Chapitre 6

— Bianca, laquelle me correspond le plus pour le dîner de ce soir ?

Je lui montre deux robes. Elle plisse les yeux, observe les deux avec minutie avant de trancher.

— La bleu. Elle contrastera bien avec ton teint de porcelaine. Mais attache tes cheveux pour la rendre plus élégante. Je peux t'aider, si tu veux.

Je hoche la tête simplement avant de disparaître derrière le paravent pour l'enfiler. C'est une robe bleu indigo cintrée à la taille grâce à une ceinture de même couleur et qui s'envole en volants. Elle m'arrive aux genoux, et le seul décolleté admirable est dans le dos. Le col remonte jusqu'à mon cou. Je la trouve chic et plutôt jolie.

Quelques minutes plus tard, Bianca est penchée vers moi et me maquille les yeux.

— Comment c'est ?

Je ne finis pas ma phrase et me mords les joues. J'extériorise mes pensées en permanence sans le faire exprès.

Bianca me sourit.

— Mmh ?

— Je veux dire... Comment c'est de vivre cette vie-là ? Tu as l'homme de ta vie, tu es la reine d'un pays absolument magnifique... Honnêtement, je t'admire.

Elle pince les lèvres et recule en admirant son œuvre.

— C'est comme dans toutes les vies. Il y a les bons points et les mauvais points. Je suis revenue de loin, Arynn, et chaque histoire a ses difficultés à surmonter. Tout te semble parfait mais j'ai aussi mes épreuves derrière moi. Pourquoi ? Tu te sens seule ?

Je hausse les épaules.

Oui, je me sens seule, tous les soirs, tous les matins quand j'ouvre les yeux et que je me rends compte qu'en vingt ans d'existence, aucun n'a été assez courageux pour me voir au-delà du masque que j'enfile.
Oui, je me sens seule, et j'ai peur de ne jamais être aimée.

Je ne sais pas... J'ai tout pour être heureuse. J'ai une famille en or, et des amis hors du commun.

Elle me sourit et tapote mes joues d'une poudre blanche.

— Il y a actuellement deux beaux gosses dans le palais, alors si j'ai un conseil à te donner : n'hésite pas. Fonce. Tête baissée. Je ne l'ai fait que trop peu de fois dans ma vie et parfois, je regrette de ne pas avoir vécu à fond. Je me rattrape tous les jours comme je peux.

Mon sourire me paraît triste et je crois que Bianca le voit. J'ai l'impression qu'elle est la seule à réellement me voir à travers ce masque.

— J'ai fini. Tu peux t'admirer !

Mon reflet me paraît être plus jolie que mon moi naturel. Bianca fait des merveilles. Je souris timidement. Ma peau blafarde n'a jamais été l'un de mes plus gros atouts. À dire vrai, j'envie toutes ces filles aux peaux bronzées et aux cheveux éclaircis par le soleil.

Mais bon. Il faut aussi savoir s'accepter comme on est dans la vie, défauts et qualités compris.

• • •

— Wow. Hum... Je... Oui... Tu es sublime, Bee.

Rewind se racle la gorge un million de fois en observant son épouse. Il lui fait un baise-main et moi, j'en profite pour rejoindre la salle de réception, leur laissant l'intimité qu'ils ont besoin.

Je suis seule pour le moment. Et la décoration est magistrale. Un énorme lustre doré trône au-dessus de ma tête. La table a été magnifiquement dressée pour toute la famille comprise. À nous compter, nous serons dix. C'est juste énorme. Il est évident que je ne compte pas prendre la parole de tout le repas.

— Hum hum. Je crois que l'on ne m'a pas présenté une aussi jolie créature que vous.

Je me retourne et plisse les yeux. Bendy, le prince héritier, me fixe de ses gros yeux. Je hausse les sourcils, mal à l'aise devant ce regard appuyé.

Je prends sur moi et lui réponds simplement :

— Je suis Arynn. Nous nous sommes vus cette après-midi, il me semble.

— Correct. Ma mémoire me joue des tours, il semblerait.

Il sourit, et il sourit trop. Il s'approche, saisit ma main et me fait un baise-main qui dure un peu trop longtemps à mon goût. Je recule d'un pas avant de reporter mon attention ailleurs.

Le lustre. Splendide. Magnifique. Superbement magni...

— Que faites-vous ici ? Je veux dire, dans ce palais. Êtes-vous une amie de mon cher cousin ?

— Je suis simplement de visite. La sœur d'Ander, pour être plus précise.

J'appuie sur cette dernière phrase, dans l'espoir qu'il me lâche la grappe. Mais c'est peine perdu.

— J'espère vous voir au Jeu des Roses, en tout cas. Cette année, le tournoi risque d'être explosif.

Il me lance un regard plein de « Je sais des choses que toi tu ne sais pas. » Je ne relève pas parce que Mamie vient à ma rescousse. Ses talons résonnent dans la salle et je manque de rire en la voyant porter des lunettes de soleil.

— Espèce de petit ver inutile ! Laisse ma pauvre Arynn tranquille, veux-tu !

Elle lève sa canne pour le menacer et Bendy maugrée en rejoignant la table. C'est pile à ce moment-là que Rewind et Bianca débarquent, suivis de Julio et des deux petits cousins, Dean et Achid.

Il y a également une petite fille qui les suit, d'une dizaine d'années. Ses boucles brunes s'éparpillent sur ses épaules et ses yeux rieurs se posent automatiquement sur Julio.

— Mamie, tu peux enlever tes lunettes de soleil, tu sais, nous ne...

— Je suis en deuil, fils. Mes coquelicots ont été victimes de barbarie.

Je plisse les lèvres en allant directement rejoindre mon siège. Une petite étiquette a été placée devant mon verre. Je suis au fond de table, dans un coin, avec Bendy en bout. Super. Meilleure idée de toute l'année.

Je veux détourner le regard mais il y a le mur de l'autre côté. Je vérifie l'étiquette en face de moi. Eros.

Qui a eu cette idée de plan de table ? Heureusement, Julio est à ma gauche. Il saura me divertir. Mais il est déjà en train de rire avec Achid et Dean. Oh, non.

— En place ! s'exclame Mamie. On ne va pas attendre toute la nuit pour dévorer ce repas.

La mère de Bendy, d'Eros et de la petite Lolya arrivent à ce moment-là. Kereya est majestueuse dans sa robe de soirée. Mamie ne tourne même pas la tête pour la saluer. Je me rends compte que son époux n'est pas là. Est-il resté à Calington ?

— Où est passé Eros ? s'étonne Bianca.

— Je l'ignore et peu m'importe, réplique Kereya. Qu'il s'étouffe avec ses cigares s'il le peut, ce fils n'est jamais ponctuel.

Elle laisse un blanc derrière elle et ne semble même pas s'en apercevoir. Je grimace sans le vouloir. Elle s'assoit à la droite du siège d'Eros et Mamie claque des mains.

— Qu'on amène l'entrée !

À ses mots, des domestiques arrivent, des plats remplis de... Oh, mon Dieu. J'éclate de rire alors que les mâchoires de Kereya l'en tombent.

— Mes laitues ! geint-elle.

Mamie ricane comme une sorcière et s'empresse de dévorer la salade.

Sous le vacarme et les plaintes de sa belle-fille, Eros se pointe et traverse la salle pour s'assoir à la dernière place libre.

Je me retiens de baver ouvertement sur le costume qu'il porte. Il est bien plus élégant que Bendy qui arbore fièrement ses médailles de je-ne-sais-où.

Eros porte une chemise blanche assortie à un veston noir. Ses cheveux sont fraîchement coiffés et quand je le vois ce soir, mon cœur s'emballe furieusement.

— Tu es en retard, annonce Bendy.

Les autres discutent entre eux et ne font pas attention à lui. Eros se tourne vers lui, hausse un sourcil.

— Vraiment ? Merci, Ben, sans toi on ne l'aurait pas remarqué.

— Je n'apprécie pas ton sarcasme, s'agace Bendy.

— Alors fais-moi guillotiner quand tu seras roi.

Eros lève enfin les yeux vers moi. Et moi, je baisse les miens vers ses mains caleuses qui saisissent les couverts, pour piquer dans la laitue, l'apporter à ses lèvres sensuelles et...

Stop.

Je rougis comme une idiote. Et il le remarque.

Je jurerais voir un sourire se dessiner sur son visage. Je me racle la gorge pour reprendre un peu de contenance.

Je tourne la tête pour éviter de parler à Bendy et réalise que Mamie et Kereya sont en pleine dispute.

— Tu n'avais pas le droit de décimer mes coquelicots pour tes stupides salades, et tu le savais très bien. On récolte ce que l'on sème !

— Votre maison était à l'abandon, s'agace Kereya. Je n'ai fait que lui redonner un peu de vie. Non, mais vous vous rendez compte quand même de l'état de vos jardins ? Des pneus étaient étalés au sol, des cordes accrochées à des arbres, des cerceaux et que sais-je encore !

Rewind toussote et s'écrie :

— Ah non, ça c'était le Jeu des Animaux !

— Le quoi ?

Kereya le dévisage comme s'il parlait une autre langue. Rewind est à deux doigts de lui planter sa fourchette en pleine main, je le vois.

— Où avez-vous rangé les installations ?

— Rangé ? J'ai fait jeter tes babioles, Rewind, tu es roi je te signale. Tu n'as plus le temps de t'inventer des stupides jeux !

Les joues de Kereya rougissent. Un silence troublant résonne dans la salle. Je vois Bianca poser sa main sur celle de Rewind. Même les enfants se font plus discrets.

— Je te demande pardon ?

J'ai à peine eu le temps de prendre une bouchée que le débat recommence.

Aïe.








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helloo

c'est un chapitre coupé en deux parties donc je posterai la suite d'ici ce soir (fin d'aprem)

bizz bizz

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