Chapitre 57

ARYNN
_____

DEUX SEMAINES PLUS TARD :

Je fixe le plafond de ma chambre comme si je ne l'avais jamais vu avant. Il m'avait manqué. Ma chambre m'avait manqué. Mon lit est bien plus moelleux qu'à Ecclosia.

Je roule sur le flanc gauche, et mes yeux se perdent sur le dehors. Il fait jour. Il doit être plus de seize heures peut-être.

Mes journées sont rythmées par la douleur lancinante dans mon cœur qui n'en démord pas. Faute d'être tombée sur le bon, son absence se fait ressentir au fur et à mesure que les jours passent.

Je me lève, je mange, je dors (beaucoup), je bouquine et le cycle repart.

Deux semaines se sont écoulées. Deux semaines que je n'ai pas revu Eros. Deux semaines depuis que j'ai failli mourir.

Je suis retournée à Lucrenda au bout de trois jours à peine. Chaque pas était une pure douleur physique mais aujourd'hui, je vais mieux. Ander est rentré avec moi et c'est la première fois qu'il s'est séparé d'Eileen pour une aussi longue période.

Il m'attend. Il attend que je sois prête. Il m'a prévenue, il m'a dit que je n'étais pas obligée de venir, que j'avais besoin de repos, et que je devais laisser Eros derrière moi.

Son mariage a été retardé. Il aura lieu demain après-midi. Je suis rentrée à Lucrenda pour l'oublier et j'ai compté les jours comme une obsédée. Plus le temps s'écoulait, et plus mon angoisse se décuplait.

Si je n'ai pas été témoin des événements des semaines précédentes, Ander m'a tout expliqué. La mort de Therys. Ils ont fait passé cela pour un échange mortel avec un garde. Nous n'avons pas reçu de nouvelles de Socrenia alors je suppose que son père y a cru dur comme fer.

J'ai été blessée, mais Ander m'a assurée que l'entaille n'était pas profonde. Mes os, m'ont apparemment, protégée de l'attaque. Rewind a failli mourir lui aussi, si Morgan ne l'avait pas sauvé.

Je ne les ai pas revus. Je n'ai pas revu Eros non plus. À dire vrai, je suis rentrée à Lucrenda avec un cœur en miettes et une plaie béante dans le dos.

Eros avait le choix. Il avait le choix, il avait la possibilité d'en parler aux autres et il ne l'a pas fait. Il a préféré se terrer dans ses retranchements, et aujourd'hui, le voilà presque marié.

Je reste persuadée que, quand on aime réellement quelqu'un, on ferait tout pour être avec cette personne. Eros n'a jamais sorti les armes pour moi. Il n'a jamais déposé son cœur dans mes mains, il ne m'a jamais renvoyé l'ombre de ce que moi, je lui donnais.

Assister à son mariage est bien la pire chose que je puisse m'infliger à moi-même, mais je dois le faire pour avancer. Je veux me rendre compte à quel point lui et moi n'avons jamais été liés. Je veux le voir de mes propres yeux échanger ses vœux avec Willa. Alors, peut-être arriverais-je à avancer.

Je me suis promise d'être forte. Je me suis promise de garder la tête droite. Demain, je partirai avec Ander et j'assumerai enfin la fin de cette histoire.

Parce que même les plus belles choses ont un fin. Parce que même les plus beaux moment sont rythmés par des plus sombres, parce que ce que j'avais avec Eros n'était rien de plus qu'un mensonge.

On toque à ma porte et je ne prends pas la peine de me redresser. Aujourd'hui est bien la dernière fois que j'ai l'occasion de pleurer et de me morfondre dans mon lit.

La porte se referme et par-dessus mon épaule, je vois les longs cheveux bruns de ma mère. Pâle, elle s'avance vers moi avec un petit sourire aux lèvres.

— Comment tu te sens, ma chérie ?

Pendant deux semaines, elle m'a laissée tranquille. Elle m'a donné le temps dont j'avais besoin et n'a pas cherché à s'immiscer dans mes pensées.

— Bien.

Elle s'assoit sur le siège en face de mon lit, et son sourire se fait plus triste.

— Ce ne sont pas ce que tes yeux me disent.

Elle a l'air peiné. En la voyant aujourd'hui, j'ai envie de pleurer. J'ai envie de fondre en larmes.

Je me rappelle lui avoir avoué mes sentiments envers Eros, je me rappelle avoir senti un soulagement intense dans ma poitrine, de me dire que voilà, j'étais sûre et certain de mon choix, de me dire que je pouvais lui en parler en toute insouciance. Et puis tout a volé en éclats. Eros a embrassé Willa et j'ai cru, pendant un instant, que la Terre avait arrêté de tourner.

— Tu veux m'en parler ? Tu n'es pas obligée, ma puce, mais sache que je suis là. Je serai toujours là.

— C'est faux, tu ne seras pas toujours là.

Je chasse les larmes qui roulent sur mes joues. J'ai l'impression que je pleure toute la journée depuis que je suis rentrée.

— Très bien, alors je serai là jusqu'à ce qu'on me rappelle aux cieux. C'est mieux pour toi ?

Son sourire s'étire et le mien se fane. Je la dévisage pendant quelques secondes. Dans les pires moments et les meilleurs, elle est celle qui ne m'a jamais quittée.

Ma voix se brise quand je lâche, avouant comme un secret tu :

— Je l'aime, Maman. Je l'aime et j'ai mal au cœur.

J'éclate en sanglots. Je ramène ma couverture contre mon nez, l'esprit en miettes. Ma mère se lève, les yeux brillants, de tristesse peut-être, et elle s'assoit au bord de mon lit, sa main dégageant les cheveux de mon visage.

— C'est normal d'avoir mal au cœur.

— Mais je ne veux pas avoir mal au cœur, je sanglote. Je veux... je veux retourner à l'avant... Je me sentais... je me sentais tellement vivante avec lui... et je ne comprends pas, je ne comprends pas pourquoi il a fait ça.

— Tu sais, les hommes font parfois des choses inexplicables. Toi et lui, vous ne réfléchissez pas de la même manière, tu aurais fait les choses d'une certaine manière, il les a faites ainsi.

— Il n'a pas fait des choses, il a embrassé une autre fille.

— Et c'est inacceptable, je te l'accorde. En as-tu au moins parlé avec lui ? Peut-être que cela t'aiderait à tourner la page. À aller de l'avant.

— Je vais déjà le voir demain, c'est suffisant, je marmonne.

Elle continue de me caresser les cheveux, et je lutte pour ne pas repartir en crise de larmes.

— Tout ira mieux, je te le promets. Il y a des hauts et des bas, certains moments sont plus compliqués que d'autres à vivre. Tu sais ce que je fais dans ces cas-là ? Quand les moments compliqués prennent le dessus ?

Je secoue la tête. Derrière ses yeux cernés et sa peau pâle, je vois toujours dans son regard une douceur infinie et une volonté de vivre qui me coupe le souffle.

— Je respire un bon coup. C'est idiot à dire, mais ça marche. Je respire, et je me pose une seule et unique question. Suis-je en mesure de faire quoique ce soit pour empêcher ce moment d'arriver ? Tu sais, ce n'est pas parce que tu as l'impression que ta vie s'effondre qu'elle s'effondre réellement. Ta peine de cœur ne sera pas définitive. Elle ne sera pas une fatalité, et ne définit en aucun cas ta capacité à aimer et être aimée. Ce garçon t'a trompée et manipulée ? C'est sa perte, Arynn, pas la tienne. Tu ne dois pas te laisser faire. Ne renie pas les émotions que tu ressens, mais ne laisse pas cette tristesse te submerger. Tu es plus forte que tu ne le crois.

Elle me caresse le visage, et son sourire s'étire.

— Je crois que... Je ne crois pas qu'il ait réellement voulu embrasser Willa. Kereya le menaçait, Maman et... Il a pris les pires décisions possibles.

Un éclat plein de malice naît dans son regard et elle réplique :

— C'est ce que font souvent les hommes ! Quoiqu'il en soit, il n'est pas là aujourd'hui. Je suis peut-être trop radicale, mais cet homme ne mérite pas ma fille. Pas quand il ne lui a pas adressé le moindre signe depuis deux semaines.

Elle a sûrement raison. Si Eros m'aimait vraiment, il aurait fait quelque chose. Il aurait pris de mes nouvelles, par n'importe quel biais.

Il ne l'a jamais fait.

Peut-être dois-je simplement accepter le fait que notre histoire doive se terminer ainsi.









______

le rythme part en n'importe quoi mais j'ai bcp de chapitres d'avance dooonc

je poste la suite

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top