝐧𝐳𝐞 ♡
Chapitre onze. ༄
⸺ 𝕵𝖊 suppose que vous savez pourquoi vous êtes ici, vous trois ?
Alors que les trois jeunes adultes hochaient la tête, la mâchoire serrée, le professeur McGonagall soupira sans chercher à s'en cacher et posa ses lunettes sur son bureau pour se pincer l'arête du nez du bout de ses longs doigts osseux et noueux. Elle paraissait sincèrement épuisée, tout d'un coup. Même le bout de son haut chapeau s'affaissait et tombait vers l'avant.
⸺ Pourrais-je avoir des explications, monsieur Goldstein ? demanda-t-elle d'une voix aigre.
⸺ Et pourquoi donc moi, professeur McGonagall ? répliqua-t-il du tac au tac, l'air hautain et furieusement outragé.
Drago leva les yeux au ciel sans dissimuler le mépris qu'il éprouvait à l'égard d'Anthony, et Hermione croisa les bras en basculant la tête en arrière. La discussion à venir s'annonçait longue. Très longue. Si longue que McGonagall décida de l'abréger. Elle décida de donner une réponse sèche et définitive, ce qu'elle réussit à faire d'une superbe manière :
⸺ Je ne vous demande pas d'exiger des raisons, mais de répondre à mes questions sans discuter. À moins que vous ne préfèreriez finir en retenue tous les jours jusqu'à la fin de l'année ?
Le Serdaigle carra les épaules, contrarié. Ses sourcils broussailleux semblaient figés, quelques millimètres plus haut sur son visage que d'habitude. On voyait à sa posture et son expression faciale qu'il ne lui aurait fallu que quelques mots pour tout casser à mains nues autour de lui, mais la dernière question de McGonagall l'encouragea à obéir aux consignes qui lui étaient données. Il soupira prestement et croisa les bras.
⸺ Non merci, professeur. En revanche, pouvez-vous être plus précise ? Sur quel sujet voulez-vous des informations, très exactement ?
⸺ Tu le sais très bien, Goldstein, cesse de jouer au c...
⸺ Monsieur Malefoy, je vous prierai de vous taire lorsque je ne vous ai pas expressément donné la parole ! coupa la vieille femme, haussant le ton. Je m'adresse à monsieur Goldstein il me semble, alors ne parlez pas pour lui ! Monsieur Goldstein, donc. Je vous informe que le sarcasme et l'insolence n'ont jamais payé avec moi, vous savez très bien de quoi je veux parler avec vous, monsieur Malefoy et mademoiselle Granger, alors je vous prierai de vous expliquer ! Que se passe-t-il avec eux ? Je souhaiterais l'entendre avec vos mots et votre point de vue, si vous avez l'obligeance de nous les partager.
Le jeune homme se redressa sur son siège, comme pris d'un soudain sentiment d'importance.
⸺ Je ne fais que rendre justice, professeur. C'est tout. La famille de Malefoy m'a arraché la mienne ; ce n'est qu'un rééquilibrage des choses... Il faut que ce Mangemort paye pour ses crimes.
McGonagall se pinça de nouveau l'arête du nez, désœuvrée devant l'assurance dont faisait preuve le Serdaigle. Assise à côté d'Anthony, Hermione remarqua les tremblements de Drago et son poing serré à lui rendre les jointures des doigts toutes blanches.
⸺ Écoutez, Goldstein, j'allais vous demander qui au juste avait anéanti votre famille, mais je ne pense pas que ce soit la bonne question à vous poser. Dans vos formulations, je ne perçois pas d'indice qui laisse paraître que ce soit Drago Malefoy ici présent qui ait tué vos parents. Je me trompe ?
⸺ Non, en effet. C'est sa démente de tante. Lestrange, de son nom de famille après mariage... Drago est l'élève qui était le plus proche d'elle durant toute l'ascension de Vous-Savez-Qui vers le pouvoir et pendant la guerre, il doit payer pour cela. Je ne fais que rendre justice, vous savez. Ma haine est justifiée.
Mordillant l'intérieur de sa joue, la directrice de Poudlard émit un grognement dédaigneux.
⸺ Je ne dis pas le contraire, Goldstein. Votre haine est tout à fait légitime, mais pas justifiée. En revanches, les actions que vous avez entrepris à l'égard de monsieur Malefoy sont tout bonnement inacceptables. Savez-vous que lorsque mademoiselle Granger ici présente est venue me parler du problème qui vous liait, j'ai failli la renvoyer de mon bureau parce que je ne la croyais pas ? Enfin, Goldstein ! Avez-vous ne serait-ce que réfléchi ? Drago n'est pas sa famille, et monsieur Harry Potter a même accepté de témoigner en sa faveur et celle de sa mère auprès du ministère. Il a même demandé au Ministre de la Magie en personne qu'on lui restitue sa baguette ! N'est-ce pas une preuve suffisante que monsieur Malefoy est digne de confiance ? Ce n'est pas Drago qui a tué votre famille, et il ne doit pas payer pour les crimes de la sienne ! Il ne contrôlait, et ne contrôle toujours pas, pas leurs agissements. S'il y a une seule personne que vous devez haïr, c'est madame Lestrange. Et puis même si Drago devait payer pour les crimes de l'abominable harpie qui lui faisait office de tante, votre logique est aveuglée ! Toutes les familles de Sang-Pur devraient finir par payer, cela n'a strictement aucun sens... je vous prierai donc de réfléchir avant de faire quoi que ce soit, à l'avenir.
Elle reposa ses lunettes sur le bout de son nez et se tourna vers le Serpentard, qui, la mâchoire serrée, respirait par grands à-coups. Hermione se sentait clairement de trop, dans cette pièce.
⸺ Et vous, monsieur Malefoy ? Avez-vous quelque chose à dire ?
Il ne releva pas la tête tout de suite. De nombreuses secondes aussi pesantes qu'angoissantes s'écoulèrent, avant que le regard du jeune homme ne vienne se planter dans celui, perçant, de la directrice.
⸺ Non.
Minerva soupira.
⸺ Très bien. Vous, mademoiselle Granger ?
Intimidée, prise en traître, ne sachant que dire, la Gryffondor secoua la tête un peu trop fort.
⸺ Bien. Goldstein, des mesures seront prises par Poudlard, et le ministère s'il le faut, contre vos agissements, et, vous trois, vous en serez tenus informés en temps et en heure. Maintenant, vous pouvez disposer.
D'un seul et même geste précipité, les trois élèves se levèrent et manquèrent de trébucher vers l'imposante porte.
⸺ Attendez, les retint la professeure de Métamorphose d'une voix haut perchée. Monsieur Malefoy, revenez un instant. Vous deux, vous pouvez partir.
Hochant la tête, les deux Préfets-en-chef sortirent de la pièce, un peu trop précipitamment. Le Serpentard paraissait résigné, et Hermione capta son regard durant une fraction de seconde. Elle put y lire une colère sans nom, mais aussi une détresse proche du précipice. Et même si l'idée ne lui plaisait pas, il faudrait qu'elle trouve un moyen de soutenir Malefoy. Elle avait naïvement pensé que les décrets du ministère et le règlement mis en place à Poudlard pouvaient le faire, mais force était de constater qu'elle s'était bien leurrée. Même si elle détestait le blondinet arrogant de tout son être malgré l'accord de paix auquel ils étaient parvenus, elle ne pouvait pas le laisser tomber face au torrent de haine contre lequel il tentait de tenir. Elle chercha ses mots.
⸺ Ça va aller.
Elle ne reçut même pas un sourire, en face.
Elle put juste discerner l'agrandissement discret des yeux du jeune Malefoy.
Il hocha la tête et la porte se ferma ; Hermione ne put s'empêcher de s'inquiéter pour l'avenir de la société anglo-saxonne. Qu'allait donc devenir les enfants de Mangemorts qui avaient été enrôlés contre leur gré durant la guerre ? Les familles de victimes, endeuillées et brisées jusqu'à la moelle ? Les héros de guerre ? Les professeurs de Poudlard ?
⸺ Granger, espèce d'idiote !
Elle n'eut pas le temps de réagir qu'elle se sentit avancer : le jeune Goldstein l'avait poussée de toutes ses forces et s'avançait à présent vers elle, le visage rougeâtre. Hermione se retourna, n'en revenant pas.
⸺ Tu te fous de moi, Goldstein ?
⸺ Tu n'es qu'une idiote, Granger ! Une sale petite idiote ! Tu te crois maligne, hein ? Tu te crois maligne à vouloir jouer les sauveuses du monde ? Mais regarde-toi dans un miroir ! Qu'as-tu de plus que les autres, hein ? C'est ton égo surdimensionné et un peu trop brossé dans le sens du poil par les professeurs qui causera ta perte ! Cesse de vouloir aider tout le monde, ou tu vas tomber très haut !
Les paroles du Serdaigle mirent quelques secondes à prendre forme et sens dans l'esprit de la jeune fille ; tout allait beaucoup trop vite, ça ne pouvait pas se finir comme ça. Était-ce aussi simple ? Aussi compliqué ? Le temps d'une pensée, Hermione ne fut plus qu'une enveloppe corporelle sans esprit, habitée par la confusion et les paradoxes de sa conscience.
⸺ Oh, c'est une menace, Goldstein ? siffla-t-elle.
⸺ Ça se pourrait bien, Granger...
Elle soutint son regard douloureusement, navrée de la nature humaine et de sa folie. Puis un rire nerveux et incontrôlable s'échappa de sa gorge, passa la barrière fine de ses lèvres.
⸺ Je crois... je crois que tu ne te rends pas compte d'à quel point c'est toi qui es stupide.
Cette affirmation, que sa colère sourde jugeait tout à fait exacte, lui laissa un goût amer sur la langue et une résonnance de facticité oppressante.
L'humanité était folle. Complètement folle.
Tout partait en tous sens, pourquoi toute cette haine, toute cette peur ?
Et pourquoi donc le cœur d'Hermione se serrait-il donc si fort à l'entente et à la vision de tant de violence à l'égard des gens ?
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