Chapitre huit. ༄

𝕷𝖆 pluie s'abattait avec un grand bruit sur les vitres de la Grande Salle. Le brouhaha des conversations allait bon train, noyé dans l'espace. Hermione était assise à la table des Serdaigle, accompagnée de Ginny et Luna, et mangeait son œuf au plat sans grand appétit. La jeune Lovegood leur récitait un exposé sur les joncheruines, que la Gryffondor n'écoutait que d'une oreille. Elle réfléchissait à la manière d'améliorer les rapports entre Drago et Anthony Goldstein, mais se heurtait toujours à la même conclusion : il fallait que le Serpentard se confie à elle sur le cœur du problème. Or, il n'était pas vraiment disposé à le faire. Elle se sentait épuisée, à force de s'escrimer à dialoguer avec lui sans aucun résultat, et le tour de garde qui l'attendait ce soir-là n'allait pas arranger les choses.

⸺ Hermione, tu m'écoutes ? demanda une voix douce qui la fit sortir de ses réflexions.

⸺ Oui, excuse-moi, Luna.

⸺ Tu m'as l'air perturbée. Tout va bien, en ce moment ?

Non. Elle secoua la tête sous le regard interrogateur de ses deux amies.

⸺ Les tours de garde m'épuisent quelque peu, et puis... Malefoy a un problème avec Goldstein, mais je n'arrive pas à savoir quoi. Ça me perturbe, et, à chaque fois qu'ils se voient, ils semblent prêts à s'écharper l'un et l'autre.

Ginny passa sa main dans son dos.

⸺ Ne stresse pas avec ça. Tu n'as pas à t'en occuper. Ils sont suffisamment grands pour le faire eux-mêmes, non ?

⸺ Visiblement pas, j'ai dû retenir Malefoy à de nombreuses reprises. Goldstein est irritable, il est vrai, mais je sens bien qu'il n'y a pas que cela. Drago ne le déteste pas, il... il le hait. Et Merlin sait que la haine est un sentiment fort. Je sens que si je n'interviens pas, un de ses jours, ils finiront par se battre.

Luna hocha la tête.

⸺ Tu sais, tu réfléchis de ton côté à toi. Pour résoudre un problème, parfois, il faut savoir se glisser dans la tête des concernés. Je ne te parle pas de légilimancie, mais simplement d'empathie. Il faut réfléchir comme eux. Comme un des deux, du moins. Qu'est-ce qui serait le mieux ? Goldstein ou Malefoy ?

Hermione secoua la tête.

⸺ Je n'en ai aucune idée.

⸺ Duquel des deux es-tu le plus proche ? questionna Ginevra, tâchant d'aider au mieux le belle brune.

⸺ Malefoy, répondit-elle, surprise. Malefoy, oui.

Sa réponse sembla la surprendre elle-même plus que ses amies. Depuis quand était-elle plus proche de Malefoy que de n'importe quelle autre personne ? Ça restait quelque chose de très professionnel, leur statut de Préfets-en-chef était le seul responsable de la relation qu'ils entretenaient, mais quand même...

⸺ Dans ce cas, réfléchis comme Malefoy : pourrais-tu être victime d'injustices ? De violences ? Se pourrait-il qu'il y ait des antécédents qui fassent que des gens aient des problèmes avec toi ?

⸺ Il était Mangemort, murmura Hermione. Il était Mangemort, et Goldstein ne le porte pas en haute estime à cause de cela. Mais pensez-vous que le Préfet-en-chef de Serdaigle soit suffisamment cruel pour malmener quelqu'un à cause de ses souffrances et d'un choix de vie qui lui a été imposé, et qui l'a détruit petit à petit ?

Elle savait l'espèce humaine loin de briller pour sa sympathie, mais elle ne la tenait pas en si piètre estime. Était-il possible d'être aussi tordu et malsain ?

⸺ Évidemment, Hermione. Cesse de réfléchir et va parler de tout ça avec Malefoy, tu veux ?

⸺ Il n'est pas vraiment disposé à parler de ça. Il est encore en train de se remettre de la Guerre, je vous rappelle.

⸺ Mais c'est le seul moyen, n'est-ce pas ? demanda Luna, dubitative face au refus catégorique d'Hermione d'engager un dialogue avec le Serpentard.

La jeune Granger baissa la tête, face à un dilemme : laisser Drago étaler sa colère face à Anthony une bonne fois pour toutes, ou l'aider à parler pour commencer à panser ses blessures ? Il fallait qu'elle agisse avec tact.

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En train de se passer de l'eau sur le visage pour se calmer avant son tour de garde, Hermione sursauta lorsque la porte de la petite salle commune des Préfets-en-chef se ferma avec fracas. Elle n'eut même pas le temps de se sécher qu'un objet jeté à terre la décida à sortir de la salle de bain, et elle vit Drago donner un coup de pied dans un mur, l'air furieux. Sa mâchoire tremblait, et les veines saillantes donnaient à son cou une dimension inquiétante. Elle l'arrêta, posant sa main sur son épaule avec douceur.

⸺ Calme-toi tout de suite ! Que se passe-t-il ?

⸺ Cet imbécile de Goldstein, grogna-t-il pour toute réponse. Je n'en peux plus.

Il donna un coup de poing dans un mur, et Hermione le tira en arrière.

⸺ Cesse donc de frapper. Va dans le dortoir te calmer deux minutes, s'il te plaît. Il faut vraiment arranger les choses avec lui. Préviens-moi quand nous pourrons commencer notre surveillance du château.

Le blondinet hocha la tête, tremblant, puis claqua la porte du dortoir, toujours en colère. Il fallait vraiment avoir une bonne discussion avec lui, une bonne fois pour toutes. Sans grande conviction, la Gryffondor s'attela à commencer un devoir écrit pour le cours de Métamorphose, mais elle n'y arrivait pas. Cela faisait dix minutes qu'elle fixait son parchemin, songeuse, lorsqu'elle se rappela de Drago. S'autorisant à frapper avant d'entrer, la jeune Granger n'attendit toutefois pas de réponse pour s'engouffrer dans la chambre. Le jeune Malefoy, recroquevillé sur un lit, était en larmes tenant son avant-bras gauche contre sa poitrine. Sa Marque des Ténèbres.

⸺ Ça... ça va ? balbutia Hermione en s'asseyant près de lui.

Il passa sa manche sur ses yeux grossièrement avant de lui répondre d'une voix sèche :

⸺ À ton avis, Granger ? Ai-je l'air de quelqu'un qui va bien ?

À son ton sec et cassant, la Gryffondor se rendit compte qu'elle avait posé une question stupide.

⸺ Que se passe-t-il avec Goldstein ? Je sais très bien qu'il y a quelque chose que tu ne dis pas, autre chose que le comportement autoritaire d'Anthony. Alors tu vas me le dire immédiatement si tu ne veux pas que j'aille en parler au professeur McGonagall !

Pour le tact, on repassera, se dit-elle en fixant les prunelles brillantes du Serpentard qui lui faisait face, sanglotant comme un nourrisson, la mâchoire tremblante.

⸺ Ça ne te regarde pas, Granger. C'est loin de te regarder.

⸺ C'est parce que tu as été un Mangemort, c'est ça ?

Il fit de son mieux pour garder son calme, mais Hermione jura d'avoir vu une étincelle de frayeur passer dans ses yeux. C'était ça, il n'y avait aucun doute.

⸺ Si c'est ça, il faut que tu en parles. On ne peut pas laisser ce genre de comportement impuni, surtout si ça vient d'un Préfet-en-chef. Je ne peux pas rester sans rien faire, si tu n'en parles pas, je le ferai.

Le jeune Malefoy fusilla son interlocutrice du regard et sécha ses larmes en lâchant d'une voix pâteuse :

⸺ Tu n'en seras pas capable.

⸺ Écoute, tu connais très bien ma position sur ça, soupira-t-elle devant l'obstination du blond. J'ai bien pris la défense de Pansy, dans le Poudlard Express, non ? Je ne pourrai pas continuer à faire semblant de rien si quelqu'un se fait persécuter et que je le sais, même toi.

Drago eut un rictus méprisant.

⸺ Cesse de me considérer comme une petit chose fragile, faible et sans défense s'il te plaît. Et puis, qui a dit que tu te souviendrais de tout ça ?

Hermione eut à peine le temps de comprendre ce qu'il voulait dire qu'il avait déjà bondi hors du lit, pointant sa baguette sur elle, tremblant, sanglotant.

⸺ Tu veux m'oublietter, c'est ça ? Tu es complètement fou. Simplement pour cela ? Qu'est-ce qui ne tourne pas rond, chez toi, par Merlin ?

⸺ Tu ne sais pas ce dont je suis capable, Granger, gronda-t-il sans pour autant esquisser un geste.

La jeune fille se leva, fit un pas puis s'arrêta en voyant le Serpentard la menacer de sa baguette, puis, tâchant de garder son calme, poursuivit :

⸺ Je ne sais pas ce que tu as, mais tu vas arrêter de me menacer immédiatement. Je souhaite juste t'aider, d'accord ? Personne ne mérite de se faire persécuter, personne. Quand je dis personne, je t'y inclus. D'accord ? Je ne pensais pas prononcer cette phrase un jour, mais je veux juste t'aider, Malefoy.

Il resserra sa prise sur sa baguette, et elle avança encore d'un pas.

⸺ Réfléchis bien à ce que tu vas faire. Quelles seraient les conséquences ? Baisse ton arme, s'il te plaît.

Il n'en fit rien. Alors, d'une voix rauque et mal maîtrisée, Hermione, en un mot, murmura une prière silencieuse :

⸺ Drago...

Elle le vit trembler, et son bras flancha. Doucement, avec toutes les précautions du monde, elle posa sa main sur la sienne en tâchant de contenir son dégoût pour ce geste, et lui fit baisser le bras.

⸺ Du calme, d'accord ?

Il hocha la tête et renifla.

⸺ Excuse-moi.

⸺ Nous nous sommes mis d'accord pour faire la paix, Malefoy.

Elle le sentit se braquer. Il faudrait qu'elle oublie de l'appeler par son nom de famille si elle voulait arranger les choses, visiblement.

⸺ Drago, se corrigea-t-elle dans un soupir. Je ne souhaite que t'aider, d'accord ? Il faut que tu ailles parler à McGonagall.

Après quelques secondes qui lui parurent durer des heures, Hermione vit Drago hocher la tête, et elle sentit la pression sur ses épaules se relâcher.

⸺ Je le ferai, reprit-il gravement après de nombreuses secondes de silence. Mais j'aimerais que tu me promettes que toi, tu n'iras pas voir la directrice et t'occuperas de mes affaires. Je voudrais juste que tu me le garantisses.

C'était une bien piètre idée, mais si cela pouvait aider Malefoy à se rendre chez McGonagall...

Avec une hésitation discrète, Hermione finit par esquisser un imperceptible mouvement de tête.

⸺ D'accord, Malefoy.